Evolution des techniques de monitorage (Agnes RICARD HIBON)

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30 ANS DE SAMU DE FRANCE :
évolution des techniques de monitorage
Agnès RICARD-HIBON*
a prise en charge des patients en état grave par les équipes du Samu a débuté dans les années 1965-1970 et
concernait essentiellement les patients traumatisés graves. Le monitorage hémodynamique et respiratoire
ne reposait à cette époque que sur des paramètres cliniques. Le monitorage hémodynamique du patient
comportait alors l’inspection du patient, la palpation du pouls et la prise manuelle intermittente de la pression
artérielle à l’aide d’un brassard à tension. L’évaluation de la fréquence du pouls, l’appréciation du pouls filant ou
bien frappé et la mesure intermittente de la pression artérielle, difficile à percevoir en cas d’hypotension ou
d’environnement bruyant, donnaient une estimation utile bien qu’imparfaite de l’hémodynamique du patient.
Le monitorage respiratoire reposait également sur des paramètres de l’examen clinique comme l’inspection du
patient, la mesure de la fréquence respiratoire ou la recherche de sueurs et de cyanose. Ce type de monitorage
était de facto limité, intermittent et consommateur de temps. En trente ans, les différentes techniques de
monitorage ont très nettement progressé, notamment au cours des 10 dernières années, avec l’apparition de
moniteurs multiparamétriques permettant des techniques de monitorage embarquées identiques à celles utilisées en intrahospitalier.
Les premières techniques de monitorage qui se sont développées pour le transport SMUR ont été les appareils
de monitorage du rythme cardiaque par la méthode des tubes cathodiques. Ce monitorage permettait alors
d’avoir une surveillance continue de la fréquence cardiaque mais de manière très imparfaite. En effet, l’écran
était petit et rond avec un tracé électrocardioscopique qui s’échappait régulièrement rendant l’interprétation du
tracé souvent difficile.
Ensuite sont venus les appareils de mesure de la pression artérielle automatique, remplaçant la classique technique de prise manuelle de la pression artérielle. Cette avancée technologique a eu un bénéfice majeur car elle
permettait de mesurer la pression artérielle de manière répétée, bien que discontinue, accessible dans un environnement bruyant et sans mobiliser une personne de l’équipe pour effectuer la mesure. Ce type d’appareil a
permis d’obtenir des mesures plus fiables que la technique manuelle et a donné un accès facile à la mesure de
la pression artérielle moyenne. Cependant, cette technique présentait des limites : caractère discontinu de la
mesure, difficultés de mesure en cas de pression artérielle basse ou difficultés liées aux vibrations lors du
transport du patient. La technique de la pression artérielle invasive, méthode de référence en réanimation intrahospitalière, tend à se développer en médecine préhospitalière. Elle permet une mesure continue de la pression
artérielle et a une meilleure fiabilité en cas d’hémodynamique instable ou de mobilisation du patient et est parfaitement réalisable en préhospitalier, sous réserve d’une formation adéquate des intervenants.
Les progrès ont également été importants dans le domaine du monitorage respiratoire. La mesure de la
saturation capillaire en oxygène a remplacé la recherche de la cyanose et permis le diagnostic plus précoce de
l’hypoxie. Les premiers saturomètres étaient semi-quantitatifs sans courbe de phlétysmographie, avec des
artéfacts de mesure rendant l’interprétation des chiffres difficile. L’évolution de la technique, avec la visualisation de la courbe de phlétysmographie, couplée à l’ECG a rendu cette technique fiable et particulièrement utile
en préhospitalier.
Jusqu’à peu de temps, le monitorage du patient ventilé se limitait essentiellement à l’inspection du patient et aux
alarmes du respirateur. Le monitorage de la capnographie (ETCO2) s’est développé, tout d’abord au bloc opératoire, où il est devenu obligatoire en 1995, puis en réanimation préhospitalière. Les appareils de mesure de
l’ETCO2 semblaient au début difficile à utiliser dans les ambulances du fait de l’ergonomie du matériel et de la
complexité de la technologie. Le monitorage de la capnographie est devenu à l’heure actuelle indispensable en
SMUR car il permet une détection précoce de l’intubation œsophagienne, une surveillance plus rapprochée du
patient ventilé et a un intérêt pronostic au cours de la réanimation de l’arrêt cardiaque. Mais, comme tout matériel de monitorage, il a également des limites qui doivent être connues. Par ailleurs, la surveillance du patient
ventilé s’est également améliorée par l’apparition du monitorage de la spirométrie expirée sur les respirateurs
de transport, permettant le monitorage des paramètres ventilatoires réellement reçus par le patient.
