9 L`engagement des femes dans la Guerre 1939

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Le prix du sang
pendant la Seconde Guerre
mondiale: la citoyenneté
Nathalie Duval
2014-2015
Inter-âges n°9
Comment les femmes, dans toute leur diversité,
ont-elle traversé la France des années noires ?
• Luc Capdevila, François
Rouquet, Fabrice Virgili,
Danièle Voldman, Sexe,
genre et guerres. France
1914-1945, Payot, 2010
• Claude Quétel, Les
femmes dans la guerre
1939-1945, Larousse,
2009
I La défaite : une faillite du masculin
2 septembre 1939: appel à la mobilisation générale
1) La drôle de guerre
loi du 11 juillet 1938: possible d’y convoquer les
femmes en cas de nécessité
L’ennui de soldats derrière la Ligne Maginot:
« Nous irons pendre notre linge sur la ligne Siegfried »
2) La débandade
Après 8 mois de cette « drôle de guerre »,
offensive allemande, le 10 mai 1940.
• Pertes civiles s’élèvent
à 20 000 pour 60 000
soldats tués
• Prisonniers: deux
millions d’hommes,
dont la moitié après
l’appel au cessez-le-feu
du maréchal Pétain le
17 juin 1940
• Dans les « Frontstalag »
II Vichy : ordre moral
et famille éclatée
1) La famille efface les femmes
• Exclure les femmes du monde du travail:
• loi du 11 octobre 1940
– interdit l’embauche des femmes mariées,
– les exclut de la fonction publique
– prévoit la mise à la retraite des femmes + 50 ans
– Mais contexte de grande détresse sociale
– Mesure suspendue en septembre 1942
« Journée » des mères, à partir de mai 1941:
un moment de propagande familialiste
• Fête créée avant Vichy,
en 1926
• mais n’avait jamais été
réellement célébrée
• 1941: devient une fête
célébrée par la nation
• Vote familial
• 29 novembre 1942:
charte de la famille
2) Surveiller les femmes
Renforcement du lien matrimonial par la loi
• L’acte du 2 avril 1941
multiplie les délais légaux
pour les procédures de
divorce.
• deux exceptions à la
protection du mariage
– conjoints non juifs d’un
couple mixte sont encouragés
à divorcer
– prisonniers de guerre:
procédure de divorce
par correspondance
maintenue
• loi du 23 décembre 1943 sur la « protection
de la dignité du foyer »
• Loi du 15 février 1942 qualifie l’avortement de
crime contre l’Etat
• 46 avorteurs déférés devant le tribunal d’Etat
• Deux condamnés à la peine capitale,
guillotinés:
– Marie-Louise Giraud, le 30 juillet 1943
– Désiré Piogé, 3 mois plus tard
Explosion des naissances illégitimes
(hors mariage)
• loi du 2 septembre
1941 dite « sur la
protection de la
naissance » étendue à
tout le territoire:
• permet aux femmes,
pour la première fois,
de façon légale,
« d’accoucher sous X »
III La collaboration au féminin
Montoire, 24 octobre 1940
1) Collaboratrices comme les hommes
• Le Groupe collaboration d’Alphonse de
Châteaubriant
• Le Parti populaire français de Jacques Doriot
• Le Rassemblement national populaire (RNP)
de Marcel Déat
• 15% des effectifs des organisations militaires
comme la Légion des volontaires ou encore la
Milice française de Darnand
Jeunes filles du RNP faisant le salut fasciste
devant le palais de Chaillot, 26 septembre 1943
Le travail pour les Allemands que ce soit en France ou
en Allemagne, pour 70 000 d’entre elles
les dénonciations
1941: Exposition antisémite
2) Une collaboration horizontale ?
