Livre blanc des Safer - Comment optimiser la contribution des Safer

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PREMIERE PARTIE
HISTORIQUE DE LEVOLUTION LEGISLATIVE
DES MISSIONS DES SAFER
(ELEMENTS DE SYNTHESE)
Crééel’origine le 5août 1960, le législateur leuraconfié unemission de restructurer les
exploitationsagricoles sur un territoire agricole.
Elles ont vu leurs missionvolueraucours des 50 années de leur existence en fonctiondel’évolution
des territoires ruraux.
On peut ainsirésumer leurrôle selon3grandes étapes :
1960!1990 :
Les Saferinterviennent principalement au profit desexploitants agricoles afind’en
restructurerles exploitationssur un territoire agricole.
1990!2000 :
Les Safersevoient confier par le législateur deux autres missions complémentaires :
"l’appui auxcollectivitéspourledéveloppementlocal ;
"la protection de l’environnement.
C’est l’époque d’un territoire rural qui s’urbanise parles relationsdomicile!travail, par
l’attractivité résidentielle et touristique et un développemenconomiquecommunal (zones
d’activité,zones artisanales). Les Safersont ainsi devenues desopérateursfonciers de l’espace
rural et de la forêt (art.L.141!1etL.111!2ducode rural et de la pêche maritime).
2000!2013 :
Les Saferdoiventassurer l’équilibre desterritoires ruraux en apportant leurcontributionaux
politiques publiques, en arbitrant lesdifférentsusagessur un me territoirerural.
Ellesdéveloppent ainsiunpartenariat avec les acteurs publics et mettent en évidence leurrôle
de médiation et de recherche de solutions sur un territoire de plus en plus convoité.
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PREMIERE PARTIE
HISTORIQUE DE LEVOLUTION LEGISLATIVE
DESMISSIONS DES SAFER
(ELEMENTS DETAILLES)
L’histoiredes sociétés d'aménagement foncieretd'établissementrural (Safer)seconfond largement
avec l’évolution du territoire rural et de l’Agricultureaufil descinquanteannées de leur existence.
Le cadre législatifdes Safern’a donc cessé d’évoluer.
La mise en place de ces sociétés, ainsi quelesoulignait la doctrine la plusautoriséerésulte d’un
constatdecarence du librejeu desloisdumarché pour assurerlamaîtrise du marché foncier.La
formation d’exploitations agricolesdtype familial », objectif premier de toutes les techniques
d’aménagement foncier, impliquait la création de structuresspécifiques susceptibles de rationaliserle
marché foncier en évitantundésordrepréjudiciable aux agriculteurs »(Ch. Dupeyron, J.P. Théron et J.!
J. Barbiéri, Droitagraire,2evolume,Droitfoncier,Ed. Economica 1988, n°151,p.104) et « répon
une nouvelle politique d’intervention de l’Etat, qui cherche àagirsur les structuresagraires »
(J. Hudault, Droit rural :précisDalloz 1987,n°279,p.539).
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Les Saferont été instituées parlaloi n° 60!808du5août 1960 d’orientation agricole (art. 15) avec
pour mission « d’acquérirdes terres ou desexploitationsagricoles librementmisesenventepar leurs
proprtaires,ainsi quedes terresincultes, destinées àêtre rétrocédéesaprès aménagement
éventuel »danslebut,notamment, « d’améliorer les structures agraires,d’accroître la superficiede
certainesexploitations agricoles et de faciliter la mise en culture du sol et l’installation d’agriculteurs à
la terre ».
Bien qu’étantdes organismes privés(elles onttoutes, mêmesilaloi n’impose aucuneforme, adopté
le vêtement juridique de la sociétéanonyme),les Saferont étéinvestiesdès leur constitution d'une
véritable mission d'intérêt général quis’apparente àlagestion d’un service public1puisqu’elles
constituent l'undes principaux instruments attachés àlaréalisation desobjectifs de la politique des
structures d'exploitation, en favorisant l'amélioration de la situation foncière des exploitations
agricoles et l'installation de nouveaux exploitants.