L
* SAMU 92, SMUR de Beaujon, Centre Hospitalier, 100 bd du Général Leclerc - F-92110 Clichy-la-Garenne.
La Revue des SAMU - 2005 - 341 à 342
Le monitorage de la température est utilisé depuis de nombreuses années, initialement par des thermomètres à
mercure, qui se cassaient régulièrement, et que l’on désinfectait à l’alcool avant de les ré-utiliser sur un autre
patient !…. Puis, ces thermomètres à mercure ont été interdits pour des raisons sanitaires légitimes, remplacés
par les thermomètres digitaux, avec leur housse de protection jetable. Ces thermomètres digitaux ont l’avantage
d’être pratiques et adaptés à la mesure de la température périphérique. Cependant, la mesure de la température
périphérique n’est pas toujours le bon reflet de la température centrale. Là aussi, la technologie a évolué avec
l’utilisation maintenant largement diffusée des thermomètres tympaniques, qui donnent des mesures plus
proches de celles de la température centrale. Enfin, chez les patients intubés, la mesure de la température centrale la plus fiable est obtenue par les sondes thermiques œsophagiennes.
Le monitorage neurologique en préhospitalier a, pour l’instant peu évolué, par rapport aux autres types de
monitorage. Il reste en effet, encore très clinique. Cependant, certaines techniques commencent à être envisagées en réanimation préhospitalière dans le cadre de la recherche clinique comme le doppler transcrânien chez
les patients traumatisés crâniens graves ou le monitorage de l’indice bispectral (BIS). Mais ces techniques restent à valider dans ce contexte.
Enfin, la surveillance des femmes enceintes et du rythme cardiaque fœtal a été longtemps effectuée à l’aide de
stéthoscopes obstétricaux, sorte de cône métallique peu fonctionnels et peu adaptés à l’environnement bruyant
du transport. En effet, l’oreille collée au stéthoscope obstétrical, cette recherche du rythme cardiaque fœtal
(RCF) relevait souvent de la mission impossible, avec pour conclusion : "on n’entend rien, on ne peut rien en
conclure". Là aussi, les progrès techniques très récents autorisent une surveillance plus efficace du RCF, soit par
l’intermédiaire d’un petit appareil doppler permettant une surveillance discontinue du RCF, soit grâce à un cardiotocographe portable, assurant la surveillance simultanée du RCF et des contractions utérines et une impression
des tendances, permettant d’obtenir des informations maternelles et fœtales quasi identiques à celles obtenues
en intrahospitalier.
Fort heureusement, la plupart de ces techniques de monitorage ont pu être regroupées sous un même appareil,
dénommé "multiparamétrique", relativement ergonomique et possédant une autonomie électrique suffisante.
Il est vrai qu’au départ, la multiplication des différents appareils de monitorage, imposait de partir (et de
monter les étages !) avec 3 ou 4 appareils différents, voire avec une valise énergie pour s’assurer une autonomie
électrique suffisante.
Le progrès continue et les techniques de monitorage sont encore en cours de développement ou de recherche
en préhospitalier : le doppler œsophagien, l’échographie abdominale et pleurale, le doppler transcrânien, le BIS,
etc… sont des techniques qui font leur apparition dans les SMUR dans le cadre de la recherche clinique.
Dans 5 ans, 10 ans, 15 ans, 30 ans … Que seront devenues nos techniques de monitorage actuelles face aux progrès de la technologie et de la science ? Cette évolution s’inscrira, encore et toujours, dans une démarche scientifique rigoureuse, adaptée aux conditions de la pratique préhospitalière et avec comme seul souci commun,
l’intérêt du patient.
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La Revue des SAMU - 2005 - 342
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