Résumé de la Conférence du 30 mai 2016 à St-Etienne Avec le Dr Virginie Mourier-Soleillant, psychiatre et le Dr Michel Armand, généraliste. SANTÉ PHYSIQUE/SANTÉ MENTALE : INTÉRÊT D’UNE COLLABORATION GÉNÉRALISTE/PSYCHIATRE ? Introduction : Petit rappel sur deux des troubles psychiques les plus graves Troubles bipolaires Ils se traduisent par une succession d’épisodes de dépression (humeur triste, perte d’envie et de plaisir, troubles de concentration, ralentissement, troubles du sommeil et de l’appétit, perte de poids) et d’épisodes maniaques. Maniaque (humeur élevée de manière inhabituelle, augmentation de l’estime de soi, idées de grandeur, diminution du sommeil, difficulté de concentration, agitation non productive, achats inconsidérés). On note deux pics de décompensation : principalement chez l’adulte jeune mais aussi un second pic moins important vers 40-50 ans. Il faut plusieurs années pour diagnostiquer cette maladie (jusqu’à 7 ou 8 ans selon les études). Lorsque l’on détecte ces symptômes, il faut interpeller le médecin généraliste. La bipolarité est une maladie chronique, comme le diabète. On ne guérit pas mais on peut être stabilisé. Schizophrénie On parle de symptômes positifs : délires, pensées déconnectées de la réalité, hallucinations, perceptions visuelles, auditives et sensorielles. Symptômes négatifs : retrait social, isolement, perte de capacité à mettre en place des actions. Dissociation : désorganisation du discours, du fonctionnement de la personne, du comportement. C’est une maladie qui touche 0.5 à 1% de la population. L’entrée dans la maladie se fait soit par une bouffée délirante aigüe, soit, plus fréquemment, de manière progressive, insidieuse avec perte de communication, perte du lien avec l’entourage, des résultats scolaires en baisse. Plus la prise en charge est précoce, meilleur est le résultat. Toute nouvelle décompensation est préjudiciable, aggravant la maladie. L’arrivée des neuroleptiques a été une avancée majeure. Elle a permis de garder les patients à domicile, de stabiliser les malades, de limiter les aggravations et de les améliorer. Fonctionnement du secteur psychiatrie Depuis 1960, la prise en charge est beaucoup plus extra hospitalière, alors qu’avant, les malades restaient à l’intérieur de l’hôpital. Le soin est sectorisé c’est-à-dire découpé en zones géographiques. Le développement des CMP (centres médico-psychologiques) va éviter les hospitalisations systématiques. En conséquence, le nombre de lits dans les services de psychiatrie a diminué. Le sud de la Loire compte quatre secteurs de soin : la ville de Saint-Etienne - la vallée du Gier - l’Ondaine et la Plaine Répartition de la prise en charge somatique entre généraliste et psychiatre Aux urgences, pour un problème psychiatrique, il est important que soit fait un bilan somatique (par un médecin généraliste ou un interne). Brigitte Berthet – Unafam de la Loire Le diagnostic psychiatrique est un diagnostic de deuxième intention . Il faut avant tout vérifier qu’il n’y ait pas d’explication somatique, même pour un patient déjà connu en psychiatrie. Il faut vérifier qu’il n’y ait pas de nouvelles pathologies venant de se déclarer comme une infection, trouble du transit, infection urinaire. Ces affections peuvent être source de décompensation. Les personnes souffrant de troubles psychiques n’ont pas toujours la notion qu’il est important d’aller consulter un généraliste. De plus, ces patients ont plus de difficultés à expliquer ce qu’ils ressentent, à trouver les mots. Pourtant, un schizophrène peut avoir une espérance de vie réduite de 10 à 20 ans. Les troubles bipolaires réduisent aussi l’espérance de vie de plusieurs années. D’où l’importante d’aller voir régulièrement un médecin généraliste. La Haute Autorité de Santé préconise un bilan de santé une fois par an, avec surveillance du poids, du périmètre abdominal, de la glycémie, triglycéride, cholestérol, tension artérielle ECG (électrocardiogramme) si facteurs de risque. Les CMP sont la porte d’entrée au soin. Ils donnent accès à une équipe qui peut ensuite suivre le patient. Des infirmiers interviennent sur le premier rendez-vous (avec un délai d’attente de 15 jours à trois semaines). Il est souhaitable et plus pertinent de ne pas passer par les urgences pour une première entrée dans la maladie. 