KISTLER-Philosophie de la psychologie 1
Max Kistler, UFR de philosophie
Université Paris 1, 2016-2017
Licence 3, S2
Cours : philosophie de la psychologie
Table des matières
1. Introduction : Deux critères d’adéquation
I. Les théories dualistes
2. Les marques de l’esprit et le dualisme classique
2.1. Les entités mentales sont non-spatiales.
2.2. Les entités mentales ont une apparence phénoménale.
2.3. Certaines entités mentales possèdent l’intentionnalité.
2.4. Les états mentaux jouissent d’un statut épistémique privilégié.
2.5. Arguments contre le dualisme
3. Le dualisme non cartésien
4. L’argument dit « du langage privé » de Wittgenstein
II. Conceptions matérialistes de l’esprit
5. Le béhaviorisme
5.1. Le béhaviorisme logique (ou analytique, ou philosophique)
5.2. Le vérificationnisme
5.3. Le béhaviorisme psychologique
6. La théorie de l’identité
6.1. La logique de l’identité
6.2. L’identité des propriétés
6.3. Evaluation de la théorie de l’identité
6.3.1. Asymétrie épistémique
6.3.2. Contingence
6.3.3. Les caractères mentaux et physiques
6.3.4. Autres arguments utilisant le principe de Leibniz
7. Fonctionnalisme
7.1. L'argument de la « réalisabilité multiple » ou « multiréalisabilité »
7.2. La conception fonctionnaliste de l'esprit
7.3. La machine de Turing et le fonctionnalisme des machines
7.4. Fonctionnalisme du sens commun et « Psychofonctionnalisme »
7.5. Objections au fonctionnalisme
7.5.1. Holisme et « réalisation multiple » par différentes organisations fonctionnelles
7.5.2. L'objection des qualia absents
7.5.3. L'objection des qualia inversés
7.5.4. La chambre chinoise et la conception externaliste de la signification
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8. Eliminativisme
8.1. Arrière-plan théorique et motivations de l’éliminativisme
8.2. Analogies historiques
8.3. Arguments en faveur de l’éliminativisme
8.4. Arguments contre l’éliminativisme
8.4.1. Argument par l’introspection
8.4.2. Argument transcendantal
8.4.3. Les arguments avancés par les éliminativistes ne supportent que la thèse d’une
élimination partielle et non radicale de la psychologie du sens commun
8.4.4. La psychologie du sens commun n’est pas une théorie
8.5. Conclusion
Résumé du cours :
Nous retracerons quelques étapes de la réflexion du 20e siècle sur la nature de l’esprit et des
phénomènes mentaux, dans leur rapport avec le cerveau. Il s’agit de comprendre l’articulation
entre les phénomènes étudiés par la psychologie scientifique et accessibles à l’intuition en
première personne et les phénomènes cérébraux sous-jacents étudiés par les neurosciences.
Pour comprendre cette articulation il faut partir du concept de réduction inter-théorique. Nous
examinerons les obstacles conceptuels qui semblent s’opposer à l’intégration du domaine de
la cognition dans les sciences de la nature, notamment l’intentionnalité et la conscience
phénoménale. Puis nous examinerons différentes tentatives « naturalistes » de surmonter ces
obstacles, notamment : le béhaviorisme logique ; la théorie de l'identité selon laquelle les états
mentaux sont identiques à des états du cerveau ; l'éliminativisme qui soutient que tout le
système conceptuel des états mentaux est désuet et voué à disparaître au profit d'une
conception neuro-scientifique ; le fonctionnalisme qui conçoit les états mentaux grâce à
l'analogie avec la machine manipulant des symboles qu'est l'ordinateur.
Bibliographie : Manuels et recueils
- Paul M. Churchland, Matière et conscience, Champ-Vallon, collection milieux, 1999.
- Michael Esfeld, La philosophie de l'esprit, A. Colin, 2005.
- Jaegwon Kim, Philosophy of Mind, Boulder (Colorado), Westview Press, 1996/2006;
trad. Philosophie de l’esprit, Paris, Editions d’Ithaque, 2008.
- Denis Fisette et Pierre Poirier (dir.), Philosophie de l’esprit, vol. I : Psychologie du
sens commun et sciences de l’esprit, Vrin, 2002.
- Denis Fisette et Pierre Poirier (dir.), Philosophie de l’esprit, vol. II : Problèmes et
perspectives, Vrin, 2003.
- Pierre Poirier et Luc Faucher (dir.), Des neurosciences à la philosophie:
Neurophilosophie et philosophie des neurosciences, Syllepse, 2008.
- Max Kistler, L’esprit materiel – Réduction et emergence, Ithaque, 2016.
KISTLER-Philosophie de la psychologie 3
Plan du cours et textes proposés pour des exposés
Ce plan est disponible sur http://epi.univ-paris1.fr, lien « Philosophie, UFR 10, puis lien
« Philosophie, L3, Epistémologie », puis lien « Philosophie de la psychologie ». Vous pouvez
y télécharger la plupart des textes mentionnés.