Acette époque, l’enjeufoncier étaitd’adapter l’agriculture auxtechniques modernes pour produire
mieuxetplus. Rappelons, en effet, quedans les années50, la Francesouffraitd’un déficit
agroalimentaire. 7millions de personnes travaillaientenagriculture et 45 %delapopulation vivaient
dans descommunes rurales. Lesexploitations(2,3 millionsrecenes en 1955) étaient pour la plupart
de tailleréduite et morcelées (6 exploitationssur 10 n’atteignaient pas20hectares en 1963). Les
petits agriculteurs, ainsi queles jeunes qui voulaients’agrandir, n’enavaient pas toujoursles moyens.
Les plus âgés,sans sécuritématérielle, restaientsur leurs terres.
Pourréaliser lesacquisitionsqui rentraient dans le cadre de leur mission et ainsiparticiper àlamise
en œuvre de la politique agricole tendant, notamment, àpromouvoir et favoriser une structure
d'exploitation de type familial, susceptible d'utiliser au mieux lesméthodes techniques modernes de
production, lesSafer ne disposaient pasdepouvoirs particuliers. Avrai dire, àl’origine, le législateur
ne leur conférait quedes obligations :donner auxterres acquisesune structure conforme àune
utilisation rationnelle (en d’autres termes, les rendre plus productives et plus rentables), et puis, les
rétrocéder dansundélai maximum de cinq ans. C’est dans cetesprit qu’ellesdevaientacheter,c’est
aussi dans cet espritqu’elles devaientrevendre.
Deux ans plus tard, la loi 62!933 du 8at1962 complémentairla loi d’orientation agricole
instituait, dans sonarticle 7, un droitdepréemption –d’ordre public2–auprofit desSafer dont les
conditions d'exercicesont strictement encadrées.
Ce droit ou cette prérogative de droit public au service desintérêts généraux de l’agriculture pouvait
s’exercer « en casd’alnation àtitreoreux de fonds agricoles ou de terrainsàvocationagricole »
dans le but « de favoriser la réalisation de l’équilibredes exploitationsagricoles existantes, de
contribuer àlaconstitution de nouvelles exploitationsagricolequilibréesetd’éviterlaspéculation
foncière et de sauvegarder le caractère familialdel’exploitationagricole ».
1LesSafer ont,eneffetté reconnues parleConseil d'État comme un organisme char,sous le contrôlede
l'administration, de la «gestion d'unservice public »administratif en vue de l'amélioration des structures
agricoles (V.parmi d’autres: 20 novembre 1995, Borel,n°147026, aux Tablesp.795)etpar la Cour de cassation
comme un organismeàqui l'Etat aconfié unmissiond'intérêt public »(V. notamment :21novembre 1985,n°84!
93133, Bull.1985, 370). Cette vocation particulièreapour effet que les SAFER ne peuvent, ainsi que la loileprévoit
expressément, avoir de buts lucratifs.
2La Cour de cassation amarqué son attachement au caractèred'ordre public du droit de préemption desSafer au
point de rendreinefficace l'adoption volontaire du statut du fermageenvue d'y faire échec:Cass. 3ème civ.,14nov.
2007,06!19.633 :RDrur. 2008,comm. 1, note S. Crevel.
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Notonsque ce droit de préemptionn’était–et n’est toujours pas–automatique ;ilest accordé àla
demande de la Saferpar décret, pour unedurée limitée (en pratique5ans) et pourune zone
déterminée3.Précisons également qu’ils’agitd’un droit de préemption relatif ou «desecondran
qui s’efface devantledroitdepemption despersonnes auxquelles le législateur continue de
réserver la priorité :ilest primé,notamment, par celui descollectivitéspubliques,des cohéritiers
bénéficiaires d’une attributionpréférentielle et parcelui de l’exploitant preneur en place.
En tantqu'instruments de la politique agricole et dépositairesd’une mission d’intérêt général,les
Safersont depuis leurconstitution marquéespar l’empreintedelapuissancepublique.Elles sont
donc étroitement contrôlées parles pouvoirs publics.
Le contrôleadministratif de l’Etat se manifeste àtous les niveaux:
au niveaudeleurcréation, par la nécessité de l’agrément4concertédes ministres de
l’agricultureetdes finances et par l’approbation de leurs dirigeants5;
au niveau de leurfonctionnement, par l’approbation de leur programme pluriannuel d'activité
(PPAS)6par lesministreschargés de l'agricultureetdes finances, par la nécessité d’un décret
qui leur accordera,dans deslimites précises,ledroit de préempter, par la présence, enfin, des
deux commissaires du Gouvernement7,l’un représentant le ministre desfinances, l’autre celui
de l’agriculture, qui exercentsur tousles organesdes Saferunvéritable pouvoir de tutelle.
