Volume 58 – n° 7 novembre 2011 Hallucinations associées aux neurostimulants Pradax en période périopératoire ? Leucémie myéloïde chronique Fièvre chez le jeune enfant www.professionsante.ca PP 40070230 1200, avenue McGill College, bureau 800, Montréal (QC) H3B 4G7 Éditorial P-définitions Éditrice Groupe Santé Caroline Bélisle, 514 843-2569 [email protected] Directeur des rédactions, Groupe Santé Rick Campbell, 416 764-3891 [email protected] Directrice de la rédaction Caroline Baril, 514 843-2573 [email protected] Rédactrice en chef Hélène-M. Blanchette, B. Pharm. Rédacteur en chef adjoint Jean-François Guévin, B. Pharm., M.B.A., Pharm. D. Adjointe à la directrice de la rédaction Mélanie Alain Direction artistique Dino Peressini Graphistes Jocelyne Demers, Pascal Gornick Comité de rédaction Avez-vous entendu parler de... Isabelle Giroux, B. Pharm., M. Sc. Caroline Sirois, B. Pharm., M. Sc., Ph. D. À vos soins Sonia Lacasse, B. Pharm. Sophie Grondin, B. Pharm., M. Sc. À votre service sans ordonnance Nancy Desmarais, B. Pharm. Julie Martineau, B. Pharm. De la mère au nourrisson Caroline Morin, B. Pharm., M. Sc. D’une page à l’autre Nicolas Paquette-Lamontagne, B. Pharm., M. Sc., M.B.A. Inforoute Jean-François Bussières, B. Pharm., M. Sc., M.B.A. Les Pages bleues Odette Grégoire, B. Pharm., M. Sc., M.A.P. Pharmacovigilance Christine Hamel, B. Pharm., M. Sc. Place aux questions Noura A. Shahid, B. Pharm. Santé publique Marie-Jahelle Desjardins, B. Pharm. Membre honoraire Georges Roy, M. Pharm. Publicité Directrices de comptes, Montréal Josée Plante 514 843-2953 Pauline Shanks 514 843-2558 Directrices/Directeurs de comptes Toronto Teresa Tsuji 416 764-3905 Norman Cook 416 764-3918 Sara Mills 416 764-4150 Stephen Kranabetter 416 764-3822 Carrières et professions, Montréal Nancy Dumont 514 843-2132 Gestionnaire des projets spéciaux Chantal Benhamron 514 843-2570 Coordonnatrice de la production Rosalina Lento 514 843-2557 www.professionsante.ca Pilulo-dépendance : état de gens d’une société qui dépendent beaucoup des pilules. Pharmacien : professionnel très au fait de la pilulo-dépendance. Est souvent présent dans une pharmacie, mais a aussi une vie en dehors de la pharmacie. Par contre, est toujours pharmacien ou pharmacienne, où qu’il soit. Pharmacie : lieu où un ou des pharmaciens, spécialistes de la pharmacothérapie, tentent de réduire la pilulo-dépendance. Pharmacothérapie : science qui est bien maîtrisée par le pharmacien et qui lui permet de faire des présentations magistrales aux prescripteurs (voir définition) et aux patients qui boivent ses paroles. Pilulo-déficit : état d’une société qui dépense beaucoup pour sa pilulo-dépendance. Pénurie : médicament ou ensemble de médicaments non disponibles pour les pilulodépendants. Processus par lequel on induit une panique, généralement chez le patient. Processus par lequel on induit une panique, généralement chez le pharmacien. Processus par lequel on induit des protestations chez les médecins qui sont contactés par les pharmaciens. Pénurie : programme artificiel d’épuisement des professionnels. Parasite : espèce de macro-organisme qui profite de la pilulo-dépendance. Peut parfois créer une pénurie par des décisions inappropriées. Première ligne : système peu utilisé d’accès à des soins de santé primaires, en développement cependant, avec un objectif d’avoir des résultats il y a quelques années. Est souvent en deuxième ligne. Lieu de pratique non privilégié par beaucoup de jeunes prescripteurs. Endroit où il y a encore moins de pharmaciens. Un jour, peut-être, la première ligne sera en première ligne. Patient : personne qui aime attendre dans les salles d’urgence pour recevoir des soins de première ligne. Programme d’accès spécial : programme géré par des fonctionnaires en mal de documentation pour donner une disponibilité à des produits généralement non disponibles. Pot de pilules : nom générique donné à un pot contenant toutes sortes de choses qui ne sont pas toujours des pilules. Peut contenir des gélules, des capsules, des caplets, des comprimés… Professionnalisme : état d’âme du pharmacien ou du prescripteur qui réagit toujours avec la même empathie lorsqu’il se fait poser la même question pour la 38e fois de suite. Au printemps, ce sont les allergies, à l’automne, c’est le rhume et la grippe qui sont les sujets primés. Professionnel : s’applique à toutes sortes de personnes. On peut aussi penser que le patient le pense quand il pense à son pharmacien qui vient de « désemberlificoter » son régime de pilulo-dépendance ou qui vient d’expliquer les effets indésirables associés à sa pilulo-dépendance. Préparation magistrale : une préparation faite de main de maître. On peut avoir en tête aussi une présentation magistrale d’un beau pot de crème gentiment préparé. Présentation magistrale : (synonyme de préparation magistrale). Présentation d’un argument par un pharmacien à un prescripteur qui reconnaît son expertise et qui accepte son opinion. Préparation : période de sérénité que se donne un pharmacien qui s’apprête à donner son 38e conseil pour la grippe durant son quart de travail. Protection contre la grippe : souhait que le pharmacien a face aux 38 patients qui lui toussent dans la figure pour montrer comment ils toussent quand ils ne sont pas devant le pharmacien. Prescription : généralement une façon pour un prescripteur d’indiquer ce qu’il veut qu’un patient fasse après qu’il a quitté son bureau. Parfois, un prescripteur est prolifique et prescrit la même molécule à tous les patients qui sont venus le voir au cours des quatre dernières heures. La prescription ne génère pas toujours des succès puisque, malgré la pilulo-dépendance, certains patients ne se collent pas à leur programme de soins. On peut remplacer « coller » par « adhérer ». Prescripteur : un professionnel de la santé qui prend une décision face à un problème de santé et qui veut qu’un patient réalise des actions à faire une fois qu’il a quitté le professionnel de la santé. Prescrire : acte réfléchi par un professionnel de la santé et/ou un prescripteur qui prépare un plan d’action dans son domaine d’expertise. Généralement, acte qui n’est pas très partagé pour éviter la perte de contrôle. Promotion de la santé : 1 - mettre en vente la santé par toutes sortes d’affirmations. Par exemple, les vendeurs de produits naturels ont parfois tendance à faire de la promotion de la santé; 2 - pour les autres, la promotion de la santé est de favoriser la santé par des actions concrètes, publiques, qui ont tendance à réduire la pilulo-dépendance. novembre 2011 vol. 58 n° 7 Québec Pharmacie 3 Sommaire Volume 58 – n° 7 – novembre 2011 Vous trouverez les questions de formation continue à la fin de chacun des articles. Les Éditions Rogers Media Kenneth Whyte, Président Patrick Renard, Vice-président, Finances Janet Smith, Éditrice exécutive, Groupe Santé Sandra Parente, Directrice générale de Rogers Connecte, titres d’affaires et professionnels 3 Éditorial P-définitions 6 Place aux questions 11 à votre service sans ordonnance 21 Les pages bleues Leucémie myéloïde chronique 31 Avez-vous entendu parler de... Le prasugrel (EffientMD) 39 Pharmacovigilance 44 D’une page à l’autre WEB David Carmichael, Directeur général des activités en ligne Tricia Benn, Directrice principale, Études de marché Rogers connecte Pour nous joindre : Québec Pharmacie, 1200 avenue McGill College, bureau 800, Montréal (Québec) H3B 4G7. Téléphone : 514 845-5141, Télécopieur : 514 843-2184, Courriel : [email protected] ou Éloïse Boucher, adjointe administrative Tél. : 514 843-2102, [email protected] Abonnement ou changement d’adresse Pour les pharmaciens Ordre des pharmaciens du Québec par courriel : [email protected] par télécopieur : 514 284-3420 par téléphone : 514 284-9588 Pour les non-pharmaciens 1200, McGill College, bureau 800 Montréal (Québec) H3B 4G7 Francine Beauchamp, coordonnatrice de la diffusion Tél. : 514 843-2594 • Téléc. : 514 843-2182 [email protected] Tarifs : Canada : 69 $ par année, 103 $ pour 2 ans, 8 $ l’exemplaire. Tarif de groupe/vrac : 55,20 $ (min. 6 exemplaires). États-Unis et international (abonnement individuel seul.) : 110 $ par année. Taxes en vigueur non comprises. Dépôt légal : Bibliothèque nationale du Québec, Bibliothèque nationale du Canada ISSN 0826-9874. Toutes les annonces de produits pharmaceutiques sur ordonnance ont été approuvées par le Conseil consultatif de publicité pharmaceutique. Envoi de poste – publications, convention nº 40070230. Québec Pharmacie est imprimé par Imprimeries Transcontinental et est publié 8 fois l’an par Rogers Media. Vous pouvez consulter notre politique environnementale à : www.leseditionsrogers.ca/about_rogers/environmental.htm 46 www.professionsante.ca Peut-on utiliser le Pradax lors de l’arrêt de la warfarine en période périopératoire ? L’automédication dans le cas de fièvre chez l’enfant Hallucinations associées à une formulation à libération retardée de méthylphénidate (ConcertaMD) Impact des cabinets automatisés décentralisés sur la baisse des erreurs de médication en soins intensifs Perspective sur la pratique pharmaceutique hospitalière au Canada 2009-2010 novembre 2011 vol. 58 n° 7 Québec Pharmacie 5 Place aux questions Peut-on utiliser le Pradax lors de l’arrêt de la warfarine en période périopératoire ? Chez les patients souffrant de fibrillation auriculaire, la warfarine est utilisée comme traitement anticoagulant, conjointement avec des injections d’héparine. On a aussi recours aux héparines lorsqu’il faut cesser la warfarine en raison d’une chirurgie pouvant entraîner des saignements et que le patient est à risque d’événements thromboemboliques. Le dabigatran (PradaxMD), un nouvel anticoagulant, pourrait-il être utilisé en remplacement des héparines en période périopératoire, lorsque la warfarine est cessée ? Texte rédigé par Mélanie Lauzon, B. Pharm. Texte original soumis le 14 juin 2011. Texte final remis le 8 juillet 2011. Révision : Elyse Desmeules, B. Pharm., et Geneviève Duperron, B. Pharm. La warfarine est utilisée depuis très longtemps comme traitement anticoagulant, entre autres chez les patients souffrant de fibrillation auriculaire (FA)1. L’anticoagulothérapie permet de prévenir les événements thromboemboliques ainsi que les accidents vasculaires cérébraux1,2,3. Lorsque l’on commence un traitement par la warfarine, il est nécessaire que le patient soit traité conjointement par des injections d’héparine4. En effet, la warfarine a un début d’action très lent et peut prendre jusqu’à deux à trois jours avant d’avoir un effet thérapeutique4. Le traitement par l’héparine agit rapidement et permet donc de prévenir la formation de caillots sanguins durant la période pendant laquelle la warfarine ne s’avère pas efficace4. On utilise aussi les héparines lorsque l’on doit cesser temporairement la warfarine en raison d’une chirurgie entraînant un risque de saignements et que le patient est à risque moyen à élevé d’événements thromboemboliques 4,5. Étant donné que la warfarine possède une longue demi-vie, on doit cesser la prise plusieurs jours avant la chirurgie afin de minimiser le risque de saignements, ce qui expose malheureusement le patient à un risque embolique avant la chirurgie4,5. Les injections d’héparines contribuent à prévenir la formation de caillots durant l’arrêt de la warfarine4,5. Plusieurs professionnels s’interrogent quant à la possibilité d’assurer l’efficacité de la warfarine en début de traitement ou lors de sa cessation en période périopératoire grâce à un autre médicament que les héparines4. Une nouvelle molécule anticoagulante à prise orale est maintenant disponible au Canada, soit le dabigatran etexilate (Pradax MD), un promédicament du dabigatran, converti par les enzymes estérases dans le sang et le foie2,3,6,7. Le Pradax est un inhibiteur direct compétitif et réversible de la thrombine (facteur IIa) avec une haute affinité sélective2,3,6,7. Il inactive la thrombine, un agoniste puissant de l’agrégation plaquettaire, empêchant ainsi la formation de caillots2,3,6,7. La simplicité d’administration (prise orale plutôt qu’administration parentérale) et le coût moindre du dabigatran portent à envisager la possibilité que cette molécule devienne une solution de rechange aux héparines4. Toutefois, l’utilisation du dabigatran au lieu des héparines pour combler l’efficacité de la warfarine ne semble pas pouvoir être prise en considération4. Il est vrai que le dabigatran a Tableau I Avantages et désavantages du dabigatran (PradaxMD), comparativement à la warfarine1-3,6,7 Avantages Désavantages Dose fixe ne nécessitant pas de suiviManque de données chez les patients périodiqueinsuffisants rénaux sévères et chez ceux atteints de maladies hépatiques Efficacité semblable à supérieure dans la pré-Manque de données de sécurité sur une longue vention des thromboembolies et des accidents période vasculaires cérébraux (étude RE-LY) Moins d’interactions avec les médicaments Plus de risque de saignements gastro et les aliments intestinaux (à hautes doses) Risque plus faible à comparable de compli- Administration BID entraînant une non cations importantes liées à des saignements observance possible Aucun antidote permettant de renverser l’effet anticoagulant 6 Québec Pharmacie vol. 58 n° 7 novembre 2011 Peut-on utiliser le Pradax lors de l’arrêt de la warfarine en période périopératoire ? un début d’action rapide, ce qui permet d’atteindre un effet thérapeutique environ deux heures après la première dose, ce qui est comparable aux héparines4,7. Par contre, la demivie de cette molécule varie entre 12 et 17 heures, ce qui implique que son effet anticoagulant peut persister jusqu’à deux jours après sa cessation3,4,7. Les héparines agissent et s’éliminent rapidement4. Lors d’une chirurgie, il est important que le médicament anticoagulant administré s’élimine rapidement afin de diminuer le risque de saignements associés à la chirurgie4,5. Aussi, il importe de réduire la période durant laquelle l’effet anticoagulant ne se retrouvera pas dans l’intervalle thérapeutique afin de minimiser le risque thromboembolique4,5. Ces critères conviennent aux héparines puisque celles-ci s’éliminent entre 12 et 24 heures après la dernière injection, mais malheureusement pas au dabigatran4. De plus, le dabigatran ne détient pas toutes les indications pour lesquelles on doit protéger un patient avec une héparine lors de la cessation de la warfarine. En effet, selon les recommandations du journal médical Chest, les patients porteurs d’une valve mécanique ainsi que ceux atteints de fibrillation auriculaire ou ayant fait une thrombose veineuse profonde qui sont considérés comme à moyen ou à haut risque thromboembolique doivent être couverts par une héparine4,5. Le dabigatran n’étant pas indiqué chez les patients porteurs d’une valve mécanique, il ne peut être utilisé afin de remplacer la warfarine lorsque celle-ci doit être cessée. Enfin, le dabigatran peut parfois augmenter le rapport international normalisé (RNI), rendant particulièrement difficile l’évaluation quand l’effet de la warfarine est réellement atteint ou dissipé4. L’arrivée du dabigatran sur le marché a provoqué des changements importants dans le domaine médical puisque cette molécule comporte plusieurs avantages (tableau I) et s’avère intéressante dans certaines conditions. Par contre, elle ne peut malheureusement pas être utilisée en remplacement des héparines en période périopératoire, lorsque la warfarine est cessée4. Toutefois, elle est utilisée en prévention primaire pour éviter des événements thromboemboliques chez les patients ayant subi une chirurgie de la hanche ou du genou4,6,7. Elle a aussi une indication officielle en tant que traitement anticoagulant de la fibrillation auriculaire non valvulaire4,6,7. ■ Références 1.Anonyme. Pradax contre warfarine pour la fibrillation auriculaire. Pharmacist’s Letter Canadian. 2008; 24(8) : 240813. 2.Anonyme. Dabigatran vs warfarin in patients with atrial fibrilation. Pharmacist’s Letter 2009;25(10) : 251023. 3.Reynen E. Résumé sur le dabigatran. L’hôpital d’Ottawa, service d’information pharmacothérapeutique. 2010 : novembre. 4.Anonyme. Should Dabigatran be used for bridging ? Pharmacist’s Letter 2011:27(3) : 270310. 5. Douketis JD, Berger PB, Dunn AS, et coll. The peri­ operative management of antithrombotic therapy : American college of chest physicians evidence based clinical practice guidelines (8th edition). Chest 2008; 133(6 supp) : 299S-339S. 6.Anonyme. Pradax (dabigatran) Pharmacist’s letter 2011; 27(1) : 270119. 7.Monographie du Pradax (dabigatran etexilate). Boehringer Ingelheim Canada Burlington. ON L7L 5H4, octobre 2010. Question de formation continue 1) Lequel de ces énoncés est vrai ? A.Le dabigatran a un mécanisme d’action semblable à celui de la warfarine. B. On peut déterminer l’efficacité du dabigatran par une mesure du RNI et ainsi ajuster le dosage. C.Les héparines demeurent le traitement de choix lorsque la warfarine doit être cessée en période périopératoire et que le patient est à risque élevé de thromboembolie. D.Le dabigatran a un début d’action et une élimination rapides, comme les héparines. Répondez maintenant en ligne. Voir page 62. Vous aimez écrire ? ous avez toujours voulu rédiger V un article de formation continue pour Québec Pharmacie ? En voici l’occasion, puisque la chronique Les Pages bleues recherchent activement des auteurs. Les pharmaciens intéressés peuvent contacter Odette Grégoire ([email protected]). www.professionsante.ca novembre 2011 vol. 58 n° 7 Québec Pharmacie 7 À votre service sans ordonnance L’automédication dans le cas de fièvre chez l’enfant La fièvre chez l’enfant est un motif de consultation très fréquent en pharmacie d’officine, ainsi qu’une source d’inquiétude pour les parents. On peut définir la fièvre comme un symptôme peu spécifique puisque son étiologie est très variée. Il s’agit en fait d’une élévation du centre de thermorégulation au niveau hypothalamique, faisant augmenter la température corporelle1. Par exemple, lors d’une infection par des micro-organismes, la production de toxines et de déchets cellulaires entraîne une production de substances pyrogènes endogènes1. Ces substances, notamment les prostaglandines E2, les interleukines et le facteur de nécrose tumorale (TNF), sont responsables de l’élévation du centre de thermorégulation et donc de l’augmentation de la température corporelle. Bien que l’on observe des variations au cours de la journée, il n’y a pas lieu de s’inquiéter1,2,3. Chez l’enfant, par exemple, ces variations peuvent aller jusqu’à 1 °C1. C’est toutefois dans certaines conditions, afin d’assurer une défense adéquate par l’organisme, que la température corporelle s’élève, engendrant un malaise chez l’enfant qui se manifeste de différentes façons (frissons, sudations, pleurs et bouffées vasomotrices). Il est cependant faux de considérer la fièvre comme nocive pour l’enfant dans la mesure où la croissance de plusieurs pathogènes est réduite par une élévation de la température3. Quand parle-t-on de fièvre ? On parle de fièvre lorsque la température corporelle, prise par voie rectale, dépasse 38,0 °C1-3. En pratique, on peut mesurer la température à quatre endroits, et en fonction de la voie que l’on utilise, les valeurs pour statuer si l’enfant est fébrile ou non varieront. Le tableau I montre bien les valeurs au-delà desquelles on considère l’enfant comme fiévreux. Voyons maintenant ces quatre voies et leurs principales caractéristiques. Premièrement, la voie rectale, qui est principalement préconisée chez les enfants de moins de deux ans, constitue la mesure de référence de la température. Cette mesure est également considérée comme un premier choix par la Société canadienne de pédiatrie chez les enfants de deux à cinq ans. Cependant, en pratique, plusieurs enfants de cette catégorie d’âge trouvent cette méthode inconfortable, et nous devrons éventuellement mesurer la température corporelle avec la seconde méthode, la technique axillaire. Bien qu’elle soit accessible et confortable, elle n’est pas très bien corrélée avec la température rectale ou buccale, et la valeur obtenue peut être influencée par plusieurs facteurs (hypotension et vasodilatation cutanée)3,4. Lorsque l’enfant vieillit et atteint l’âge d’environ cinq ans, on recommande d’utiliser la température buccale. La bouche doit être fermée et l’enfant ne doit pas consommer de liquides, qu’ils soient chauds ou froids, dans les 10 minutes précédant la prise de température, tout comme chez l’adulte3. La température auriculaire est une mesure non recommandée par la Société canadienne de pédiatrie chez les moins de deux ans 5. En fait, cette méthode repose sur la mesure des émissions de rayons infrarouges provenant du tympan par un thermomètre3. La rapidité de la méthode et le confort du patient constituent, bien sûr, des avantages, mais celle-ci n’est pas considérée comme aussi précise que la prise de la température par voie www.professionsante.ca rectale3. Chez les plus de deux ans, on peut considérer cette méthode comme un second choix par rapport à la température rectale (1er choix chez les 2 à 5 ans) ou buccale (1er choix chez les 5 ans et plus), mais les manipulations sont plus sujettes aux erreurs d’utilisation, rendant nécessaire l’enseignement de la technique de prise par le pharmacien en officine3,5. Les étapes pour une prise adéquate de la température, qui se retrouvent dans le tableau II, doivent être enseignées aux parents pour assurer la fiabilité des valeurs. Texte rédigé par Pierre-Alex Laurendeau, étudiant en 4e année de pharmacie, Université Laval, Québec. Texte original soumis le 17 juin 2011. Texte final remis le 25 juillet 2011. Révision : Julie Martineau, B. Pharm., et Nancy Desmarais, B. Pharm. Et avec quel thermomètre ? Bien que les thermomètres au mercure aient été une référence il y a quelques années, la plupart des experts considèrent qu’il est préférable d’utiliser les thermomètres électroniques en raison de la toxicité du mercure et du fait que les modèles au mercure sont faits en verre. Les thermomètres dits « digitaux » sont généralement en plastique et l’affichage de la température élimine le risque d’erreur dans la lecture de la colonne au mercure. Généralement, lorsqu’on parle de thermomètres électroniques (digitaux), le prix varie entre 9 $ et 14 $. Bien entendu, les coûts diffèrent selon les pharmacies et les régions. Quant aux thermomètres tympaniques, le prix est très varié selon les modèles, mais il se situe généralement autour de 40 $ à 60 $. Critères de consultation médicale Lorsque l’enfant fiévreux est âgé de moins de trois mois, on doit l’adresser à un médecin2,3. De plus, si la température excède 41 °C ou que la fièvre persiste depuis plus de 72 heures sans raison apparente, il est recommandé de consulter un médecin3. Certains symptômes plus importants sont également des critères de référence, dont la léthargie, des vomissements, des éruptions cutanées, la confusion, une diminution de l’appétit ou de la soif, ainsi que tout autre signe infectieux important2,3,5. novembre 2011 vol. 58 n° 7 Québec Pharmacie 11 À votre service sans ordonnance Tableau I Température au-delà de laquelle on considère que l’enfant est fiévreux4,5 Méthode utilisée Rectale Buccale Tympanique Axillaire Mesures non pharmacologiques Lorsqu’on a éliminé les signes et symptômes qui nécessitent une visite au cabinet du médecin, il est important, peu importe si on traite la fièvre par des antipyrétiques ou non, de suggérer aux parents de l’enfant fébrile des mesures non pharmacologiques puisque le but du traitement de la fièvre est de soulager l’enfant et que le seul abaissement de la température corporelle est souvent insuffisant. On doit en premier lieu éviter de le recouvrir. Il faut donc suggérer aux parents d’habiller leurs enfants avec des vêtements légers et de garder une température ambiante autour de 20 °C à 21 °C1,2. L’approche qui consiste à donner à l’enfant un bain à l’éponge avec de l’eau (jamais avec de l’alcool isopropylique) n’est pas recommandée, de même que mettre l’enfant dans un bain d’eau tiède3. La raison pour laquelle on évite d’im- Température mesurée 38,0 °C (100,4 °F) 37,5 °C (99,5 °F) 38,0 °C (100,4 °F) 37,3 °C (99,1 °F) merger complètement l’enfant dans l’eau est que l’on n’agirait pas sur le centre de thermorégulation, on ne ferait que diminuer légèrement la température corporelle; c’est une méthode inconfortable pour l’enfant3. Cependant, si la température corporelle est assez élevée (> 40 °C), il peut être utile d’utiliser un antipyrétique, puis d’éponger l’enfant avec de l’eau tiède. Le principe de cette méthode est qu’en épongeant, l’évaporation de l’eau permet de réduire la température corporelle, d’où l’inefficacité de la méthode d’immersion totale, qui ne favorise pas l’évaporation3. Cette méthode est toutefois controversée selon les sources. Médicaments en vente libre Lorsqu’il est souhaitable pour le bien-être de l’enfant de commencer une thérapie pour réduire la température, nous disposons de deux principaux agents, soit l’acétaminophène et l’ibuprofène. L’acide acétylsalicylique n’est plus recommandé chez les patients de moins de 18 ans en raison de son association avec le syndrome de Reye (encéphalopathie aiguë, œdème cérébral, perturbations métaboliques) lors d’une infection virale. Puisqu’il est difficile de déterminer si l’origine de la fièvre est virale ou non, il vaut mieux l’éviter1-4. L’acétaminophène constitue un premier choix chez l’enfant, principalement en raison de l’expérience clinique et de son innocuité. On l’utilise à raison de 10 à 15 mg/kg par dose toutes les quatre à six heures, pour un maximum de 75 mg/kg par jour. Les multiples formulations (en suspension, gouttes, comprimés, comprimés à croquer, suppositoires) ont toutes leurs particularités. Mentionnons surtout les gouttes, dont la concentration est relativement élevée, qui permettent de donner une petite quantité de liquide à l’enfant très jeune. Les suppositoires, quant à eux, ont