Extrait de la publication

publicité
Extrait de la publication
l e c osmopol itism e
Page laissée blanche
Extrait de la publication
Sous la direction de
Ryoa Chung et Geneviève Nootens
Le cosmopolitisme
Enjeux et débats contemporains
Les Presses de l’Université de Montréal
Extrait de la publication
Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec
et Bibliothèque et Archives Canada
Vedette principale au titre :
Le cosmopolitisme : enjeux et débats contemporains
Comprend des réf. bibliogr.
isbn 978-2-7606-2165-7
e isbn
978-2-7606-2580-8
1. Cosmopolitisme.
2. Politique mondiale – 21e siècle.
3. Obligations internationales.
4. Problèmes sociaux.
I. Chung, Ryoa, 1967- . II. Nootens, Geneviève, 1967- .
jz1308.c67 2009
327.101
c2009-941928-9
Dépôt légal : 1er trimestre 2010
Bibliothèque et Archives nationales du Québec
© Les Presses de l’Université de Montréal, 2010
Les Presses de l’Université de Montréal reconnaissent l’aide financière du gouvernement
du Canada par l’entremise du Programme d’aide au développement de l’industrie de
l’édition (PADIÉ) pour leurs activités d’édition.
Les Presses de l’Université de Montréal remercient de leur soutien financier le Conseil
des Arts du Canada et la Société de développement des entreprises culturelles du Québec
(SODEC).
imprimé au canada en janvier 2010
Extrait de la publication
Le cosmopolitisme :
enjeux et débats contemporains
Ryoa Chung et Geneviève Nootens
Nous vivons dans un monde trouble. Pourtant, cet ouvrage est consacré
à l’idéal cosmopolitique. Notre lot contemporain de tragédies humaines
tributaire des conflits armés, des désastres naturels, de l’inégalité abyssale
entre les uns et les autres ainsi que des représentations idéologiques de
toute obédience (de l’intégrisme fanatique à l’impérialisme éhonté, en
passant par le capitalisme le plus sauvage) n’est sans doute pas unique au
xxie siècle débutant. Mais il n’en demeure pas moins que l’ordre international connaît des transformations significatives qui distinguent de
manière plus singulière tant les circonstances et les causes des souffrances
humaines que les sources d’espoir de notre époque.
Ce qu’il convient d’appeler familièrement le phénomène de la mondialisation désigne l’ensemble des processus d’interactions économiques,
technologiques et politiques qui, depuis quelques décennies, semblent
avoir créé une structure d’interdépendance plus importante entre les États.
Dans ce contexte, les enjeux éthiques de l’ordre mondial suscitent un
malaise moral particulier aux yeux de notre génération. Le fait même que
certains enjeux internationaux soulèvent un questionnement moral au
sein de l’opinion publique à l’échelle globale peut sembler, à bien des
égards, comme un trait inédit de notre temps. La dimension morale des
problèmes environnementaux, par exemple, ou encore la dimension de
certaines catastrophes épidémiologiques qui frappent les régions les plus
Extrait de la publication
8 Š l e cosmopolitisme
pauvres du monde, fait désormais partie intégrante de notre culture éthique telle que la rapportent médias et universitaires. La compassion envers
le malheur d’autrui n’est évidemment pas l’apanage de notre génération.
À titre d’illustration éloquente, pensons à la réaction passionnée de
Voltaire face au fameux tremblement de terre de Lisbonne qui avait également secoué les intellectuels européens du siècle des Lumières. Toutefois,
notre réflexion morale à l’égard des défis éthiques actuels a mué de la
sollicitude à la responsabilité. La communauté internationale serait-elle
partiellement responsable des conditions d’indigence dont souffre un vaste
nombre de nos semblables, de la détérioration de notre environnement et
des catastrophes humanitaires dont sont victimes des populations entières ? Notre responsabilité collective s’étend-elle par-delà les frontières
géographiques en vertu d’un principe de justice globale, de même que
par-delà les frontières temporelles à l’égard du bien-être des générations
futures ? Si tel est le cas, quels types d’obligations et d’actions politiques
notre responsabilité ou notre devoir d’entraide détermine-t-il ?
C’est précisément ce type de questionnement de plus en plus partagé
au sein de notre génération qui caractérise l’air du temps. Cela ne prouve
en rien que notre époque porte en son sein des causes d’espérance, mais
explique à tout le moins pourquoi la réhabilitation d’une très vieille idée
soulève aujourd’hui autant d’intérêt. L’ensemble des contributions rassemblées dans cet ouvrage atteste du sérieux et de la rigueur avec lesquels des
philosophes et politologues parmi les plus importants dans le domaine de
l’éthique internationale en langue française abordent l’idéal cosmopolitique. Ils nous livrent ici leurs réflexions critiques sur les débats et les enjeux
que son évolution contemporaine entraîne. Nous convions à la fois les
lecteurs de toute formation qui s’intéressent à l’actualité internationale et
les spécialistes du sujet à un état des lieux.
