L’Encéphale, 2007 ; 33 : Septembre, cahier 3
S692
Troubles anxiodépressifs : facteurs prédictifs de réponse
thérapeutique
J.-M. VANELLE (1)
(1) Hôpital Saint-Jacques, 85, rue Saint-Jacques, 44093 Nantes cedex.
INTRODUCTION
Dans le cadre d’un symposium consacré aux intrica-
tions anxiété et dépression, le terme trouble anxio-dépres-
sif, surtout écrit au pluriel, semble dépasser le simple re-
gistre de l’entité trouble anxio-dépressif (TAD), tel qu’il est
défi ni dans le DSM IV R et l’ICD 10. Les deux classifi ca-
tions en font essentiellement un diagnostic subsyndromi-
que eu égard aux défi nitions qu’ils en donnent respective-
ment sous le vocable de trouble mixte anxiété-dépression
(voir défi nition en annexe) qui exclut dans les deux cas les
critères d’état dépressif ou anxieux caractérisé.
En effet, l’association de symptômes anxieux et dé-
pressifs est un problème de pratique médicale quotidien
que le clinicien doit tenter de clarifi er en différenciant ce
qui est du registre respectif d’une pathologie thymique
ou d’un trouble anxieux, en sachant que ces patholo-
gies ont des symptômes en commun et que la principale
complication de tout trouble anxieux est la survenue d’un
état dépressif caractérisé.
En matière de stratégie thérapeutique, le degré d’anxiété
est pris obligatoirement en considération, d’autant que parmi
les critères de classifi cation des antidépresseurs intervien-
nent leurs propriétés anxiolytiques ou psychotoniques.
RAPPEL CLINIQUE
Des manifestations anxieuses sont très souvent ob-
servées au cours d’un épisode dépressif, qu’il s’agisse
des symptômes inauguraux, de la phase d’état ou des
symptômes résiduels. L’angoisse peut être un signal-
symptôme de rechute comme de récidive.
Les échelles évaluant la symptomatologie dépressive
incluent au moins un item d’anxiété : la tension intérieure
pour la MADRS et de nombreux autres dans l’HDRS,
souvent accusée de contenir trop d’items de ce registre.
Une forme de mélancolie, la mélancolie anxieuse,
était classiquement individualisée sur l’intensité de la
charge anxieuse et du piège diagnostique qu’elle pouvait
constituer.
Pourtant, l’anxiété ne fi gure plus, désormais, parmi les
symptômes caractéristiques d’état dépressif caractérisé
dans les deux classifi cations les plus utilisées : DSMIV
TR et ICD 10.
Enfi n, le terrain ou les traits de personnalité – anxieux
en l’occurrence- sont aussi susceptibles d’infl uencer la
symptomatologie dépressive, sous forme d’une dimen-
sion anxieuse majorée à l’occasion de la survenue de
l’accès dépressif.
Ainsi est-il nécessaire chez tout sujet atteint de dé-
pression de se livrer à une analyse sémiologique rigou-
reuse tant synchronique que diachronique des symptô-
mes dépressifs et anxieux.
CHOIX THÉRAPEUTIQUE
La dimension anxieuse de la dépression à traiter doit
être prise en considération. « L’anxiété fait partie de la
dépression. Les antidépresseurs psychotoniques et
médians peuvent entraîner des résurgences anxieuses,
capables de favoriser le passage à l’acte suicidaire, qui
nécessitent la coprescription de tranquillisant ou de neu-
roleptique sédatif » J.-P. Olié.
Les travaux de Koukopoulos et de Chantal Henry sou-
lignent aussi le danger de prescription d’antidépresseurs,
en particulier psychotoniques, dans les dépressions agi-
tées ou mixtes où le masque anxieux peut cacher une
forme mineure de bipolarité à type d’état mixte.
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Le choix de l’antidépresseur peut aussi tenir compte
de ses autres indications, notamment en termes de pa-
thologie anxieuse. Ainsi bon nombre d’Inhibiteurs de la
Recapture de la Sérotonine (IRS) sont non seulement in-
diqués dans les états dépressifs caractérisés mais aussi
dans des troubles anxieux constitués comme le trouble
panique ou l’anxiété généralisée. Cependant, les moda-
lités d’instauration et la posologie d’un tel médicament
peuvent varier en fonction de l’indication.
Certaines études ne confi rment pas forcément ces
précautions d’usage ou les relativisent :
– Fava et al ne notent pas de différence d’effi cacité et
surtout de tolérance entre divers IRS de profi ls cliniques
différents (fl uoxétine, sertraline et paroxétine) chez des
déprimés ayant pourtant un EDM avec un score au fac-
teur anxiété/somatisation supérieur à 7 (HDRS).
– Versiani et al de même n’observent pas de diffé-
rence chez des déprimés anxieux sous fl uoxétine et
amitriptyline.
– Une étude comparant mirtazapine et venlafaxine est
en faveur d’un rôle possible de la posologie du produit et
de la durée du traitement sur le niveau d’angoisse durant
les 5 à 15 premiers jours de traitement.
Pour ce qui est du TAD (au sens du DSM IV) propre-
ment dit, aucune étude recrutant spécifi quement ce type
de patients n’est disponible à notre connaissance.