une absorption erratique, ce qui n’en fait pas un premier choix2-5. Utiliser l’ibuprofène a parfois certains avantages en raison de sa durée d’action plus longue et d’une plus grande efficacité à diminuer la fièvre par rapport à l’acétaminophène6. Cependant, il n’est pas clair que cette différence soit cliniquement importante ou significative1,3,5,7. Nous savons que l’ibuprofène a des propriétés antiinflammatoires, ce qui peut parfois être prati- Tableau II Bref rappel sur l’utilisation des thermomètres2,3 Voie Rectale Buccale Tympanique Axillaire 12 Étapes pour une prise de température adéquate ◾ Nettoyer le thermomètre ◾ L’enfant doit être placé sur le dos, avec les genoux pliés ◾ Appliquer à l’extrémité du thermomètre une petite quantité de gelée de pétrole ◾ Insérer le thermomètre dans le rectum (distance d’environ 1 pouce ou 2 à 2,5 cm) ◾Garder le thermomètre en place jusqu’à ce que le timbre sonore indique que l’on peut lire la température ◾ Nettoyer le thermomètre ◾ Nettoyer le thermomètre ◾ Insérer le thermomètre sous la langue de l’enfant ◾ L’enfant doit fermer la bouche tout en gardant le thermomètre sous sa langue ◾ Garder le thermomètre en place jusqu’à ce que le timbre sonore indique que l’on peut lire la température ◾ Nettoyer le thermomètre ◾ Prendre un nouvel embout pour chaque lecture ◾ On doit tirer sur l’oreille de l’enfant (vers l’arrière) ◾ Insérer le thermomètre de façon à ce que le conduit auditif soit bloqué entièrement ◾ Garder le thermomètre en place et appuyer sur le bouton durant une seconde ◾ Retirer ensuite le thermomètre pour la lecture de la température ◾ Nettoyer le thermomètre (on peut utiliser un thermomètre buccal ou rectal) ◾Le thermomètre doit être placé au centre de l’aisselle, et l’enfant doit coller son bras le long du corps ◾ Garder le thermomètre en place jusqu’à ce que le timbre sonore indique que l’on peut lire la température ◾ Nettoyer le thermomètre Québec Pharmacie vol. 58 n° 7 novembre 2011 L’automédication dans le cas de fièvre chez l’enfant que pour abaisser la température et soulager la douleur causée par l’inflammation chez l’enfant (en cas d’otite moyenne aiguë, de pharyngite ou d’amygdalite, par exemple). On doit toutefois s’interroger sur son utilisation puisque le mécanisme inflammatoire est parfois souhaitable dans ces infections1. La dose d’ibuprofène comme antipyrétique est de 5 à 10 mg/kg toutes les six à huit heures, pour un maximum de 40 mg/kg par jour3,4. L’usage d’ibuprofène n’est pas recommandé pour des enfants de moins de six mois en raison d’un manque de données sur l’innocuité. On doit aussi être vigilant lorsque l’enfant est asthmatique (en raison du déclenchement possible d’une crise d’asthme), déshydraté (pour éviter les risques de précipiter une insuffisance rénale aiguë) ou lorsqu’il a la varicelle (en raison d’une possible précipitation du syndrome de Reye)3,6,8. L’association de l’acétaminophène en plus de l’ibuprofène est source de controverse puisqu’elle est fréquente en pratique, mais elle n’est pas toujours à recommander selon plusieurs sources médicales. La Société canadienne de pédiatrie ne recommande pas cette approche en raison d’une possible toxicité cumulée des deux agents, sauf sous supervision médicale2,3,5. Une étude parue en 2008 dans le British Medical Journal soutient également cette approche. Sa conclusion était que l’association de ces deux antipyrétiques était supérieure à une utilisation séparée pour abaisser la température après 24 heures, mais les patients demeuraient sous une supervision médicale étroite7. Cependant, pour ce qui est de l’absence d’inconfort après 48 heures, aucune différence n’a été notée7. Ainsi, il y a peu d’avantages, lors de cas de fièvre légère associée à un inconfort ou à de la douleur légère à modérée, à associer ces deux molécules. Cette technique peut toutefois augmenter le risque d’erreurs d’administration des médicaments par les parents2,8. Plusieurs enfants (jusqu’à 5 %) font des convulsions lorsqu’ils deviennent fébriles1-3,5,9,10-13. Cette expérience est fort traumatisante pour les parents, mais elle est généralement sans conséquences2. Elles se produisent généralement entre six mois et cinq ans, et on leur associe une prédisposition génétique9,10. La durée de la convulsion varie entre quelques secondes et plusieurs minutes. La Société canadienne de pédiatrie recommande d’adresser ces enfants chez le médecin assez rapidement, particulièrement en présence de la première convulsion fébrile de l’enfant2,5,10. Quand un enfant est en train de convulser, il convient en premier lieu de le sécuriser en déplaçant les objets près de lui. On recommande également de tourner sa tête sur le côté et de ne pas retenir ses mouvements. Il est important de mentionner aux parents que si la crise persiste après trois minutes, ils doivent composer le 9112. L’usage d’acétaminophène ou d’ibuprofène afin de réduire la fièvre ne diminue pas les risques de convulsions fébriles et un traitement préventif par des anticonvulsivants n’est pas indiqué dans les cas simples et sans conséquences (pour plus de détails à ce sujet, voir l’article intitulé Les convulsions fébriles écrit par Ingrid Wagner, pharmacienne, et paru dans Québec Pharmacie, édition de décembre 2010-janvier 2011)1,9. Enfin, pour s’assurer d’un suivi adéquat, il est important de diriger l’enfant vers le pédiatre ou le médecin de famille si la fièvre est toujours présente après 72 heures, qu’il y ait traitement par des médicaments en vente libre ou non5,11-13. Nous devons toujours garder en tête que la fièvre est bénigne, bien qu’inconfortable, dans la majorité des cas, et que l’on ne traite pas une valeur de température, mais bien des patients1. Il est donc justifié, dans les cas où la température n’est pas très élevée, de simplement éduquer les parents et de suggérer des mesures non pharmacologiques1. ■ 6.American Pharmacists’ Association. Ibuprofen : Drug Information handbook. 19th edition. 2010-2011. 771-4. 7.Alastair D Hay, Costelloe C, Redmond NM, et coll. Paracetamol plus ibuprofen for the treatment of fever in children (PITCH) : A randomized controlled trial. British Medical Journal. 2008. 9 pages. 8. Leroy S, Mosca A. Ibuprofen in childhood : Evidence-based review of efficacy and safety. Archives de pédiatrie. May 2007. 477-84. 9. Wagner I. Les convulsions fébriles. Québec Pharmacie, vol 57 n°8, Les Pages bleues. 2010. 21-5. 10.Les convulsions fébriles, www.soinsdenosenfants. cps.ca/grossessebebes/ConvulsionsFebriles.htm (Consulté le 19 mai 2011.) 11.Comité de la pédiatrie communautaire. Société canadienne de pédiatrie. La mesure de la température en pédiatrie. Février 2011. 12.Ward M. Pathophysiology and treatment of fever in infants and children. Up to date. 2011. 13.Comité de pharmacologie et des substances dangereuses. Utilisation de l’acétaminophène et de l’ibuprofène dans la prise en charge de la fièvre et de la douleur légère ou modérée chez l’enfant. Société canadienne de pédiatrie. Mai 2007. Un mot sur les convulsions fébriles Références 1. Turgeon J, Bernard-Bonin AC. Dictionnaire de thérapeutique pédiatrique Weber, 2e édition. Montréal. 2008. Chenelière-Éducation. 554-62. 2.Institut national de santé publique du Québec. Mieux vivre avec son enfant de la grossesse à deux ans. 2010. 526-36. 3.Association des pharmaciens du Canada. Patient Self Care. Première édition. 2002. 79-89. 4.Association des pharmaciens du Canada. Therapeutic Choices. Cinquième édition. 2007. 1515-9. 5.Comité de la pédiatrie communautaire. Société canadienne de pédiatrie. La fièvre et la prise de la température. Avril 2008. Questions de formation continue 2) Lequel des énoncés suivants est vrai ? A.La mesure tympanique de la température est un premier choix chez les moins de deux ans. B.Il est recommandé d’envoyer consulter un enfant faisant de la fièvre depuis plus de 48 heures. C.L’usage de l’ibuprofène est déconseillé chez les moins de 12 mois. D.L’acétaminophène combiné à l’ibuprofène est recommandé par la Société canadienne de pédiatrie. E. Un enfant de trois mois ou moins devrait être adressé à un médecin s’il y a présence de fièvre. 3) Lequel des énoncés suivants est faux ? A.L’acétaminophène sous forme de gouttes est utile chez les jeunes enfants puisque la concentration élevée permet d’en administrer un petit volume. B.L’utilisation d’acide acétylsalicylique est à proscrire chez les patients de moins de 18 ans. C.L’utilisation d’ibuprofène et d’acétaminophène a permis de réduire les risques de convulsions fébriles. D.La confusion, la léthargie et la présence d’éruptions cutanées sont des critères de recommandation médicale. E.La prise rectale de la température constitue un premier choix chez les enfants de moins de deux ans. Répondez maintennant en ligne. Voir page 62. www.professionsante.ca novembre 2011 vol. 58 n° 7 Québec Pharmacie 13 InfoROUTE Le défi de la gestion de l’information en pharmacie En 2009, l’Ordre des pharmaciens du Québec (OPQ) a publié des lignes directrices sur la surveillance de la thérapie médicamenteuse1. En 2010, l’OPQ a publié ses normes de pratique qui reposent sur trois axes, soit le maintien de la compétence et le développement professionnel, l’expertise en thérapie médicamenteuse et l’usage rationnel des médicaments, ainsi que la qualité et la sécurité des soins et des services pharmaceutiques2. En 2011, l’OPQ a publié son programme de surveillance qui intègre notamment ces documents et présente une nouvelle approche d’inspection professionnelle3. Afin de relever ce défi, le pharmacien doit pouvoir compter sur une collaboration interdisciplinaire, une équipe technique qualifiée, un équipement et des logiciels adaptés, des aménagements appropriés, des processus optimisés et une bonne gestion de l’information. Plus que jamais, il est confronté à la disponibilité et à l’utilisation de nombreuses sources de données, tant scientifiques, administratives que liées au patient. L’utilisation concomitante de ces nombreuses sources de données est un défi au quotidien. L’objectif de cet article est de faire le point sur les défis relatifs à Texte original soumis le 11 juillet 2011. la gestion de l’information. Texte rédigé par Jean-François Bussières, B. Pharm., M.Sc., M.B.A., F.C.S.H.P., CHU Sainte-Justine, chef du département de pharmacie et de l’unité de recherche en pratique pharmaceutique, CHU Sainte-Justine, professeur titulaire de clinique, Faculté de pharmacie, Université de Montréal, et Denis Lebel, B. Pharm., M.Sc., F.C.S.H.P., adjoint au chef du département de pharmacie et de l’unité de recherche en pratique pharmaceutique, CHU Sainte-Justine. Texte final remis le 8 août 2011. Pour des identifiants communs L’intégration de toutes ces données repose sur l’utilisation d’identifiants communs. À l’heure actuelle, il existe une panoplie de numéros utilisés pour un même médicament, limitant les capacités d’intégration et d’affichage cohérent Figure 1 Poste de travail à trois écrans incluant l’affichage du dossier pharmacologique, des photos de préparations stériles sous hottes et des listes de tâches en cours au CHU Sainte-Justine des données. Ainsi, un médicament possède un numéro d’identification de drogues (DIN) par teneur, commun à tous les formats de vente, un numéro de produit du fabricant par format de vente, un numéro de grossiste distinct par format de vente, un numéro de catalogue distinct par teneur pour les achats groupés hospitaliers, des numéros différents décrivant les codes-barres par format d’emballage (codes UPC et/ou codes GTIN, ou autres), un numéro de générique commun à toutes les teneurs et à tous les fabricants, et d’autres numéros dans les logiciels hospitaliers et les systèmes experts. Le Canadian Pharmaceutical Bar Coding Project vise à uniformiser l’identification des codes-barres de tous les niveaux d’emballage, de la caisse à la dose unique, garantissant une norme utile et facilement lisible pour l’intégration des données de médicament4. En attendant cette uniformisation, les pharmaciens sont invités à réfléchir collectivement à l’adoption d’identifiants communs cohérents afin de partager l’information relative aux médicaments. Deux écrits de Brisseau et coll. démontrent les risques du partage de cette information, à l’heure actuelle, en établissement de santé au Québec5-6. Pour une identité numérique Des travaux de l’Unité de recherche en pratique pharmaceutique (URPP) du CHU SainteJustine ont mis en évidence la nécessité d’adopter le concept d’identité numérique7. On définit l’identité numérique d’un produit comme « toute information liée à celui-ci et enregistrée sous forme numérique »7. Cela concerne principalement les médicaments, mais le concept peut aussi être appliqué à d’autres produits et fournitures. Cette identité peut comporter différents numéros d’identification (p. ex., numéro DIN délivré par Santé Canada, le numéro GTIN [Global Trade Identification Number], le numéro de produit chez le fabricant et le distributeur, le numéro de produit chez le groupe d’achats, le