4The International Journal of Tuberculosis and Lung Disease
Ministère de la Santé, Malawi). Toutefois, on n'a
peut-être pas interviewé tous les guérisseurs
traditionnels, et dans ce cas, le nombre de patients
vus par eux serait plus important encore. Dans la
présente étude, les guérisseurs traditionnels ont eu
surtout à faire à des patients atteints d'affections
chroniques dont beaucoup souffraient de toux
chronique. Les guérisseurs traditionnels traiteront
ces patients puisqu'ils croient qu'ils peuvent leur
offrir la guérison en fonction de la cause qu'ils ont
déterminée.
Bien que les guérisseurs traditionnels ne
constituent pas un groupe homogène et qu'ils
peuvent avoir des pratiques différentes, ils sont
souvent les premiers à être contactés pour les soins
de santé. Puisqu'en Afrique, les patients croient
que leurs maladies sont curables par les guérisseurs
4-6, on pourrait positionner ces derniers comme une
étape intermédiaire afin de réduire les délais de
transferts.7 Il est dès lors important de discuter
avec les guérisseurs de la forme contagieuse de la
TB (cas à bacilloscopie positive) de telle sorte que
ces patients soient référés aux centres de santé pour
l'examen des expectorations. Ceci amènera aussi le
patient plus tôt en contact avec les services
médicaux. A Ntcheu, au cours des séances d'infor-
mation, on a donné aux guérisseurs des
informations au sujet de la TB, de sa transmission,
de son diagnostic et de son traitement. On les a
encouragés, tout en continuant leurs propres
occupations, à référer au centre de santé le plus
proche tout patient qui tousse depuis plus de 3
semaines en utilisant une lettre de transfert en
langue locale. Si le résultat du frottis s'avère
positif, on informera le patient et le guérisseur
traditionnel que la maladie est contagieuse et que
le patient devrait être traité à l'hôpital. C'est par ce
procédé, que l'hôpital sera à même de mesurer
l'impact des séances d'information avec les
guérisseurs traditionnels.
Puisque 29% des guérisseurs traditionnels ne
font pas partie de la tribu principale du district de
Ntcheu (résultats non présentés) et que c'est durant
le dernier siècle que les Ngonis ont migré
d'Afrique du Sud vers le Malawi, nous pensons
qu'il pourrait y avoir de nombreuses ressemblances
dans la façon dont les guérisseurs traditionnels
approchent la maladie et la TB dans les régions du
Sud de l'Afrique. Tandis que nos observations
montrent que certaines maladies sexuelles se
voient attribuer la même cause que celle de la
biomédecine, d'autres maladies sont mises en
relation avec les tabous sexuels, par exemple
tsempo. Au Botswana, les guérisseurs Tswana
classent les maladies en « maladies européennes »
(maladies importées) et « maladies Tswana » qui
sont culturellement spécifiques et incompréhen-
sibles pour la biomédecine. La TB est une maladie
européenne, mais tibamo (cliniquement similaire à
la TB, causée par l'adultère) est une maladie
Tswana, curable seulement par un guérisseur
Tswana. Comme conséquence de cette classifica-
tion, le patient peut rejeter complètement le
traitement clinique dans son processus de quête de
la santé.8 Au Kenya, les patients ne se tracassent
pas pour une toux persistante qu'ils n'attribuent pas
à la TB en l'absence d'amaigrissement, de crache-
ment de sang et de fièvre. On croit que l'ensorcel-
lement en est une des causes.4
En raison du surpeuplement des hôpitaux, de
l'augmentation de la charge des cas et du manque
de ressources, il faut trouver d'autres personnes à
impliquer dans le traitement de la TB.9 L'adhésion
au traitement est liée à l'importance du soutien
social10 et à l'adhésion après un mois de traite-
ment.11 Pour affronter ces problèmes, on a
implanté dans le district de Ntcheu un programme
de traitement basé sur la collectivité où la super-
vision est basée sur les tuteurs.12
Les guérisseurs traditionnels sont disposés à
incorporer les connaissances biomédicales dans
leur mode de pensée, s'ils voient que les patients
sont guéris.8,13,14 Les patients eux aussi ont une vue
pragmatique, faisant usage de tout système médical
qu'ils considèrent comme bénéfique. Récemment,
certains chercheurs15,16 se sont focalisés sur une
réinterprétation des croyances traditionnelles dans
le but de faciliter l'introduction de nouvelles
interventions ; au Zaïre, on a signalé les succès du
travail accompli avec les guérisseurs pour la
promotion du préservatif. Dès lors, une coopé-
ration avec les guérisseurs traditionnels en tant que
superviseurs des traitements délivrés dans la
collectivité pourrait augmenter la qualité et
l'accessibilité du programme et devrait être tentée.
Il est inquiétant de constater qu'au Malawi les
patients perçoivent la TB comme synonyme de
VIH/SIDA. Ceci augmente le problème de la
stigmatisation des patients TB, puisque le SIDA est
souvent considéré comme une maladie honteuse.
La crainte que d'autres membres de la famille
puissent être infectés et qu'il puisse y avoir
transmission à la collectivité rend difficiles les
relations de la collectivité avec les sujets infectés
ou même avec leurs familles. Il peut aussi amener
les membres de la famille à arrêter de rencontrer le
patient infecté ou à refuser de le faire. Cette peur
de l'ostracisme peut empêcher les patients d'avoir
recours aux soins de santé conventionnels et aux
services sociaux avec comme résultat qu'ils
pourraient préférer se rendre chez un guérisseur
plus discret17, ou au pire, refuser de se soigner.6