La répartition des pouvoirs dans le régime de la communauté légale

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Anne Conway
Fiche de niveau 4. Droit de la famille / Les régimes matrimoniaux / Le régime de la
communauté légale /
Février 2007
La répartition des pouvoirs dans le régime de la
communauté légale
Les règles de pouvoirs sont relatives à la gestion des biens. Elles occupent une place
importante dans le droit des régimes matrimoniaux car c’est par ce biais que se
concrétisent l’indépendance et l’égalité des époux.
I/ La répartition légale des pouvoirs
a) Les pouvoirs sur les biens communs
1) La gestion concurrente
Selon l’article 1421 alinéa 1, chacun des époux a le pouvoir d’administrer seul les biens
communs et d’en disposer.
Ce principe de gestion concurrente permet d’assurer l’indépendance des époux et
consacre leur égalité.
2) La gestion conjointe ou cogestion
Le législateur fait parfois prévaloir l’association des époux sur leur indépendance.
Certains actes requièrent l’accord des deux époux, soit parce qu’ils sont dépourvus de
contrepartie (article 1422), soit parce qu’ils portent sur des biens dont la valeur
financière est importante (articles 1424 et 1425).
L’article 1422 vise les actes de disposition à titre gratuit, entre vifs, sur les biens
communs (donations).
La cogestion est cependant écartée pour la donation portant sur les gains et salaires
d’un époux, alors même que ces derniers sont qualifiés de communs. En effet, le régime
primaire, plus particulièrement la libre disposition des gains et salaires de l’article 223 du
Code Civil, l’emporte sur la cogestion.
Le legs est quant à lui soumis à des règles particulières parce qu’il produit ses effets au
décès d’un des époux, c'est-à-dire à un moment où le mariage est dissous (article 1423).
S’il porte sur une fraction abstraite de la communauté, il ne peut excéder la part de
l’époux disposant, à savoir 50%. S’il porte sur un bien commun précis, ses effets seront
subordonnés au sort du partage. Il sera exécuté en nature si le bien est attribué au
défunt lors du partage. Dans le cas contraire, il sera exécuté par équivalent.
L’ordonnance du 23 mars 2006 a ajouté un alinéa à l’article 1422 : le double
consentement des époux est désormais exigé pour l’affectation d’un bien commun en
garantie de la dette d’un tiers (cautionnement réel). L’ensemble des mécanismes
permettant de garantir la dette d’autrui est ainsi appréhendé par les régimes
matrimoniaux (article 1415 pour les sûretés personnelles, article 1422 al. 2 pour le
cautionnement réel).
L’article 1424 vise quant à lui les actes de disposition (aliénation ou constitution de
droits réels) portant sur certains biens communs énumérés limitativement : immeubles,
fonds de commerce, exploitations, droits sociaux non négociables, meubles corporels
dont l’aliénation est soumise à publicité.
L’article 1425 exige le consentement des deux époux pour les baux ruraux et
commerciaux.
3) La gestion exclusive
Ici l’indépendance des époux est privilégiée.
Font l’objet d’une gestion exclusive les revenus professionnels d’un époux. Lui seul peut
ainsi les administrer et en disposer sous la réserve importante qu’il se soit acquitté de
son obligation de contribution aux charges du mariage.
Comme évoqué précédemment, cette libre disposition des gains et salaires n’est pas
limitée par l’article 1422. Autrement dit, un époux peut librement disposer à titre gratuit
des ses revenus professionnels sans que son conjoint ne puisse lui opposer la cogestion
prévue par l’article 1422.
La gestion exclusive cesse cependant lorsque les revenus sont investis car ils deviennent
alors des acquêts et font soumis d’une gestion concurrente ou conjointe selon les cas. La
question se pose de savoir s’il en est de même lorsque les revenus sont économisés :
l’économie des revenus entraîne-t-elle leur mutation en biens communs ordinaires, les
faisant ainsi échapper à la gestion exclusive? La question n’est pas tranchée mais un
arrêt de la première chambre civile du 29 février 1984 laisse penser que l’économie des
revenus pourrait mettre fin à la gestion exclusive.