numéro de produit au sein de l’établissement), des documents numériques (p. ex., monographie du médicament, publications pertinentes, correspondance avec le fabricant), des images du produit 16 Québec Pharmacie vol. 58 n° 7 novembre 2011 Le défi de la gestion de l’information en pharmacie Toutes les banques de données expertes ont en commun les éléments suivants : une fiche « produit » comportant un numéro d’identification par médicament, par produit ou par principe actif et plusieurs variables associées. dans son contenant originel ou hors de son contenant (p. ex., format d’achat, comme la caisse de 12, format d’utilisation au département de pharmacie, comme le pot de 100 comprimés, format d’utilisation au chevet du patient, comme le comprimé ensaché), avec ou sans modifications effectuées par le pharmacien et son équipe (p. ex., ensachage, préparation en seringues ou mini sacs) et des fichiers sonores de la prononciation des noms du médicament (p. ex., prononciation du nom générique et du nom commercial). Actuellement, une grande partie de cette information existe de façon plus ou moins complète dans des banques de données expertes (p. ex., Micromedex, de Thomson Healthcare, Compendium des produits et spécialités de l’A PC), des banques de données transactionnelles (p. ex., Pharmaclick de Mckesson Canada), des banques de données informatives (p. ex., Commerce santé du groupe d’achats Approvisionnements Montréal), des dossiers pharmacologiques informatisés (p. ex., GesPharx de CGSI Solutions TI Inc.). Toutes ces banques ont en commun les éléments suivants : une fiche « produit » comportant un numéro d’identification par médicament, par produit ou par principe actif et plusieurs variables associées. Toutefois, la plupart de ces banques sont difficiles à interfacer étant donné qu’il n’existe pas de numéro d’identification commun. Certains logiciels prévoient déjà l’utilisation d’images pour rendre le circuit du médicament plus sécuritaire (p. ex., PacmedServer pour l’ensacheuse Pacmed de Mckesson). Ce système serait optimal s’il reposait sur une banque de données complète, dont les informations jugées pertinentes seraient définies sur le plan national. Pour que la gestion de l’identité numérique soit applicable en établissement de santé, il est impératif d’établir un identifiant commun destiné au format de distribution et d’utilisation. Ainsi, on constate que la demande en faveur d’une banque de données photographiques est grandissante, tel qu’illustré par différentes initiatives de l’URPP, dont le projet BARCODE6. L’organisme canadien de standardisation GS1 a mis en place le « Pharmaceutical Image Task Group » sur la normalisation et l’ajout éventuel d’images à la banque ECCNET. Il pourrait offrir une source complète de données sur le médicament. C’est à suivre. www.professionsante.ca Quelques pistes de solution Afin de relever les défis relatifs à la gestion de l’information, notre équipe de recherche a mis en place différentes pistes de solution. Par exemple, nous avons introduit des postes de travail à deux ou trois écrans afin de faciliter la consultation simultanée de plusieurs sources de données (figure 1)8. Afin d’assurer un affichage plus complet des données pertinentes à la préparation de certains médicaments, nous avons affiché, dans la page Web de production des seringues orales unidose, non seulement les données relatives à la production d’une dose par patient (prénom, nom, nom du médicament, dose, voie, volume, etc.), mais aussi les données relatives au produit (p. ex., nom générique, nom commercial, images pertinentes) et au registre de préparation (p. ex., inscrip- Figure 2 Affichage de l’identité numérique d’un produit en préparation dans l’outil Pari-Batch utilisé au CHU Sainte-Justine novembre 2011 vol. 58 n° 7 Québec Pharmacie 17 InfoROUTE Figure 3 Affichage Web partiel des données intégrées au dossier pharmacologique informatisé (GesPharx – CGSI TI) au CHU Sainte-Justine macien et à l’assistant technique en pharmacie (et bientôt au personnel soignant par l’intermédiaire de notre prescripteur électronique) dans le cadre du dossier pharmacologique informatisé (GesPharx de CGSI TI, Québec, QC). À noter que l’OPQ a instauré un comité de veille sur les nouvelles pratiques liées aux avancées technologiques, un comité spécial sur l’organisation de la pratique et un comité spécial sur la surveillance de la thérapie médicamenteuse. Conclusion L’utilisation concomitante de ces nombreuses sources de données est un défi au quotidien. Cet article décrit l’importance de statuer sur des identifiants communs et sur le concept d’identité numérique pour assurer l’implantation cohérente de nos outils informatiques en soutien aux normes de pratique et lignes directrices de l’exercice de la pharmacie. ■ Références tion en ligne du numéro de lot et de la date de péremption) (figure 2)9. En ce qui concerne l’intégration des différentes sources de données, nous avons eu recours à un identifiant commun (# générique) pour l’affichage intégré au dossier pharmacologique des données de l’ensemble de l’intranet local (p. ex., règles d’utilisation, évaluation du comité de phar- macologie, notes de service, politiques et procédures, compatibilité, doses références, ruptures d’approvisionnement, retraits de lots, listes de médicaments en réserve d’étage, état des stocks, etc.) et des bases de données utilisées (p. ex., CPS, Micromedex, Natural Standards, Pubmed, BDPP, OTIS, MedEffet, etc.) (figure 3). Cet écran expert est offert au phar- Questions de formation continue 4) Parmi les éléments suivants relatifs au concept d’identité numérique, lequel est faux ? A. On définit le concept d’identité numérique d’un produit comme toute information liée à celui-ci et enregistrée sous forme numérique. B. Le concept d’identité numérique d’un produit peut comporter différents numéros d’identification. C. Le concept d’identité numérique d’un produit peut inclure des documents, des images et des fichiers sonores de produits. D. Le concept d’identité numérique ne peut s’appliquer qu’aux médicaments 5) Parmi les éléments suivants relatifs aux codes-barres, lequel est faux ? A. L’organisme canadien de standardisation GS1 a mis en place le « Pharmaceutical Image Task Group » sur la normalisation et l’ajout éventuel d’images à une banque de données. B. La banque de données ciblée pour l’ajout de ces images est Micromedex. C. La banque de données ciblée pour l’ajout de ces images est ECCNET. D. La banque de données ciblée pour l’ajout de ces images est GTIN. Répondez maintenant en ligne. Voir page 62. 18 Québec Pharmacie vol. 58 n° 7 novembre 2011 1. Ordre des pharmaciens du Québec. Standards de pratique. [En ligne.] www.opq.org/fr/media/docs/guides-normes/ 2982_standards-pratique_opq_web.pdf (Site visité le 9 juillet 2011.) 2. Ordre des pharmaciens du Québec. Lignes directrices sur la surveillance de la thérapie médicamenteuse. [En ligne.] www.opq.org/fr/media/docs/ guides-normes/ld_surveillance_therapie_med.pdf (Site visité le 9 juillet 2011.) 3. Ordre des pharmaciens du Québec. Nouveau programme de surveillance. L’Interaction 2011; juin. 4. ISMP Canada – Canadian Pharmaceutical Bar Coding Project. [En ligne.] www.ismp-canada.org/barco ding/ (Site visité le 9 juillet 2011.) 5. Brisseau L, Lebel D, Bussières JF. Are we ready to share data from pharmacy information systems to electronic health record ? Can J Hosp Pharm 2011; 64(1): 59-60. 6. Brisseau L, Lebel D, Bussières JF. Étude pilote sur le contenu du dossier pharmacologique informatisé partagé entre établissements de santé. Pharmacien hospitalier et clinicien 2011; 46:93-102. 7. Bussières JF, Lebel D, Voytenko S, Vaquer G. Développement d’un concept et d’un processus de gestion de l’identité numérique d’un produit en établissement de santé. Can J Hosp Pharm 2009; 62(5): 406-14. 8. Lebel D, Ponton M, Racine MC, Bussières JF. Application pratique de la télépharmacie pour les préparations stériles de médicaments. Pharmactuel 2008; 41(1): 44-7. 9. Lebel D, Vaquer G, Forest JM, Bussières JF. Utilisation d’une banque de données photographiques consultées par code-barres pour assister la préparation de seringues orales. Pharmacien hospitalier 2009; 44: 114-24. LES pages bleues Le traitement de la leucémie myéloïde chronique La leucémie myéloïde chronique (LMC) est un désordre myéloprolifératif dont l’âge médian au diagnostic est de 65 ans1. Elle compte pour environ 20 % des leucémies chez l’adulte2. C’est la première affection qui a été corrélée à une anomalie génétique, le chromosome de Philadelphie (Ph+), en 19623. C’est aussi la première maladie pour laquelle un traitement moléculaire spécifique a été mis au point au début des années 2000. En effet, l’avènement des inhibiteurs de la tyrosine kinase (ITK) a instauré une ère nouvelle dans le traitement de ce type de cancer. L’efficacité et la bonne tolérance de ces nouvelles molécules ont été démontrées sans équivoque dans les études cliniques par rapport aux anciens traitements proposés aux patients. Épidémiologie L’incidence de la LMC est de 1-2/100 000 personnes (de 2/100 000 chez les hommes et de 1,2/100 000 chez les femmes) et semble constante dans tous les pays tenant des statistiques adéquates1. L’incidence a tendance à augmenter avec l’âge : 13,9 % des patients reçoivent leur diagnostic entre 45 et 54 ans, 15,6 % entre 55 et 64 ans, 19,1 % entre 65 et 74 ans et 21,3 % entre 75 et 84 ans. Seuls 2,6 % des nouveaux cas sont âgés de moins de 20 ans au moment du diagnostic et c’est un type de leucémie très rare chez les enfants (moins de 5 % des leucémies)1,4. Le traitement de la LMC dans la population pédiatrique ne sera pas abordé dans le présent article et les lecteurs sont invités à consulter les références au besoin4. Selon les statistiques de 2010, 4870 nouveaux patients ont reçu un diagnostic de LMC aux États-Unis, tandis que 440 en sont décédés1. L’incidence étant la même au Canada, on peut évaluer qu’un peu plus de 500 patients canadiens ont reçu un tel diagnostic durant cette période. Signes et symptômes La LMC se présente de façon typique en trois phases. La grande majorité des patients (85 % à 90 %) sont diagnostiqués en première phase de la maladie, que l’on dit « chronique » car elle peut demeurer sans évolution notable pendant plusieurs années. On observe alors une augmentation des leucocytes dans le sang sans raison apparente et plus de 50 % des patients présentent à l’examen une splénomégalie 4 . Cependant, il est à noter qu’environ 50 % des patients sont asymptomatiques au moment du diagnostic4. Une thrombocytose et une anémie légère peuvent aussi être présentes. La détection de blastes (voir figure 1) dans le sang périphérique est rare au diagnostic et constitue un facteur de mauvais pronostic4. Parmi les symptômes les plus souvent évoqués par les patients, on note la fatigue, les sueurs nocturnes, une perte de poids et une sensation de plénitude abdominale. Cette première phase peut durer plusieurs années, surtout depuis l’avènement des nouvelles thérapies. En effet, la survie relative à cinq ans était de www.professionsante.ca 57 % avec les anciens schémas de thérapie reconnus, alors que, depuis la mise en marché des ITK, celle-ci est plutôt de 89 % après six ans1,5. Éventuellement, les patients évoluent vers la seconde phase de la maladie, la phase d’accélération. C’est une période intermédiaire qui dure rarement plus de 18 mois et qui est caractérisée par une modification importante de la formule sanguine. En effet, on note une hyperleucocytose caractérisée surtout par une augmentation importante de la présence de basophiles et d’éosinophiles dans le sang périphérique6. Une thrombopénie ainsi qu’une anémie (souvent < 7 g/dL) sont présentes la plupart du temps7. Les patients ressentent des douleurs osseuses, présentent de la fièvre ainsi qu’une splénomégalie. Les patients évoluent enfin vers la dernière phase, la phase aiguë ou blastique. Les signes ressemblent à ceux d’une leucémie aiguë classique : à ceux évoqués dans les phases précédentes s’ajoutent l’anorexie, l’amaigrissement, l’asthénie, des adénopathies, de l’hépatomégalie et tous les signes fonctionnels de l’anémie. L’hémogramme montre une anémie et thrombocytopénie sévères, une leucocytose persistante avec présence de blastes importante (20 %) et envahissement médullaire de blastes (30 %)7. L’espérance de vie à la suite du déclenchement de cette phase est très courte, soit de trois à six mois en moyenne7. Texte rédigé par Julie Savard, B. Pharm., Pharmacie Amélie Noël, Québec. Texte original soumis le 14 septembre 2011. Texte final soumis le 3 novembre 2011. Révision : Jean-François Larouche, MD, hématooncologue, Centre hospitalier affilié universitaire de Québec, et Odette Grégoire, pharmacienne, M.Sc., M.A.P., Pharmacie Christian Ouellet. Physiopathologie et étiologie Chez 95 % des patients présentant une LMC, il y a apparition d’un réarrangement chromosomique typique, résultant en la création du chromosome dit « de Philadelphie » (Ph+). Il