Argumentaire

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Droit International et éthique, 13 Juin 2014,
Lille
Département d’éthique et de philosophie, Université Catholique de
Lille
Journée d’étude proposée par B. Bourcier (Université de Rouen et Université Catholique de Lille) et
G. Champon (Université de Rennes 1)
Argumentaire:
Inventé par le philosophe londonien Jeremy Bentham, le terme de « Droit International » s’est
progressivement imposé à l’issue du XVIIIème siècle sans pour autant que l’univocité de son sens et
la clarté de sa fonction ne soient établies, ni que le corpus de textes et les pratiques juridiques qui
l’accompagnent ne permettent d’en rendre totalement raison.
Comment comprendre le « droit international », et, en particulier, comment envisager son rapport à
l’éthique ? Constitue-t-il un corpus de textes juridiques indépendants de toute problématique
éthique et de toute valeur morale? Les règles qui le composent peuvent-elles être appréhendées
d’un point de vue exclusivement juridique ou doivent-elles ouvrir sur une réflexion éthique ? Qu’en
est-il en outre des pratiques au travers desquelles se fabrique et se réalise le droit : ne soulèventelles pas également des questionnements d’ordre moral ? Si l’on soutient qu’il existe une relation
nécessaire entre droit international et éthique, sur quoi se fonde cette dernière, et quelles
conséquences en découlent concernant le statut et la nature du droit international ?
Réciproquement, ne peut-on critiquer la tendance à la “moralisation” du droit international et le
“tournant vers l’éthique” pris par ce dernier, lesquels traduisent le potentiel d’instrumentalisation du
droit international ? Telle est la problématique générale de cette journée d’étude.
La philosophie pense majoritairement le droit international et son fondement dans le cadre d’une
réflexion que l’on peut qualifier de normative. Le droit international constituerait ainsi un instrument
dirigé vers le bien. Cette acception du droit international soulève cependant deux questions : celle de
son efficacité pour régler les conduites des puissances étatiques sur l'échiquier international d’une
part, et celle de sa justification rationnelle et de ses principes d’autre part. La réponse kantienne à
cette seconde interrogation consiste à penser le droit international à partir de la catégorie du droit
public, lequel s’achève ultimement sur le droit cosmopolitique. Aussi la réflexion philosophique sur le
droit international tend elle traditionnellement vers la théorie cosmopolitique, à tel point que celle-ci
est souvent mieux connue et discutée que la question des fondements du droit international. Or ce
mouvement demande à être interrogé. Le cosmopolitisme constitue-t-il le terminus ad quem de
toute réflexion sur le droit international, ou bien privilégie-t-on abusivement cette approche, au
détriment d’une analyse de l’intelligibilité propre au droit international ? Il s’agit alors de se
demander si toute réflexion éthique n’est pensable qu’en rapport avec le cosmopolitisme, reléguant
ainsi le droit international à un droit “transitoire” (J. Habermas).
A l’encontre de cette conception qui soutient une indissociabilité entre droit international (ou
cosmopolitisme) et morale, se tient une compréhension d’inspiration positiviste et formaliste, qui
présente le droit international comme non-téléologique, neutre et impartial. Le droit international
serait ainsi le produit de la science juridique et de ceux qui la font - les juristes. Le prix à payer pour
atteindre l’objectivité et l’impartialité en droit serait donc de séparer totalement droit international
et éthique.
Pour autant, considérer que le droit international appartient aux praticiens et aux spécialistes de la
discipline juridique ne semble pas avoir permis de mettre un terme définitif à la discussion
concernant les liens entre droit et éthique. En effet, si on considère que le droit international est
devenu une réalité, alors cela conduit à interroger les pratiques des acteurs qui interviennent dans sa
réalisation (juristes, organisations internationales, Etats). Dans cette perspective, le mouvement des
« théories critiques du droit » s’illustre comme un courant de pensée important chez les
internationalistes. Ce dernier en effet dénonce non seulement l’idée selon laquelle le droit
international pourrait être neutre et objectif, mettant en lumière les projets politiques qu’il a été
historiquement destiné à servir, mais également la présence de valeurs morales au sein des règles
internationales et du projet internationaliste lui-même. De cet examen résultent deux tendances :
l’une exprimant un certain scepticisme à l’endroit du droit international, l’autre insistant sur la
nécessité de mettre au jour le discours du droit international afin de redonner crédit à sa destination
éthique.
Les questions éthiques ainsi que celles de la définition et du statut du droit international ne sont
donc pas écartées du simple fait que l’on considère que le droit international est devenu une réalité,
mais elles sont au contraire redoublées et intensifiées par le surgissement de nouvelles difficultés
auxquelles les juristes se trouvent confrontés : l’engagement éthique ou politique doit-il conditionner
l’activité des professionnels du droit international ou ceux-ci doivent-ils (et peuvent-ils) mettre à
l’écart leur engagement pour préférer la neutralité axiologique ? Comprendre le droit international
en prêtant attention à son histoire, ses pratiques et ses institutions, implique-t-il pareille neutralité,
ou est-ce que toute analyse critique et déconstructionniste du droit international ne s’inscrit pas
nécessairement dans un engagement éthique et politique ?
Les analyses développées par la théorie critique semblent par conséquent rendre nécessaire une
nouvelle étude des relations existant entre droit international et éthique. Penser de manière critique
le droit international signifie alors se confronter à des difficultés méthodologiques, entre objectivité
et neutralité requises par la connaissance du droit international, et évaluation fondée sur des critères
moraux et politiques de la réalité du droit international. Il y a là un dilemme auquel se confronte
l’internationaliste aussi bien que le philosophe.
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