1. Introduction : physicalisme, matérialisme, survenance
I. Les théories dualistes
2. Les marques de l’esprit et le dualisme classique
2.1. Les entités mentales sont non-spatiales
2.2. Les entités mentales ont une apparence phénoménale
Thomas Nagel, What is it like to be a bat? (1974); repr. in D.J. Chalmers (ed.)
Philosophy of Mind, Oxford University Press 2002, p. 219-226. Trad. : Quel effet cela fait,
d'être une chauve-souris ?, repr. in : Douglas Hofstadter et Daniel Dennett, Vues de l'esprit,
Paris, InterEditions, 1987, p. 391-405.
Frank Jackson, Epiphenomenal Qualia (1982), repr. in D.J. Chalmers (ed.) Philosophy
of Mind, p. 273-280.
Joseph Levine, On leaving out what it's like, in : M. Davies and G. Humphreys (eds.),
Consciousness. Oxford: Blackwell, 1993, trad. in Denis Fisette et Pierre Poirier (dir.),
Philosophie de l’esprit, vol. II : Problèmes et perspectives, Vrin, 2003, p. 195-221.
2.3. Certaines entités mentales possèdent l’intentionnalité
2.4. Les états mentaux jouissent d’un statut épistémique privilégié.
2.5. Arguments contre le dualisme
3. Le dualisme non cartésien
P. F. Strawson, Les individus (1959), trad. Seuil 1973. Chap. 3.
4. L’argument dit « du langage privé » de Wittgenstein
Ludwig Wittgenstein, Philosophische Untersuchungen (1958) ; trad. Recherches
philosophiques, Gallimard, 2004, en particulier §§ 243 sq.
II. Conceptions matérialistes de l’esprit
5. Le béhaviorisme
5.1. Le behaviorisme logique (ou analytique, ou philosophique)
Carl Gustav Hempel, Analyse logique de la psychologie, Revue de Synthèse, vol. X
(1935), p. 27-42 ; repr. in : Denis Fisette et Pierre Poirier (eds.), Philosophie de l’esprit, vol.
I : Psychologie du sens commun et sciences de l’esprit, Vrin, 2002, p. 197-215.
Rudolf Carnap, Psychologie in physikalischer Sprache, Erkenntnis 3 (1932/33), trad.
angl. Psychology in physical language, in : A.J. Ayer, Logical Positivism, New York: Free
Press, 1959. extrait repr. in D.J. Chalmers (ed.) Philosophy of Mind, p. 39-44,
5.2. Le vérificationnisme
5.3. Le béhaviorisme psychologique
6. La théorie de l’identité (des types)
6.1. La logique de l’identité
6.2. L’identité des propriétés
6.3. Evaluation de la théorie de l’identité
6.3.1. Asymétrie épistémique
6.3.2. Contingence
Saul Kripke, Naming and Necessity (1972), Cambridge, Mass.: Harvard University
Press, 1980, Trad. La logique des noms propres, Minuit 1982, en particulier : fin de la 3e
conférence.
6.3.3. Les caractères mentaux et physiques
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6.3.4. Autres arguments utilisant le principe de Leibniz
J.J.C. Smart, Sensations and Brain Processes (1959), repr. in D.J. Chalmers (ed.)
Philosophy of Mind, p. 60-68.
7. Fonctionnalisme
Jerry Fodor, Special Sciences (1974), repr. in D.J. Chalmers (ed.) Philosophy of Mind,
p. 126-135; trad. Les sciences spéciales in : Pierre Jacob (ed.), De Vienne à Cambridge,
Gallimard 1980, p. 417-441.
Hilary Putnam, The Nature of Mental States (1973), repr. in D.J. Chalmers (ed.)
Philosophy of Mind, p. 73-79 ; trad. La nature des états mentaux, in Denis Fisette et Pierre
Poirier (eds.), Philosophie de l’esprit, vol. I : Psychologie du sens commun et sciences de
l’esprit, Vrin, 2002, p. 269-288.
John Searle (1980), Minds, Brains, and Programs (1980), trad. Esprits, Cerveaux et
programmes, in : Douglas Hofstadter et Daniel Dennett, Vues de l'esprit, Paris, InterEditions,
1987.
David Lewis, Mad Pain and Martian Pain, in : Ned Block (ed.), Readings in the
Philosophy of Psychology, Vol. 1, 1980 ; trad. Douleur fou et douleur de martien, in : Denis
Fisette et Pierre Poirier (eds.), Philosophie de l’esprit, vol. I : Psychologie du sens commun et
sciences de l’esprit, Vrin, 2002, p. 289-306.
David Lewis, Psychophysical and Theoretical Identifications (1972), repr. in D.J.
