Séparation entre publicité et information
I. En fait
A. Le 2 avril 2006, l'association «Info en danger» a saisi le Conseil suisse de
la presse. Créé par cinq journalistes romands inquiets «des dérives qui
affectent l'activité des journalistes, notamment face aux annonceurs», ce
groupe souhaitait déposer plainte contre «une pratique désormais
systématique dans certains journaux» consistant à «mélanger le contenu
rédactionnel et les messages à caractère publicitaire au point que l'on a
l'impression souvent de lire un catalogue de grand magasin plutôt qu'un
journal». Cette plainte à caractère général était accompagnée «à titre
d'exemple» de cinq articles parus dans les quotidiens «Le Matin Bleu», «20
Minutes», «Le Temps» et «Le Matin».
B. Plutôt que de se pencher sur les articles en question, que les plaignants
disaient avoir choisi pour leur caractère exemplaire d'une tendance générale,
le Conseil de la presse a décidé de se pencher sur le problème de fond
soulevé par la plainte: constate-t-on l'existence de dérives largement
répandues, aboutissant à une contamination du contenu rédactionnel
par les messages publicitaires?
C. La 2ème Chambre du Conseil de la presse (Sylvie Arsever, présidente,
Nadia Braendle, Dominique von Burg, Pascal Fleury, Jean-Pierre Graber,
Charles Ridoré et Michel Zendali) a traité cette affaire lors de ses séances des
7 septembre, 3 novembre et 15 décembre 2006 et par voie de
correspondance.
D. Afin de se faire une idée plus précise des évolutions en cours dans ce
domaine et des positions des différents acteurs, elle a procédé à l'audition
de Roger de Diesbach, ancien rédacteur en chef de «La Liberté» et
cosignataire de l'appel «Info en danger», Théo Bouchat, directeur de
publications chez Edipresse, Res Strehle, rédacteur en chef de «Das
Magazin» et président de la Conférence des rédacteurs en chef, Servai
Micolot, directeur régional de Jean Frey Romandie, Olivier Natale, directeur
de l'agence General Media, Stéphane Bonvin, chef des rubriques Société et
Air du Temps au «Temps», Joseph Crisci, directeur de «20 Minutes», Annick
Chevillot, responsable de la rubrique «Guide» du «Matin» jusqu'en octobre
2006 et Jean Fauré, ancien responsable du marketing de L'Oréal Suisse.
E. Ces auditions ont confirmé le sentiment du Conseil de la presse
selon lequel les rapports entre rédactions et annonceurs ont connu ces
derniers temps une évolution importante. Ces mutations, dans le détail
desquels on reviendra ci-dessous, sont liées d'une part au contexte
économique (situation très tendue du marché de la publicité, apparition des
journaux gratuits, développement de l'internet) et d'autre part à la place
toujours plus importante que prennent les marques et la consommation
dans la culture contemporaine. L'apparition de quotidiens ciblant les
nouvelles générations et leur désir de consommation, notamment les
gratuits, sont une des illustrations de cette évolution.