Forum Med Suisse 2011 ;11(36):607–612 608
curriculum
Pourquoi faut-il s’occuper des adultes
présentant une EIM?
L’ augmentation du nombre des patients adultes présen-
tant une EIM est un phénomène relativement récent, dû
aux progrès thérapeutiques qui ont conduit à une nette
diminution de la mortalité des enfants atteints, ainsi
qu’à une amélioration générale du pronostic fonction-
nel de ces patients [4]. L’ élargissement des possibilités
diagnostiques des EIM, particulièrement dans les pro-
grammes de dépistage néonatal, a conduit, dans plu-
sieurs pays, à une nette augmentation du nombre de
patients diagnostiqués en phase pré-symptomatique.
Le tableau 1 p montre les EIM les plus fréquemment
présentes chez les patients adultes. Actuellement, envi-
ron 1⁄3 des patients atteints d’EIM est un adulte ou un
adolescent, et dans 5 à 10 ans, le nombre de patients
adultes dépassera celui des patients pédiatriques.
La plupart de ces patients adultes n’ont pas de handi-
cap majeur. Ils nécessitent cependant un suivi médical
et diététique spécialisé. Le dé actuel est donc, tout en
assurant une prise en charge adaptée à l’adulte, de
faire face à ces nombreux patients qui présentent fré-
quemment des décits biochimiques divers, chacun
avec ses spécicités [7].
Quelles sont les problématiques
des patients atteints d’EIM?
On peut distinguer trois groupes de patients:
Patients présentant un risque vital majeur
à l’arrêt de leur thérapie diététique
Les patients de ce groupe (décits du cycle de l’urée
avec risque d’hyperammoniémie par ex.) ont besoin
d’une prise en charge sur le long terme, habituellement
en ambulatoire, pour le suivi de leur diète spéciale
et de leur état nutritionnel et métabolique (contrôle de
paramètres biochimiques spéciques comme les acides
aminés ou les acides
o rganiques). Cependant,
ces patients sont tou-
jours à risque d’épi-
sodes de décompensa-
tion (catabolisme, aci-
dose, insufsance d’organe aiguë) pendant lesquels une
prise en charge hospitalière en urgence sera néces-
saire. Les épisodes de décompensation sont fréquents
chez l’enfant, notamment lors d’infections intercur-
rentes.
Chez l’adulte, les situations particulières durant les-
quelles ces patients sont à haut risque de coma et de dé-
cès (en absence d’un traitement rapide et spécique) sont
par ex. le post-partum, le jeûne forcé et prolongé (opé-
ration chirurgicale, accident), les situations de stress
physique important (infection, autre maladie d’organe,
accident). Le cas de la vignette 1 est un exemple emblé-
matique de ce groupe.
La prise en charge ambulatoire ou hospitalisée de ces
patients dépend d’un centre spécialisé, où, en plus de
compétences médicales avérées, il faut pouvoir comp-
ter à la fois sur les services d’un laboratoire spécialisé
mesurant les paramètres spéciques des EIM et sur
ceux de diététiciennes formées à ces régimes très par-
ticuliers.
Patients atteints de maladies d’évolution plutôt
chronique
Un deuxième groupe est celui des patients atteints de
maladies d’évolution plutôt chronique, qui ont besoin
d’un traitement (diététique ou non) personnalisé, dans
le but soit de prévenir ou soigner des complications,
soit d’être pris en charge dans des moments spéciques
de leur vie (transitions scolaires et professionnelles,
grossesse, etc.) [7]. Un suivi multidisciplinaire est né-
cessaire pour ces patients, comme pour tout malade
chronique. Les adultes phénylcétonuriques sont les plus
nombreux de ce groupe: ces patients n’ont pas d’at-
teinte d’organe ni de handicap physique, mais doivent
suivre un régime très contraignant pauvre en toute
sorte de protéines naturelles. Leur état de santé est ex-
cellent grâce au traitement précoce, mais leur adapta-
tion professionnelle et sociale est souvent probléma-
tique en raison des difcultés de compliance au régime
et des symptômes neuropsychiatriques qui en découlent
(décit de concentration et de mémoire, dépression,
agressivité, tremor). De plus, les femmes phénylcétonu-
riques doivent être prises en charge très strictement
avant et pendant leurs grossesses, an de prévenir les
conséquences sévères d’une hyperphénylalaninémie
maternelle sur le développement du fœtus (malforma-
tions cardiaques, retard mental sévère). Dans ce groupe
de patients chroniques, plusieurs malades ont au-
jourd’hui une qualité de vie acceptable grâce aux nou-
velles thérapies (par ex. les maladies lysosomales trai-
tées par enzyme substitutive). Il y a quelques années,
ces malades décédaient précocement ou étaient perdus
de vue lors de leur suivi, avec différents degrés de poly-
morbidité. L’ histoire naturelle de ces adultes est encore
peu connue en raison du manque de suivi spécialisé
jusqu’à présent et de l’évolution récente et rapide de
ces thérapies.
Patients qui ne deviennent symptomatiques
qu’à l’âge de jeune adulte
Un troisième groupe de patients est constitué par des
individus atteints d’EIM, qui ne deviennent symptoma-
tiques qu’à l’âge de jeune adulte et dont la prise en
charge nécessite des spécialistes aptes à suspecter ces
maladies, à en effectuer et interpréter un bilan diagnos-
tic approprié, et qui soient formés pour en assurer le
traitement et le suivi. Le tableau 2 p montre les
groupes d’EIM pouvant se manifester à l’âge adulte et
les exemples les plus emblématiques.
Le diagnostic moléculaire des EIM a permis de mettre
en évidence, pour presque toutes ces maladies, un
spectre phénotypique large en lien avec des mutations
de sévérité différente. Il existe donc toujours des formes
frustes ou «late-onset» qui ont présenté peu ou pas
de symptômes durant l’enfance. La prévalence de ces
formes d’EIM n’est pas connue précisément, car elles
sont probablement sous-diagnostiquées. Un exemple
emblématique est celui de femmes présentant un décit
Dans 5 à 10 ans, le nombre
de patients adultes dépassera
celui des patients pédiatriques