ARCHIVES DÉPARTEMENTALES DU PAS-DE-CALAIS
Répertoire numérique des archives
de la sous-préfecture de Boulogne
durant la Seconde Guerre mondiale
(1939-1950, années 1940-1945 principalement)
31 W
par
Sébastien Studer,
conservateur stagiaire du patrimoine
Arras-Dainville, 2005
1
INTRODUCTION
Le présent instrument de recherche est le fruit d’un travail de classement et d’analyse
des documents d’archives produits par la sous-préfecture de Boulogne, précédemment
conservés dans la sous-série 2 Z, ils n’avaient pas leur place d’un point de vue
réglementaire, et replacés dans une sous-série 31 W créée ad hoc conformément aux
instructions de la Direction des Archives de France (circulaire AD 79-6 du 31 décembre
1979).
Depuis plus d’un siècle et demi, plusieurs instructions ministérielles ont réglé le sort
des archives des sous-préfectures. Les circulaires des 8 août 1839, 12 octobre 1926 et
9 octobre 1936 en ont prescrit le versement aux archives départementales au même titre et
dans les mêmes conditions que les papiers de la préfecture, et ne sont certes pas restées lettres
mortes même si l’adoption de cette procédure par les administrations intéressées passe pour
avoir été, partout en France, assez lente.
Le cadre de classement de 1841 affectait la série Z aux « affaires diverses ne rentrant
pas dans les séries précédentes ». Le classement des archives des sous-préfectures au sein de
cette série a été préconisé pour la première fois par le tableau annexé à l’arrêté du 1
er
juillet
1921 portant règlement général des archives départementales ; c’est cette pratique qui a eu
cours aux archives départementales du Pas-de-Calais, quand bien même elle n’a été rendue
obligatoire qu’assez tardivement, avec l’instruction de la Direction des Archives de France du
16 décembre 1965
1
. Comme ce texte ne précisait pas le cadre de classement interne de la
série, le parti a été pris, aux archives départementales du Pas-de-Calais comme ailleurs,
d’adopter une cotation spécifique pour chaque sous-préfecture, dans l’ordre alphabétique.
C’est ainsi qu’a été créée la sous-série 2 Z, propre à la sous-préfecture de Boulogne-sur-Mer.
L’instruction du 16 décembre 1965 portait uniquement sur le traitement des séries de
la période 1800-1940. Par la suite, la recherche d’une solution en matière de traitement des
archives contemporaines aboutit à la création de la série continue W. La circulaire AD 79-6
du 31 décembre 1979 prévoyait l’affectation des documents postérieurs au 10 juillet 1940
dans des sous-séries de W spécifiques, numérotées de 1 à 1000 W. En théorie, la série Z
s’arrête donc à cette date du 10 juillet 1940.
Certes, des débordements chronologiques sont dans certains cas inévitables : on aurait
tort de scinder tel dossier dépassant l’année 1940, du moment qu’il présente une indiscutable
homogénéité, en vertu du principe de respect des fonds. Mais aux archives départementales du
Pas-de-Calais, un certain manque de rigueur expliqué dans une large mesure par l’histoire
interne du service et notamment les contraintes d’espace qui pesaient sur lui – a fait que ce qui
devait être l’exception était devenu, pour de nombreuses séries modernes, la règle. La limite
chronologique de facto de la sous-série 2 Z se situait non pas en 1940, mais en 1950 ; s’y
trouvaient donc classées la plupart des archives de guerre de la sous-préfecture de Boulogne-
1
Auparavant gnait une certaine ambiguïté, dont les effets ne se sont pas fait sentir aux archives
départementales du Pas-de-Calais. La circulaire du 12 octobre 1926, émanant conjointement des ministres de
l’Intérieur et de l’Instruction publique, prévoyait ainsi deux possibilités quant au devenir des archives des
sous-préfectures : les archives départementales pouvaient soit les répartir dans les séries du cadre de 1841, soit
les laisser en fonds distincts dans la série Z.
2
sur-Mer, de même que celles de l’administration préfectorale se trouvent dans les séries
modernes M (administration générale) et R (affaires militaires).
Il a donc été décidé de traiter quelque cent cinquante liasses qui, quoique postérieures
à 1940, se trouvaient toujours classées en 2 Z du reste assez mal identifiées, un récolement
plutôt sommaire en ayant été réalisé lors de leur versement en 1955. Le cas, assez similaire,
des archives de la première division de la préfecture du Pas-de-Calais avait été réglé par la
rédaction du Répertoire méthodique des archives versées par la première division de la
préfecture (administration et réglementation générales, nationalité et affaires militaires),
années 1940-1960 principalement tâche confiée à M. Olivier Muth, conservateur du
patrimoine. Dans ce cas précis, le choix formel d’un répertoire méthodique, prenant en
compte l’ensemble des documents versés par la préfecture, qu’ils eussent été classés dans la
série W ou placés à la suite des séries modernes, s’était imposé du fait de l’importance des
masses à traiter. En revanche, en ce qui concerne les archives de la sous-préfecture de
Boulogne, les archives postérieures à 1940, relatives, dans leur très grande majorité, aux
années d’Occupation, ne représentaient qu’un métrage somme toute assez modeste ; c’est
pourquoi, le temps du stage de formation d’un conservateur stagiaire, il a été possible de les
reclasser intégralement dans une sous-série spécifique.