L’idéal régulateur du cosmopolitisme est associé à des termes forts et à
leurs variantes : justice, paix et fraternité universelles. En vue d’indiquer
les paramètres généraux des diverses théories cosmopolitiques qui sont
discutées ici, il convient de rappeler que les interprétations contemporaines discutées dans ce volume s’inscrivent dans une longue histoire qui
remonte à l’Antiquité. En ce qui concerne la tradition occidentale du
cosmopolitisme, les stoïciens ont été les premiers à formuler l’idée que tous
les humains puissent être considérés comme des kosmopolites, c’est-à-dire
des « citoyens du monde ». À vrai dire, la notion d’une appartenance sans
frontières à une commune humanité n’a pas été d’emblée définie en termes
Extrait de la publication
enjeu x et débats con tempor a ins Š 9
de justice politique ni de projet de paix perpétuelle, mais reflétait davantage un idéal d’égalité et de fraternité morales en vertu duquel les frontières géographiques délimitant des entités politiques et des allégeances
particulières avaient peu de sens. La vision stoïcienne défendait ainsi un
ensemble de principes universels, applicables à tous les êtres humains et
accessibles à tous les êtres doués de raison. Cependant, cet accent mis sur
l’unité de l’espèce humaine reste profondément apolitique (ce n’est qu’avec
les juristes romains que la doctrine cosmopolitique sera davantage liée à
des préoccupations relatives au bien public). Le caractère éminemment
abstrait d’une citoyenneté sans cité et des devoirs universels découlant
d’une telle humanité partagée explique en grande partie le scepticisme
toujours manifeste en regard de l’idéal cosmopolite.
C’est bien l’idéal moral comme tel d’une fraternité sans frontières qui
a été réexaminé par des penseurs anglo-américains, notamment par
Martha Nussbaum, dans une discussion philosophique très riche au sujet
de l’opposition problématique entre les intuitions fondamentales du cosmopolitisme et du patriotisme1. À la suite du formidable débat qui a
marqué l’avènement de la philosophie politique anglo-américaine et à la
suite de la parution de l’ouvrage de John Rawls, Theory of Justice2, une
certaine vision du libéralisme a accentué l’individualisme normatif à son
fondement. Le postulat selon lequel l’individu constitue l’unité fondamentale des considérations morales et des normes politiques au sein d’une
société juste a été radicalement mis en cause par une approche plus communautarienne insistant sur le caractère premier (aussi bien du point de
vue phénoménologique que normatif) de la communauté politique qui
seule, selon cette perspective, donne sens et substance aux droits des
individus. Dans le domaine de l’éthique des relations internationales (un
champ de recherche relativement autonome en philosophie politique
contemporaine ayant connu un essor remarquable depuis les années 1980),
le débat entre individualisme et communautarisme s’est traduit par l’opposition entre l’universalisme moral fondé sur la primauté des droits
individuels fondamentaux et les thèses de partialité morale marquées par
leur reconnaissance première des appartenances communautaires et
1. Martha C. Nussbaum, « Patriotism and Cosmopolitanism » dans For Love of
Country. Debating the Limits of Patriotism, J. Cohen (dir.), Boston, Beacon Press Books,
1996.
2. John Rawls, A Theory of Justice, Cambridge, Harvard University Press, 1971.
Théorie de la justice, traduction française de Catherine Audard, Paris, Seuil, 1987.
Extrait de la publication
1 0 Š l e cosmopolitisme
nationales. Pour certains, l’idéal cosmopolitique incarne donc la nécessité
de réformer l’ordre mondial en vertu de l’égalité universelle de tous les
êtres humains ; pour d’autres, il s’agit plus ou moins d’une utopie désincarnée qui ne tient pas compte de la réalité, d’autant plus que la réalité de
la sphère internationale est caractérisée par l’existence d’États souverains
qui sont, en théorie, garants de la diversité culturelle. En ce contexte de
pluralisme exacerbé à l’échelle internationale, comment peut-on concilier
les droits des individus et les droits des peuples si tant est que l’imposition
coercitive d’un universalisme moral au nom d’un idéal cosmopolitique de
l’égalité de tous les êtres semble aller à l’encontre du respect du pluralisme
et de la souveraineté des États ?
Ce thème traverse l’ensemble des chapitres de ce livre comme un leitmotiv lancinant qui définit l’essor contemporain des théories cosmopolitiques. Pour les uns, c’est toute la question de la souveraineté étatique qu’il
faut dénoncer comme une doctrine dogmatique du droit international.
Pour les autres, en l’absence d’un gouvernement mondial (construction
purement abstraite d’un idéal peu plausible ou peu désirable), la reconnaissance du rôle incontournable des États conduit à une redéfinition
nécessaire de leurs prérogatives traditionnelles… ou au désaveu de l’idéal
cosmopolitique. Cependant, dans le sillage de l’héritage philosophique du
Projet de paix perpétuelle (1795) de Emmanuel Kant – dont le bicentenaire
coïncidait avec les célébrations du 50e anniversaire de la fondation de
l’Organisation des Nations Unies et marquait la réhabilitation de l’idéal
cosmopolitique en philosophie politique –, certains des défenseurs les plus
illustres du cosmopolitisme contemporain tentent de concevoir une approche institutionnelle mettant de l’avant une théorie de la souveraineté
partagée au plan des instances décisionnelles internationales. Les travaux
de David Held3, portant sur la démocratie cosmopolitique, ou de Thomas
W. Pogge4, centrés sur les notions de responsabilité causale et de devoirs
partagés, débouchent tous sur des projets de réforme institutionnelle à
partir du modèle onusien déjà existant.