s’agit en fait d’un échange de matériel génétique entre les chromosomes 9 et 22 (translocation). Ce réarrangement mène à la production d’une protéine de fusion des gènes ABL (chromosome 9) et BCR (chromosome 22), qui présente une activité de tyrosine kinase2,8. C’est cette protéine chimérique qui cause les manifestations pathologiques de la LMC. En effet, des cellules souches de la lignée des granulocytes (précurseurs des globules blancs) sont touchées, causant une augmentation de leur prolifération, sans toutefois que leur capacité à se différencier au début novembre 2011 vol. 58 n° 7 Québec Pharmacie 21 LES pages bleues Figure 1 L’hématopoïèse Cellule souche Leucopoïèse Érythropoïèse Thrombopoïèse Proérythroblaste Myéloblaste MonoblasteLymphoblasteMégacaryoblaste Érythroblaste PromyélocyteMonocyteLymphocyteMégacaryocyte Érythrocyte Granulocytes : MacrophageLB LTThrombocytes Éosinophile Basophile Neutrophile (plaquettes) Légende : LB : Lymphocyte B, LT : Lymphocyte T de la maladie, c’est-à-dire dans la première phase (chronique) soit perdue9. Les lignées érythrocytaires et mégacaryocytaires sont parfois aussi affectées9. La figure 1 présente un résumé de l’hématopoïèse. Avec l’évolution de la maladie vers les phases accélérée et blastique, l’ADN des cellules souches acquiert de nouvelles mutations et celles-ci perdent progressivement la capacité à se différencier9. Ce phénomène entraîne une augmentation de la proportion de cellules immatures dans le sang périphérique et la moelle osseuse, et cause l’apparition des symptômes leucémiques. Il est important de préciser que l’on distingue deux phénotypes de crise blastique, selon le type de cellules indifférenciées rencontrées : le type myéloïde chez environ les deux tiers des patients et le type lymphoïde présent chez la plupart des autres patients8. La cause principale de la LMC est toujours inconnue; on sait cependant qu’elle peut parfois avoir une cause environnementale, comme une irradiation importante (bombe nucléaire) ou une exposition prolongée au benzène qui peuvent provoquer des mutations au niveau de l’ADN. On sait aussi que la descendance des patients atteints n’est pas plus à risque de développer la LMC que la population générale4. De plus, il n’y a pas de corrélation entre l’apparition ou non de la maladie chez des jumeaux monozygotes4. Chez la grande majorité des patients, la LMC serait donc un désordre acquis et non héréditaire. persistante avec ou sans splénomégalie. On procède alors à un examen comprenant une numération cellulaire complète du sang périphérique, une biopsie de la moelle osseuse et une analyse génétique pour rechercher la présence du chromosome de Philadelphie. La détection de ce dernier confirme hors de tout doute le diagnostic de LMC. Les critères diagnostiques pour définir l’entrée dans la phase accélérée sont la présence de blastes dans le sang périphérique ou dans la moelle osseuse dans une proportion de 10 % à 19 % ou, entre autres, la présence d’une thrombocytopénie (< 100 000 μL)10,11. Quant à la phase blastique, elle est caractérisée par une proportion de plus de 20 % de blastes, soit dans le sang ou la moelle, soit par l’infiltration extramédullaire de blastes12,13. Certains facteurs ont été associés à un mauvais pronostic et leur présence diminue de façon générale l’espérance de vie des patients, ainsi que leur probabilité de réponse au traitement4. Ces facteurs sont : ■ l’âge au moment du diagnostic; ■ la présence de symptômes au diagnostic; ■ la présence de blastes ou de basophiles dans l’analyse du sang périphérique; ■ la présence dans la moelle osseuse de dépôts de collagène ou de fibrose de réticuline; ■ des périodes de rémission de courte durée. Dans les études, les chercheurs utilisent différents outils pour stratifier le risque clinique Diagnostic et buts du traitement de la LMC. Le plus utilisé est le score de Sokal14. de la LMC Il est utilisé chez les patients en phase chroniLa présence de la LMC est fortement soupçon- que et a été mis au pojnt originellement pour née lorsqu’un patient présente une leucocytose prédire la survie des patients traités par les 22 Québec Pharmacie vol. 58 n° 7 novembre 2011 anciennes thérapies reconnues, comme le busulfan. Il est demeuré l’outil le plus utilisé, car il a été démontré qu’il était efficace avec les thérapies plus récentes, telles que l’interféron-α et les ITK. Il est basé sur l’âge, la taille de la rate, le décompte des blastes dans le sang périphérique, ainsi que celui des plaquettes sanguines15. Un patient ayant un score de Sokal élevé risque de moins bien répondre à la thérapie et d’avoir une progression plus rapide de sa maladie. Évaluation de la réponse au traitement Le but du traitement est l’obtention d’une réponse hématologique complète (RHC), définie comme une normalisation de l’hémogramme du sang périphérique. Il doit aussi y avoir une disparition complète des signes et symptômes de la maladie12. Parallèlement, on évalue la réponse du patient en mesurant sa réponse cytogénétique, c’est-à-dire la présence de cellules Ph+16. La réponse moléculaire est utile pour mesurer la réponse au traitement. Elle réfère à la détection par PCR (Polymerase Chain Reaction) de transcrits du réarrangement Bcr-Abl (ARN messager)16. Ces différents tests permettent d’évaluer l’efficacité des traitements et de les comparer entre eux lors des études cliniques. En effet, le taux et la rapidité d’atteinte de réponses majeures ou complètes de ces paramètres orientent le pronostic des malades12 . En particulier, la rapidité de l’atteinte d’une réponse cytogénétique complète est associée à un meilleur pronostic pour le patient. Le tableau 1 résume les critères utilisés pour ces différents types de réponse au traitement. Le traitement de la leucémie myéloïde chronique « Avec l’évolution de la maladie vers les phases accélérées et blastiques, l’ADN des cellules souches acquiert de nouvelles mutations et celles-ci perdent progressivement la capacité à se différencier. Ce phénomène entraîne une augmentation de la proportion de cellules immatures dans le sang périphérique et la moelle osseuse, et cause l’apparition des symptômes leucémiques. » Cas clinique (1re partie) Madame PL a reçu un diagnostic de LMC il y a un an. Elle a commencé un traitement par le mésylate d’imatinib (GleevecMD) à la dose de 400 mg par jour, il y a quatre mois. Elle ne prend aucun autre médicament. Elle tolère bien son nouveau traitement, mais lors de sa dernière rencontre avec son médecin traitant, celui-ci lui a indiqué que sa réponse cytogénétique n’était que mineure, de même que sa réponse hématologique. Vous mettez en doute son observance. Elle admet en effet avoir omis quelques doses en début de traitement à cause des nausées. Elle vous assure que, maintenant, elle prend son traitement tel que prescrit. Quelles sont alors les options offertes à Madame PL ? Traitements Avant l’arrivée du premier ITK, au début des années 2000, les stratégies de traitement de la LMC incluaient le contrôle du décompte leucocytaire avec du busulfan ou de l’hydroxyurée, la greffe de cellules souches provenant d’un donneur allogénique compatible ou la suppression non spécifique des cellules Ph+ à l’aide de l’interféron-α (souvent associé à de la cytarabine)16. Seuls les deux derniers types de traitement permettaient d’améliorer la survie des patients, mais à un certain coût. En effet, la greffe permet une survie à long terme chez 40 % à 80 % des patients, mais les critères d’admissibilité, la disponibilité d’un donneur compatible et le taux de mortalité de 10 % à 40 % en raisondes complications de la procédure en font une option qui ne peut être proposée à tous les pat ients. L e tra itement par l’interféron-α induit une RCyC chez seulement 5 à 30 % des patients et prolonge leur survie de 7 ans en moyenne16. L’interféron-α pourrait être utilisé chez certains patients ne répondant pas aux ITK et son association avec l’imatinib au cours d’une étude a augmenté le taux de réponse moléculaire17. www.professionsante.ca Présentement, l’utilisation d’un ITK est recommandée en première ligne12,14. Les guides de traitement les plus récents, ceux de l’ESMO (European Society for Medical Oncology 2010) et du NCCN américain (National Comprehensive Cancer Network 2011), recommandent l’utilisation d’un des trois ITK, mais l’imatinib est la molécule la plus utilisée en première intention, car c’est l’agent avec lequel les spécialistes ont le plus d’expérience12,18. L’imatinib Le premier ITK mis au point pour traiter la LMC est le mésylate d’imatinib (GleevecMD, Novartis), inhibiteur sélectif de la tyrosine kinase BCR-ABL. L’ITK inhibe la tyrosine kinase et bloque la prolifération des cellules porteuses du chromosome de Philadelphie, entraînant ainsi leur apoptose2. L’imatinib a été prouvé supérieur au traitement associant l’interféron-α à la cytarabine lors de l’étude IRIS (International Randomized Study of Interferon and STI571). En effet, après un suivi de 18 mois, 87,1 % des patients traités par l’imatinib, contre 34,7 % des patients du groupe interféron-α plus cytarabine, avaient une RCyM (IC à 95 % de 84,1 à 90,0 et de 29,3 à 40,0, respectivement). L’imatinib a été mieux toléré pour la durée de l’étude et la dose quotidienne moyenne était de 400 mg19. Un résumé des résultats de cette étude est présenté au tableau 4. Après cinq ans de traitement, l’effet positif s’est maintenu pour la majorité des patients de l’étude IRIS. En effet, la RCy était complète chez 87 % des patients et le taux de survie chez ceux ayant reçu l’imatinib en traitement initial était de 89 %6. Seulement 7 % des patients ont progressé vers les phases accélérée ou blastique. L’incidence d’effets indésirables graves n’a pas augmenté avec la durée du traitement et l’efficacité de l’imatinib a semblé se maintenir après huit ans 6,18. Un détail intéressant à relever est que le pourcentage de RCyC chez les patients ayant un score de Sokal élevé (mauvais pronostic) est moins élevé, comparativement à des patients ayant un score faible16. Ces patients sont donc plus résistants au traitement par l’imatinib et ont un plus grand risque de progression de leur maladie sur cinq ans après l’introduction de ce médicament (17 % contre 3 % pour les patients avec un score de Sokal faible)6. Tableau 1 Stratification des différents types de réponses lors d’un traitement pour la LMC16,17 Réponse Catégorie Caractéristiques HématologiqueComplète (RHC) leucocytes < 10 x 109/L plaquettes < 450 x 109/L < 5 % de basophiles CytogénétiqueComplète (RCyC) 0 % de cellules Ph+ en métaphase Majeure (RCyM)Complète et partielle combinées Partielle 1 à 35 % Mineure 36 à 90 % Aucune > de 90 % MoléculaireComplète (RMC)Aucune détection de transcrit Majeure (RMM) Diminution d’au moins 3 log vs valeur initiale novembre 2011 vol. 58 n° 7 Québec Pharmacie 23 LES pages bleues Tableau 2 Caractéristiques pharmacocinétiques des ITK20,24,27,32 Imatinib Dasatinib Nilotinib Biodisponibilité orale (%) 98Rapide et importante 30 Demi-vie (heure) 18-40 5-6 15-17 Liaison protéique 95 % 96 % 98 % BiotransformationFoie : CYP 3A4 Foie, majoritairementFoie : CYP 3A4 (majeur); via le CYP 3A4 (majeur) et 1A2, 2D6, 2C9, glycoprotéine P 2C19 (mineurs) Élimination ▪ Fèces : 68 % ▪ Fèces : 85 % ▪ Fèces : 93 % ▪ Urine : 13 % ▪ Urine : 4 % ▪ 25 % inchangé (5 % urine et 20 % fèces) Induction enzymatique — —CYP2C8, 2C9, 2D6 Inhibition enzymatiqueCYP2D6CYP3A4CYP3A4, 2C8, 2C9, 2D6, glycoprotéine P Les études ont aussi permis de conclure que plus les réponses cytogénétiques et moléculaires sont importantes et rapides, plus le patient peut espérer avoir une longue période sans évolution de la maladie. En effet, l’étude IRIS révèle que 97 % des patients ayant obtenu une RCyC après 12 mois de traitement par l’imatinib n’avaient pas progressé vers les phases accélérée ou blastique après cinq ans. En comparaison, la maladie n’avait pas progressé chez seulement 81 % des patients ayant obtenu une réponse cytogénétique partielle6. La dose initiale d’imatinib est de 400 mg une fois par jour. Il est recommandé de le prendre avec de la nourriture afin de diminuer les risques d’irritation gastrique. L’imatinib est principalement métabolisé dans le foie par l’isoenzyme CYP 3A4. Il est biotrans- caractéristiques pharmacocinétiques de l’imatinib et des autres ITK. Le profil d’effets indésirables des différents ITK est similaire, mais chacun présente aussi des effets potentiels importants et distincts (voir tableau 3). La majorité des patients présentent au moins un effet secondaire. Dans le cas de l’imatinib, on peut observer des réactions hématologiques importantes, comme de l’anémie et de la thrombocytopénie. Plus de la moitié des patients ressentent de la fatigue et ont de la diarrhée, des nausées accompagnées ou non de vomissements. Un œdème superficiel est fréquent, mais 1 % des patients a présenté des épanchements pleuraux, un œdème pulmonaire, un ascite et un gain pondéral rapide19,21. C’est pourquoi les patients ayant des maladies cardiaques