Le domaine des pouvoirs exclusifs s’étend également aux actes d’administration
nécessaires à l’exercice d’une profession séparée (article 1421 alinéa 2).
b) les pouvoirs sur les biens propres
Les biens propres d’un époux font l’objet d’une gestion exclusive. En effet, l’époux
conserve les prérogatives classiques du propriétaire (article 544 du Code Civil). Il faut
toutefois réserver le cas particulier du logement familial. L’article 215 du Code Civil exige
en effet l’accord des deux époux pour les actes de disposition le concernant, quand bien
même il s’agirait d’un bien propre.
Les règles du mandat permettent cependant à l’époux propriétaire de confier la gestion
de ses propres à son conjoint.
II/ La sanction des règles de pouvoirs
a) la sanction du dépassement de pouvoir
1) le dépassement de pouvoir sur les biens communs
Sont ici visées deux hypothèses distinctes :
- violation de la cogestion
- violation de la gestion exclusive
La sanction est ici la nullité relative de l’acte, qui doit être demandée dans les deux ans
(article 1427 du Code Civil).
La ratification de l’acte entaché de nullité doit résulter d’une manifestation sans
équivoque de volonté (Civ. 1ère, 17 mars 1987 et 12 juillet 1994).
2) le dépassement de pouvoir sur les biens propres
En l’absence de mandat, l’époux propriétaire est protégé contre l’immixtion de son
conjoint dans la gestion de ses propres : il n’est pas lié par les actes passés par son
conjoint sous la double réserve de la présomption de pouvoir en matière mobilière
édictée par l’article 222 et de la théorie de l’apparence.
b) la sanction du détournement de pouvoir
Le pouvoir concurrent ou exclusif que la loi donne à chacun des époux sur les biens
communs est finalisé : il doit être exercé dans l’intérêt commun des époux. L’article 1421
du Code Civil sanctionne ainsi les actes accomplis en fraude des droits du conjoint. La
fraude est constituée d’un élément matériel, acte d’un époux passé dans son intérêt
purement personnel, et d’un élément intentionnel, conscience de ce qu’il spolie son
conjoint.
L’article 1421 ne précise cependant pas la sanction. La jurisprudence semble distinguer
selon que le tiers contractant est ou non complice de la fraude (Civ. 1ère, 31 janvier 1984,
Com., 28 janvier 1992). Si la complicité est établie, la sanction est la nullité de l’acte
frauduleux. Dans les autre cas, la sanction est l’inopposabilité de l’acte au conjoint.
c) la responsabilité dans la gestion
Les époux sont responsables, comme en droit commun, des fautes qu’ils sont
susceptibles de commettre dans la gestion des biens communs. Cette éventualité est
expressément envisagée par l’article 1421 du Code Civil.
III/ L’aménagement judiciaire des règles de pouvoirs
La répartition légale des pouvoirs peut être modifiée par le juge en cas de crise grave et
durable. En plus des dispositions du régime primaire, les articles 1426 et 1429 offrent la
possibilité au juge de modifier la répartition légale des pouvoirs sur les biens communs
ou sur les biens propres.
L’article 1426 concerne les pouvoirs sur les biens communs. Il permet au juge, à la
demande d’un époux, de substituer ce dernier à son conjoint dans la gestion des biens
communs. L’époux demandeur est alors l’unique gérant de la communauté mais il ne
représente pas son conjoint et agit en son nom propre. Cette substitution peut intervenir
dans deux cas : lorsqu’un époux est durablement hors d’état de manifester sa volonté ou
lorsque sa gestion atteste l’inaptitude ou la fraude.
L’article 1429 concerne les pouvoirs sur les biens propres. Il permet au juge, à la
demande d’un époux, de dessaisir son conjoint des pouvoirs exclusifs que l’article 1428
lui confère sur ses propres, à son profit. L’époux demandeur va alors gérer les biens
propres de son conjoint, en son nom, c'est-à-dire en le représentant. Cette
représentation est possible dans deux cas : lorsqu’un époux est durablement hors d’état
de manifester sa volonté ou lorsqu’il met en péril les intérêts de la famille, en dissipant
ou détournant les revenus de ses propres (qui sont des biens communs).
Bibliographie
André Colomer, Les régimes matrimoniaux, 11ème édition, Litec, pages 243 à 322
Jacques Flour et Gérard Champenois, Les régimes matrimoniaux, 2ème édition, Armand
Colin, pages 333 à 398
Janine Revel, Les régimes matrimoniaux, 3ème édition, Cours Dalloz, pages 147 à 181
François Terré et Philippe Simler, Les régimes matrimoniaux, 4ème édition, Précis Dalloz,
pages 385 à 459
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