Les attributions du sous-préfet.
Dans le cadre des réformes administratives du Consulat, les sous-préfectures et leur
ressort territorial, l’arrondissement, furent institués par la loi du 28 pluviôse an VIII
(17 février 1800). Le sous-préfet représente le pouvoir central dans son arrondissement ;
nommé par le gouvernement, il relève directement du préfet et ne peut se mettre en rapport
avec l’autorité centrale que lorsqu’il y est invité, ce qui n’est pas très fréquent. À l’origine
simple agent de transmission, d’information et de surveillance, placé entre le préfet, à la tête
du département, et le maire, à la tête de la commune, il se vit peu à peu transférer certaines
attributions précédemment réservées aux préfets (décrets des 25 mars 1852, 13 avril 1861 et
4 novembre 1926), notamment en matière de police administrative et de tutelle sur les
communes (supervision de la gestion financière, d’où l’importance, bien souvent, des fonds
d’archives consacrés aux affaires communales). Il prépare l’instruction des affaires
administratives qui doivent être soumises à la décision de l’autorité supérieure ; il assure
l’exécution des instructions relatives à l’administration communale, ainsi que de toutes les
mesures d’intérêt général prises, soit par le gouvernement, soit par le préfet, dans la limite de
sa compétence. Il prépare les rapports relatifs aux affaires sur lesquelles le Conseil
d’arrondissement est appelé à donner son avis ; il a également mission de prendre toutes
mesures d’ordre que la sécurité publique peut exiger
2
.
2
Les lois de décentralisation, à partir de 1982, en émancipant les collectivités territoriales de la tutelle étatique,
ont à nouveau amoindri le pouvoir des sous-préfets de concert avec l’ensemble de l’administration territoriale.
3
Le contexte particulier de l’Occupation dans l’arrondissement de Boulogne-sur-Mer.
Au jeu traditionnel des échanges entre sous-préfet, préfet et maires, vinrent s’ajouter,
après la débâcle de 1940 et le rattachement du Pas-de-Calais au commandement militaire de
Bruxelles, d’autres interlocuteurs d’un genre un peu particulier, les autorités allemandes
d’occupation. Le correspondant habituel, sinon naturel, de la sous-préfecture fut la
Kreiskommandantur de Boulogne – vite repliée à Desvres, ville un tant soit peu moins
exposée –, qui dépendait de l’Oberfeldkommandantur 670 de Lille et dont le ressort
correspondait à l’arrondissement français ; mais à l’occasion, l’administration française
pouvait avoir affaire à des entités militaires de moindre importance, comme la
Standortskommandantur de Boulogne-sur-Mer, dont l’autorité se limitait à cette ville, ou à la
Wehrmachtskommandantur de Calais. L’arrondissement de Boulogne-sur-Mer, déjà vaste
3
,
présentait en outre l’inconvénient, durant les années noires de l’Occupation, d’être
particulièrement exposé aux bombardements alliés – et d’ailleurs, le 8 décembre 1941 à
l’aube, un chapelet de bombes anglaises anéantit l’hôtel de la sous-préfecture. Du fait de cette
exposition et du contexte de guerre, les restrictions à la liberté de circuler furent
particulièrement drastiques et une partie de l’arrondissement, le long de la Manche, fut
déclarée « zone interdite » ou « zone rouge »
4
.
C’est peu de dire que le poste périlleux de Boulogne-sur-Mer, à cette époque, ne fut
pas particulièrement recherché, ce qui explique en partie qu’une demi-douzaine de
responsables s’y succédèrent en l’espace de quelques années à peine. En avril 1941, Robert
Martin remplaça Eugène Morin en poste à Boulogne-sur-Mer depuis 1933, valeureux sous-
préfet de guerre durant le siège de 1940, mais admis à faire valoir ses droits à la retraite. Il
s’agissait d’une nomination importante, puisqu’elle démontrait qu’en dépit des velléités
allemandes d’annexion du Pas-de-Calais, l’État français, malgré tout, avait toujours la faculté
de désigner ses représentants. Dès le mois de décembre, Maurice Cuttoli succéda à Robert
Martin
5
, et prit ses fonction au lendemain de la destruction de l’hôtel de la sous-préfecture ; il
lui fallut scinder ses services, les bureaux des allocations militaires et de l’administration
communale étant transférés à Desvres tandis que l’administration générale restait à Boulogne,
accueillie dans un hôtel. Maurice Cuttoli, nommé dans l’Aube, céda rapidement la place à son
tour à Michel Henry de Villeneuve, un patriote qui se rendit très vite suspect aux yeux des
occupants, puis entra ouvertement en conflit avec la Kreiskommandantur lors des
bombardements du Portel après son départ de Boulogne, il laissa le souvenir d’un sous-
préfet particulièrement courageux, il fut nommé préfet des Côtes-du-Nord et milita dans la
Résistance, jusqu’à son arrestation par les Allemands en mai 1944. En novembre 1943, René
Schmitt l’avait remplacé à la sous-préfecture, et s’y montra plus conciliant avec l’occupant,
sans être pour autant un collaborateur à tous crins. Il subit le siège de la ville à la fin de l’été
3
L’arrondissement de Calais ne fut créé qu’en 1962 ; jusqu’à cette date, son ressort actuel appartenait à
l’arrondissement de Boulogne-sur-Mer – voir la carte présentée en annexe.