Le cosmopolitisme institutionnel caractérise donc une orientation
majeure des avancées actuelles en éthique internationale et peut être
3. David Held, Democracy and the Global Order, Stanford, Stanford University Press,
1995.
4. Thomas W. Pogge, World Poverty and Human Rights, Cambridge, Polity Press,
2002 ; 2008 (seconde édition).
Extrait de la publication
enjeu x et débats con tempor a ins Š 1 1
distingué du cosmopolitisme moral ou interactionnel. Cette dernière
approche met l’accent sur l’argumentation proprement morale qui justifie
des devoirs universels incombant à tous les individus dans leurs interactions réciproques. L’écrit pionnier de Peter Singer5 sur la question de la
faim et de la pauvreté dans le monde illustre de manière exemplaire l’importance et la nécessité de défricher l’ensemble de nos intuitions morales
afin de révéler l’urgence de repenser l’idéal cosmopolitique. À défaut de
pouvoir arrimer cet idéal régulateur à une théorie politique plus robuste,
le cosmopolitisme moral prête cependant le flanc aux objections légitimes
d’un certain scepticisme réaliste.
La génération actuelle de philosophes politiques qui s’intéresse au
projet cosmopolitique se distingue donc par son effort à vouloir élaborer
des théories de justice globale plus substantielles en termes de prescriptions normatives et institutionnelles. Notons par ailleurs que le paradigme
rawlsien en philosophie politique contemporaine continue d’exercer une
influence majeure dans ces changements. Paradoxalement, Rawls luimême a pris des distances considérables avec le courant cosmopolitique
prédominant en éthique internationale (tel que représenté par les Charles
Beitz6 et Simon Caney7, par exemple). En effet, dans son dernier ouvrage,
The Law of Peoples8, Rawls propose une « utopie réaliste » du droit des gens
qui récuse le réflexe d’extrapoler un principe de justice distributive (analogue à son fameux principe de différence) à l’échelle globale, alléguant
les nombreuses conditions structurelles de l’ordre international qui nous
empêchent, à son avis, de penser la justice globale comme une simple
extension de la justice sociale en contexte domestique. Si la première
réception critique des lecteurs cosmopolitiques de Rawls s’est avérée une
déception généralisée, nous relisons aujourd’hui plus attentivement son
dernier opus, soit pour limiter plus précisément, voire plus radicalement,
5. Peter Singer, « Famine, Affluence and Morality », Philosophy and Public Affairs,
1972. Singer a publié, par la suite, de nombreux ouvrages reprenant la problématique
initialement présentée dans cet article.
6. Charles Beitz, Political Theory and International Relations, Princeton, Princeton
University Press, 1979.
7. Simon Caney, Justice Beyond Borders. A Global Political Theory, Oxford, Oxford
University Press, 2005.
8. John Rawls, The Law of Peoples. With the Idea of Public Reason Revisited, Cambridge,
Harvard University Press, 1999. Paix et démocratie. Le droit des peuples et la raison
publique, traduction française de Bertrand Guillarme, La Découverte/Boréal, 2006.
1 2 Š l e cosmopolitisme
la portée réelle de l’idéal cosmopolitique, soit pour approfondir les arguments qui conduisent certains à le reformuler de manière encore plus
convaincante à la lumière des imperfections, des ratés et des insuffisances
de notre monde non idéal. Bien que les recherches poursuivies en éthique
internationale appellent sans doute des échanges interdisciplinaires de plus
en plus engagés en vue de produire des théories normatives qui correspondent à une connaissance plus minutieuse des caractéristiques empiriques et structurelles de l’ordre mondial, d’un point de vue philosophique
(premier dans l’ordre du savoir moral), le projet cosmopolitique s’avère
plus que jamais, aux yeux de certains, incontestablement nécessaire.
Ce bref tour d’horizon de quelques thèmes incontournables dresse la
table pour la lecture des onze contributions offertes par nos collaborateurs qui, à titre d’experts dans leur champ de recherche respectif, nous
permettent d’approfondir des questions plus précises. Le volume s’ouvre
avec le texte de Jocelyne Couture et met en perspective la filiation problématique entre l’ancienne doctrine du cosmopolitisme et ses interprétations
contemporaines. Son analyse critique nous permet de prendre le pouls de
l’orientation actuelle des théories de justice globale tout en relevant les
tensions et les contradictions potentielles entre ces diverses lectures sur
trois problèmes centraux : l’égalitarisme, l’individualisme et la priorité des
allégeances. Dans le second chapitre, Stéphane Chauvier nous invite à une
réflexion lucide sur les exigences institutionnelles de l’idéal cosmopolitique à la lumière des enjeux environnementaux. Or, le réalisme percutant
de Chauvier ne consiste pas tant en un désaveu de l’idéal cosmopolitique
qu’en une vision plus sobre des projets de réforme des mécanismes et
des dispositifs organisationnels déjà existants en vue de répondre à certains défis de gestion commune des ressources et de justice distributive.