Chalmers (ed.), p. 88-94.
8. Eliminativisme
P.M. Churchland, Eliminative Materialism and the Propositional Attitudes (1981),
repr. in D.J. Chalmers (ed.), p. 568-580; trad. Le matérialisme éliminativiste et les attitudes
propositionnelles, in : Denis Fisette et Pierre Poirier (eds.), Philosophie de l’esprit, vol. I :
Psychologie du sens commun et sciences de l’esprit, Vrin, 2002, p. 117-152.
9. Interprétationnisme
Daniel Dennett, True Believers: The intentional strategy and why it works (1981),
repr. in D.J. Chalmers (ed.), p. 556-568, trad. Les vrais croyants : la stratégie intentionnelle et
les raisons de son succès. in : D. Dennett, La stratégie de l'interprète. Gallimard, 1990.
Daniel Dennett, Intentional Systems, Journal of Philosophy, 68 (1971), 87–106 ; trad.
Systèmes intentionnels, Philosophie 1 (1984), p. 55-80.
10. Causalité mentale et externalisme
Donald Davidson, Mental Events (1970), repr. in Essays on Actions and Events,
Oxford : Clarendon Press, 1980, p. 207-225 ; trad. Les événements mentaux, in : D.
Davidson, Actions et événements. PUF.
Jaegwon Kim, Mind in a Physical World, MIT Press, 1998; trad. par F. Athané et E.
Guinet, L’esprit dans un monde physique, Paris, Syllepse, 2006.
Hilary Putnam, The Meaning of 'Meaning', in H. Putnam, Mind, Language, and
Reality: Philosophical Papers, Vol. 2, Cambridge University Press, 1975, p. 215-271; trad. La
signification de ‘signification’, in D. Fisette et P. Poirier (dir.), vol. 2, p. 41-82.
11. La liberté
Harry Frankfurt, Freedom of the Will and the Concept of a Person (1971), dans H. F.,
The Importance of What We Care About, Cambridge, Cambridge University Press, 1988.
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1. Introduction : Deux critères d’adéquation
En un sens, il n’y a rien qui nous soit aussi familier que notre esprit. Tout le monde
sait ce que c’est que de reconnaître un visage familier, de penser que les vacances sont encore
loin, d’espérer arriver à temps à la gare, de sentir la chaleur du soleil sur le visage ou la
douleur de la brûlure d’une flamme sur les doigts. Cependant, ces aspects mentaux de notre
vie nous sont, en un autre sens, moins bien connus que notre corps et surtout moins bien que
notre environnement. En termes de connaissance, il est beaucoup plus aisé de faire
l’inventaire de tous les objets que j’ai dans la poche de mon pantalon, que de faire celui de ce
qu'il y a dans mon esprit. La raison de cela est que notre attention est naturellement dirigée
vers le dehors ; nous apprenons à nous orienter dans notre environnement quotidien, parmi
des objets et dans des lieux toujours plus nombreux, avant de nous intéresser pour la première
fois à l’esprit même qui porte cette attention, et qui nous met en mesure de connaître notre
environnement, les objets et les personnes familiers. S’interroger sur l’esprit est une entreprise
philosophique par excellence ; elle cherche à suivre l’ordre inscrit sur l’oracle de Delphes «
connais-toi toi-même », de la manière caractéristique de la philosophie : en travaillant à
l’élaboration de concepts et de thèses qui nous permettent de comprendre ce que c’est que
l’esprit, plus clairement que ne le permet l’intuition du sens commun, en le situant par rapport
à ces choses, à la fois mieux et moins bien connues, que sont les objets et les personnes dans
notre environnement, ainsi que notre propre corps.
Comme dans toute entreprise philosophique, la grande difficulté consiste à concilier
deux impératifs : d’une part, la prétention de procéder à une réflexion qui cherche à découvrir
la vraie nature de son objet de recherche, sans être prisonnière d’aucun préjugé : une enquête
philosophique ne doit se plier devant aucune contrainte autre que celles qui sont imposées par
l’objet lui-même. La réflexion philosophique ne doit se laisser dicter aucun choix théorique de
l’extérieur : au départ, nous devons nous mettre dans une attitude parfaitement ouverte qui
nous prépare à accepter les résultats de l’enquête, quels qu’ils soient : nous devons être prêts
à accepter, le cas échéant, la conclusion que l’esprit est radicalement différent des objets
matériels qui nous entourent, et de notre corps, mais aussi la conclusion opposée que l’esprit
n’est rien d’autre qu’un aspect particulier d’un objet matériel parmi d’autres, notre corps.
Même, notre interrogation ne mériterait pas l’appellation de « philosophique » si nous
n’étions pas en principe prêts à accepter des conclusions encore plus radicales, comme la
thèse laquelle nous reviendrons plus tard en détail) selon laquelle « l’esprit » tel que le
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