Les Saferont, dès les premières années, satisfait àl’objectif légalement poursuivi en agrandissant et
restructurant les exploitations et en favorisant l’installationdejeunes agriculteurs (ainsi, àtitre
d’illustration,en1963, sur prèsde4000 dossiers étudiés, 1700 ontfait l’objet d’acquisitions pour
une superficie totale de 21 000 hectares :plus de 300 nouvellesexploitationsont étéconstituéeset
plus de 700 exploitationsont été agrandies).
3Parce que le droit de préemption touche au droit de proprté et quelelégislateur adécidé d’en attribuer l’exercice
quepour une durée limitée,lajurisprudencesemontre très rigoureuse quant au respectdes formalitésprescrites par
le législateur,ycompris en casdereconduction du droit de préemption(V. en ce sens :CE, 11 juin 2003, Pothier,n°
251077,aux Tables,p.648). Le Conseil d’Etat considère qu’ilest nécessaire que l’appréciatiolaquelle doit se livrer
le Gouvernement avant de prendre le décret attributif du droit de préemption soit éclairéepar des avis préalables
motivés (V. parmi d’autres: CE, 10 janvier2007, Goblet,n°292214) et par unepropositionpcise du préfet
s’agissant deszones où l’exercice du droit de préemption apparaît justifié (V. notamment :CE, 2juin 2010, Rives,n°
332699).
4Seulespeuventre agrééesles sociétés dont les statuts prévoient un certainnombre d’opérationsauxquelleselles
sont tenues de procéder (notamment, le caractèrenominatif desactions ;lecaractère nonlucratifdes buts
poursuivis, la composition de la société, ou encore, la mise en place d'uncomité techniqueconsultatif). Toute société
qui ne se conforme pases obligations peut se voir retirer l'agrémentpar arrêté interministériel concerté.
5Le choixdupsident éluetlanominationdudirecteurdoivent être approuspar le ministre de l'agriculture.Cette
approbation peut, en casdefaute ou de carence, être retirée pardécision motivée de ce ministre.
6Les modalités d'élaborationduPPAS pour la période2007!2013afait l'objetd’une circulaire ministérielle
(DGFAR/SDEA/C2006!5052 du 22 décembre2006). La circulaireDGPAAT/SDEA/C2013!3028 du 6mars 2013(paruau
B.O n° 10 le 07 mars 2013)afixé,endeux étapes, le cadre de préparation du prochainPPAS(en 2013 valuation du
PPAS surlapériode2007!2012;en 2014 laborationduPPAS 2015!2021 sur la base des orientations du ministre de
l’agriculture). Une note de service DGPAAT/SDEA/C2013!3017 du 30 avril 2013 apréciséles modalitésderéalisation
de cette évaluation (méthodologie,p
rincipales questions évaluatives, mise en placeetcomposition d'un comi
d'évaluation).
7Leur rôle s'oriente autourdedeux axes: information et contrôleemportant notamment, dans certains cas,
approbation préalable. Les commissairesduGouvernement représentent le Gouvernement auprèsdelaSafer et
tiennent inforcelui!ci de son fonctionnement. Pour ce faire,ils assistent auxassemblées générales et aux réunions
du conseild
'administration.Les actesessentiels accomplispar les Safer pourlaréalisation de leur missionfont l’objet
d’uncontrôle des commissaires du Gouvernement. Lesacquisitions immobilièresd’unmontant supérieur àunseuil
fixé par arrêtéinterministérielsont obligatoirement soumises àleur approbation préalable.Mais lescommissaires
peuvent aussi, àtout moment, déciderque des acquisitions inférieurespeuventre soumises àleurapprobation.
L’exercice du droit de préemption est également subordonné àl’accord des commissaires du Gouvernement.
