Vieillissement et santé mentale Un état des lieux en 2007

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Vieillissement et santé mentale
Un état des lieux en 2007
1. INTRODUCTION :
2. LE CADRE DE RÉFLEXION ACTUELLEMENT EN USAGE
2.1. Pour le vieillissement
2.2. Pour la santé mentale
2.3. Pour le handicap et la dépendance
2.4. Pour les besoins
3. LES SOURCES D’INFORMATION DISPONIBLES
3.1. Les enquêtes et les travaux d’interprétation des résultats
3.2. Les programmes d’études ou de recherche
4. LA SITUATION ACTUELLE VUE À TRAVERS LES INFORMATIONS DISPONIBLES ET LES
PERSPECTIVES D’ÉVOLUTION
4.1. Les personnes vieillissantes
4.2. Vieillissement et santé
4.3. Vieillissement et santé mentale
4.4. La prise en compte institutionnelle du vieillissement en santé mentale
5. LES GRANDS ENJEUX DU VIEILLISSEMENT EN SANTÉ MENTALE
5.1. Les besoins de groupes spécifiques de population vieillissante
5.2. Les besoins communs à l’ensemble de la population vieillissante
5.3. Les besoins pour éclairer la décision dans le domaine de la santé publique ou de l’action
sociale
6. BIBLIOGRAPHIE
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1. INTRODUCTION
La longévité de l’être humain s’accroît. Les personnes atteintes de troubles psychiques profitent elles
aussi de cette évolution. Cependant, l’impact du vieillissement sur les besoins et les modalités de prise
en charge de la population dans le domaine de la santé mentale a, jusqu’à présent, été peu étudié.
Un tel sujet soulève d’emblée de nombreuses questions : que se passe-t-il lorsque les personnes
atteintes de troubles psychiques vieillissent ? Comment réagissent la personne concernée, son
entourage, le système de santé, le système d’action sociale, … ? Comment vieillissent ces personnes par
rapport à la population générale ? Comment cerner leurs besoins propres ? Que se passe-t-il lorsqu’une
personne vieillissante sans antécédent psychiatrique développe un trouble psychique ? Comment définir
une personne vieillissante ? Y a-t-il une ou des catégories de personnes (en fonction de la nature et de
l’importance de l’affection psychique) qui réclament une action prioritaire ? …
Avant d’envisager des mesures de santé publique s’adressant à cette population, il a paru utile de
dresser un état des lieux à plusieurs niveaux :
- état des lieux des concepts et des méthodes actuellement en usage qui constituent le cadre de
réflexion sur ces questions ;
- état des lieux des connaissances disponibles (recherches, épidémiologie, démographie, etc.) ;
- la situation actuelle vue à travers les connaissances dont nous disposons et les perspectives
d’évolution, liées notamment aux évolutions démographiques.
Ces différents sujets sont abordés ci-après.
Cet état des lieux s’achève par une réflexion sur les grands enjeux relatifs au vieillissement en santé
mentale et les propositions qui peuvent être faites en réponse.
2. LE CADRE DE RÉFLEXION ACTUELLEMENT EN USAGE
Il n’existe pas de cadre de réflexion propre à la problématique du vieillissement en santé mentale. On
examinera donc les concepts et les méthodes se rapportant aux différentes composantes de notre
problématique : le vieillissement, la santé mentale, le handicap (sachant que problème de santé mentale
ne signifie pas toujours handicap), la dépendance (qui peut ou non accompagner le vieillissement) et,
enfin, la notion de besoin (besoins de soins, mais également besoins dans le domaine du social ou du
droit).
2.1. Pour le vieillissement
La notion de vieillissement n’est pas la même selon le point de vue où l’on se place.
Pour l’individu
Pour chaque individu, le vieillissement a une dimension sociale et psychologique. Au plan social le
vieillissement est jalonné d’« événements » tels que le passage à la retraite, la perte du conjoint, d’amis
ou même d’enfant, l’entrée en maison de retraite, la diminution des capacités fonctionnelles, etc. Au plan
psychologique, le vieillissement est marqué par le travail d’acceptation des effets du vieillissement qui,
lorsque les choses se passent bien, aboutit à un réaménagement des projets de vie et à l’acceptation de
l’idée de la mort, mais qui peut aussi conduire à des troubles psychiques plus ou moins intenses et
durables.
Pour le démographe
Pour le démographe, la notion de vieillissement (qui s’applique alors à une population et non à des
individus) renvoie à la déformation de la pyramide des âges liée à l’évolution de l’espérance de vie et du
taux de natalité. L’observation de ce processus permet de prévoir la tendance de l’évolution des besoins
d’une population dans les domaines sanitaires et sociaux, mais n’indique rien quant aux besoins d’une
personne « vieillissante » en particulier, ni d’une catégorie de personnes atteintes d’un problème de
santé particulier.
