Le vieillissement des Français et leur consommation médicale : un

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Point d’information mensuel
Le 4 septembre 2003
Le vieillissement des Français et leur consommation médicale :
un enjeu majeur pour l’avenir du système de soins
La population vieillit rapidement. En 2003, un peu plus de 7 millions de personnes sont âgées
de plus de 70 ans. Elles seront plus du double en 2050 : 15 millions. La quantité et la qualité
des soins qui leur sont dispensés1 sont devenues une question centrale pour l’Assurance
Maladie, qui a consacré un dossier à ce sujet en juillet dernier. Les événements survenus au
mois d’août confirment, s’il est besoin, qu’il y a urgence à se saisir dans toutes ses
composantes du problème sanitaire posé par la démographie française.
- Mais ce problème n’est pas uniquement, loin s’en faut, un problème d’ordre numérique.
L’effet direct du vieillissement de la pyramide démographique française est en fait très
limité : il représente à peine 1 point de la croissance annuelle des dépenses d’assurance
maladie alors qu’elles évoluent en fait sur un rythme beaucoup plus élevé (6% l’an au
minimum) depuis de nombreuses années. Il est d’abord et avant tout un problème de
comportements, de besoins et de pratiques ou de techniques médicales.
- L’étude réalisée par la CNAMTS sur la période 1992-2000 pointe des modifications de
comportements très profondes et très importantes : d’une génération à l’autre, la
consommation médicale augmente. Un tel résultat ne constitue pas en lui-même une surprise.
Ce qui frappe dans cette étude est que cet effet (parfois appelé effet de génération) est
beaucoup plus important chez les personnes âgées. Ainsi, en 2000, le niveau des soins
dispensés à une personne âgée de 75 à 80 ans est pratiquement le double de ce qu’il était huit
ans avant. Il faut y voir en premier lieu l’effet continu du progrès médical qui, pour de
nombreuses pathologies, permet des traitements de plus en plus efficaces mais qui sont
souvent plus coûteux.
Cet effet de génération devient net à partir de cinquante ans et croît très rapidement ensuite.
Son impact sur les dépenses de santé pourrait être majeur dans les prochaines années.
Néanmoins, l’amélioration du dépistage ou la prise en charge précoce de ces maladies
coûteuses pourraient permettre de limiter cet impact.
- Un autre facteur influera sur la consommation médicale. De façon inéluctable, en raison
même du vieillissement de la population française, le nombre de décès va augmenter dans les
prochaines décennies. Il devient ainsi important de suivre l’évolution du niveau des soins
dispensés dans les mois ou les années qui précèdent le décès. Une part de cette étude est
consacrée à ce sujet. Probablement parce que les pathologies traitées ne sont pas les mêmes
aux différents âges de la vie, le coût de la réponse médicale lorsque le malade est exposé à un
risque vital n’est pas non plus le même d’un âge à l’autre : la consommation médicale qui
précède le décès est plus faible chez les personnes vraiment âgées. Tel est du moins la
conclusion qui se dégage de l’analyse de ces décès sur la période 1994-2002.
1
La consommation des personnes âgées, qui sont plus fréquemment et davantage malades, est bien sûr plus forte
que celle des autres personnes. Ainsi, en 2001, une personne de plus de 75 ans avait une consommation annuelle
de 5238 euros, contre une moyenne de 1793 euros.
1
Les principaux résultats de l’étude
Point de conjoncture CNAMTS n°15
Vieillissement et dépenses de santé :
l’impact des effets de génération
Vieillesse et dépenses de santé au cœur du débat
La population française vieillit. Les innovations thérapeutiques induisent par ailleurs des comportements
nouveaux face aux besoins médicaux. Ces comportements concernent essentiellement les personnes âgées non
exposées à un risque de décès important et tendent à se développer. S’oriente-t-on vers une progression encore
plus rapide des dépenses de santé dans les années à venir ?
Avec la publication de cette étude, la Cnamts apporte sa contribution à un débat majeur largement alimenté par
les démographes, les économistes de la santé, et le corps médical. Première approche des données fournies par
l’Echantillon Permanent d’Assurés Sociaux, un échantillon unique en France, elle apporte des informations
nouvelles sur la manière dont évolue la consommation médicale au fur et à mesure que la population vieillit.
Elle montre notamment que ce ne sont pas tant les patients à haut risque et en fin de vie qui pèsent sur la dépense
que la progression constante de la consommation médicale des patients à risque plus faible, à partir de la
cinquantaine.
