Chapitre VII, Les gaz, partie E page 1/10 LES GAZ, PARTIE E : Atmosphère isotherme Nous commençons par quelques données expérimentales sur l’atmosphère afin de situer le problème. Ensuite, munis de la loi fondamentale de l’Hydrostatique et de l’équation d’état des gaz parfaits, nous allons définir puis étudier le modèle de l’atmosphère isotherme. A. Données sur l’atmosphère La description de l’atmosphère la découpe par la pensée en quatre couches principales en partant du sol. Voir figure 1. - La troposphère ou basse atmosphère : Elle a une épaisseur d’une dizaine de kilomètres (8 km aux pôles, 17 km { l’équateur). Elle contient les trois quarts environ de la masse de l’atmosphère. La plupart des nuages s’y forment. La température y décroît de +15 °C { -56 °C environ. Ces valeurs sont des moyennes car la température dépend de la situation géographique, de la saison et de la météo. C’est dans cette couche que s’est développée la vie. - La couche intermédiaire, de quelques kilomètres d’épaisseur, limite entre la troposphère et la couche suivante s’appelle la tropopause. La température y est pratiquement constante. - La stratosphère : Elle s’étend au-dessus de la tropopause jusqu’{ une cinquantaine de kilomètres d’altitude. La température y est croissante jusqu’{ une température proche de 0°C. C’est l’absorption du rayonnement solaire par l’ozone O3 présent dans cette couche qui provoque cette augmentation de température. - La couche intermédiaire, de quelques kilomètres d’épaisseur, limite entre la stratosphère et la couche suivante s’appelle la stratopause. La température y est à peu près constante. - La mésosphère : Elle s’étend au-dessus de la stratopause jusqu’{ une altitude d’environ quatrevingts kilomètres. La température y diminue jusqu’{ une température d’environ -90 °C. - La couche intermédiaire, de quelques kilomètres d’épaisseur, limite entre la mésosphère et la couche suivante s’appelle la mésopause. La température y est { peu près constante. -La thermosphère ou haute atmosphère : Elle s’étend au-delà de la mésopause. Il est difficile de fixer une limite { l’atmosphère ; Cependant on peut la situer entre 500 et 800 km d’altitude. L’air y est très raréfié, à une altitude d’environ 300 km la pression n’est déjà plus que de 10-8 hPa. (Cette pression est celle du vide que l’on peut obtenir en laboratoire.) La température s’y élève notablement ; Elle atteint environ 500 °C { 500 km d’altitude ; Elle dépend de l’activité solaire. Les aurores polaires se produisent { 800 km d’altitude environ. La représentation graphique ci-après, tracée { l’aide d’Excel®, donne les variations de la température de l’atmosphère terrestre avec l’altitude. Elles sont, comme nous venons de le voir, assez complexes. La photographie du Mont Everest fixe visuellement l’échelle verticale. Chapitre VII, Les gaz, partie E page 2/10 Le découpage en couches est indiqué et les pressions sont données à droite de la figure. La pression atmosphérique décroît rapidement du sol jusqu’{ l’espace interplanétaire. 120 0,0001 hPa Thermosphère 100 0,01 hPa 80 Altitude en km Mésosphère 60 1 hPa 40 Stratosphère 20 100 hPa Troposphère 1000 hPa 0 -100 -80 -60 -40 -20 0 20 40 60 80 100 Température en °C Figure 1 : Les couches atmosphériques et leur température. Nous allons maintenant étudier le modèle d’atmosphère le plus simple, celui de l’atmosphère isotherme. Nous commencerons par décrire et discuter le modèle. Puis nous le traduirons en une équation que nous résoudrons. La solution sera ensuite illustrée par une représentation graphique, des valeurs numériques et la notion de hauteur caractéristique. Nous en déduirons enfin la masse volumique et la densité particulaire en fonction de l’altitude. Chapitre VII, Les gaz, partie E page 3/10 B. Le modèle de l’atmosphère isotherme 1. Les hypothèses et leur discussion a) Les hypothèses Nous étudions l’équilibre d’une colonne d’air considéré comme un gaz parfait