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La loi n° 77!1459 du 29 décembre1977 s'est ensuite efforcée d'accroître l'efficacitédel'action des
Safer, notamment en élargissant, dans le cadre desobjectifs définis parlaloi d’orientationagricoledu
5août 1960,l’objet du droit de préemption. Elle aredéfini les objectifs assignés aux Safer pour
l’exercicedecette prérogative de puissancepublique. Ils sont désormais au nombredecinq :
l’installation, la réinstallation ou le maintien des agriculteurs; l’agrandissement des exploitations
existantes pourleur permettre d’atteindrel’équilibrconomique ;lapservation de l’équilibre des
exploitationslorsqu’il est compromis parl’emprise de travaux d’intérêt économique;la sauvegarde
du caractèrefamilial de l’exploitation et, enfin,lalutte contre la spéculationfoncière. Le législateura
également soumisl’intervention desSafer àdes mesures de publicité concernant leurs décisions tant
de préemptionque de rétrocession.
Cette réforme de 1977 aapportéuncertain nombre d’améliorations techniques ;mais surtout, elle a
misàlacharge des Saferune obligationnouvelle:celledemotiver leursdécisionsdepréemption et
de rétrocession:«Apeinedenullité, la sociéd'aménagementfoncier et d'établissement rural doit
justifier sa décisiondepemption par référence explicite et motivée àl'un ou àplusieurs desobjectifs
ci!dessus finis, et la portela connaissancedes intéressés. Elle doit également motiver et publier la
décision de rétrocession (…) ». L’exigence de motivationconduitlaSafer àexpliciter sa décision àdeux
égards: elledoit indiquer àquelobjectif galcorrespond sonacquisitionetsadécision doit
comporter uneouplusieurs donnéesconcrètes permettant de vérifier la réalité de l’objectif poursuivi
(V. Cass. 3ème civ., 4mai 2010, 09!10818 ;9décembre2008, 07!22013).
Le contrôledelalégalité des décisions de préemption prises par les Saferappartiententièrementaux
juridictions de l’ordre judiciaire, en dépit des approbations préalables dont elles font l’objet de la part
des commissaires du Gouvernement. Ainsi,encas de contestation,lejuge judiciairecontrôle la
régulariet la légalité desopérations de préemption et de rétrocessionainsi quel’existenced’un
éventuel détournement de son pouvoir par la Safermais pasl’opportunitédeces décisions(V. Cass.
3ème civ.,22janvier 2003, 01!15298, Bull. 2003 III 16 p. 15).
La loi n° 80!502du4juillet 1980 d’orientation agricole aapportéuncertainnombredechangements
ou de précisionsaurégime de l’action des Safer. C’est ainsi quelaloi largi le domaine de leur droit
de préemptionendécidantqu’il peuêtre exercé en casd’aliénation àtitreoreux de bâtiments
d’habitation faisant partied'une exploitationagricole ou de bâtiments d'exploitation ayant conservé
leurutilisation agricole ». Corrélativement, la loiapréciséque l’action desSafer comporte une
sixième finaliLa conservation d'exploitationsviables existanteslorsqu'elle est compromise parla
cession séparéedes terresetdebâtimentsd'habitation ou d'exploitation ».
Egalement, cette loi aofferla Saferlafaculté de céder desbiensàdes organismespublics ou des
associations foncières àdes fins de constitutionderéserves foncières ou d'aménagementdel'espace
rural. Elle est une reconnaissance de la contribution desSafer àl’aménagementrural.
Cetteloi a, en outre, apporté deux précisions en ce qui concernel’offre amiablepalableque le
proprtaire, qui souhaite aliéner par voied’adjudication volontaire,est, parfois, obligéd’adresser àla
Safer. D’une part, la loi indiqueque cette exigencenes’impose au propriétaireque lorsque la
procédure d’adjudicationn’a «pas été rendueobligatoire par unedisposition législativeou
réglementaire ». D’autre part,laloi précise que le silence conservé deux mois parlaSafer sur l’offre
amiable quelui adresselepropriétaire «vaut refude cetteoffre.
Enfin, cetteloi amis en place unenouvelle procéduredecontestation du prix par la Safer. Elle se
caractérise par le fait quel’initiative du débatjudiciairetendantàlafixation du prixn’incombe plu
la Safermais au proprtaire lui!me.L
aloi nouvelle admetlaSafer àoffrir ses propresconditions,
et c’est au propriétairequ’ilrevient,alors, le cachéant, de contester celles!ci. Selon la doctrine,ce
renversementdes positions procéduralescorresponàune meilleure priseencompte de l’intérêt
néraleune plus grandesubordination àcelui!cides intérêts privés »(J.!L. AubertinDefrénois
1981, 101,p.6).
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