Etat des lieux
Aujourd’hui le régime général consacre un peu plus de la moitié de ses dépenses de soins de ville aux malades
âgés de 55 ans et plus. 30% des dépenses sont par ailleurs consacrées aux personnes de 70 ans au moins. Bien
que la consommation médicale croisse avec l’âge, la part que représentent les dépenses des personnes âgées dans
la dépense totale du régime général n’est pas très importante car les personnes âgées ne sont pas encore très
nombreuses. Mais dans la perspective du vieillissement rapide de la population française dans les années à venir
cet équilibre va-t-il pouvoir être préservé ?
•
Dépenses de santé et vieillissement : un lien étroit
Le vieillissement est d’abord un phénomène relatif qui se mesure en observant la structure de la pyramide
démographique à un moment donné : ainsi, selon l’INSEE, le vieillissement devrait affecter massivement la
population française d’ici 2050. Son impact sur la dépense de soins, appelé effet d’âge, est théoriquement
mesurable et devrait rester relativement réduit (de 0,5 point à 1 point de l’évolution annuelle des dépenses).
Mais le vieillissement n’est pas seulement une cause de la progression des dépenses de santé, il en est aussi une
conséquence. Le progrès médical, associé à d’autres mouvements économiques et sociaux (la diminution de la
pénibilité du travail, la modification des comportements alimentaires) contribue à l’augmentation de l’espérance
de vie. Une longévité qui semble aller de pair avec l’apparition de plus en plus tardive des pathologies
susceptibles d’entraîner une incapacité sévère. Là encore, l’amélioration de l’état de santé d’un individu rend
possible une diminution de sa consommation médicale, mais elle peut aussi, bien entendu, découler d’une
augmentation des soins qui lui sont dispensés, et donc de ses dépenses de santé.
Les comportements de consommation médicale évoluent en fait d’une génération à l’autre : c’est que l’on
appelle l’effet de génération.
2
Principaux enseignements de l’étude Cnamts
Les données recueillies par la Cnamts ne permettent pas de trancher le débat général qui s’est engagé, mais
indiquent comment peut évoluer la consommation médicale au fur et à mesure que la population française va
vieillir. La prise en compte des effets de génération permettent notamment de mieux comprendre comment
l’effet d’âge pourrait se déformer dans les prochaines années.
•
La consommation des personnes non exposées à un risque vital
Cette population, qui a encore plusieurs années de vie devant elle, modifie très rapidement ses comportements en
matière de consommation médicale. L’accroissement de la consommation médicale des générations nouvelles
par rapport aux précédentes est très net, notamment chez les personnes âgées. Les effets de génération sont
importants à partir de la cinquantaine, et majeurs à des âges plus élevés.
Impact sur la dépense :
⇒ La modification des comportements en matière de consommation médicale, des personnes âgées, en
particulier, pourrait avoir un impact majeur sur la progression des dépenses dans les années à venir.
Consommation individuelle moyenne de 1992 à 2000
pour des individus appartenant à un même groupe de générations
Base de remboursemant (en euros / bénéficiaire)
7 000
6 000
5 000
consommation médicale des
personnes âgées de 78 ou 79 ans
en 2000 : 3500 euros
4 000
3 000
évolution sur 8 ans de la
consommation médicale
des personnes âgées de
36 ou 37 ans en 1992
2 000
1 000
consommation médicale des
personnes âgées de 78 ou 79 ans
en 1992 : 1750 euros
>=90
88-89
84-85
80-81
76-77
72-73
68-69
64-65
60-61
56-57
52-53
48-49
44-45
40-41
36-37
32-33
28-29
24-25
20-21
16-17
12-13
8-9
4-5
0-1
0
Tranches d'âges en 1992
Ce graphique présente l’évolution de la consommation entre 1992 et 2000 d’individus appartenant à un même
groupe de générations (ex : on peut suivre ici sur 8 ans la consommation des personnes qui avaient 36 ou 37 ans
1992). On observe que la consommation médicale augmente très rapidement entre deux générations différentes
lorsqu’elles atteignent une même tranche d’âges (ex : un patient âgé de 78 ou 79 ans en 2000 consomme
pratiquement deux fois plus qu’un patient du même âge en 1992).
Les personnes âgées sont en effet fréquemment affectées par des pathologies (Alzheimer, hypertension
artérielle…) qui font l’objet de progrès techniques majeurs mais coûteux. Si les innovations thérapeutiques se
concentrent sur des générations plus jeunes, parallèlement à un effort accru de prévention des pathologies
tardives, leur coût pourrait rester modéré à l’avenir. Si ces innovations continuent à se concentrer sur les
générations plus âgées, les comportements de consommation observés dans cette étude devraient aller en
s’amplifiant.