FACTEURS PRÉDICTIFS DE RÉPONSE
THÉRAPEUTIQUE
Le caractère endogène de la dépression a longtemps
été considéré comme un facteur de bonne réponse aux
traitements biologiques, mais sa caractérisation clinique
demeure bien subjective. De plus aucun indice biologi-
que prédictif de la réponse au traitement n’a pu être indi-
vidualisé dans les troubles thymiques jusqu’à ce jour.
La comorbidité dépression/trouble anxieux, comme le
trouble panique, est gage d’une moins bonne réponse
aux traitements, justifi ant de les diversifi er : antidépres-
seur + psychothérapie(s).
Si l’état dépressif caractérisé s’accompagne d’an-
xiété importante, le risque suicidaire et le retentissement
psychosocial s’en trouvent accrus.
La mélancolie anxieuse est une indication privilégiée
de l’électroconvulsivothérapie.
Au total, l’association anxiété-dépression caractéri-
sée doit inciter le clinicien à la vigilance et à la prudence
car elle est un indice potentiel de sévérité et de diffi culté
de la prise en charge thérapeutique.
Références
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T.Lemperière, Dépressions et comorbidités psychiatriques.
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des manies. Paris : Doin, 1999 : 74p.
5. KOUKOPOULOS A, FAEDDA G, PROIETTI R et al. Un syndrome
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8. VERSIANI M, ONTIVEROS A, MAZZOTTI G et al. Fluoxetine ver-
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Troubles anxio-dépressifs : facteurs prédictifs de réponse thérapeutiqueL’Encéphale, 2007 ; 33 : 692-694, cahier 3
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- ANNEXE -
Critères de recherche du Trouble mixte
Anxiété-dépression
(DSM-IV-TR – Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux –
Texte révisé - Masson)
Humeur dysphorique persistante ou récurrente persistant au moins un mois
L’humeur dysphorique est associée à au moins quatre des symptômes suivants :
diffi cultés de concentration ou impression de tête vide
– perturbation du sommeil (diffi cultés à s’endormir ou à rester endormi ou sommeil non reposant, non satisfaisant)
– fatigue ou baisse d’énergie
irritabilité
soucis
– facilité à pleurer
hypervigilance
– anticipation du pire
– perte d’espoir (pessimisme envahissant concernant le futur)
– baisse de l’estime de soi ou dévalorisation
Les symptômes induisent une souffrance clinique signifi cative ou une altération du fonctionnement social, professionnel ou dans d’autres
domaines importants.
Les symptômes ne sont pas dus aux effets physiologiques directs d’une substance (p.ex. une substance donnant lieu à abus, un médicament)
ou d’une affection médicale spéciale.
Tous les critères suivants sont réunis :
– n’a jamais rempli les critères d’un trouble dépressif majeur, d’un trouble panique ou d’une anxiété généralisée
– ne répond pas actuellement aux critères d’un autre trouble anxieux ou dépressif (y compris un trouble anxieux ou dépressif en rémission partielle)
– les symptômes ne sont pas mieux expliqués par un autre trouble mental.
Trouble anxieux et dépressif mixte
(CIM-10/ICD-10 – Classifi cation Internationale des Troubles Mentaux et des Troubles du Comportement. Descriptions Cliniques et Directives pour le
Diagnostic – Organisation Mondiale de la Santé - Masson)
Cette catégorie doit être utilisée quand le sujet présente à la fois des symptômes anxieux et des symptômes dépressifs, sans que l’intensité des uns
ou des autres soit suffi sante pour justifi er un diagnostic séparé. Quand une anxiété importante est associée à une dépression relativement légère,
on doit faire un diagnostic de trouble anxieux ou de trouble phobique. Quand des symptômes anxieux et dépressifs sont présents simultanément
avec une intensité suffi sante pour justifi er des diagnostics séparés, les deux diagnostics doivent être notés et on ne doit pas retenir cette catégorie.
Si, pour des raisons pratiques, on ne peut faire qu’un seul diagnostic, on doit privilégier le diagnostic de dépression. Les symptômes anxieux et dé-
pressifs doivent s’accompagner, au moins par intermittence, de plusieurs symptômes neurovégétatifs (p.ex. tremblements, palpitations, sécheresse
de la bouche, gêne épigas-trique) ; on ne doit pas faire un diagnostic de trouble anxieux et dépressif mixte quand les manifestations anxieuses (p.ex.
une inquiétude ou des préoccupations) ne sont pas associées à des symptômes neurovégétatifs. Lorsque les symptômes répondant aux critères du
trouble anxieux et dépressif mixte sont étroitement reliés à un événement stressant ou à un changement particulièrement marquant dans la vie du
sujet, c’est la catégorie F43.2 (troubles de l’adaptation) qui doit être utilisée.
Les sujets présentant cette association de symptômes relativement mineurs sont fréquemment rencontrés dans le cadre des soins de santé primaire.
Cependant un plus grand nombre, encore, d’entre eux existent dans la population générale qui ne consulte jamais, que cela soit en médecine géné-
rale ou en psychiatrie.
Inclure : dépression anxieuse (légère ou non persistante)
Exclure : dépression anxieuse persistante (voir dysthymie, F34.1).
J.-M. Vanelle L’Encéphale, 2007 ; 33 : 692-694, cahier 3
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