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Le contexte particulier de l’Occupation dans l’arrondissement de Boulogne-sur-Mer.
Au jeu traditionnel des échanges entre sous-préfet, préfet et maires, vinrent s’ajouter,
après la débâcle de 1940 et le rattachement du Pas-de-Calais au commandement militaire de
Bruxelles, d’autres interlocuteurs d’un genre un peu particulier, les autorités allemandes
d’occupation. Le correspondant habituel, sinon naturel, de la sous-préfecture fut la
Kreiskommandantur de Boulogne – vite repliée à Desvres, ville un tant soit peu moins
exposée –, qui dépendait de l’Oberfeldkommandantur 670 de Lille et dont le ressort
correspondait à l’arrondissement français ; mais à l’occasion, l’administration française
pouvait avoir affaire à des entités militaires de moindre importance, comme la
Standortskommandantur de Boulogne-sur-Mer, dont l’autorité se limitait à cette ville, ou à la
Wehrmachtskommandantur de Calais. L’arrondissement de Boulogne-sur-Mer, déjà vaste
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,
présentait en outre l’inconvénient, durant les années noires de l’Occupation, d’être
particulièrement exposé aux bombardements alliés – et d’ailleurs, le 8 décembre 1941 à
l’aube, un chapelet de bombes anglaises anéantit l’hôtel de la sous-préfecture. Du fait de cette
exposition et du contexte de guerre, les restrictions à la liberté de circuler furent
particulièrement drastiques et une partie de l’arrondissement, le long de la Manche, fut
déclarée « zone interdite » ou « zone rouge »
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.
C’est peu de dire que le poste périlleux de Boulogne-sur-Mer, à cette époque, ne fut
pas particulièrement recherché, ce qui explique en partie qu’une demi-douzaine de
responsables s’y succédèrent en l’espace de quelques années à peine. En avril 1941, Robert
Martin remplaça Eugène Morin – en poste à Boulogne-sur-Mer depuis 1933, valeureux sous-
préfet de guerre durant le siège de 1940, mais admis à faire valoir ses droits à la retraite. Il
s’agissait là d’une nomination importante, puisqu’elle démontrait qu’en dépit des velléités
allemandes d’annexion du Pas-de-Calais, l’État français, malgré tout, avait toujours la faculté
de désigner ses représentants. Dès le mois de décembre, Maurice Cuttoli succéda à Robert
Martin
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, et prit ses fonction au lendemain de la destruction de l’hôtel de la sous-préfecture ; il
lui fallut scinder ses services, les bureaux des allocations militaires et de l’administration
communale étant transférés à Desvres tandis que l’administration générale restait à Boulogne,
accueillie dans un hôtel. Maurice Cuttoli, nommé dans l’Aube, céda rapidement la place à son
tour à Michel Henry de Villeneuve, un patriote qui se rendit très vite suspect aux yeux des
occupants, puis entra ouvertement en conflit avec la Kreiskommandantur lors des
bombardements du Portel – après son départ de Boulogne, où il laissa le souvenir d’un sous-
préfet particulièrement courageux, il fut nommé préfet des Côtes-du-Nord et milita dans la
Résistance, jusqu’à son arrestation par les Allemands en mai 1944. En novembre 1943, René
Schmitt l’avait remplacé à la sous-préfecture, et s’y montra plus conciliant avec l’occupant,
sans être pour autant un collaborateur à tous crins. Il subit le siège de la ville à la fin de l’été
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L’arrondissement de Calais ne fut créé qu’en 1962 ; jusqu’à cette date, son ressort actuel appartenait à
l’arrondissement de Boulogne-sur-Mer – voir la carte présentée en annexe.
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Cf. carte du Pas-de-Calais sous l’Occupation présentée en annexe. Il ne faut pas confondre cette zone interdite,
de fonction essentiellement militaire, avec la « zone interdite » imposée par l’Allemagne dans la zone
d’occupation en juillet (quoique non prévue par la convention d’armistice) et qui visait à empêcher le retour des
réfugiés – une zone délimitée par la « ligne du nord-est » de la Somme à la Suisse mais dont le Pas-de-Calais et
le Nord, rattachés au commandement militaire allemand de Bruxelles, ne faisaient du reste pas partie. Voir sur ce
point la synthèse de Jean-Pierre Harbulot, « Zone interdite », dans COINTET (Michèle et Jean-Paul, directeurs),
Dictionnaire historique de la France sous l’Occupation. Paris : Tallandier, 2000, p. 713-714. Les archives
décrites ici donnent de nombreux renseignements sur le fonctionnement de cette « zone rouge ».
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Nommé préfet du Territoire de Belfort, puis de Charente-Maritime, puis enfin d’Ille-et-Vilaine et de la région
de Rennes, Robert Martin fut révoqué en 1945 et condamné le 23 juin de cette année aux travaux forcés à
perpétuité par la cour de justice d’Ille-et-Vilaine, pour intelligence avec l’ennemi.