Jean-Louis Vincent
Chef du Service des soins intensifs de l’Hôpital Erasme (ULB), Jean-Louis Vincent a reçu le
Prix quinquennal du FNRSPrix scientifique Joseph Maisin, Sciences biomédicales
cliniques.
« J’ai toujours eu envie de faire la médecine », se souvient Jean-Louis Vincent, chef du
Service des soins intensifs de l’Hôpital Erasme (ULB). « Je n’ai jamais eu de questions
existentielles sur ce que j’allais faire plus tard. Au terme de mes études de médecine, je
préférais les aspects intellectuels aux techniques chirurgicales… J’ai donc opté pour la
médecine interne mais je trouvais ça lent. Dans les soins intensifs par contre, l’évolution est
extrêmement rapide. Ces soins touchent à la physiologie du malade : on voit souvent
immédiatement comment le patient réagit à une intervention », poursuit-il.
« Quand j’ai terminé mes études, les soins intensifs n’étaient pas encore fort développés ici.
Je suis donc parti aux Etats-Unis auprès du Docteur Weil, un pionnier dans le domaine et un
investigateur remarquable, qui continue d’ailleurs à être actif. J’ai appris beaucoup avec lui
tant en recherche qu’au niveau clinique et sur la manière de raisonner au chevet du
malade ». Après avoir entamé sa thèse aux Etats-Unis sur l’arrêt cardiaque et la
réanimation, Jean-Louis Vincent rentre en Belgique où il entre directement à Erasme sous la
direction de Robert Kahn. « Ce sont alors les débuts de l’Hôpital », explique Jean-Louis
Vincent qui y terminera sa thèse. « Nous avons construit une équipe ici. Et petit à petit, nous
sommes devenus phare au niveau mondial. Il y a des dizaines de chercheurs étrangers qui
viennent se former ici chaque année », se réjouit le professeur qui vante l’ambiance qui
règne dans son service, qui, comptant environ 200 personnes, est le plus gros d’Erasme.
« Le tutoiement est général. J’organise également des soirées avec tout le service. C’est
fondamental qu’on puisse « s’éclater » ensemble. Plus encore que dans d’autres services
sans doute. Cela permet de faciliter les contacts au moment où il y a des tensions », pense
le Dr Vincent qui a pris la tête du service des soins intensifs à Erasme en 1996 suite au
décès de son prédécesseur.
Entre autres thèmes de recherche, Jean-Louis Vincent s’intéresse au sepsis (parfois appelé
« septicémie », un terme plus réducteur) qui se développe en réponse à une infection grave :
« au début, la réponse est mesurée mais elle peut rapidement devenir exagérée. La nature
n’a pas prévu qu’on reste longtemps à l’hôpital. Dans la nature, certains résistent et
s’améliorent rapidement, d’autres pas et meurent. Nous sommes dans des situations
prolongées que la médecine moderne a permises», souligne-t-il. Les aspects humains ont
également bien sûr une place primordiale dans son travail. « Avant, on utilisait beaucoup les
sédatifs parce qu’on craignait que les malades vivent mal l’atmosphère désagréable des
soins intensifs. On est revenu de cela. Parce qu’avec les comas médicamenteux, quand le
malade se réveille, il a perdu ses repères… Aujourd’hui, on veille à ce que le malade n’ait
pas mal mais on maintient des activités intellectuelles et physiques. Je me suis battu par
exemple à l’époque pour que les chambres de soins intensifs soient équipées de télévisions.
Ca a pris du temps ». Et au niveau éthique, « quand on se rend compte qu’on perd la partie,
il faut l’admettre. Il faut accompagner les personnes en fin de vie. Aujourd’hui le décès
survient le plus souvent lorsqu’on décide d’arrêter le support des organes. L’éthique est un
sujet délicat dans notre domaine parce qu’il n’y a pas de lois pour nous protéger. La loi sur
l’euthanasie ne nous aide pas. Au contraire car la loi prévoit l’assentiment du patient. On
peut nous reprocher de ne pas l’avoir obtenu ».
Récemment, pour son œuvre scientifique et son engagement d’enseignant au lit du patient
aux soins intensifs, Jean-Louis Vincent a reçu le prix scientifique Joseph Maisin (Sciences
biomédicales cliniques). En parallèle à la direction du service des soins intensifs, le Dr
Vincent enseigne à l’ULB. Il publie énormément et dirige trois revues scientifiques. « Je
pense qu’il est extrêmement important de combiner la pratique avec l’investigation et
l’enseignement. Les étudiants adorent faire des stages ici, être au chevet des malades. Nous
espérons qu’en formant de bons médecins, les soins des patients soient encore meilleurs.
Ce qui est capital dans les soins intensifs, c’est l’attention au détail. C’est ce qui va faire la
différence entre un intensiviste excellent et un intensiviste moyen. Moi, je ne supporte pas
qu’une horloge dans une chambre retarde de cinq minutes ou qu’on laisse trainer un papier
à terre. Cela peut parfois paraître obsessionnel mais si on laisse trainer un papier, quelle est
l’étape suivante ? Les fautes de stérilité sont très vite arrivées… », affirme Jean-Louis
Vincent qui conclut : « c’est le plus beau métier du monde. Bien sûr c’est dur parfois mais il
faut toujours se dire que nous avons tout essayé et que sans nous ça n’aurait pas été
mieux».
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