Dans le domaine de l’action sociale
La notion de vieillissement est ici appréhendée plutôt comme un état de la personne que comme une
dynamique d’évolution. Ainsi le code de l'action sociale et des familles définit-il « les personnes âgées »
comme des adultes remplissant une condition d’âge1. Ainsi, du point de vue de l’action sociale, le
vieillissement consiste à passer à 60 ou à 65 ans des dispositifs pour adultes aux dispositifs pour
personnes âgées Tel est le cas, par exemple, pour le passage de la vie active à la retraite ou bien pour la
1 Code de l'action sociale et des familles, art. L113-1 et suivants.
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règle selon laquelle l’attribution de la prestation de compensation du handicap (PCH) définie par la loi du
11 février 2005 est soumise à une condition d’âge définie par le décret du 19 décembre 2005 : la
demande doit être formulée avant 60 ans ; au-delà, la personne relève de l’aide à l’autonomie (APA) ;
dans ce cas, la personne passe du handicap à la dépendance2.
Dans le domaine de la santé
Du point de vue médical, le vieillissement des individus est l’effet général du temps sur un organisme
biologique. Ce processus diminue les réserves fonctionnelles au niveau de la plupart des systèmes
physiologiques entraînant ainsi une vulnérabilité à de nombreuses maladies. Les processus de la
sénescence sont encore largement mal connus et nécessitent un effort de recherche en biologie du
vieillissement. L'augmentation rapide de l'espérance de vie moyenne depuis le début du siècle met en
évidence le rôle important des facteurs environnementaux (conditions de vie et de travail, nutrition,
amélioration de l'habitat, du chauffage, de l'habillement, de l'hygiène, progrès de la médecine). Mais au-
delà, le processus physiologique du vieillissement, qui accompagne l’avancement en âge, se déroule
suivant un rythme très variable d’un individu à l’autre sans que l’on sache expliquer complètement ce
phénomène [12].
En pratique clinique, plusieurs types de vieillissement sont mis en évidence :
- Le vieillissement réussi [24, 25, 26] : concept apparu il y a une vingtaine d’années. Il est défini par
des capacités physiques et cognitives conservées et l'absence de pathologies ou de handicap. Il
concerne 12,7 à 33% des personnes selon les études et il peut être acquis par des sujets n'ayant pas
initialement ce type de vieillissement.
- Le vieillissement usuel : résultat de l’interférence avec diverses pathologies chroniques somatiques
(HTA, ostéoporose, arthrose…) qui permettent le maintien d’une certaine autonomie et d’une qualité de
vie satisfaisante.
- Le stade de fragilité : toute décompensation éventuelle conduisant à une rapide perte d’autonomie.
- Le vieillissement pathologique : concerne les personnes âgées souffrant d’une ou de plusieurs
pathologies somatiques sévères, ou handicapées par une ou plusieurs affections neuropsychiatriques.
La plupart des personnes voient le vieillissement comme le synonyme de déclin physique et cognitif. Les
stéréotypes négatifs liés à l’âge sont en effet très fréquents et ont longtemps été considérés comme la
norme. Cet âgisme a été observé dans tous les domaines de la science. Depuis récemment des
nouvelles découvertes ont montré que le bien être et une vision positive du vieillissement sont des
facteurs protecteurs majeurs contre les effets négatifs de l’âge sur l’organisme. Les modèles du
vieillissement psychosocial réussi souligne à cet effet l’importance des interactions sociales, de la
satisfaction de vie et du bien être.
Le terme « vieillissement réussi » devrait plutôt signifier qu’en dépit des désavantages associés au
vieillissement, les aînés prennent plaisir à vieillir, en sachant qu’ils peuvent obtenir l’aide nécessaire pour
faire face aux problèmes et pour vivre une vieillesse épanouissante et enrichissante. Les recherches
démontrent que la plupart des aînés sont en mesure de le faire.
Un des aspects du vieillissement médical est le vieillissement cérébral. Ce terme désigne aussi bien les
modifications structurales et biochimiques du cerveau associées à l’âge que les changements
psychologiques, en particulier cognitifs, qui accompagnent le vieillissement. Pour certains (perspective
biologique et psychométrique), le vieillissement est envisagé comme un déclin, une détérioration. Pour
d’autres (perspective développementale), il est vu comme un processus d’adaptation aux modifications
de l’environnement. En fait, les modifications qui accompagnent le vieillissement sont complexes et
multifactorielles [31].