constituée de molécules identiques de masse m, de masse moléculaire molaire M, en équilibre dans le champ de pesanteur terrestre g considéré comme uniforme et de température uniforme T. z colonne d'air molécules identiques de masse m formant un gaz parfait de température uniforme T soumis à la pesanteur uniforme g g Figure 2 : Le modèle simple de l’atmosphère isotherme. b) Discussion des hypothèses : - L’air est en fait un mélange formé d’environ 79% de diazote et 21% de dioxygène ; nous simplifions la situation en considérant des molécules identiques de masse moléculaire molaire : M 79 21 28 32 g.mol 100 100 1 29 g.mol 1 Cette valeur peut aussi être calculée à partir de la masse volumique1 de l’air et du volume molaire des gaz parfaits tous deux pris dans les mêmes conditions de température et de pression, par exemple normales : M V 0 m0 1, 293.22, 4 g.mol 1 29 g.mol 1 - Les plus fortes pressions se trouvent au sol et sont de l’ordre de la pression atmosphérique normale. Ce sont donc des pressions relativement faibles et le modèle du gaz parfait est valable compte tenu de la précision générale du modèle d’atmosphère. 1 Voir la notion de masse volumique dans le chapitre IV, § A. Chapitre VII, Les gaz, partie E page 4/10 - Dans une colonne d’air de largeur limitée, le caractère radial du champ de pesanteur est négligeable. Mais il dépend de l’altitude ; nous simplifions la situation en le considérant comme uniforme. Ce choix est valable lorsqu’on étudie l’atmosphère sur des hauteurs faibles devant le rayon terrestre. Lorsque l’altitude est faible devant le rayon terrestre, nous pouvons utiliser l’expression2 : g ( z) z R g (0) 1 2 Avec g0 ≈ 9,81 N.kg-1, R ≈ 6400 km et z= 10 km, nous obtenons : g ( z ) 9,81 1 2 10 N.kg 6400 1 9, 78 N.kg 1 Ceci correspond à une erreur par défaut de 0,3 %- donc très faible par rapport à la précision globale du modèle- lorsque nous considérons le champ de pesanteur g comme uniforme : g ( z ) g (0) g (0) 2 z R 2 10 6400 0,3 % - Nous considérons la température comme uniforme. En réalité ce n’est le cas que dans la tropopause, la stratopause et la mésopause. Mais ce modèle a d’autres intérêts. C’est celui qui conduit aux calculs les plus simples3 et il donne ainsi une première idée de la loi de décroissance de la pression avec l’altitude. De plus il va nous permettre d’introduire le facteur de Boltzmann, premier aspect de la statistique de Maxwell-Boltzmann. Nous allons appliquer la loi fondamentale de l’Hydrostatique, l’équation d’état des gaz parfaits et tenir compte du caractère uniforme du champ de pesanteur et de la température. (Ces quatre points de la démonstration forment les parties a., b., c., d. du paragraphe 2.) 2. Equation différentielle donnant la pression en fonction de l’altitude a) Loi fondamentale de l’Hydrostatique La loi fondamentale de l’Hydrostatique4 s’écrit : dp( z ) ( z ) g ( z )dz b) Champ de pesanteur uniforme Nous considérons l’intensité de la pesanteur comme uniforme donc g(z) = constante = g. Donc la loi fondamentale de l’Hydrostatique se récrit : dp( z ) ( z ) gdz 2 Voir complément VII.1, approximation du champ de pesanteur uniforme. 3 Voir dans les exercices de niveau B des modèles avec variation de la température. 4 Voir la loi fondamentale de l’Hydrostatique dans le chapitre II, § C.3. Chapitre VII, Les gaz, partie E page 5/10 c) Equation d’état des gaz parfaits volume élémentaire dV z dV contenant une quantité de gaz dn(z) de masse d(masse(z)) Figure 3 : Le volume élémentaire et la notion de masse volumique locale. La masse volumique dépend de la pression et de la température. Elle est donc définie localement dans un volume élémentaire dV entourant un point d’altitude z. Ce volume contient une masse élémentaire d(masse(z)) et une quantité de gaz élémentaire dn(z). La masse volumique s’écrit donc : ( z) d (masse(z )) dV Mdn( z ) dV D’après l’équation d’état des gaz parfaits, nous pouvons écrire pour le volume