
L’Encéphale, 2006 ;
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497-500, cahier 2 Les dépressions bipolaires
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complète et très régulière contribue vraisemblablement à
une forte diminution de cette complication fatale.
Des troubles bipolaires ont une comorbidité élevée
avec d’autres pathologies mentales : l’abus d’alcool et de
drogue dans au moins 60 % des cas, divers troubles
anxieux. Ils peuvent être aussi intriqués avec des troubles
de la personnalité pathologique (Axe II). Il est alors néces-
saire de diversifier le traitement en ajoutant à la thymoré-
gulation la prise en charge de ces pathologies associées.
PRISE EN CHARGE THÉRAPEUTIQUE
DES ÉTATS DÉPRESSIFS BIPOLAIRES
On distingue classiquement trois phases dans le trai-
tement des états dépressifs :
1) la phase de traitement aigu,
2) la phase de continuation,
3) la phase de maintenance.
En matière de pathologie dépressive il est convenu que
chaque EDM impose un traitement médicamenteux pour
une durée de six moins au mois. En réalité il s’agit plus
souvent d’une maladie au long cours, faite de rechutes et
de récidives, imposant en conséquence un traitement con-
tinu qui sera prophylactique.
Pour les dépressions récurrentes unipolaires, il s’agit
des médicaments antidépresseurs proprement dits. Par
contre, ce traitement prophylactique est beaucoup plus
délicat en ce qui concerne les troubles bipolaires. Ce sera
donc en fonction des sous types que l’on devra choisir les
médicaments utiles :
– thymorégulateurs, éventuellement associés de
façon ponctuelle dans certains cas avec des antidépres-
seurs ;
– on recommande d’utiliser les antidépresseurs du
type ISRS (inhibiteur spécifique de la recapture de la séro-
tonine) quand prédominent les symptômes dépressifs en
particulier dans les troubles bipolaires type II. Les tricycli-
ques sont à éviter ;
– aux États-Unis, le Bupropion est présenté comme
l’antidépresseur de référence pour les bipolaires, mais en
France il est frappé de contre-indication pour la bipolarité !
– pour la phase de continuation, on essaie de limiter
la durée de prescription de l’antidépresseur et l’on insiste
sur le traitement prophylactique ;
– les thymorégulateurs occupent le premier plan dans
les trois phases thérapeutiques : traitement aigu, de con-
tinuation et de maintenance.
La mise au point récente de Dubovsky (11) constate la
pauvreté et les limites en matière d’études contrôlées pour
le traitement des dépressions bipolaires.
Dans les formes résistantes et pour les états mixtes,
l’électroconvulsivothérapie (ECT) reste le traitement de
choix.
LES TRAITEMENTS THYMORÉGULATEURS
On s’accorde généralement pour définir comme thy-
morégulateur un médicament qui normalise un épisode
thymique et joue un rôle préventif pour d’éventuels épi-
sodes ultérieurs, sans aggraver ou induire des épisodes
et symptômes de polarité opposée. En fait, il n’y a à ce
jour que peu de médicaments répondant à ce critère.
C’est toujours le Lithium qui reste considéré comme le
régulateur de référence par son action thérapeutique,
pour les épisodes d’excitation maniaque ou hypomania-
que et par son action antidépressive. Par ailleurs, il est
l’adjuvant le plus amplement démontré quant à la supplé-
mentation d’un traitement antidépresseur. Il doit cepen-
dant être prescrit avec circonspection car il suppose une
observance parfaitement régulière au long cours, une
surveillance biologique régulière, car il comporte des ris-
ques de complications, en particulier d’insuffisance grave
de la thyroïde et de néphropathie. Il est dangereux en cas
d’ingestion massive suicidaire (coma, séquelles neurolo-
giques etc.). Dans la méta-analyse de Bauer
et al.
(6) sont
retenus comme thymorégulateurs, outre le Lithium, la
Lamotrigine qui préviendrait ou atténuerait la pathologie
dépressive. Sont aussi signalés la Carbamazépine,
l’acide Valproïque (en cas de contre-indication du
Lithium). Ils nécessitent eux aussi une surveillance étroite
pour leurs effets secondaires et leurs complications trop
souvent ignorés et négligés.
Enfin, ont émergé plus récemment les nouveaux anti-
psychotiques dits atypiques, tel que la Clozapine, l’Ami-
sulpride, la Rispéridone, l’Olanzapine.
Tous ces traitements doivent être gérés par un psychia-
tre formé à la psychiatrie biologique et à la psycho-
pharmacologie, en coordination de soins avec le médecin
traitant. Celui-ci devra accompagner le traitement et
jouera un rôle majeur dans la surveillance et la partie
suivante de la prise en charge du patient et de sa famille.
PSYCHOTHÉRAPIE ET PSYCHO-ÉDUCATION
Les ressources pharmacologiques sont largement
popularisées par l’industrie pharmaceutique. Aussi doit-
on insister sur l’approche psychosociale. Il y a encore
beaucoup à faire pour convaincre la communauté, les
patients et même les soignants en général, de l’existence
et de la gravité des troubles bipolaires, pour faire connaître
la clinique de ces troubles, en particulier la dépression du
type II. Il s’agit de faire accepter aux patients, aux familles
et à la collectivité, la réalité de cette pathologie polymorphe
et handicapante, de faire accepter ce diagnostic et enga-
ger les patients dans un processus thérapeutique continu.
Il existe désormais des modules de prise en charge de
type thérapie cognitive et comportementale, ou thérapie
interpersonnelle ou des thérapies de groupe du type
psycho-éducation.