- Modifications du cerveau associées à l’âge : Elles résultent de 3 sources : les processus de
vieillissement proprement dits, le retentissement sur le cerveau d’affections cérébrales liées à l’âge
(modifications vasculaires, début d’affections dégénératives) et le retentissement sur le cerveau du
vieillissement d’autres organes (modifications hormonales, sensorielles, circulatoires, respiratoires…).
Des travaux récents ont montré que la perte neuronale associée au vieillissement n’était pas aussi
importante que ce qu’il était habituellement pensé, et que le cerveau âgé demeure capable de
compensations grâce à des processus de plasticité neuronale.
- Modifications cognitives associées au vieillissement : Les ressources cognitives sont largement
dépendantes du niveau d’éducation. Il existe un déclin des performances cognitives associé au
vieillissement, mais avec une variabilité interindividuelle importante, fonction du niveau d’éducation, du
2 Sous réserve des dispositions de l’article 13 de la loi du 11 février 2005 qui prévoit la suppression, dans un délai de
cinq ans, des dispositions opérant une distinction entre les personnes handicapées en fonction de critères d’âge.
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niveau économique, de l’état de santé, de la personnalité, des motivations et du style de vie. En effet,
les sujets de faible niveau scolaire ont une réserve cognitive plus faible et une baisse des performances
cérébrales a de ce fait, un retentissement plus sévère. A l’inverse, l’acquisition de compétences au
cours de la vie, développe les réserves pour certaines fonctions et permettent de compenser la
dégradation de ces fonctions. Par ailleurs, ce déclin n’affecte pas toutes les fonctions de la même façon
(par exemple, le déclin mnésique porte essentiellement sur la mémoire épisodique et commence dès
30-50 ans, alors que le retentissement du vieillissement sur le langage est beaucoup plus tardif et
partiel).
- Modifications psychoaffectives : Les modifications physiques, sexuelles et sociales altèrent l’image
de soi et provoquent une baisse de l’ « estime de soi ». Il en est de même des affections physiques, du
sentiment d’incapacité, facteurs qui peuvent être source d’angoisse et de dépression. Ainsi bien des
éléments qui accompagnent le vieillissement peuvent-ils être vécus comme une blessure narcissique,
l’intensité de celle-ci variant selon les circonstances de la vie des sujets mais aussi des capacités du
sujet à restaurer cette image de soi même et du support social apporté par l’entourage familial et
social.
Mais, quel qu’en soit l’aspect considéré, le vieillissement dans le domaine de la santé s’accompagne
d’une évolution des besoins en santé sans que l’on puisse prévoir cette évolution pour un individu en
particulier. En revanche, les études épidémiologiques contribuent avec plus ou moins de précision aux
prévisions, pour une population, des besoins de santé en fonction de l’âge, ce qui permet le
développement de programmes dans ce domaine.
2.2. Pour la santé mentale
Les champs ouverts à l’épidémiologie sont, dans le domaine de la santé mentale, particulièrement
étendus. Ils vont de l’étude des risques à l’évaluation des soins. La recherche en épidémiologie
psychiatrique a longtemps été freinée, et ce pour plusieurs raisons : la faiblesse des moyens de
prévention, les difficultés d’établir une limite entre le normal et le pathologique, l’incertitude des
classifications… Il est donc important de rappeler dans un premier temps le cadre conceptuel de la santé
mentale et les approches épidémiologiques en santé mentale (V. KOVESS, [11]).
L’OMS a donné une définition de la « santé mentale positive »3. Lorsqu’on s’écarte significativement de
cet état, on entre dans le champ des troubles de santé mentale.
Pour préciser ce concept, on peut se référer au modèle de mesure de la santé mentale selon trois axes
que décrit notamment V. KOVESS :
- Un axe santé / maladie selon lequel on est en présence d’un trouble de santé mentale lorsqu’un des
troubles décrits par l’une des deux grandes classifications des troubles mentaux (CIM 10 et DSM IV4)
peut être diagnostiqué ; la gravité du trouble peut être extrêmement variable. Pour la CIM 10 sont inclus
dans les troubles mentaux ou du comportement les troubles d’origine psychique5 mais aussi des
troubles d’origine organique (démence de la maladie d’Alzheimer ou vasculaire, …), des troubles du
développement (autisme) et les retards mentaux. En revanche, les conséquences des malformations
congénitales ou des anomalies chromosomiques telles que la trisomie 21 ne sont pas citées en tant que
telles dans la catégorie des troubles mentaux ou du comportement.