élémentaire dV : p ( z )dV dn( z ) dV dn( z ) R T ( z ) p( z ) RT ( z ) En remplaçant dans l’expression de la masse volumique, nous obtenons : ( z) Mdn( z ) dV Mp( z ) RT ( z ) d) Température uniforme Et nous étudions l’atmosphère isotherme donc T(z) = constante = T. Donc nous pouvons en tenir compte dans la masse volumique et la remplacer dans la loi fondamentale de l’Hydrostatique : Mp ( z ) RT Mp ( z ) dp ( z ) gdz RT ( z) Chapitre VII, Les gaz, partie E page 6/10 e) Conclusion Cette équation se récrit sous la forme de l’équation différentielle vérifiée par la pression : dp Mg ( z) p( z ) 0 dz RT 3. Solution de l’équation différentielle a) Son expression Il s’agit d’une équation différentielle linéaire homogène du premier ordre à coefficients constants dont la solution générale5 s’écrit : p( z ) A exp Mg z RT La constante A se détermine grâce à la donnée de la pression à une altitude donnée ; par exemple en z = 0, la pression vaut p(0). p(0) A exp(0) A Finalement, nous obtenons la loi dite du nivellement barométrique : p( z ) p(0) exp Mg z RT La pression décroît exponentiellement lorsque l’altitude croît. b) Quelques valeurs numériques Les valeurs numériques suivantes sont calculées en prenant t = 15°C, p(0) =1013 hPa et pour des altitudes allant jusqu’{ 100 km. A cette altitude la température a varié et le champ de pesanteur n’est plus que de 9,5 N.kg-1. Ces valeurs sont données pour pointer du doigt ce que veut dire « décroissance exponentielle » et pour insister sur le choix des unités. z p 0 1013 1 900 10 300 50 3 80 0,08 100 0,007 km hPa Pour les calculer, attention aux unités : M en kg.mol-1, z en m et T en K. L’unité choisie pour p(0) est naturellement celle de p car l’exponentielle est sans dimension. Par exemple, en prenant t = 15°C, R = 8,314 J.K-1.mol-1, g = 9,81 N.kg-1, M = 29. g.mol-1 et p(0) =1013 hPa : p( z 1 km) 1013 exp 5 29.10 3 x 9,8 x 1.103 hPa 8.314 x (273 15) 900 hPa Voir le complément VII.2 : les détails du calcul et une autre méthode de résolution de l’équation différentielle. Chapitre VII, Les gaz, partie E page 7/10 c) Sa représentation graphique Voici, en prenant t = 15°C, p(0) =1013 hPa et pour des altitudes allant jusqu’{ 20 km la représentation graphique de cette fonction tracée grâce à Maple® : Pression en hPa Hauteur caractéristique 1013/e≈373 Mont-Blanc Altitude en km Figure 4 : Variation de la pression avec l’altitude dans le modèle de l’atmosphère isotherme. d) Hauteur caractéristique La hauteur H caractéristique de la décroissance exponentielle est celle pour laquelle la pression est divisée par e : p( z ) p (0) exp p( z H ) Mg z RT p (0) exp Mg (z H ) RT p( z ) e En développant la deuxième expression, nous obtenons : p( z H ) p (0) exp Mgz exp RT MgH RT p(z) p( z ) e p ( z ) exp exp( 1) exp MgH RT MgH RT Comme la fonction exponentielle est strictement monotone, nous en déduisons : 1 MgH RT Chapitre VII, Les gaz, partie E page 8/10 D’où l’expression de la hauteur caractéristique : H RT Mg Et sa valeur numérique, en prenant t = 15°C, R = 8,314 J.K-1.mol-1, g = 9,81 N.kg-1, M = 29. g.mol-1 : H 8,314.(273 15) m 8 km 29.10 3.9,81 Cette hauteur caractérise la décroissance exponentielle de la pression. Dans ce modèle isotherme, au sommet de l’Everest (8850 m), la pression est divisée par plus de e ≈ 2,7. e) Remarque La décroissance de la pression avec l’altitude dépend de la masse des molécules. Plus la masse est grande plus la décroissance est forte. La masse d’une molécule de dioxygène est plus grande que celle d’une molécule de diazote donc l’air s’appauvrit plus en dioxygène qu’en diazote lorsque l’altitude augmente. L’étude précédente nous permet aussi d’exprimer la masse volumique et la densité particulaire en fonction de l’altitude. 