L’homme politique suit le courant de l’opinion et des media autant qu’un certain
fatalisme économique, comme si les hommes ne faisaient pas l’économie mais la
subissait ; il ne crée pas de valeurs, il en est le reflet. C’est pourquoi il me semble
nécessaire de recréer un intérêt à tous les niveaux pour ce domaine pour qu’un jour
le pouvoir politique, « l’ordre » de la société en général, se fonde sur quelque chose,
comme un réseau de valeurs cohérentes (le récif corallien) qui soit acceptable, qui lui
interdirait tout laxisme sous peine d’être condamné par l’opinion publique, un réseau
de valeurs dont l’homme soit le centre bien sûr.
La régression des religions, la régression des solidarités effectives (je pense au
traitement divers des catastrophes dans le monde dont certaines sont à peine
évoquées), la désintégration familiale (je pense au problème d’abandon des anciens
dans des mouroirs), une paradoxale montée de l’individualisme alors que tout est
traité globalement, un chômage décuplé par le mondialisme à tout crin, et le
développement technologique et un pouvoir gestionnaire sans limites ( je veux parler
des OPA), un désintérêt pour la chose publique qui dépasse la dimension de
l’individu ce qui entraîne une « anomie », un manque d’adhésion. Tout cela traduit
entre autre ce que j’ai appelé une crise d’identité de notre société globale. Ce n’est
pas tant qu’il n ’y ait aucune valeur, mais c’est plutôt que ces valeurs sont
dispersées, peu cohérentes, comme un filet de tennis distendu ou troué tant certains
de ses maillons sont vides de sens, de répercussion sur le quotidien parce qu’il y a
des choses à traiter dans l’urgence, sans penser à demain et qu’il faut bien « vivre
avec ce que l‘on a ». Et comment faire autrement puisque nulle part l’individu n’est
invité à penser et à agir différemment ? Ce n’est pas qu’il n’y ait personne pour
réagir, auteurs reconnus ou associations diverses, (la maçonnerie en est une), mais
là il s’agit d’une mode, vite désamorcée, là c’est la volonté de ne s’intéresser aux
effets plus qu’aux causes sans compter les récupérations de tout ce qui naît de non
politiquement correct ou de médiatiquement correct.
Il me semble qu’inciter à « réfléchir sur les valeurs » ne revient pas à faire la morale
aux autres, ni prôner une valeur plutôt qu’une autre. Or ceci est bien difficile, car on
ne peut s’empêcher de croire que ce à quoi on croit est vrai donc l’imposer aux
autres : depuis la nuit des temps les hommes se sont intéressés à la notion du « bien
» et « du mal » car en fin de compte tout revient à cela, qu’ils se soient inspirés du
code Hammourabi ou du Décalogue, ou qu ‘ils s’appuient sur d’autres cultures, les
hommes, on le sait, se sont souvent entretués au nom de valeurs dont ils croyaient
détenir la vérité. L’actualité nous montre bien que pour certains « la liberté de la
presse » convient et pour d’autres cette « liberté ne peut qu’être restreinte ». La
liberté de la presse n’est donc pas une valeur universelle.
Tout ceci pour expliquer pourquoi j’ai écrit, conformément à ma promesse, un
modeste essai en 7 chapitres non pas sur les valeurs elles-mêmes mais sur la façon
nous nous forgeons des opinions, des valeurs, en fonction de nos formations ou
aptitudes innées. J’ai essayé de mettre en relief que tout ce qui concerne ce en quoi
nous semblons croire le plus n’était que contingent dans le temps et dans l’espace ;
à tout moment on peut s’enfermer dans les dogmes et faire de nos valeurs un
prétexte à renier l’autre, à prendre le pouvoir et faire la guerre à l’autre.