De multiples liaisons
IV. Résistants et résistantes
• Ex: Marguerite Gonnet
– chef départemental du
mouvement LibérationSud pour l’Isère
– Arrêtée, jugée mai 1942
– Réponse au Tribunal :
« Tout simplement parce
que les hommes les
[armes] avaient laissées
tomber »
1) L’engagement dans la France libre
et la résistance intérieure
7 novembre 1940: Corps des volontaires françaises
• débarquement allié en
Afrique du Nord, le 8
novembre 1942:
effectifs en hausse
• avril 1944, l’Arme
féminine de l’armée de
terre (AFAT)
• 1945: 14 000 femmes
sur les 800 000
hommes de la nouvelle
armée française: mixité
Résister, c’est à la fois agir contre l’ennemi,
occupant et collaborateur
Des actes de bravoure
mais autocensure des femmes
• Seulement 6 femmes sur
les 1059 compagnons de
la Libération
• Ne représentent que 10%
de médaillées de la
résistance
• Peu détentrices de la
carte de Combattant
volontaire de la
Résistance (CVR)
• Aucune femme ne siège
au Comité national de la
Résistance
Exceptions notables
• Marie-Madeleine Fourcade à la tête du
réseau de renseignement Alliances
• Georgette Claude-Gérard, coordinatrice des
parachutages du mouvement Combat dans le
Sud-Ouest
• Madeleine Braun dirigeant le Front nationalzone sud (parti communiste)
2) Résistantes mais toujours mères
• répartition traditionnelle des rôles masculin et
féminin
• la femme intervient comme couverture de
l’action clandestine
• Ex: Jeanne Bohec, spécialiste des explosifs au
BCRA (les services secrets de la France libre)
• 31 mai 1942: une « manifestation des
ménagères », Paris, rue de Buci, à l’initiative
du parti communiste
Malgré la propagande de Vichy, des mères s’opposent
au départ de leurs fils en Allemagne au moment de la
mise en place du STO, début 1943
V Affronter les rigueurs du temps
1) Tenir son foyer sous l’Occupation
• Mères célibataires
• Epouses des 1 600 000
prisonniers de guerre
en Allemagne
dont 57% sont mariés
et 39% ont des enfants
• faire preuve
d’ingéniosité
Marché noir, rationnement…
• Arrêté du préfet de
police de la Seine, juin
1941: réduire les temps
d’attente devant les
commerces
• maréchal Pétain,
discours du 12 août
1941: « vents
mauvais »
2) Ni front ni arrière :
une population dans la guerre
• Mai 1941: premières
rafles de Juifs étrangers
en zone occupée
• 27 mars 1942: un
premier convoi
transfère 1112 hommes
d’un camp de la ville de
Compiègne vers le
camp d’Auschwitz
Femmes déportées
• sur les 75 528 déportés
juifs de France, 31625
(42%) sont des femmes
– 2/3 : mortes dans les
chambres à gaz
– seules 913 survécurent
– Hommes : 1620 à survivre
la Shoah ne distingue
fondamentalement
pas les hommes des
femmes
Port de l’étoile jaune imposé par les Allemands,
le 7 juin 1942, en zone occupée
puis au reste de la France
1943: reprise des bombardements,
grande offensive alliée
Exécutions d’otages et déportations
se multiplient
• France Bloch-Sérazin
– spécialiste des explosifs du
réseau de Raymond
Losserand
– condamnée à mort avec 18
de ses camarades
masculins par un tribunal
militaire, à l’automne 1942
– pas fusillée au MontValérien mais transférée en
Allemagne et décapitée (à
la prison de Hambourg, le
12 février 1943)
Femmes nombreuses à être déportées: 8 800
soit 10% des déportés non raciaux
• camp de concentration de Ravensbrück:
– Geneviève de Gaulle-Anthonioz: nièce de Charles
de Gaulle, résistante, membre du réseau Défense
de la France)
– la communiste Marie-Claude Vaillant-Couturier
– Germaine Tillion, du réseau du musée de
l’Homme
Débarquement en Normandie, 6 juin 1944 :
massacres allemands dans les villages. Ex: Tulle,
Oradour-sur-Glane, Maillé, Vassieux-en-Vercors
VI Une France virile et libérée
1) Des femmes libératrices et citoyennes
Le chef militaire de
l’insurrection
parisienne, Rol-Tanguy,
célèbre les Parisiennes
« sans qui rien n’aurait
été possible ».
Récompense à leur engagement :
le droit de vote, adopté par l’Assemblée
consultative d’Alger le 21 avril 1944
Discours de l’Hôtel de ville, le 25 août: « Paris outragé! Paris
brisé! Paris martyrisé! Mais Paris libéré! »
Défilé de la Victoire, le 26 août 1944
2) La soumission des corps
Les tontes: Le corps coupable doit être puni
Réaffirmation de l’autorité masculine
sur le corps des femmes
Conclusion : la mémoire des femmes
Par pudeur, elles ont contribué
à leur propre effacement
La difficile réadaptation des déportées.
Au prix du sang et de la souffrance, accès à la pleine
citoyenneté
Malgré les craintes d’un vote féminin conservateur,
l’ordonnance du 21 avril 1944 accorde le droit de vote
aux femmes, appuyé par De Gaulle.
Elections municipales en avril 1945
La parité des honneurs de la République:
deux femmes au Panthéon en mai 2015
• Germaine Tillion, ethnologue et résistante
• Geneviève de Gaulle-Athonioz, résistante
…. sont les 3ème et 4ème femmes qui entreront au Panthéon
à la suite de la décision du Président de la République,
datée de février 2024, de faire transférer les cendres de
quatre personnalités qui se sont distinguées durant le
Seconde Guerre mondiale: deux femmes aux côtés de
deux hommes : Pierre Brossolette (journaliste et
résistant) et Jean Zay (ministre, député et résistant).
… non pas en tant qu’épouses de… (Marie Curie en 1995
et Sophie Berthelot en 1907) mais pour leur mérite…
… Mérite auquel la Nation rendra hommage.
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