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Approche clinique analytique et intégrative. Sa pertinence, ses limites.
Intervention lors du temps d’études du 16 juin 2016 au SNPPsy.
Comment orienter notre écoute face au patient? Ou plus exactement comment être orienté
dans notre praxis face à ce qui se présente à nous, dans le cadre d’un entretien
psychothérapeutique, voire d’une séance analytique ?
Différentes notions apprises, lues, peuvent faire écho et donnent sens aux enjeux du dire de
nos patients et de ses manifestations mais parfois nous perdent davantage et menacent notre
qualité d'être face à lui, surtout lorsque nos connaissances se révèlent très éclectiques. De
plus, nous pouvons avoir certaines réticences à nous référer à une nosographie pour éclairer
notre compréhension des phénomènes à l’œuvre, afin de ne pas enclore le Sujet et empêcher
tout processus créatif de se mettre à l’œuvre.
Mon propos n’est pas bien sûr de donner un cours supplémentaire sur les enjeux de la
psychopathologie et de son meilleur usage mais de susciter une pensée pour chacun de nous
qui permette de remettre au travail notre réflexion sur notre méthodologie d’appréhension de
nos situations psychothérapeutiques, sachant que notre pensée créatrice et nos prises de
conscience ont besoin d’être stimulées pour émerger. C’est donc dans ce but que j’avancerai
les propos suivants.
Je vais vous partager une méthodologie qui peut construire des hypothèses diagnostiques afin
que celles-ci soient au service de l'éthique, c'est-à-dire favorisent un bien dire face au Sujet
unique et social, irréductible à toute tentative de le réduire à un trouble, voire de le réifier.
La clinique (se désignant étymologiquement « au lit du patient ») comme acte se fondant sur
une rencontre entre deux Sujets à visée d’accompagnement (nous laisserons de côté la visée
d’évaluation spécifique réservée aux psychologues d.e.), désigne la constitution d’un savoir in
vivo, individualisé, au contraire d’un savoir in vitro, qui vise l’établissement d’une théorie
globale à partir de données générales. Les deux notions sont cependant liées, l’une
renseignant l’autre sur la compréhension des phénomènes observés.
La question de la méthode est fondamentale. Son discours marque une évolution. Si Claude
Revault d’Allones va prôner un lien plus étroit entre le domaine de la recherche et le domaine
de la pratique, Jean-Louis Pedinielli conteste le refus d’une clinique qui ne pourrait s’ouvrir à
une démarche objectivante. Sans rejeter un modèle clinique proche de la psychanalyse, il veut
ouvrir la discipline à d’autres méthodes.
Ainsi, à l’instar de Juliette Favez-Boutonier et son attachement pour une « psychologie aux
mains nues », nous pouvons distinguer une clinique dite « humaniste », marquée par la
référence analytique, qui donne la primauté à l’individualité et à la subjectivité du Sujet, et
qui tend à refuser la recherche de généralisation des résultats observés par une méthode plus
objectivante et normée, c’est-à-dire une approche idiographique, d’une clinique se
rapprochant du modèle des sciences de la vie, nomothétique, qui considère que les individus
présentent suffisamment de similitudes pour étudier des groupes et repérer des
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caractéristiques communes. Ce courant, sans renier l’intérêt pour l’étude de la singularité ni
l’importance à accorder aux faits relationnels, relève d’une méthodologie la plus objectivante
possible, allant parfois jusqu’à emprunter à d’autres champs d’analyse sa méthodologie (avec
parfois un appel au modèle médical, une médecine basée sur « la preuve »). Il a été influen
par différents auteurs tels P. Janet, par l’approche anglo-saxonne et par le développement de
courants non psychanalytiques, comme le comportementalisme, la psychologie cognitive ou
encore la récente psychologie de la santé (psycho-éducation).
Dans une démarche au service de la psychothérapie relationnelle, nous sommes amenés à
dépasser cette opposition classique d’un dogmatisme dépassé car un seul modèle à lui seul ne
peut apporter une connaissance exhaustive du Sujet et de son fonctionnement, en tenant
compte de toutes les dimensions qui interviennent (son histoire, les interactions familiales, les
influences culturelles, l’aspect somatique). De ce point essentiel découle la nécessité de
méthodes variées, respectant la visée de la clinique, et qui s’appuient sur des techniques
diverses. Et cependant, le praticien a besoin d’avoir un fil conducteur qui étaye sa posture. De
même, une pratique ne saurait se concevoir sans la dimension de recherche avec des objets
d’étude clinique, et une dimension plus fondamentale qu’appliquée peut être nécessaire.