Monique Canto-Sperber s’intéresse, pour sa part, à l’adéquation souvent
tenue pour acquise entre l’idéal cosmopolitique et l’idéal de paix universelle. Dans la mesure où les États demeurent les principaux acteurs des
institutions internationales, à la fois sources et modérateurs de violence,
il paraît impossible d’envisager l’établissement de la paix mondiale sans
le recours inévitable à la force. Son analyse conceptuelle des termes en jeu
montre que le rapport analytique entre l’idéal cosmopolitique et le projet
de paix perpétuelle se révèle des plus conflictuels.
La contribution de Jean-Marc Ferry part d’une réflexion sur l’État
comme figure constitutive et incontournable du politique ; sa pensée se
poursuit dans l’élaboration d’un cosmopolitisme réflexif (plutôt que d’un
enjeu x et débats con tempor a ins Š 13
cosmopolitisme institutionnel) par lequel il faut entendre l’importance de
l’usage public de la raison comme source de normes partagées. Or, contrairement à un certain paradigme philosophique imposé par le contractualisme libéral qui tente de neutraliser les croyances privées au nom d’une
certaine conception de la raison publique, l’auteur nous présente un
modèle criticiste du « consensus par confrontation » faisant place aux
convictions religieuses et métaphysiques dans la délibération publique en
contexte de pluralisme. Pour Klaus-Gerd Giesen, il faut examiner plus
attentivement les prémisses implicites contenues dans les positions de
Habermas et de Derrida en raison de l’arrière-plan idéologique de certaines visions du cosmopolitisme. En dernière analyse, si le cosmopolitisme
de Habermas ne fait que refléter la réalité politique et juridique du système
international contemporain, et si la pensée de Derrida fait dépendre l’exercice de la responsabilité politique sur une élite de surhommes, l’on doit
admettre que ces interprétations de l’idéal cosmopolitique auront peine à
contrecarrer les formes manifestes et insidieuses de l’impérialisme occidental ou à surmonter les causes du terrorisme religieux transnational.
Le texte de Kai Nielsen aborde de front un thème controversé, à savoir
si l’institution du gouvernement mondial est logiquement ou pratiquement
nécessaire pour réaliser l’idéal cosmopolitique. Bien que Nielsen ne partage pas le rejet kantien du projet de gouvernement mondial, il affirme que
le nationalisme (libéral) et le cosmopolitisme demeurent compatibles. C’est
précisément au sujet du rôle et des prérogatives des États que la contribution de Véronique Zannetti soulève le débat éminemment actuel sur
l’intervention humanitaire. Sa réflexion éclairante sur l’articulation difficile entre les droits des États et ceux des individus permet au lecteur de
mieux comprendre les paramètres de cette problématique. Dans le chapitre suivant, Christian Nadeau approfondit la question de la violence
politique et de l’usage légitime de la force. À la lumière de la théorie de la
guerre juste, son texte propose une analyse critique du droit à l’autodéfense
en exposant la notion de domination comme modalité de l’agression. De
manière évidente, les enjeux soulevés par les conflits militaires constituent
les problèmes les plus pressants dans le domaine de l’éthique internationale qui nous permettent de mesurer tant la pertinence que les limites des
théories cosmopolitiques actuelles.
Si la genèse philosophique de l’idéal cosmopolitique dans la pensée stoïcienne a été marquée par la notion de citoyenneté mondiale, la manière dont
nous menons aujourd’hui le débat sur le droit à l’immigration constitue une
Extrait de la publication
1 4 Š l e cosmopolitisme
des caractéristiques les plus saillantes du développement contemporain des
théories cosmopolitiques que nous présente Ernest-Marie Mbonda dans une
perspective historique. Dans la mesure où l’auteur ne croit pas que l’idéal
d’un gouvernement mondial soit une nécessité institutionnelle, il reste à
déterminer comment la relation conflictuelle entre les droits des individus
et les droits des États souverains doit être pensée à l’aune des droits des
migrants. Dans la foulée de cette réflexion sur la justice globale, Michel
Seymour propose une voie médiane entre l’individualisme normatif
(particularité d’un certain cosmopolitisme libéral) et la reconnaissance
nécessaire des droits des peuples. Sa contribution offre une interprétation
approfondie du paradigme rawlsien en relations internationales. L’articulation problématique entre partialité nationale et cosmopolitisme constitue
également un des thèmes qu’aborde Daniel Weinstock dans le dernier
chapitre de cet ouvrage. En l’absence d’un super État, comment peut-on
penser la possibilité d’un demos mondial capable de canaliser les allégeances
particulières vers des objectifs communs ? L’auteur suggère qu’à défaut de
pouvoir compter sur la seule conviction morale, les motivations prudentielles des uns et des autres, relatives aux enjeux transnationaux qui
concernent l’intérêt bien compris de tous, peuvent grandement contribuer
à la consolidation d’une solidarité sans frontières, analogue au processus
de consolidation d’une solidarité nationale.
