Présentation et cadre général
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Dans un deuxième sens, la sincérité désigne le caractère de ce qui est
sincère, de ce qui est exprimé de façon sincère. On sort alors de la personne,
ce qu’elle est, pour s’intéresser à ce qu’elle exprime : ce qu’elle exprime par
des actes (une déclaration, une promesse) ou ce qu’elle exprime par un
comportement (un engagement politique, une amitié). On évoquera ainsi la
sincérité d’une déclaration, la sincérité d’une promesse ou encore la sincé-
rité d’un engagement lorsque l’acte ou le comportement de la personne est
l’expression fidèle de ses sentiments réels 5.
Enfin, dans un troisième et dernier sens, la sincérité renvoie à l’authen-
ticité, le caractère authentique de quelque chose. Quelque chose que les
personnes réalisent ou accomplissent individuellement (un document, par
exemple) ou collectivement (une élection). On parlera, par exemple, de la
sincérité d’un document ou de la sincérité d’une élection si son authenticité
n’a pas été altérée.
II. Deux objets
On le voit, à travers ces trois sens, la sincérité peut porter sur deux
objets. Elle a trait, soit à ce que la personne est (sens 1), soit à ce qu’elle
fait (sens 2 et 3).
La première dimension (la sincérité des personnes) ne se retrouve pas
dans le droit. Le législateur n’a pas imposé d’obligation de sincérité à la
charge des sujets de droit. Et fort heureusement, car une telle obligation,
à proprement parler intenable 6, serait en tout état de cause inopportune.
Nous sommes confrontés tous les jours au choix d’être sincères ou insin-
cères. Assez souvent, nous faisons le choix de ne pas faire preuve de sincé-
rité, pour ménager l’autre ou parce que l’on redoute sa réaction. Qu’advien-
drait-il si nous étions obligés d’être sincères ? Nous nous priverions d’une
soupape, d’une échappatoire qui nous permet, de façon fort commode,
d’éviter un conflit. Pour ces raisons, l’homme envisagé abstraitement,
l’homo juridicus, n’est pas soumis à une obligation de sincérité.
L’homme situé, c’est-à-dire envisagé dans un contexte ou un rôle parti-
culier (professionnel, familial ou autre) n’est pas davantage assujetti à
une telle obligation. Certes, on parle parfois de la sincérité du témoin ou
encore de la sincérité du contribuable. Mais il s’agit alors de raccourcis ou
de simplifications car, même dans ces cas de figure, l’accent en réalité n’est
pas mis sur la personne elle-même mais sur ce qu’elle fait : sur son témoi-
5 Pour une utilisation de cette nature du terme sincérité, voy. la phrase suivante, extraite des
Mémoires de guerre du Général G (Paris, Éd. Plon, 1956) : « Sans mettre en doute la
sincérité des motifs qui inspiraient cet avis, je jugeai bon de ne pas le suivre » (p. 295).
6 Imaginer les conséquences explosives qu’aurait une obligation d’être sincère dans les rela-
tions interindividuelles (au travail, dans les familles…).