En clair, il s’agit de penser la clinique dont son objet fondamental est « l’humain », et
l’humain engagé dans une histoire, la sienne, qui l’oblige à de multiples interactions, à une
adaptation, et à produire un savoir sur lui-même, variable, selon la situation et son
environnement, en situation d’accompagnement par un autre humain.
Afin que ce savoir n’enferme le Sujet vis-à-vis de lui-même (gardons-nous de trop en savoir,
nous a appris J. Lacan) et ne rate la finalité du praticien, celle d’être au service du meilleur
accompagnement, il nous faut penser une méthodologie qui préserve l’irréductibilité du Sujet
face à toute évaluation et en même temps une rigueur d’analyse qui donne sens et valeur à la
subjectivité du Sujet, qu’il soit le praticien ou le patient. La notion de « paradoxal » nous
autorise à penser que le savoir objectivant fait ex-sister la valeur subjective du Sujet tandis
que le discours subjectif impose une limite au savoir objectivant : « ce n’est jamais tout à fait
cela » !
C’est-à-dire que nous avons besoin d’une méthodologie qui nous permette d’articuler posture
éthique, qualité d’écoute et maniement des processus psychiques à l’œuvre.
C’est à l’aune des apports de J. Lacan que je vais orienter ma réflexion. Il nous propose trois
dimensions à l’œuvre dans le discours du Sujet : le Réel comme indicible, imprévisible,
l’Imaginaire dans la dimension visible, préhensible et le Symbolique lié à nos capacités
langagières organisant des lois qui nous ordonnent.
Ces dimensions, il les a pensées nouées, selon un nœud borroméen, c’est-à-dire qu’aucune
n’est plus importante que les autres ; chacune fait ex-sister les deux autres. Ces dimensions,
si leur modalité de nouage organise la structure du Sujet, peuvent également déterminer la
limite de notre pensée objectivante : celle-ci serait le fruit d’un nouage
Imaginaire/Symbolique qui ne peut recouvrir le Réel du Sujet, celui-ci lui faisant butée.
Ainsi, nous pouvons penser la question du Sujet, de sa problématique et du meilleur
accompagnement à partir de références qui ne mettent à mal son identité réelle échappant à
toute construction de savoir et qui peut juste relever de la croyance.
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Après ces précautions éthiques, nous pouvons enfin penser une approche qui prenne en
compte la richesse de la clinique psychanalytique, tout en intégrant la sémiologie de la CIM
ou du DSM, et situer les techniques suivant leurs effets sur le nouage RSI du patient.
Si en psychiatrie, la méthodologie utilisée est presque identique à la démarche somatique,
avec le chemin suivant : symptômes (ce qui fait plainte, signes (traduction des symptômes
dans un ensemble sémiologique), syndrome (une entité sémiologique à part entière),
diagnostic, pronostic et traitement, je vous propose une écoute globale de la parole du patient,
parole à entendre comme un nouage du discours, du silence et du geste.
Une parole qui peut nous permettre d’entendre d’abord si le Sujet semble compensé ou
décompensé ?
Ensuite, d’être attentif à ce qui le fait tenir de manière particulière, ce que J. Lacan a appelé à
la fin de sa vie, le sinthome, car si cela fait tenir, nous avons à en tenir compte dans notre
mode d’accompagnement et notre projet thérapeutique. Il a une fonction spécifique, il sert de
colonne vertébrale au Sujet. Tout en prenant en compte que le Sujet est animé par trois
instances, que nous pouvons également penser dans leur effet de nouage : le corps (Soma),
l’âme (la Psyché) et l’esprit (le Pneuma). Ainsi, le Sujet a à faire tenir ensemble ces trois
instances et il le fait de manière souvent inconsciente.
A partir de cette écoute orientée, nous pouvons être attentif à la structure du Sujet, ce
« cristal » est-il orienté par une ligne plutôt névrotique (le nouage de deux registres tient),
état-limite (un risque domine que suivant le registre qui se dénoue, l’ensemble se dénoue) ou
psychotique (les trois registres peuvent se dénouer) ?