75% des patients ne seront jamais hospitalisés au cours de leur parcours . Le service des urgences doit être réservé pour les crises suicidaires, les symptômes délirants aigus. Bien sûr que s’il y a péril imminent pour le patient ou l’entourage, il faut aller aux urgences mais l’idéal est de passer d’abord par son médecin de famille ou un médecin en qui la personne a confiance (mais il y a de moins en moins de médecin de famille…) Il est important que le psychiatre ait un rapport très complet de son patient par un généraliste qui doit donner le plus d’éléments cliniques possibles. Lors de l’arrivée en soin psychiatrique, une personne peut paraître tout à fait bien. Et sans le témoignage de l’entourage, la prise en charge est plus compliquée. C’est pour cela que la famille est parfois très sollicitée au début puis moins au fil du temps, les psychiatres ayant une meilleure conscience de la pathologie. Il faut aussi laisser le patient être acteur de ses soins. Que faire lorsque la personne est dans le déni ? Il est vrai que lorsqu’il n’y a pas de critères d’urgence, il est difficile d’imposer des soins. L’hospitalisation contre la volonté, les SPDT (soins psychiatriques à la demande d’un tiers) se font dans des conditions bien définies par la loi. Mais un déni ne persiste jamais pendant une longue période. Il n’y a pas de déni permanent (ou très rarement). Parfois il y a deux dénis, celui de la famille et celui du malade. C’est alors au médecin généraliste d’alerter la famille. Pour une personne refusant de se faire soigner, il est préférable de donner de petites informations répétitives plutôt que de faire des discours moralisateurs. Dire régulièrement « fais-toi soigner », « va voir un médecin », « accepte d’être pris en charge » est plus efficace à terme, même si cela prend du temps. Observance des traitements Les soins infirmiers à domicile ou les traitements sous forme injectable permettent la bonne observance des traitements. Un malade ne doit pas dire « je vais bien donc je n’ai plus besoin de traitement ». Les malades vont bien parce qu’ils ont leur traitement. Toute interruption provoque une rechute même si parfois celle-ci est longue à se déclarer (jusqu’à plusieurs mois après l’arrêt du traitement). Brigitte Berthet – Unafam de la Loire Accompagnement des familles Les aidants ont parfois besoin d'être soutenus dans l'accompagnement de leur proche malade. Le médecin généraliste reste bien placé pour suivre, accompagner et aider toute la famille. NB : il est préférable de prendre un rendez-vous pour avoir des informations et des conseils sur l’état du malade et le retentissement sur la vie familiale. Il est difficile d’en parler correctement entre deux portes ou au téléphone. Formation des généralistes et collaboration entre les deux médecins Au cours de leur formation, tous les médecins ne passent pas forcément dans un service de psychiatrie. Il y a depuis 2004 un internat en médecine générale (MG) après les 6 premières années d’étude. Le futur médecin peut suivre des cours avec des jeux de rôle, groupes de pairs, études de cas cliniques et possibilité de formation continue en soirée avec l’association ADEPUL (Association Départementale d'Enseignement Postuniversitaire de la Loire). Mais ces formations étant non obligatoires, elles ne sont malheureusement suivies que par les généralistes plus sensibles aux personnes malades psychiques. La collaboration entre les deux médecins paraît dès lors très utile, voire indispensable (ce qui est prôné dans la Charte de partenariat (ci-après), encore mal connue des généralistes). Les psychiatres du CMP de Saint-Etienne tiennent une permanence téléphonique à l'écoute des médecins généralistes de la ville de Saint-Etienne, tous les matins de 9h à 10h, mais elle est encore peu utilisée... En conclusion Il reste encore à travailler pour améliorer la liaison et la collaboration entre psychiatres et généralistes. Mais il faut considérer ce qui va bien. Ces rencontres entre généralistes, psychiatres et familles sont importantes pour faire avancer les choses. [Voir, ci-après, la charte de partenariat médecine générale et psychiatrie de secteur, signée en mars 2014] Brigitte Berthet – Unafam de la Loire Brigitte Berthet – Unafam de la Loire