pouvoir réglementaire, Président de la République sous le régime des lois
constitutionnelles de 1875 (CE, 8 août 1919, Labonne), Premier ministre
aujourd’hui. Pour préserver la santé publique, composante de l’ordre public, le
Premier ministre peut ainsi interdire de fumer dans les lieux publics CE, 19 mars
2007, Mme Le Gac). A la police générale s’ajoutent des polices spéciales,
organisées par des textes particuliers, qui visent des personnes (étrangers, nomades,
aliénés), des activités (chasse, pêche, débits de boisson, cinéma, affichage,
installations classées) ou des lieux (voies ferrées, aérodromes, monuments
historiques et sites). Les différents pouvoirs de police générale et spéciale se
combinent (CE, 18 avril 1902, maire de Néris-les-Bains) et se complètent (CE 18
décembre 1959, société des Films Lutétia). En raison de leur nature, certaines
polices spéciales sont toutefois exclusives de toute autre. Il en va ainsi des polices
confiées à l’Etat en matière de navigation aérienne, d’implantation des antennes de
téléphonie mobile (CE, 26 octobre 2011, commune de Saint-Denis) ou de
dissémination des organismes génétiquement modifiés (CE, 24 septembre 2012,
commune de Valence).
A l’égard de la loi, le Conseil constitutionnel retient une même acception large de
l’ordre public. Il confère à la préservation de l’ordre public le caractère d’objectif de
valeur constitutionnelle (décision du 18 janvier 1995) et affirme qu’il appartient au
législateur d’assurer la conciliation entre la prévention des atteintes à l’ordre public
et l’exercice des libertés garanties par la Constitution (en particulier décisions du 13
mars 2003 sur la loi sur la sécurité intérieure et du 19 janvier 2006 sur la loi relative
à la lutte contre le terrorisme).
On retrouve la même inspiration large dans l’étude réalisée en 2010 par le Conseil
d’Etat, à la demande du gouvernement, sur les possibilités juridiques d’interdire la
dissimulation du visage dans l’espace public. Cette étude relève que, sous la variété
de ses aspects, l’ordre public peut être regardé comme répondant « à un socle
minimal d’exigences réciproques et de garanties essentielles de la vie en société, qui,
comme par exemple le respect du pluralisme, sont à ce point fondamentales
qu’elles conditionnent l’exercice des autres libertés, et qu’elles imposent d’écarter, si
nécessaire, les effets de certains actes guidés par la volonté individuelle ». Il s’agirait
« d’exigences fondamentales du contrat social, implicites et permanentes ». Au nom
de ces exigences, la loi du 11 octobre 2010 a interdit la dissimulation du visage
dans l’espace public. Elle a été jugée conforme à la Constitution par le Conseil
constitutionnel (décision du 7 octobre 2010) et la Cour européenne des droits de
l’homme a estimé qu’au regard du but poursuivi, qui est d’assurer le vivre ensemble,
elle n’imposait pas des sujétions disproportionnées au regard des exigences
conventionnelles (CEDH, 1er juillet 2014, S.A.S. c/ France).
L’ensemble du droit européen est dans le même sens. Si la convention européenne
des droits de l’homme confère un caractère absolu au droit à la vie, à l’interdiction
de la torture, de l’esclavage et du travail forcé et à la prohibition des traitements