Dans la névrose, les lignes de force peuvent de manière plus fine faire apparaître une
personnalité plus hystérique (émotions, pensées, comportement) ou plus obsessionnelle
(pensées, émotions, comportement) selon une ligne franchement névrotique, passive-
agressive (comportement réactif, émotions, pensées) ou anti-social (comportement
oppositionnel, émotions, pensées) qui fait penser quelque peu à une allure d’état limite, ou
schizoïde l’inverse de l’hystérie, comportement invictatif, pensées, émotions), ou enfin
paranoïde (pensée, émotion , comportement) avec quelques traits qui sonnent la proximité des
fonctionnements plus psychosés.
Les états-limites (cette non structure) qui se caractérisent par des carences importances dans
le début de leur histoire et qui entraînent un nouage fragile des trois registres, sont amenés à
développer une personnalité plus rigide pour y faire face. Ainsi, on peut s’enrichir à ce stade
de la proposition du DSM qui regroupe les troubles de la personnalité en trois groupes - les
« étranges » : paranoïaques, schizoïdes et schyzotypiques, qui risquent de développer des
troubles psychotiques en cas de décompensation, - les « dramatiques » : antisociale ,
borderline, histrionique et narcissique, plus à risque de développer des troubles liés aux abus
de substances et les anxieuses : évitante, dépendante et obsessionnelle-compulsive, plus
enclines à présenter des dépressions et des troubles anxieux.
La structure psychotique peut se manifester à partir d’une forme très « ordinaire (J. A.
Miller) » ou « blanche (A. Green) », ou froide (E. Kestemberg) à partir de signes discrets : des
phénomènes corporels, des troubles du langage ou de l’énonciation, des phénomènes
imaginaires avec une forte prégnance de « transitivisme » (confusion avec autrui), des
questionnements sur l’être du Sujet (son existence, sa sexualité) et des troubles de la
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conscience de soi. Lorsque les troubles psychotiques éclosent, le délire ou l’hallucination
peuvent être encore des manières pour le Sujet de faire face à une réalité insupportable.
La schizophrénie avec un syndrome dissociatif peut rencontrer différentes formes : paranoïde
(avec des hallucinations fréquentes, un automatisme mental simple (ni délire, ni
hallucination), hébéphrénique commençant à l’adolescence de manière souvent insidieuse,
héboïdophrénique (associant des traits anti-sociaux ou psychopathiques), dysthymique
(associant des troubles de l’humeur), catatonique (la dissociation marque le fonctionnement
moteur), et les formes pseudo-névrotiques (obsessions, phobies,..). Les figures de syndromes
délirants, sans signe de dissociation comportent les délires paranoïaques, les psychoses
hallucinatoires chroniques, la paraphrénie (délire riche, non systématisé à partir du
mécanisme de l’imagination et peu d’hallucinations) et les délires paranoïaques.
Ce n’est qu’après avoir pré-supposé une structure (ou non), un type ou un trouble de la
personnalité, ou une psychose ordinaire ou avec troubles schizophréniques, que nous pouvons
situer les symptômes associés.
Mais cette méthodologie ne serait complète si nous n’avions également à nous occuper de la
valeur de la symptomatologie pour un Sujet lié à son environnement : le symptôme est il
significatif du Sujet, propre à son histoire, soit a-t-il une fonction particulière dans le système
pour lequel il a quelque attache. Il s’agira dès lors d’identifier si le système a les moyens de se
réorganiser différemment sans cette modalité particulière par un de ses Sujets.
Ainsi, pour vous encourager à votre propre questionnement, je terminerai par quelques
interrogations : quelle place réservez-vous aux hypothèses diagnostiques? les jugez-vous
nécessaires ou pas? si oui quelle est votre méthodologie de référence? comment articulez-
vous qualité d’être, présence dans la relation au patient et référentiel théorique? Et plus
généralement, comment vous repérez-vous et comment vous orientez-vous dans la mise au
travail de vos patients et de ses manifestations? Votre contre-transfert est-il une indication
pour votre diagnostic ?
Myriam Goffard
Psychothérapeute (n° Adeli 30 00 0269 8)
Psychanalyste
Superviseur agréé
Docteur en sciences de l’éducation
Fondatrice de l’Analyse TriDimensionnelle®
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