4. Masse volumique La pression étant connue, nous pouvons en déduire la masse volumique : ( z) Mp( z ) RT Mp(0) exp RT Mg z RT C’est-à-dire : ( z) Mg z RT (0) exp Le facteur exponentiel est le même que pour la pression : La masse volumique décroît exponentiellement avec l’altitude. Quelques valeurs numériques, seulement indicatives compte tenu des limitations du modèle, pour illustrer encore la décroissance exponentielle, en prenant t = 15°C, R = 8,314 J.K-1.mol-1, g = 9,81 N.kg-1, M = 29. g.mol-1. z µ 0 1,3 1 1,1 10 0,4 50 0,003 80 0,0001 100 0,00001 km g.dm-3 5. Densité particulaire a) Son expression L’élément de volume dV entourant un point d’altitude z (voir figure 3) contient dN(z) molécules et la densité particulaire s’écrit : Chapitre VII, Les gaz, partie E page 9/10 dN ( z ) dV np ( z) L’équation d’état des gaz parfaits permet d’exprimer la densité particulaire : p( z )dV dN ( z ) k B T np ( z) dN ( z ) dV p( z ) k BT Puis en remplaçant la pression par son expression : np ( z) p(0) exp kBT Mg z RT Pour tout exprimer au niveau moléculaire remplaçons M par NAm et R par NAkB : np ( z) p(0) exp k BT mg z k BT np ( z) n p (0) exp mg z k BT Les variations de la densité particulaire avec l’altitude sont semblables { celles de la pression et de la masse volumique. Le facteur exponentiel est le même. Quelques valeurs numériques, seulement indicatives compte tenu des limitations du modèle, pour illustrer encore la décroissance exponentielle, en prenant t = 15°C, R = 8,314 J.K-1.mol-1, g = 9,81 N.kg-1, M = 29. g.mol-1. z np 0 0,3 1 0,2 10 0,08 50 0,0007 80 0,00002 100 0,000002 km x 1024 b) Interprétations énergétique et statistique L’opposé de l’exposant de l’exponentielle se présente comme une fraction, mgz/kBT, dont le numérateur est l’énergie potentielle de pesanteur d’une molécule, Ep(z) = mgz, et dont le dénominateur kBT mesure l’énergie cinétique d’agitation thermique brownienne (au facteur 3/2 près). Sans la pesanteur, sous l’action de la seule agitation thermique, les molécules seraient uniformément réparties (elles auraient massivement quitté la Terre pour le grand espace !). Sans l’agitation thermique, sous l’effet de la seule pesanteur, elles seraient entassées sur le sol. La répartition des molécules dans l’atmosphère isotherme en équilibre est donc le résultat de la compétition entre la pesanteur et l’agitation thermique. Nous pouvons interpréter la densité particulaire en termes de probabilité car l’équilibre thermodynamique possède un caractère statistique. Plus la densité particulaire { l’altitude z est forte et plus il est probable de trouver Chapitre VII, Les gaz, partie E page 10/10 une molécule à cette altitude. Cette probabilité est proportionnelle au facteur exponentiel, appelé facteur de Boltzmann6. Deux exemples : - Le premier exemple correspond pour une température donnée aux altitudes faibles. La probabilité pour qu’une molécule se trouve { l’altitude z est très grande lorsque Ep(z) << kBT. Elle est proportionnelle au facteur de Boltzmann : exp E p ( z) k BT exp(0) 1 - Le deuxième exemple correspond pour une température donnée aux hautes altitudes. La probabilité pour qu’une molécule se trouve { l’altitude z est très petite lorsque Ep(z) >> kBT. Elle est proportionnelle à : exp E p ( z) k BT exp( grand nombre) 0 Contrairement aux systèmes rencontrés jusque là, l’atmosphère isotherme est un système thermodynamique soumis à une action extérieure, la pesanteur terrestre. A partir des hypothèses du modèle choisi, nous avons déduit les variations de la pression, de la masse volumique et de la densité particulaire avec l’altitude. Cette dernière résulte de la compétition entre pesanteur et agitation thermique et le facteur de Boltzmann traduit quantitativement le caractère statistique de l’équilibre thermodynamique produit. Dans le chapitre suivant, nous terminerons momentanément l’étude des gaz par celle de la diffusion des particules. 6 Premier aspect de la statistique de Maxwell-Boltzmann. Voir complément VII.2 : Des exemples d’application de cette statistique. En particulier, la loi de distribution des vitesses qui complète aussi le chapitre VI.