- Un axe fonctionnement / dysfonctionnement social où le trouble de santé mentale pourra se
manifester par un retentissement dans les rôles sociaux et la vie quotidienne (activités physiques, soins
de base, travail, école, relations interpersonnelles, questions administratives ou juridiques, etc.).
Suivant sa gravité, le dysfonctionnement social pourra être désigné comme un trouble du
comportement et / ou un handicap (voir 2.3 ci-dessous). Certains troubles du comportement sont décrits
dans la CIM 10 ; l’axe fonctionnement social recoupe alors l’axe santé / maladie. Naturellement, cette
notion de fonctionnement social renvoie à une conception du monde social « normal », avec ses
normes, ses usages, qui peut elle-même être débattue.
- Un axe bien être / détresse psychologique le trouble de santé mentale correspond à une
souffrance psychique de la personne concernée. Le vieillissement est une période de la vie qui
s’accompagne d’un grand nombre de facteurs de stress, sources potentielles de souffrance
psychologique, susceptibles d’accroître le risque de troubles psychiques. Il peut s’agir du passage à la
3 Il s'agit d'un état de bien-être dans lequel la personne peut se réaliser, surmonter les tensions normales de la vie,
accomplir un travail productif et fructueux et contribuer à la vie de sa communauté.
4 Respectivement « Classification internationale des maladies » version 10 de l’OMS et « Manuel diagnostic et
statistique » version IV de l’American Psychiatric Association.
5 Notamment psychose, schizophrénie, troubles délirants, troubles dépressifs et bipolaires, troubles obsessionnels
compulsifs, anxieux ou névrotiques, troubles de la personnalité, etc.
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retraite, de la perte de son conjoint, de la disparition d’amis, de la perte du soutien social, de la
dégradation de la santé de la personne âgée et des membres de leur famille, de la comorbidité, de la
diminution de la capacité fonctionnelle, des troubles de la mémoire, des pertes financières, du manque
de perspectives futures ainsi que de l’approche de la mort. Les facteurs de risque les plus importants
sont les maladies et problèmes qui diminuent les capacités à réaliser les actes de la vie courante (perte
d’autonomie, perte de la santé physique) et l’isolement social.
Selon ce modèle descriptif, la santé mentale d’une personne est « positive » lorsque cette personne est
en bonne santé (axe santé / maladie), est capable d’un fonctionnement social satisfaisant dans son
environnement habituel (axe fonctionnement / dysfonctionnement social) et ressent un état de bien être
(axe bien être / détresse psychologique). Toutefois, un trouble mental peut être non reconnu (par la
personne elle-même, son entourage, le système de santé ou le système d’action sociale). Il conviendra
de tenir compte de ce fait lors de la formulation des propositions d’action.
On considère actuellement que la santé mentale n’est pas seulement l’absence de maladie mentale ou
de symptômes de troubles psychiques, mais qu’elle est également une ressource intellectuelle et
affective favorisant le bien être personnel et renforçant l’intégration sociale.
La santé mentale positive est le résultat d’une complexe intrication entre des facteurs biologiques,
génétiques, psychologiques et sociaux. Tous ces facteurs sont modifiés par l’expérience personnelle et le
comportement, mais aussi affectés par l’environnement physique, social, et culturel au cours de la vie
d’une personne.
Mais, à côté de ce modèle de représentation de la santé mentale qui se veut neutre, le comportement de
la population générale, y compris, dans une certaine mesure, les professionnels de la santé et de l’action
sociale, à l’égard des personnes concernées est souvent guidé par des représentations négatives des
troubles psychiques : le « fou » et le « malade mental » risquent d’avoir des comportements violents
(meurtres, viols, …) ; ils ont le devoir de se faire soigner et la psychiatrie a le devoir de les soigner, même
si beaucoup considèrent qu’on ne pourra jamais les guérir totalement. Le « dépressif », lui, est triste, en
retrait, il pleure souvent et risque de tenter de se suicider. Pour la plupart des personnes, le « fou » c’est
l’autre, tandis que le « dépressif » ce peut être soi.
Cette peur de la folie et de la maladie mentale génère des comportements de discrimination, de rejet, de
ségrégation, qui peuvent conduire à l’exclusion sociale. De plus, la discrimination se rejoue à chaque
passage d’une situation sociale à une autre et les personnes vieillissantes sont particulièrement
exposées à ce risque (retraite, changement de domicile, entrée en maison de retraite, …) [5], [14].
Santé
Maladie
Fonctionnement
social OK
Dysfonctionnement
social
Bien être
Détresse
psychologique
REPERAGE DE L'ETAT DE SANTE MENTALE
1 / 34 100%

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