Les arguments présentés par les auteurs de ce volume reflètent fidèlement les débats contemporains sur le cosmopolitisme. Il ressort de ces
textes que ces débats ont une pertinence philosophique, sociale et politique
très large. Quel que soit le point de vue adopté, la richesse des idées mises
en place ici montre que le cosmopolitisme, bien que très ancien, continue
d’engendrer des arguments stimulants, bien que discutés, sur la manière
de concevoir les rapports entre les individus, les peuples et les États, ne
serait-ce que parce qu’il nous rappelle de manière forte que nous partageons tous une commune humanité, et que nous avons, à ce titre, des
devoirs les uns envers les autres.
1
Qu’est-ce que
le cosmopolitisme ?
Jocelyne Couture
On a souvent décrit le cosmopolitisme comme une doctrine simple, voire
simpliste, dans ses contenus et dépourvue d’implications morales spécifiques, commandant tout au plus une certaine posture morale en matière
de droits et de justice1. À en croire les adeptes contemporains de cette
doctrine, cependant, elle aurait des implications fortes, capables d’imprimer aux théories de la justice globale une approche et des contenus distinctifs, tandis qu’aux yeux de ses détracteurs, ses exigences seraient
déraisonnables, outrepassant les capacités d’action des agents moraux.
Devant ces diagnostics discordants, il devient non seulement pertinent
mais également impérieux pour les théoriciens de la justice globale de se
demander ce qu’est le cosmopolitisme ; de distinguer les attributs qui en
sont les conséquences de ceux qui résultent plutôt d’une extension plus ou
moins libre de certains principes normatifs ; de soupeser l’importance, la
cohérence et la spécificité du point de vue qu’il impose aux conceptions
1. Voir par exemple : Gérard Elfstrom, « Cosmopolitan Ethics », dans L. Becker et
C. Becker (dir.), Encyclopedia of Ethics, 2e éd., vol. 1, New York, Routledge, 2001 ; Max
Boehm, « Cosmopolitanism », Encyclopedia of the Social Sciences, New York, Macmillan,
1932.
Extrait de la publication
1 6 Š l e cosmopolitisme
de la justice globale ; et d’évaluer, enfin, la validité normative d’une
conception de la justice qui s’en inspire.
Sans nier qu’un cosmopolitisme cohérent et valide sur le plan normatif
puisse revêtir des formes différentes – je n’ai nulle intention de défendre
ici une quelconque orthodoxie du cosmopolitisme –, j’examinerai successivement trois thèses qui semblent inspirer et leur valoir leur appellation
les conceptions contemporaines de la justice cosmopolitique. Ces trois
thèses sont les suivantes :
1) que le cosmopolitisme est un égalitarisme ;
2) que les obligations cosmopolitiques ont préséance sur les autres obligations
morales, nommément celles qui découlent des rapports que nous entretenons
avec autrui au sein de structures sociales limitées ;
3) que l’objet premier de la justice cosmopolitique est l’individu sans égard au
groupe ou à la collectivité auquel il appartient.
Ces trois thèses entretiennent certes une « ressemblance de famille » avec
l’ancienne doctrine du cosmopolitisme et en retirent à première vue une
cohérence « spontanée ». Dans sa simplicité antique, cette doctrine se fonde
sur la prémisse voulant que tous les êtres humains ont, du moins a priori,
une égale valeur morale. D’où l’idée d’un ordre moral universel incluant
tous ceux qui partagent cette humanité commune ; d’où l’idée, aussi, que
notre allégeance morale fondamentale, primitive en quelque sorte, est celle
qui prend sa source dans ce lien d’humanité plus général mais aussi plus
essentiel que celui qui nous unit de façon contingente à nos concitoyens ou
à nos proches2. Mais y a-t-il davantage qu’une ressemblance de famille entre
les thèses défendues par les tenants contemporains d’une justice cosmopolitique et cette ancienne doctrine ? Question plus importante encore, ces
thèses et la portée que leur confèrent les conceptualisations contemporaines de la justice globale peuvent-elles encore s’articuler entre elles pour
former un point de vue cohérent et acceptable sur le plan normatif ?
L’examen successif de ces trois thèses ne permet pas, à mon avis, de
répondre par l’affirmative à ces questions. Quant à leur lien supposé avec
l’antique doctrine du cosmopolitisme, j’alléguerai en effet que tout en se
réclamant de cette doctrine, ces thèses n’en constituent ni des conséquences,
2. Nussbaum reprend à son compte cette idée : « [children interactions] are mediated
by needs that are in some form common, and that form [sic] the basis for later recognition of the common ». Martha Nussbaum, « Replys », dans Joshua Cohen (dir.), For Love
of Country, Boston, Beacon Press, 1996, p. 142. À l’avenir : Nussbaum, 1996.