établies ou sous-jacentes, souffrant d’insuffisance cardiaque ou âgés de plus de 65 ans doivent être surveillés de près dès le début du traitement21. Il faut parfois interrompre ou diminuer la dose d’imatinib si les transaminases hépatiques augmentent de manière trop importante. Il existe une marche à suivre si la numérotation plaquettaire ou les neutrophiles diminuent trop21. Le lecteur est invité à se référer à la monographie du produit pour de plus amples détails. L’imatinib est indiqué au Canada en traitement de la LMC (toutes les phases), chez les adultes et les enfants porteurs du chromosome de Philadelphie. Il est indiqué aussi pour le traitement de la leucémie lymphoïde aiguë et des tumeurs stromales gastro-intestinales. formé en un métabolite ayant une activité semblable à la molécule mère20. Il faut donc éviter l’utilisation concomitante d’un inhibiteur puissant de cette enzyme (kétoconazole, clarithromycine, érythromycine, ritonavir, pamplemousse) par risque d’augmenter les effets indésirables. Inversement, les inducteurs enzymatiques (dexaméthasone, phénytoïne, carbamazépine, rifampicine, mille­ pertuis) risquent d ’entraîner un échec thérapeutique21. Ce médicament inhibe aussi le CYP 2D6. Aucune modification de dose n’est suggérée chez les patients ayant une fonction rénale ou hépatique diminuée (environ 5 % de la dose est éliminée de manière inchangée dans l’urine). La prudence est toutefois de Résistance au traitement mise avec ces patients, car aucune étude n’a été L’absence de réponse hématologique est définie menée auprès d’eux. Le tableau 2 présente les comme une résistance primaire à l’imatinib. Dans ce cas, des mutations particulières empêchent parfois la liaison de l’imatinib à la pro Tableau 3 téine de fusion Bcr-Abl. En effet, plus de Comparaison des principaux effets secondaires des trois ITK21,24,25,27,33 40 mutations différentes ont été caractérisées et certaines (dont T3151, présente chez environ Effets secondaires Imatinib (%) Dasatinib (%) Nilotinib (%) 9 % des patients) entraînent la résistance à tous TotalSérieux* TotalSérieux* TotalSérieux* les traitements présentement disponibles2. La Anémie 84 3 90 9 13 0-5 résistance secondaire concerne les patients qui Neutropénie 58 14 65 21 15 4-12 répondent initialement au traitement, mais perThrombocytopénie 62 8 70 11 27 3-11 dent leur réponse cytogénétique ou moléculaire Céphalées 36 24 3 21-31 avec le temps20. L’acquisition de nouvelles mutaDiarrhée 3-58 23-27 19-22 tions du gène BCR-ABL serait à l’origine de ce Douleurs 49 3 14 6 10-18 2-4 deuxième type de résistance. Le phénomène de musculosquelettiques résistance concernerait jusqu’à 25 % des patients Fatigue 25-48 21 6 16-28 0-3 en phase chronique, si l’on considère les critères Nausées 3-73 22-24 18-31 du regroupement de spécialistes européens Œdème 1-86 14-37 11 « The European Leukemia Net », qui sont : Rashs 50 22 28-33 2-5 absence de RHC après trois mois de traitement, Vomissements 2-58 13 10-21 absence de RCyM après 12 mois ou absence d’une RCyC après 18 mois22. *Le terme « sérieux » indique le pourcentage de patients qui ont dû diminuer la dose ou arrêter temporairement le traitement Deux approches peuvent être envisagées en afin d’améliorer le paramètre présenté. cas de résistance au traitement : augmenter les doses d’imatinib ou changer pour un autre 24 Québec Pharmacie vol. 58 n° 7 novembre 2011 Le traitement de la leucémie myéloïde chronique « La descendance des patients atteints n’est pas plus à risque de développer la leucémie myéloïde chronique (LMC) que la population générale. De plus, il n’y a pas de corrélation entre l’apparition ou non de la maladie chez des jumeaux monozygotes. Chez la grande majorité des patients, la LMC serait donc un désordre acquis et non héréditaire. » ITK. Une dose plus élevée, réservée aux patients qui tolèrent bien l’imatinib à la dose de départ de 400 mg par jour, peut permettre parfois à plus de patients d’atteindre une RCyC. En effet, à 800 mg par jour (en deux doses de 400 mg), 12 % de plus de patients ont une RCyC après six mois20. Cependant, il n’y a plus de différence entre les groupes 400 mg et 800 mg après 12 mois et 24 mois de traitement. Par contre, une autre étude comparant les mêmes dosages a permis d’obtenir une réponse moléculaire majeure (RMM) et une RCyC plus tôt et de plus grande ampleur avec le haut dosage22. Des études à long terme sur cette option doivent aussi être faites, car ni la tolérance ni la survie des patients n’ont encore été évaluées. Pour l’instant, les recommandations de la monographie canadienne indiquent que l’on peut augmenter la dose à 600 mg ou 800 mg si la maladie évolue et que le patient n’atteint pas les critères mentionnés précédemment, toujours à condition que celui-ci tolère bien le traitement 21. Cependant, le groupe de spécialistes européens ESMO conclut qu’il n’y a aucune indication à augmenter la dose, car deux études prospectives aléatoires ont échoué à démontrer la supériorité des hautes doses par rapport à celle de 400 mg14. Le dasatinib La deuxième option, celle de changer pour un autre ITK, fait de plus en plus l’unanimité parmi les spécialistes de la LMC, lors d’un échec de l’imatinib14. En effet, le dasatinib (Sprycel MD, Bristol-Myers Squibb) et, plus récemment, le nilotinib (Tasigna MD, Novartis Pharma) ont été reconnus pour le traitement de la LMC, autant en phase chronique qu’en phases accélérée ou blastique. Ils ne sont toutefois pas indiqués pour la population pédiatrique. Le dasatinib 100 mg par jour a été comparé à l’imatinib 400 mg par jour chez des patients nouvellement diagnostiqués (phase chronique), lors de l’étude DASISION (DASatinib vs Imatinib Study In TreatmentNaïve CML patients). Après 12 mois de traitement, une RcyC était présente chez 77 % des www.professionsante.ca patients prenant le dasatinib, tandis que le taux était de 66 % dans le groupe imatinib (p = 0,007)20. À 18 mois, les taux de RCyC atteints étaient de 78 % et 70 %, respectivement (p = 0,0366). Les effets indésirables sérieux rapportés étaient toutefois différents dans les deux groupes23. Le groupe sous dasatinib a connu plus de cas de thrombocytopénie (19 % vs 10 %) et d’anémie (11 % vs 7 %) sévères. Pour les autres effets secondaires, plus de patients ont rapporté une rétention liquidienne (tous sites confondus) avec l’imatinib (43 % vs 23 %), tandis que le dasatinib a causé plus d ’ épa nchements pleurau x (12 % vs 0 %). Enfin, plus de nausées et de vomissements ont été notés avec l’imatinib par rapport au dasatinib (21 % vs 9 % et 10 % vs 5 %, respectivement)23. Le dasatinib est indiqué en traitement de la LMC en phase chronique, au dosage de 100 mg une fois par jour, et peut être pris à n’importe quel moment de la journée, avec ou sans nourriture. Il est métabolisé principalement par le foie, via l’isoenzyme CYP3A4, sans toutefois inhiber ou induire celle-ci in vivo 20. Tout comme pour l’imatinib, il faut être prudent lors de l’utilisation d’inducteurs ou d’inhibiteurs enzymatiques. On doit éviter les réducteurs d’acidité, tels que les anti-H2 et les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP), car ils peuvent entraîner une baisse des concentrations plasmatiques du dasatinib dont la solubilité est dépendante du pH24. Aucun ajustement de dose n’est nécessaire chez les patients insuffisants rénaux. La prudence est par contre de mise chez ceux présentant une dysfonction hépatique d’intensité modérée à sévère, car l’élimination du dasatinib se fait principalement par le foie et aucune étude n’a inclus ce type de population. Une grande prudence est également de mise chez les patients anticoagulés, en raison d’un risque accru de saignement. De même, les patients présentant un allongement de l’intervalle QT doivent être surveillés de près, car le dasatinib a la capacité d’induire cet effet24. Parmi les effets indésirables les plus communs, outre ceux mentionnés précédemment, on peut noter la neutropénie, la diar- rhée, la myalgie, les infections, les céphalées et les rashs cutanés. Lors des phases accélérée ou blastique, il est suggéré d’augmenter la dose de dasatinib à 140 mg si le produit est toléré. La dose de 180 mg peut être aussi utilisée en l’absence de réponse hématologique ou cytogénétique24,25. L’efficacité du dasatinib a été évaluée dans ces phases de la maladie, dans les études de phase II START (SRC/ABL Tyrosine kinase inhibition Activity : Research Trials of dasatinib). L’étude START-A concernait la phase accélérée et incluait des patients résistants ou intolérants à l’imatinib. L’étude START-B, quant à elle, incluait des patients en crise myéloblastique qui recevaient une dose de 70 mg BID. Finalement, l’étude START-L regroupait des patients en crise lymphoblastique. Les résultats de ces trois études, résumés dans le tableau 4, concluent que le dasatinib peut être une autre option de traitement relativement efficace lors d’un échec de l’imatinib. En effet, une certaine proportion de patients (autour de 30 %) a présenté une bonne réponse à ce nouveau traitement4,26. Le nilotinib Le nilotinib constitue une option additionnelle de traitement. Cet autre ITK est indiqué au Canada dans le traitement des phases chronique et accélérée de la LMC chez les patients PH+ et résistants ou intolérants à au moins un traitement antérieur, incluant l’imatinib27. Il est aussi indiqué depuis 2011 en traitement de première intention chez les patients nouvellement diagnostiqués en phase chronique28. La molécule a été mise au point afin de lier des protéines Bcr/Abl portant une grande variété de mutations déjà répertoriées chez les patients (à l’exception de la T3151). Le dosage est de 300 mg BID et il est recommandé de prendre les capsules à jeun, deux heures après avoir mangé, ou d’attendre au moins une heure avant de manger27. La dose de 400 mg BID est prescrite lors d’un échec de l’imatinib ou dans les phases accélérée et blastique. L’efficacité du nilotinib dans le traitement de la phase chronique a été comparée à 400 mg une fois par jour d’imatinib dans l’étude novembre 2011 vol. 58 n° 7 Québec Pharmacie 25 LES pages bleues ENESTnd29. Le tableau 4 présente les résultats des principales études avec le nilotinib. Le nilotinib a aussi été étudié chez les patients en phase chronique, accélérée ou blastique, intolérants ou résistants à l’imatinib. Les études démontrent que cette molécule est efficace en thérapie de deuxième intention. En effet, une bonne proportion des patients intolérants ou non répondants à l’imatinib obtient des résultats positifs avec le nilotinib (voir tableau 4). Le nilotinib est biotransformé principalement dans le foie via le CYP3A4 et la glycoprotéine P et il est ainsi sujet à plusieurs interactions médicamenteuses, tout comme l’imatinib et le dasatinib. Il inhibe aussi plusieurs isoenzymes hépatiques, telles que les CYP3A4, 2C8, 2C9, 2D6, l’UGT1A1 et la glycoprotéine P27. Malgré l’absence d’études portant sur son utilisation chez les insuffisants rénaux, son emploi dans cette population n’est pas contre-indiqué, car le nilotinib et ses métabolites ne sont pas excrétés par les reins27. Toutefois, en présence d’insuffisance hépatique, la prudence est de mise, car on observe souvent une augmenta- Tableau 4 Résultats des principales études portant sur l’efficacité des trois ITK dans les phases chronique, accélérée et blastique de la LMC6,8,16,19,23,29,34,35 ITK Imatinib Étude O’Brien et coll., 2003 (n = 1106) Étude IRIS Patients en phase chronique Kantarjian et coll., 2003 (n = 187) Patients en phase chronique Druker et coll., 2006 (n = 553) Patients en phase chronique Dasatinib Kantarjian et coll., 2010 (n = 519) Étude DASISION Patients en phase chronique Cortes et coll., 2007 (n = 174) Patients en phase accélérée résistants ou intolérants à l’imatinib Patients en phase blastique (n = 74, type myéloïde, et n = 42, type lymphoïde) Nilotinib 26 Giles et coll., 2010 (n = 60) Patients en phase chronique ou en phase accélérée avec antécédent d’échec de l’imatinib et du dasatinib Rosti et coll., 2009 (n = 73) Patients en phase chronique, à la suite d’un échec de l’imatinib Saglio et coll., 2010 (n = 846) Étude ENESTnd Patients en phase chronique Québec Pharmacie vol. 58 n° 7 novembre 2011 Traitement Imatinib 400 mg vs interféron-α+ cytarabine Imatinib 400, 600 et 800 mg comparés avec le traitement d’un groupe (n = 650) interféron-α d’une étude précédente Imatinib (doses de moins de 400 mg à 800 mg par jour) Imatinib 400 mg vs dasatinib 100 mg DIE Dasatinib 70 mg BID Dasatinib 70 à 100 mg BID Nilotinib 400 mg BID Nilotinib à 400 mg BID Imatinib (400 mg BID) vs Nilotinib (300 ou 400 mg BID) Issues principales À 18 mois RCyC : 76,7 % imatinib 14,5 % interféron-α (p < 0,001) RCyC : imatinib : 81 % (moyenne des trois doses après 19 mois) interféron-α : 32 % (suivi après 110 mois) (p < 0,0001) Suivi de l’étude de O’Brien et coll. sur 5 ans d’utilisation de l’imatinib : RHC : 98 % RCyM : 92 % RCyC : 87 % À 12 mois : RCyC : imatinib : 66 % dasatinib : 77 % (p < 0,007) RMM : imatinib : 28 % dasatinib : 46 % (p < 0,0001) À 14 mois : RHM : 64 % RHC : 45 % (IC 95 % 56 % à 71 %) À 6 mois : Type myéloïde :RHM : 32 % RCyM : 31 % Type Lymphoïde :RHM : 31 % RCyM : 50 % À 12 mois : RCyM : chronique : 43 % Accélérée : 12 % À 15 mois : RCyC : 96 % RMM : 85 % À 12 mois : RMM : 44 % nilotinib 300 mg 43 % nilotinib 400 mg 22 % imatinib 400 mg (p < 0,001) RCyC : 80 % nilotinib 300 mg 78 % nilotinib 400 mg 65 % imatinib 400 mg (p < 0,001) Le traitement de la leucémie myéloïde chronique « Une étude évalue actuellement l’utilisation conjointe de l’imatinib et du nilotinib en première ligne de traitement. La logique derrière cette association est qu’elle limiterait l’apparition de nouvelles mutations dans les cellules souches et pourrait prévenir le passage des patients vers les phases accélérée et blastique. » tion de la bilirubine et des enzymes hépatiques lors de son utilisation chez les patients ayant une fonction hépatique normale. Tout comme le dasatinib, le nilotinib peut augmenter la durée de l’intervalle QT chez ses utilisateurs27. Des cas de mort subite ont été rapportés et c’est pourquoi il est contre-indiqué d’administrer le nilotinib aux porteurs du syndrome du QT long congénital, de même qu’en présence d’hypokaliémie, d’hypomagnésémie, d’usage concomitant de tout médicament pouvant allonger l’intervalle QT ou d’inhibiteurs puissants du CYP3A4. Il faut aussi que le patient soit soumis à un électrocardiogramme avant et sept jours après l’introduction du nilotinib, de même qu’à chaque changement de dose, afin d’assurer un suivi adéquat27. Les effets secondaires les plus souvent rencontrés sont des éruptions cutanées, des céphalées, des nausées et vomissements, des douleurs musculaires, de l’alopécie et de la fatigue. Comme les autres ITK, le nilotinib peut entraîner une neutropénie, de l’anémie ou une thrombocytopénie, parfois graves et nécessitant un arrêt temporaire du traitement. Une augmentation des enzymes hépatiques (AST, ALT, lipase, amylase) est aussi fréquente et doit être surveillée. Une augmentation du glucose sanguin est aussi possible27. Le tableau 3 permet de comparer les principaux effets secondaires des trois ITK disponibles au Canada. En résumé, concernant l’utilisation des ITK, tous les trois ont démontré leur efficacité dans le traitement de la LMC. L’imatinib demeure pour l’instant la pierre angulaire du traitement, car l’expérience clinique avec cette molé- cule est plus longue et il démontre une bonne cette molécule seule ou en association avec efficacité et une bonne tolérance. Cependant, d’autres traitements sont en progression30. les patients résistants ou intolérants ont maintenant deux autres options à leur disposition. Il Cas clinique (2e partie) faut choisir l’option appropriée pour chaque Madame PL a cessé l’imatinib et a commencé à patient et miser sur l’observance du traitement. prendre le nilotinib. Après trois mois de traiteEn effet, celle-ci est une des clés de la réussite ment, sa RCy est majeure (13 %) et ses paramèdu traitement. Des études prospectives ont tres hématologiques sont revenus aux valeurs démontré que, moins un patient adhère à son normales. Elle vous demande si elle pourrait traitement, plus sa réponse thérapeutique risprendre son TasignaMD avec de la nourriture, que d’être sous-optimale30. Développements futurs De nouveaux ITK sont à l’étude, dont le bosutinib. Des données préliminaires indiqueraient que son efficacité serait similaire à celle du dasatinib et du nilotinib, mais avec un profil distinct d’effets indésirables31. Il serait toutefois inefficace chez les porteurs de la mutation T3151. Le ponatinib est présentement en essai clinique de phase II et inhibe in vitro les kinases présentant cette mutation 33. Une autre étude évalue actuellement l’utilisation conjointe de l’imatinib et du nilotinib en première ligne de traitement. La logique derrière cette association est qu’elle limiterait l’apparition de nouvelles mutations dans les cellules souches et pourrait prévenir le passage des patients vers les phases accélérée et blastique. L’omacétaxine, un alcaloïde naturel dérivé d’un conifère, a été utilisé et semble être efficace, même chez les porteurs de la mutation T315131. En effet, son action est indépendante de l’inhibition de Bcr-Abl30. Cette molécule induit l’apoptose des cellules leucémiques par un mécanisme inconnu. Des études utilisant contrairement à ce qui lui a été recommandé, car elle croit que cela l’aiderait à diminuer ses nausées. Vous lui conseillez de continuer à prendre son médicament à jeun, tel que recommandé, afin de ne pas affecter son efficacité, et vous insistez pour qu’elle prenne bien toutes les doses. Vous vérifiez aussi qu’elle ne consomme pas de jus de pamplemousse ou un produit naturel qui augmenterait les concentrations sanguines de nilotinib. Vous lui suggérez l’utilisation de dimenhydrinate au besoin et lui rappelez qu’avec le temps les nausées disparaissent chez la majorité des patients. Conclusion L’avènement du traitement ciblant directement l’anomalie génétique de la LMC a constitué une percée sans précédent en cancérologie. Il a permis d’augmenter de façon importante la survie des patients dans la phase chronique, leur permettant ainsi de maintenir une bonne qualité de vie. Pour les phases accélérée et blastique, d’autres agents plus performants devront être étudiés afin d’améliorer leur efficacité. ■ Références 1. Institut National du cancer américain. 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Le Coutre P, Schwarz M, Kim TD. New developments in tyrosine kinase inhibitor therapy for newly diagnosed chronic myeloid leukemia. Clin Cancer Res. 2010 Mar 15;16(6):1771-80. Questions de formation continue 6) Lequel des énoncés suivants est faux ? A.La LMC peut être transmise de façon héréditaire. B. Le pic d’incidence de la LMC se situe chez les personnes âgées entre 65 et 74 ans. C. La LMC se présente de façon typique en trois phases distinctes : chronique, accélérée et blastique. D. Un des premiers signes de la LMC est l’augmentation du compte leucocytaire sans infection apparente. 7) Lequel de ces énoncés ne décrit pas un des signes et symptômes possibles de la LMC au stade blastique ? A. Une thrombocytopénie sévère B. Une splénomégalie importante C. Des douleurs osseuses D. Une insuffisance rénale chronique 8) Lequel de ces énoncés concernant l’imatinib est faux ? A. C’est un inhibiteur de la tyrosine kinase. B. Le suivi des patients de l’étude IRIS après 5 ans indique que ceux ayant reçu initialement l’imatinib démontraient un taux de survie de 89 %. C. La dose d’imatinib pour le traitement de la phase chronique est toujours de 400 mg une fois par jour, en mangeant. D. L’imatinib est biotransformé dans le foie par les isoenzymes CYP 3A4, 1A2, 2D6, 2C9 et 2C19. 9) Lequel de ces effets secondaires n’est pas rapporté pour le dasatinib ? A. Œdème B. Rash cutané C. Douleurs musculosquelettiques D. Augmentation du risque de fracture de la hanche 10) Lequel de ces énoncés concernant le nilotinib est vrai ? A. Son utilisation est contre-indiquée en présence d’insuffisance hépatique. B. Des douleurs musculaires et de l’alopécie sont des effets secondaires possibles. C. Il n’est pas nécessaire de faire passer un électrocardiogramme à tous les patients débutant le nilotinib, seulement à ceux qui sont porteurs d’une élongation du QT congénitale. D. Le dosage recommandé est de 300 mg BID avec de la nourriture. Répondez maintenant en ligne. Voir page 62. 28 Québec Pharmacie vol. 58 n° 7 novembre 2011 Avez-vous entendu parler de... Le prasugrel (EffientMD) Au Canada, selon une analyse des données sur les hospitalisations, l’incidence des infarctus du myocarde (IM) chez les sujets de 20 ans ou plus est de 2,54 cas par 1000 patients1,2. Le taux de mortalité des patients atteints de syndrome coronarien aigu (SCA) est également élevé. Il est d’environ 7,2 % après 1 an, conséquence principale d’une mort subite, de la manifestation ou de la récidive d’un IM aigu2. Un traitement efficace est de mise afin de ralentir l’évolution de la maladie et d’en prévenir les complications. Ainsi, plusieurs choix sont offerts : la pharmacothérapie seule, une intervention coronaire percutanée (ICP) ou un pontage aortocoronarien (PAC). La formation d’un thrombus au niveau d’une plaque d’athérosclérose préexistante ou sur un tuteur est un événement courant, causé principalement par l’activation et l’agrégation plaquettaires. Ainsi, les plaquettes interviennent dans le déclenchement ou l’évolution des complications thrombotiques de l’athérosclérose et leur inhibition est essentielle afin de réduire le taux de complications cardiovasculaires. Une thérapie antithrombotique efficace est habituellement composée d’aspirine (AAS) et d’une thiénopyridine3. Les lignes directrices canadiennes actuelles recommandent l’utilisation de cette association pour une période d’un an chez les patients s’étant présentés au départ pour un infarctus du myocarde sans sus-décalage du segment ST (NSTEMI) ou avec susdécalage du segment ST (STEMI), traités médicalement, et chez tous les patients traités par une ICP en raison d’un SCA. Cette thérapie pourrait également être poursuivie au-delà d’un an chez les patients présentant un haut risque de thrombose3. La ticlopidine est le premier représentant de la classe des thiénopyridines à avoir fait son apparition sur le marché canadien au début des années 1990. Ce médicament s’est avéré supérieur à la thérapie conventionnelle antiplaquettaire pour réduire la survenue d’IM et de mort vasculaire chez les patients souffrant d’angine instable. De plus, sa supériorité a aussi été démontrée par rapport au placebo pour diminuer la réocclusion aiguë des pontages coronariens. Toutefois, cette molécule a été délaissée au profit du clopidogrel à la fin des années 1990. Elle est rarement utilisée en raison de son incidence importante d’effets indésirables gastrointestinaux et de nombreux autres effets indésirables qu’elle peut causer, tels que la neutropénie, la thrombocytopénie, l’anémie aplastique et le purpura thrombocytopénique4. De plus, son administration biquotidienne et l’absence de données à la suite de l’implantation de tuteurs médicamentés confirment l’utilisation marginale de la ticlopidine. Le deuxième représentant de la classe des thiénopyridines est le clopidogrel. Le bénéfice clinique d’une combinaison antiplaquettaire à l’aide d’AAS et de clopidogrel chez les patients subissant une ICP et chez ceux se présentant avec un SCA a été démontré dans les études COMMIT, CURE et CURE-PCI4 . Toutefois, certains www.professionsante.ca patients sous cette thérapie présentent tout de même des récurrences d’événements thrombotiques. En effet, le clopidogrel, malgré ses avantages, exerce une inhibition plaquettaire modeste et une variabilité d’efficacité entre les sujets influencée par le génotype du CYP2C19. Afin de pallier ces désavantages, deux nouvelles thiénopyridines ont récemment fait leur apparition sur le marché canadien : le ticagrelor (BrilintaMD), commercialisé depuis juin 2011, et le prasugrel (EffientMD), disponible depuis juillet 2010. Ces nouvelles molécules ne présenteraient pas de variabilité interindividuelle, elles ont un délai d’action accéléré et une meilleure efficacité sur le plan de l’inhibition plaquettaire. Cet article se concentrera davantage sur le prasugrel étant donné que celui-ci est disponible depuis plus d’un an au Canada et qu’il a été évalué par le Conseil du médicament du Québec (aujourd’hui l’INESSS), contrairement au ticagrelor qui vient tout juste d’arriver sur le marché canadien. Texte rédigé par Isabelle Voisine, B. Pharm., M.Sc., pharmacienne, Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM). Texte original remis le 30 janvier 2011. Texte final remis le 27 juin 2011. Révision : Isabelle Taillon, B. Pharm., M.Sc., pharmacienne, Institut de cardiologie et de pneumologie de Québec (IUCPQ), professeure de clinique, Faculté de pharmacie, Université Laval, Québec. Pharmacologie et mécanisme d’action Les interventions au niveau des artères coronaires, telles que l’angioplastie et la pose de tuteurs, sont souvent à l’origine de dommages à la surface endothéliale, ce qui entraîne un état inflam- Tableau I Principaux paramètres pharmacocinétiques du prasugrel et du clopidogrel Dose de chargePrasugrel 60 mgClopidogrel 300 mgClopidogrel 600 mg Dose de maintienPrasugrel 10 mgClopidogrel 75 mgClopidogrel 75 mg Biodisponibilité 79 % 50 % 50 % Cmax 1 h 1 h 1h T1/2 7,4 h 6 h 6h Temps de pic de 1 h 6 h 2h l’inhibition plaquettaire Temps d’équilibre de 2-4 jours 5-6 jours 5-6 jours l’inhibition plaquettaire Métabolisme Principaux 3A4 et 2B6 2C19 2C19 Secondaires 2C9 et 2C19CYP3A4 et 1A2CYP3A4 et 1A2 ÉliminationMétabolite inactifMétabolite inactifMétabolite inactif Urine 50 % 68 % 68 % Fèces 46 % 27 % 27 % Liaison des protéines 98 % 94-98 % 94-98 % Novembre 2011 vol. 58 n° 7 Québec Pharmacie 31 Avez-vous entendu parler de... matoire et rend l’endothélium adhésif pour