4
Cf. carte du Pas-de-Calais sous l’Occupation présentée en annexe. Il ne faut pas confondre cette zone interdite,
de fonction essentiellement militaire, avec la « zone interdite » imposée par l’Allemagne dans la zone
d’occupation en juillet (quoique non prévue par la convention d’armistice) et qui visait à empêcher le retour des
réfugiés une zone délimitée par la « ligne du nord-est » de la Somme à la Suisse mais dont le Pas-de-Calais et
le Nord, rattachés au commandement militaire allemand de Bruxelles, ne faisaient du reste pas partie. Voir sur ce
point la synthèse de Jean-Pierre Harbulot, « Zone interdite », dans COINTET (Michèle et Jean-Paul, directeurs),
Dictionnaire historique de la France sous l’Occupation. Paris : Tallandier, 2000, p. 713-714. Les archives
décrites ici donnent de nombreux renseignements sur le fonctionnement de cette « zone rouge ».
5
Nommé préfet du Territoire de Belfort, puis de Charente-Maritime, puis enfin d’Ille-et-Vilaine et de la région
de Rennes, Robert Martin fut révoqen 1945 et condamné le 23 juin de cette année aux travaux forcés à
perpétuité par la cour de justice d’Ille-et-Vilaine, pour intelligence avec l’ennemi.
4
1944, et fut déposé le 18 septembre 1944 par le commandant Mengin, représentant du
commissaire régional de la République mis en place à Lille par la Résistance gaulliste,
Closon. Ce n’est que le 2 octobre que Pierre Hars fut nommé à son poste, par un décret qui du
reste ne fut publié que le 18 décembre suivant. Le mandat de ce résistant de la première heure,
membre du réseau « l’Armée des Volontaires », fut aussi bref que celui de ses prédécesseurs :
la nomination d’Eugène Simoneau, le 30 avril 1946, y mit un terme et ferma en quelque sorte
la parenthèse des sous-préfets éphémères des années de guerre, puisque Simoneau resta en
poste pour plus de trois ans.
Le traitement de la sous-série 31 W.
Les archives dont il est question ici sont citées dans le « Rapport de M. l’archiviste en
chef du département »à l’époque, M. Pierre Bougard de 1956, qui évoque un « versement
de la sous-préfecture de Boulogne »
6
, mais le bordereau de versement original correspondant,
si tant est qu’il eût existé, n’a pas pu être retrouvé. L’outil dont disposait le service des
archives départementales pour effectuer un premier travail de repérage n’était autre que celui
dont disposaient les lecteurs pour effectuer leurs recherches, à savoir le répertoire de la série Z
– en fait, une compilation de récolements manuscrits, celui de la sous-série 2 Z (sous-
préfecture de Boulogne-sur-Mer) ayant été réalisé par M. Bougard et l’un de ses
collaborateurs
7
. L’examen de cet instrument de recherche fruste mais plutôt fiable a permis de
repérer, puis de mettre physiquement à l’écart environ cent cinquante articles, très
hétérogènes quant à leur taille, pour un métrage total d’une dizaine de mètres linéaires
environ.
Après traitement, reclassement, élimination des doubles et des documents de faible
valeur historique
8
, on aboutit au résultat décrit dans le présent répertoire analytique, à savoir
soixante quinze articles cohérents, conditionnés dans une cinquantaine de boîtes adaptées à
une longue conservation. Le plan de classement adopté est le reflet typique de l’activité d’une
administration centrale déconcentrée dans une époque certes particulière. Sa seule
originalité réside dans la définition d’une section spécifique à l’Occupation, plus
particulièrement aux rapports entre administration française et autorités allemandes, aux
questions militaires allemandes les affaires militaires typiquement françaises, l’organisation
de la défense passive et la question des évacués ayant droit à une autre section qui leur est
propre et au contrôle par le sous-préfet, mais pour le compte des Allemands, des
transmissions.
6
Conseil général du Pas-de-Calais, 2
e
session ordinaire de 1956, rapports des chefs de service. Arras :
Imprimerie centrale de l’Artois, 1956, p. 5. Le versement aurait donc eu lieu en 1955-1956.
7
S’y ajoute une table thématique.
8
Pour l’essentiel, une pléthore de demandes d’autorisation de circuler ou d’attribution de carburants et
lubrifiants – certains documents de ce type ayant été conservés à titre d’échantillon.
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