3
•
La consommation médicale des patients à haut risque durant les derniers mois ou
les dernières années de la vie
La consommation médicale précédant le décès diminue fortement quand l’âge du décès s’élève
Aux âges élevés, on peut en effet mourir par usure de l’organisme, sans pathologie bien marquée, ce qui explique
en partie ce constat. Mais la décroissance de la consommation selon l’âge au décès semble également plus
marquée sur la période la plus récente (1998-2002). Ainsi, la consommation médicale précédant de peu le décès
sur cette période semble plus faible dès la tranche d’âge 55-64 ans. Pourquoi ? On peut notamment penser que le
traitement des pathologies rencontrées chez des personnes relativement jeunes implique des techniques
médicales plus coûteuses.
Impact sur la dépense :
⇒ Alors que la durée moyenne de vie tend à augmenter, la décroissance de la consommation médicale des
personnes âgées en fin de vie peut constituer un facteur de relative modération des dépenses de santé.
Consommation moyenne des personnes décédées entre 1996 et 2002
au cours de leurs dernières années de vie en fonction de leur âge au décès
45-54 ans
18 000
55-64 ans
16 000
Base de remboursement (en euro / bénéficiaire)
65-74 ans
14 000
75-84 ans
12 000
35-44 ans
10 000
8 000
85 ans et plus
6 000
4 000
2 000
0
n-4
n-3
n-2
NB : le dernier point de chaque courbe correspond à l'année de décès
n-1
n
Ce graphique décrit les courbes de consommation médicale d’individus au cours de leur
cinq dernières années de vie. La consommation médicale en fin de vie des patients les plus
âgés est moins importante que celle de malades d’âge intermédiaire.
La progression des dépenses médicales en fin de vie n’est pas plus précoce aujourd’hui qu’hier et confirme la
compression des dépenses de santé en fin de vie
Le profil des consommants en fin de vie, bien souvent pris en charge à 100% dans le cadre du dispositif lié aux
affections de longue durée, reste très régulier sur l’ensemble de la période 1992-2002. La progression de la
consommation médicale durant les derniers mois de la vie ne s’enclenche pas plus tôt qu’avant.
Impact sur la dépense :
⇒ Ce phénomène joue plutôt, à moyen terme, dans le sens d’un allègement des dépenses de santé d’une
génération, puisqu’en raison de l’allongement de l’espérance de vie, les décès sont de plus en plus tardifs.
En revanche, le nombre de décès devrait augmenter, selon l’INSEE, de 40% en cinquante ans. Un phénomène
qui mettra fin à la quasi stabilité observée depuis 1987. L’impact sur la croissance globale des dépenses devrait
toutefois rester limité compte tenu du faible pourcentage des décès parmi les consommateurs de soins (1%).
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Qu’est-ce que l’EPAS ?
•
Un échantillon unique en France
Depuis le début des années 90, la Cnamts a constitué un Echantillon Permanent d’Assurés Sociaux (EPAS)
composé d’une partie des assurés du régime général et de leurs ayants droit.
Jusqu’en 1999, le taux de sondage était de 1/1200. Au total, entre 1992 et 2002, 55 000 personnes environ ont, à
un moment ou à un autre, fait partie de l’EPAS au 1/1200. Parmi elles, 17 000 personnes ont pu être suivies
individuellement et de façon anonyme sur une durée totale de onze ans : elles constituent le noyau de
l’échantillon de cette étude. Par ailleurs il est possible de suivre sur plusieurs années la consommation médicale
de 1500 personnes décédées durant cette période.
•
Un suivi individuel de la consommation médicale
L’analyse de cet échantillon porte sur les personnes protégées, en Métropole, par le régime général au titre du
risque maladie et sur leur consommation médicale, sur la base de la dépense présentée au remboursement. Ce
suivi de cohortes numériquement importantes, sur une durée conséquente (1992-2002) fournit, pour la première
fois en France, des données individuelles sur la consommation médicale. Elle permettent notamment
d’appréhender les effets de génération, déterminants dans l’évolution de la consommation médicale pour les
années à venir.
L’étude complète est disponible sur le site internet de la CNAMTS, Ameli.fr, espace
Connaître l’Assurance Maladie, rubrique Actualité statistique/points de conjoncture (point de
conjoncture n°15).
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