Extrait de la publication
qu ’ est-ce que le cosmopolitisme ? Š 1 7
ni des exigences et que l’appellation de cosmopolitique qu’on leur réserve
ne peut être fondée que sur une vague analogie. Ce constat n’est pas aussi
anodin qu’il paraît. Car l’apparente légitimité dont la référence cosmopolitique investit ces thèses occulte parfois, c’est du moins ce que je tenterai
de montrer, des lacunes méthodologiques importantes dans la conceptualisation de la justice globale. Parmi ces lacunes – et non la moindre – on
observe une propension tacite, à mon avis sans fondement, à présupposer
que la justice globale peut être adéquatement conçue, tant dans ses contenus que dans ses modalités d’application, comme une simple extension de
la justice sociale3. Pour ce qui est de la capacité de ces trois thèses de s’articuler les unes aux autres pour offrir un point de vue cohérent sur la
justice, j’arguerai qu’elles posent des exigences qui sont sinon contradictoires entre elles, du moins difficilement conciliables et que, pour cette
raison, les théories contemporaines qui y souscrivent simultanément risquent l’incohérence. Enfin, pour ce qui est de leur validité normative, je
soutiendrai que l’application de principes de justice globale qui s’inspirent
de ces thèses entraînerait des effets indésirables sur le plan moral et que de
tels principes structurent une conception de la justice globale par ailleurs
peu conforme à ce que l’on peut estimer être l’esprit du cosmopolitisme.
I. Que le cosmopolitisme est un égalitarisme
L’égalitarisme dont se réclament les défenseurs de la justice cosmopolitique
prend manifestement appui sur cette partie de la doctrine qui reconnaît
l’égalité morale de tous les êtres humains. En effet, l’idée que tous les êtres
humains ont, a priori du moins, une égale valeur morale commande dans
3. Cette propension se manifeste de façon spectaculaire chez les théoriciens qui
cherchent à appliquer en tout ou en partie à l’échelle globale la Théorie de la justice de
John Rawls, comme Beitz : position originelle et principe de différence ; Charles R. Beitz,
Political Theory and International Relations (avec une nouvelle postface), Princeton,
Princeton University Press, 1999, à l’avenir : Beitz, 1999 ; Charles R. Beitz, « Cosmopolitan
Ideal and National Sentiment », The Journal of Philosophy, vol. 80, 1983, p. 591-600. À
l’avenir : Beitz, 1983. Buchanan : justice distributive et égalité des chances ; Allen Buchanan,
« Rawls’s Law of People for a Vanished Westphalian World », Ethics, vol. 110, 2000, p. 697721. Pogge : l’idée de structure de base ; Thomas Pogge, World Poverty and Human Rights,
Cambridge, Polity Press, 2002. À l’avenir : Pogge, 2002 ; Thomas Pogge, « An Egalitarian
Law of Peoples », Philosophy and Public Affairs, vol. 23, no 3, 1994, p. 193-224 ; Thomas
Pogge, Realizing Rawls, Ithaca, Cornell University Press, 1989. Kuper : les deux principes
de justice ; Andrew Kuper, Democracy Beyond Borders, Oxford, Oxford University Press,
2004.
Extrait de la publication
1 8 Š l e cosmopolitisme
la pratique que chacun soit l’objet d’une égale considération4. Mais comme
le notait David Miller, l’éventail de ce que peut signifier de « égale considération » est aussi vaste que celui des conceptions de l’égalité5. Pour
certains, la doctrine cosmopolitique exigerait un égalitarisme radical entre
tous les êtres humains, où qu’ils soient sur la planète6. Par égalitarisme
radical, on entend alors des principes de justice distributive assurant la
redistribution égalitariste des ressources, qu’elles soient naturelles ou les
fruits de l’activité économique et du développement, et garantissant bien
entendu l’égalité de bien-être, l’égalité des chances et l’égalité des droits
et libertés. Pour d’autres, Brian Barry par exemple, l’égalité cosmopolitique est une égalité procédurale qui concerne d’abord la justification des
principes de justice globale7. Selon Barry, de tels principes de justice sont
justifiés lorsqu’on peut montrer qu’ils résulteraient d’une procédure de
décision accordant un poids égal aux revendications de chacun. Cette
façon de voir l’égalité cosmopolitique structure donc, pour les principes
de justice globale, une exigence d’impartialité qui peut ou non équivaloir
à un égalitarisme radical. Chez Barry, l’absence d’équivalence semble se
confirmer lorsqu’il interprète son propre critère de justification de façon
que les principes de justice globale doivent apparaître moraux à ceux qui
en bénéficient le moins. Selon cette interprétation, l’égalité cosmopolitique
est une égalité procédurale assortie d’un principe de différence qui quantifie sur une appréciation subjective de la justice des principes plutôt que
sur une mesure objective du poids accordé aux revendications de chacun.
On pourrait facilement imaginer aussi, à l’instar de David Miller, que pour
des auteurs qui, par exemple, se laisseraient guider par une conception
4. Il faut remarquer que cette formulation n’implique pas, contrairement à ce que
prétendent certains défenseurs du cosmopolitisme, que chacun a des obligations similaires à l’endroit de tous. Je discuterai de cette deuxième interprétation de l’égalitarisme
dans les prochaines sections. Ce qui m’intéresse ici est la polyvalence du concept d’égalité en tant que condition de la justice cosmopolitique.
5. David Miller, « The Limits of Cosmopolitan Justice », dans David R. Mapel et Terry
Nardin (dir.), International Society, Princeton, Princeton University Press, 1998, p. 164.
