linische
Monatsschrift qui ne sont pas nécessairement de profonds connais-
seurs de la philosophie critique ni ne sont capables de deviner ce qu'elle
va
prochainement devenir.
Ces
familiers de la revue peuvent
être
déconcertés. Mais la popula-
tion prussienne, allemande, européenne
aurait
été scandalisée si elle avait
été en
état
de prendre connaissance de ces thèses audacieuses. Les mil-
lions
d'Allemands sont alors chrétiens, ceux qui se piquent de philosophie
restent
wolffiens
: l'article commence pour eux brutalement, et d'une
manière que beaucoup de Kantiens actuels tiennent eux-mêmes pour
«
embarrassante ».
Les
premiers mots déjà provoquent une
commotion.
Kant disjoint
d'emblée
le problème de la liberté de la volonté de celui du cours de l'his-
toire : Was man sich auch in
metaphysischer
Absicht
fur einen
Begriff
von
der
Frei-
heit
des Willens machen mag... Auch! C'est là une question secondaire, en
marge du problème envisagé, un ajout éventuellement superflu : « Quel
que soit le concept que, du point de vue métaphysique, on puisse se faire
de
la liberté du
vouloir
! »... A
côté
des questions que pose effectivement
l'histoire, on peut aussi se poser des problèmes métaphysiques sur la
liberté de la volonté ; mais de
ceux-ci
on fera l'économie pour le moment.
Kant a plutôt habitué ses disciples à une répartition problématique
inverse. Pour lui, la liberté de la volonté est la question principale de la
philosophie,
et plus spécialement de la philosophie pratique et politique.
Pour rendre évidente la liberté, ce qui n'est pas si
facile,
il a coutume de
mettre
entre
parenthèses le monde sensible, il annihile volontiers intellec-
tuellement les contenus pour faire ressortir la nécessité de la forme et il
révère de préférence ce qui subsiste après cette opération.
Ici,
au contraire, il met la liberté hors jeu, ou du moins fait-il sem-
blant car, au fil des pages, elle ressurgira, et telle qu'il l'entend lui-même
d'une manière qui ne va pas
sans
quelque obscurité. Comme Fichte osait
l'affirmer, du vivant même du maître : « La grande chance de Kant, c'est
son
obscurité »2
―
une chance dont il se croyait naïvement privé lui-
même.
Est-il possible d'évoquer la liberté de la volonté, même négativement
sans
aucune notion de ce qu'elle est ? Kant choisira la facilité de
n'énoncer
d'abord que les conditions dans lesquelles elle peut intervenir.
Elle
reste
dans l'ombre, mais le seul fait de la mentionner rend peut-être
moins
terrible la suite de la phrase.
Sans doute ne peut-on tout dire, dans un article fatalement bref et
sommaire.
N'aurait-il pas toutefois été possible d'indiquer, même
sans
argumentation que, pour Kant, l'existence d'une liberté de la volonté, de
quelque
manière que
celle-ci
soit
conçue,
reste
du moins compatible avec
1. Kant, op. cit., ed. all., p. 21 ;
trad.
franç., p. 187.
2.
Lettre de Fichte à Reinhold, de Iéna, le 22 mai 1799 : Kants
Glück
war
seine
Obskurität !