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Un constat
L’expérience professionnelle de trois années en Section d’Enseignement Général et Professionnel
Adapté m’a amené à côtoyer un grand nombre d’élèves issus de l’école élémentaire n’ayant pas acquis
toutes les compétences du cycle 3, voir du cycle 2.
Bien souvent, pour ces jeunes en difficulté scolaire arrivant en SEGPA, il n’existe pas
véritablement d’issue au désir car pour désirer, il faut espérer que « cela va marcher ». Pour eux, l’effort
n’en vaut plus la peine car il débouche rarement sur une réussite. La réponse à cette souffrance, c’est
souvent la violence qu’ils exercent sur l’extérieur ou sur eux–mêmes. Cette violence permet probablement
au pré-ado en souffrance de rendre ce qu’on lui a fait « endurer ». Elle est auto-justifiée et se présente
comme une contre-violence. S’il casse volontairement la vitre du panneau d’affichage du collège, c’est
peut-être que symboliquement cet univers l’a agressé. L’autre réponse, quand la pulsion à agir fait mal,
c’est l’inhibition ou l’effacement, violences moins visibles mais que l’on exerce directement sur soi–
même.
En observant avec attention ces élèves, on remarque aussi qu’ils éprouvent généralement des
difficultés dans leur relation au monde. Certains manquent de repères à la loi. Leur culture est souvent peu
élaborée. On découvre parfois un fort égocentrisme et une estime de soi plutôt négative. Ils semblent avoir
du mal à assumer une identité par rapport à l’attente scolaire. Le vocabulaire utilisé est relativement
pauvre. En majorité, ces jeunes ont le sentiment d’être rejetés ou marginalisés dans le système. En
découle à la fois un sentiment fort de culpabilité et une faible ouverture vers de nouveaux centres
d’intérêt.
Comportement de fuite, perte du contrôle de soi, angoisse, frustration, rigidité mentale,
impulsivité, manque de structures spatio–temporelles forment aussi un ensemble de troubles et de
difficultés fréquentes. Il y a souvent un retour à une représentation de soi fermée qui refuse la
communication avec le monde. Beaucoup appréhendent même de recevoir quelque chose de
l’extérieur … comme du savoir scolaire par exemple.
En m’appuyant sur ce constat, et en choisissant la pratique du théâtre à l’école, je me suis interrogé
sur la démarche, la relation pédagogique et les contenus à mettre en œuvre à l’école élémentaire, c’est à
dire en amont du collège. Cette cohérence est d’ailleurs, à mon sens, tout à fait essentielle. L’un des
objectifs majeur de l’école consiste bien à mettre des stratégies en place pour tenter de prévenir l’échec et
favoriser encore davantage de réussite dans la poursuite de la scolarité.