À l’avenir : Miller, 1998.
6. C’est le résultat auquel tendent, par exemple, les propositions de Beitz et de Singer.
Beitz, 1999 ; Peter Singer, One World. The Ethics of Globalization, New Haven, Yale
University Press, 2002.
7. Brian Barry, « International Society from a Cosmopolitan Perspective », dans
David R. Mapel et Terry Nardin (dir.), International Society, Princeton, Princeton
University Press, 1998, p. 144-163. À l’avenir : Barry, 1998.
qu ’ est-ce que le cosmopolitisme ? Š 1 9
libertarienne de l’égalité, le principe d’égalité cosmopolitique ne demanderait rien de plus qu’un égal respect des libertés négatives ; ce qui nous
amène très loin de l’égalité radicale qui, selon certains, découle d’une
perspective cosmopolitique.
Nul n’est besoin de multiplier les exemples pour faire ressortir l’aspect
du cosmopolitisme sur lequel, comme Miller, je veux insister ici : si on
admet que la doctrine cosmopolitique commande un certain degré d’égalitarisme à l’échelle globale, il faut aussi reconnaître qu’elle ne permet pas
de sélectionner, dans l’éventail des conceptions courantes de l’égalité, celle
qui serait la plus appropriée aux fins de la justice globale. De ce constat,
Miller nous invite à conclure que le choix d’associer au cosmopolitisme
telle ou telle conception de l’égalité demeure ouvert.
Mais cette conclusion est-elle valide ? D’une part, la malléabilité de la
perspective cosmopolitique face aux conceptions courantes de l’égalité ne
signifie pas que chacune d’elles peut s’y déployer avec un égal bonheur.
D’autre part, tout en reconnaissant que la perspective cosmopolitique ne
permet pas de sélectionner l’une ou l’autre des conceptions courantes de
l’égalité, on peut encore se demander si cela ne tient pas au fait qu’aucune
de ces conceptions ne satisfait entièrement aux exigences de la doctrine
cosmopolitique. Pour les besoins de son argumentation, Miller examine
le cosmopolitisme en tant qu’égalitarisme, mais la doctrine cosmopolitique ne se réduit pas à une exigence égalitariste. Pour peu qu’on admette,
du moins jusqu’à preuve du contraire, que la doctrine impose certaines
balises aux conceptions de la justice globale, on ne devrait pas exclure
d’entrée de jeu la possibilité que ces balises puissent définir un ensemble
des paramètres qui nous force à revoir sur de nouvelles bases la notion
d’égalité et la place qu’elle doit occuper dans une théorie de la justice
globale. La doctrine cosmopolitique n’implique à strictement parler
aucune des formes courantes de l’égalité, mais il ne faut pas exclure a priori
qu’elle offre une perspective sur la justice globale qui désamorce, réarticule ou se substitue à la problématique de l’égalité telle que nous l’avons
envisagée jusqu’ici. L’erreur, ici, consisterait à tenir pour acquis que
comme la doctrine cosmopolitique n’implique à strictement parler aucune
des conceptions courantes de l’égalité, alors elle n’en exclut aucune, et elle
peut donc s’accommoder de toutes. Il reviendrait ainsi au théoricien de
la justice cosmopolitique d’interpréter l’exigence égalitariste du cosmopolitisme dans les termes de sa conception favorite de l’égalité. Il me
semble au contraire que si on veut prendre au sérieux l’idée que la doctrine
2 0 Š l e cosmopolitisme
cosmopolitique imprime une direction spécifique aux conceptions de la
justice globale, il convient de mettre en doute dès le départ la croyance
que ces conceptions courantes de l’égalité interprètent adéquatement
l’exigence égalitariste cosmopolitique.
La principale raison qui milite en faveur d’un tel scepticisme est la
suivante : ces conceptions courantes de l’égalité ont été taillées sur mesure
pour servir les fins de la justice au sein d’une société et sont donc à l’abri
de toute perspective cosmopolitique et, plus généralement, de toute considération relative à la spécificité du contexte auquel se destine une justice
globale. Pour cette raison, je montrerai plus loin que, tant au plan méthodologique que normatif, chercher à plaquer directement ces conceptions
de l’égalité et les principes de justice qui en découlent sur une théorie
cosmopolitique de la justice globale est une grave erreur.
II. Que les obligations cosmopolitiques ont préséance
sur les autres obligations morales
La seconde thèse associée au cosmopolitisme soutient que cette doctrine
exige une hiérarchisation de nos obligations morales. Puisque notre allégeance morale fondamentale découle de notre appartenance à la communauté humaine, il devrait s’ensuivre que nos obligations à son endroit ont
préséance sur les obligations plus spécifiques que nous avons à l’endroit
de nos concitoyens ou à celui des membres de notre famille8. Cette thèse
appelle deux remarques :
a) L’idée d’une hiérarchisation de nos obligations morales suppose pour le
moins que celles-ci sont de types différents. La façon habituelle de marquer
cette différence consiste à dire que nous avons, d’une part, des obligations
cosmopolitiques spécifiant ce que chacun de nous doit à tous les êtres
humains et, d’autre part, des obligations, que l’on nomme parfois associatives, découlant des rapports que nous entretenons avec autrui au sein de
structures sociales limitées. Le principe de préséance n’a pas pour effet de
minimiser systématiquement l’importance morale des obligations associatives, mais, en cas de conflit entre leurs exigences et celles que requièrent
les obligations cosmopolitiques, il accorde la priorité aux secondes.
8. « On liberal nationalism, nationality-based special obligations do not limit the requirements of global justice; indeed, it is the other way around.» Kok-Chor Tan, Justice Without
Borders, Cambridge, Cambridge University Press, 2004, p. 196. À l’avenir: Tan, 2004.
Extrait de la publication
qu ’ est-ce que le cosmopolitisme ? Š 2 1
Un exemple patent d’un tel conflit, selon les théoriciens du cosmopolitisme, est celui des politiques d’immigration promulguées par un nombre
croissant d’États contemporains9. Selon ces théoriciens, la plupart de ces
politiques ne sont pas justifiées sur le plan moral, car elles violent le principe de préséance en accordant de facto une priorité aux citoyens des pays
hôtes10. Voulant tester la robustesse des intuitions cosmopolitiques sur ce
point, Kok-Chor Tan rappelle le cas du Bhoutan où les autorités, dans les
années 1980, déclaraient que 40 % de sa population était formée d’immigrants illégaux en provenance d’un Népal surpeuplé. Elles alléguaient que
la culture nationale du Bhoutan était menacée par cette migration massive
de personnes parlant une langue différente et ayant des modes de vie
différents. Ces craintes, souligne Tan, n’étaient pas exagérées. Au Sikkim,
un État voisin, les immigrants népalais étaient devenus majoritaires. En
1975, ils ont fait tomber la monarchie du Sikkim, ont voté et obtenu l’annexion du pays à l’Inde11. Entre donner aux immigrants originaires d’un
pays pauvre une chance d’améliorer leur sort (le Bhoutan est vu par les
Népalais comme un pays riche) et protéger les intérêts et le bien-être de
ses citoyens, le Bouthan était confronté à un dilemme moral, du point de
vue cosmopolitique, dilemme qui aurait dû être résolu en accordant aux
obligations cosmopolitiques une priorité sur les obligations associatives.
La décision du Bouthan de fermer ses frontières aux immigrants potentiels
n’était donc pas, de ce même point de vue, justifiée moralement.
Or, Tan soutient au contraire que la décision prise par les autorités du
Bhoutan aurait pu être justifiée d’un point de vue cosmopolitique si elle
avait été accompagnée par des actions concrètes et efficaces de cet État,
visant à améliorer le sort des immigrants potentiels dans leur pays d’origine. Mais qu’est-ce à dire, sinon que le conflit allégué dans le cas du
Bhoutan entre les obligations associatives et les obligations cosmopolitiques
dépend davantage de l’étroitesse et de la radicalité des options considérées
– ouvrir ou fermer les frontières – que de l’objet des obligations – les
compatriotes ou les immigrants potentiels. Tan montre que nos obligations
envers les uns et les autres – nos obligations associatives et nos obligations
9. Selon les données des Nations Unies, la proportion de pays ayant adopté des
politiques visant à réduire l’immigration est passée de 6 % en 1976 à 40 % en 2001.
<http://www.un.orgesapopulationpublicationsittmig2002ittmigrep2002french.doc>
10. Pour une défense de cette position, voir Beitz, 1983.
11. Kok-Chor Tan, Toleration, Diversity, and Global Justice, State College, The
Pennsylvania State University Press, 2000, p. 151-153.
Extrait de la publication
Table des matières
Le cosmopolitisme : enjeux et débats contemporains
Ryoa Chung et Geneviève Nootens
7
1
Qu’est-ce que le cosmopolitisme ?
Jocelyne Couture
15
2
Cosmopolitisme et acrasie collective
Stéphane Chauvier
37
3
Les fondements normatifs du cosmopolitisme
Monique Canto-Sperber
59
4
L’espérance cosmopolitique : idée d’un « cosmopolitisme réflexif »
Jean-Marc Ferry
77
5
Les cosmopolitismes habermassien et derridéen
face au terrorisme
Klaus-Gerd Giesen
99
6
Un gouvernement mondial : un impératif cosmopolite ?
Kai Nielsen
119
7
Le droit d’intervention humanitaire : une analyse conceptuelle
Véronique Zanetti
151
8
La résistance à la domination dans la théorie de la guerre juste
Christian Nadeau
177
9
Immigration, cosmocitoyenneté et justice globale
Ernest-Marie Mbonda
195
10 Le nationalisme cosmopolitique : des citoyens du monde
et des nations sans frontières
Michel Seymour
11
221
Comment susciter l’émergence du demos mondial
Daniel Weinstock
241
Remerciements
Bibliographie sélective
Liste des collaborateurs
263
265
269
Extrait de la publication
Ce livre a été imprimé au Québec en janvier 2010
sur du papier entièrement recyclé
sur les presses de l’Imprimerie Gauvin.
Extrait de la publication
Téléchargement