les plaquettes5,6. Tout comme le clopidogrel, le prasugrel inhibe l’activation et l’agrégation plaquettaires. Afin d’exercer son activité, le métabolite actif du prasugrel se lie de façon irréversible par covalence grâce à un pont disulfure au site actif du récepteur P2Y12 de l’adénosine diphosphate (ADP). Ainsi, cette thiénopyridine empêche l’A DP d’induire l’agrégation plaquettaire durant toute la durée de vie de la plaquette, soit environ 10 jours. Des études menées chez des volontaires sains ont également démontré que le prasugrel présente une inhibition de l’agrégation plaquettaire plus puissante et constante, comparativement au clopidogrel administré aux doses standard7. Si l’on compare le prasugrel au ticagrelor, la principale différence en ce qui a trait au mécanisme d’action repose sur l’inhibition réversible du ticagrelor au site du récepteur P2Y127 . Pharmacocinétique La cinétique du prasugrel a été étudiée chez plusieurs patients lors d’études cliniques et ses principales propriétés pharmacocinétiques sont comparées à celles du clopidogrel dans le tableau I8-10. Après une administration de prasugrel par voie orale, au moins 79 % de la dose est absorbée, ce qui est supérieur au clopidogrel qui, lui, est absorbé dans une proportion de 50 %. La dépend principalement de l’isoenzyme 3A4 du cytochrome P450. Toutefois, celui-ci ne semble ni induire, ni inhiber l’isoenzyme. Il est également important de mentionner que la pharmacocinétique du métabolite actif du prasugrel ne semble pas influencée par les variations génétiques du CYP2B6, du CYP2C9, du CYP2C19 ou du CYP3A4, contrairement à la pharmacocinétique du métabolite actif du clopidogrel qui, elle, est influencée par le génotype CYP2C19. Cela signifie qu’environ 30 % des personnes de race blanche, 40 % de celles d’origine africaine et 60 % des Asiatiques métabolisent plus lentement le clopidogrel12. La pharmacocinétique du prasugrel a été étudiée chez diverses populations. À l’équilibre, elle ne diffère pas de manière significative selon le sexe. Cependant, l’exposition moyenne au métabolite actif a été supérieure de 19 % chez les patients de 75 ans ou plus. L’aire sous la courbe est également plus élevée de 30 % à 40 % chez les sujets en bonne santé, dont le poids corporel est inférieur à 60 kg. Ainsi, les patients de 75 ans ou plus, qui ont un poids inférieur à 60 kg, présentent une exposition accrue au métabolite actif9. pharmacocinétique du prasugrel est proportionnelle à la dose administrée et celle-ci n’est pas affectée par la prise de nourriture. Une fois la dose absorbée, la concentration plasmatique maximale de prasugrel (Cmax) est atteinte après 1 heure, ce qui est équivalent au clopidogrel. Cependant, le délai avant l’atteinte du pic d’inhibition plaquettaire est plus court chez les patients sous prasugrel, comparativement à ceux sous clopidogrel. Ce délai est de 6 heures chez les patients recevant une dose de charge de 300 mg de clopidogrel, de 2 heures chez ceux recevant une dose de 600 mg et de 1 heure chez les sujets sous prasugrel. L’état d’équilibre en ce qui concerne l’inhibition plaquettaire est également atteint plus rapidement avec le prasugrel, soit en 2 à 4 jours. Ce début d’action rapide serait attribuable à la vitesse de biotransformation du prasugrel. En effet, le prasugrel et le clopidogrel sont deux promédicaments devant être métabolisés par oxydation pour être transformés en leur forme active. Toutefois, le prasugrel est rapidement hydrolysé dans l’intestin puis transformé en métabolite actif en une seule étape du métabolisme du cytochrome P450, contrairement au clopidogrel qui doit subir deux transformations par les cytochromes P450. Il est également intéressant de mentionner que, de son côté, le ticagrelor ne doit subir aucune transformation pour être actif, ce qui représente un net avantage11. La biotransformation du prasugrel Indications et essais cliniques Le prasugrel, administré en concomitance avec de l’AAS, est indiqué dans la prévention secondaire précoce et à long terme des événements athérothrombotiques chez les patients traités Figure 1 Métabolisme du prasugrel et du clopidogrel O Prasugrel O O CH3 Clopidogrel S F Hydrolyse Estérases intestinales Intermédiaire Thiolactone N Prodrogues S CI Hydrolyse Première oxydation Estérases intestinales O O S 85 % métabolite inactif CYPs hépatiques CYP1A2 CYP2C19 CYP2B6 N CYPs intestinaux et hépatiques CYP3A4/5 CYP2B6 CYP2C19 CYP2C9 F Première et seule oxydation N S O N HS F Métabolite actif Québec Pharmacie vol. 58 n° 7 Novembre 2011 O CH3 O O HOO C 32 O CH3 O N CYPs hépatiques CYP3A4/5 CYP2C19 CYP2C9 CYP2B6 Intermédiaire 2-oxo Seconde oxydation CI O O-CH3 N HOO C HS CI Métabolite actif Le prasugrel (EffientMD) L’exposition moyenne au métabolite actif du prasugrel étant supérieure chez les patients de 75 ans et plus et chez les individus dont le poids est inférieur à 6o kg, ces populations sont plus à risque de complications, tels que les saignements, à la suite de la prise du médicament. par une ICP en raison d’un SCA se manifestant par une angine de poitrine instable (AI), un NSTEMI ou un STEMI9. À ce jour, aucune étude clinique randomisée n’a comparé le prasugrel au ticagrelor. Les seules études randomisées disponibles sont celles comparant le prasugrel au clopidogrel. C’est l’étude d’envergure de phase III TRITON-TIMI 38 (Prasugrel versus Clopidogrel in Patients with Acute Coronary Syndromes) qui a permis d’établir l’efficacité et l’innocuité du prasugrel13. Cet essai international, multicentrique, randomisé, à double insu, avec groupes parallèles, mené chez 13 608 patients, visait à comparer le prasugrel (bolus de 60 mg PO, suivi d’une dose d’entretien de 10 mg DIE) au clopidogrel (bolus de 300 mg PO, suivi d’une dose d’entretien de 75 mg DIE). L’étude a été menée auprès de patients à risque modéré ou élevé présentant une AI, un NSTEMI ou un STEMI et chez lesquels un traitement par une ICP était prévu. Les critères d’exclusion incluaient un risque accru de saignement, de l’anémie, une thrombocytopénie, des antécédents de résultats montrant une atteinte pathologique intracrânienne ou l’utilisation d’une thiénopyridine dans les cinq jours précédant l’admission à l’étude. L’âge moyen des patients était de 61 ans, ils étaient principalement de race blanche (92 %) et de sexe masculin (75 %). Les doses d’attaque du médicament à l’étude pouvaient être administrées à n’importe quel moment durant la période comprise entre la répartition aléatoire et une heure après que le patient eut quitté le laboratoire de cathétérisme cardiaque. Ainsi, près de 75 % des patients ont commencé à prendre le prasugrel ou le clopidogrel au moment de l’ICP, alors que les recommandations actuelles suggèrent l’administration d’un bolus de clopidogrel de 300 à 600 mg avant l’ICP. Après l’ICP, tous les patients ont reçu la thiénopyridine étudiée aux doses d’entretien quotidiennes recommandées, ainsi que de l’A AS à une dose quotidienne variant entre 75 mg et 162 mg. Les visites liées à l’étude ont eu lieu au moment de la sortie de l’hôpital et, par la suite, après 30 jours, 90 jours et à intervalles de 3 mois, pour une durée totale de 6 à 15 mois. L’issue primaire permettant d’évaluer l’efficacité du prasugrel était un critère combiné com- posé du taux de décès d’origine cardiovasculaire, d’IM non mortels ou d’accidents vasculaires cérébraux (AVC) non mortels. Les issues secondaires portaient sur les thromboses d’endoprothèse, sur une issue combinée comprenant les décès d’origine cardiovasculaire, les IM non mortels ou les revascularisations urgentes du vaisseau cible, aux 30e et 90e jours, et sur une autre issue combinée des décès d’origine cardiovasculaire, des IM non mortels, des AVC non mortels ou d’une réhospitalisation en raison d’une complication cardiaque ischémique. L’étude évaluait également l’innocuité du prasugrel en comptabilisant les saignements majeurs non liés au PAC, les saignements majeurs mettant en jeu le pronostic vital et les saignements majeurs ou mineurs selon la classification TIMI. Selon les résultats présentés dans le tableau II, le traitement associant le prasugrel et l’A AS a entraîné une réduction relative significative de 19 % de l’issue primaire combinée (9,4 % vs 11,5 % [p < 0,001]). Cette différence entre les groupes de traitement était en grande partie liée à une réduction significative des IM. La fré- Tableau II Résumé des résultats de l’étude TRITON-TIMI 38 Événements Mort d’origine cardiovasculaire (CV), d’IM non mortels ou d’AVC non mortels Mort d’origine CV IM non mortel AVC non mortel Mort de toutes causes Mort de causes CV, IM non mortel, revascularisation urgente du vaisseau cible Mort de toutes causes, IM non mortel, AVC non mortel Revascularisation urgente du vaisseau cible Mort de causes cardiovasculaires, IM non mortel, AVC non mortel, réhospitalisation en raison d’une complication cardiaque ischémique Thrombose de l’endoprothèse www.professionsante.ca PrasugrelClopidogrelRisque relatif (n = 6813) (n = 6795) (IC 95 %) P 643 (9,9 %) 133 (2,1 %) 475 (7,3 %) 61 (1,0 %) 188 (3,0 %) 781 (12,1 %) 150 (2,4 %) 620 (9,5 %) 60 (1,0 %) 197 (3,2 %) 0,81 (0,73-0,90) 0,89 (0,70-1,12) 0,76 (0,67-0,85) 1,02 (0,71-1,45) 0,95 (0,78-1,16) < 0,001 0,31 < 0,001 0,93 0,64 652 (10,0 %) 798 (12,3 %) 0,81 (0,73-0,89) < 0,001 692 (10,7 %) 822 (12,7 %) 0,83 (0,75-0,92) < 0,001 156 (2,5 %) 233 (3,7 %) 0,66 (0,54-0,81) < 0,001 797 (12,3 %) 938 (14,6 %) 0,84 (0,76-0,92) < 0,001 68 (1,1 %) 142 (2,4 %) 0,48 (0,36-0,64) < 0,001 Novembre 2011 vol. 58 n° 7 Québec Pharmacie 33 Avez-vous entendu parler de... poumon et du côlon étaient ceux qui ont majoritairement contribué à cette différence. Cette divergence entre les deux groupes a débuté lors du quatrième mois de l’étude et s’est poursuivie durant toute sa durée. Plusieurs hypothèses ont PrasugrelClopidogrel p été émises, mais l’explication la plus censée (n = 6813) (n = 6795) repose sur le fait que les patients sous prasugrel (%) (%) saignaient davantage et qu’à cause de cet effet 5,0 3,8 0,002 secondaire, des investigations plus poussées ont été entreprises. Ainsi, les chances étaient plus 1,4 0,9 0,01 élevées de diagnostiquer un cancer. De leur côté, 0,4 0,1 0,002 les études non cliniques ont indiqué l’absence de 4,0 3,0 < 0,001 carcinogénicité et de stimulation tumorale. À la 2,4 1,8 0,03 suite de ces observations, la Food and Drug Administration (FDA) a exigé que la compagnie 0,3 0,3 0,74 Lilly réévalue le risque de cancer lors d’une pro1,4 0,9 0,03 chaine étude d’envergure17,18. D’autres effets indésirables ont également été rapportés, tels que des éruptions cutanées et de rativement au clopidogrel, il a permis de préve- l’anémie. nir 23 IM, au coût de six épisodes d’hémorraMises en garde gies majeures, selon la classification TIMI. Brièvement, le ticagrelor a été comparé au clo- et contre-indications pidogrel lors de deux essais cliniques randomi- Il est absolument contre-indiqué d’administrer sés, soit DISPERSE-2 et PLATO. Lors de l’étude le prasugrel aux personnes présentant un antéPLATO (n = 18 624), composée de patients pré- cédent d’ICT ou d’AVC en raison du risque sentant un SCA ou subissant une ICP, le ticagre- accru d’ICT et d’AVC hémorragiques après une lor a entraîné une diminution statistiquement angioplastie. Chez les sujets de plus de 75 ans et significative de l’issue primaire combinée com- chez ceux pesant moins de 60 kg, le prasugrel est posée de la mortalité, d’AVC et d’IM, et ce, en à proscrire en raison d’une exposition accrue au n’augmentant pas le risque de saignements métabolite actif. Le prasugrel n’est pas recommajeurs. De plus, le ticagrelor a démontré une mandé chez les patients de moins de 18 ans, les baisse significative de la mortalité totale de 22 % femmes enceintes ou allaitantes et chez ceux (4,5 % vs 5,9 % [p < 0,001]). Cela représente un présentant une insuffisance hépatique grave de avantage (évalué de façon indirecte) du ticagre- classe C de Child-Pugh, car celui-ci n’a pas été lor par rapport au prasugrel, étant donné que ce étudié chez ces populations. Il faut également dernier n’a pas su démontrer une diminution de éviter d’administrer le prasugrel aux patients la mortalité et qu’il augmente le risque de sai- présentant un saignement actif, un antécédent d’hypersensibilité à ce médicament ou au clopignements16. dogrel, car le risque d’allergie croisée n’est pas Effets indésirables exclu. De plus, si un patient doit subir une L’évaluation de la fréquence des effets indésira- chirurgie, le prasugrel doit être cessé au minibles attribués au prasugrel vient principalement mum une semaine avant l’intervention9. Cela de l’étude TRITON-TIMI 38. Les effets princi- représente un désavantage par rapport au ticapaux sont énoncés dans le tableau III. En géné- grelor qui peut être cessé 48 heures avant une ral, la molécule est bien tolérée par les patients. chirurgie grâce à son inhibition réversible de Les saignements représentent l’effet indésirable l’agrégation plaquettaire11. grave le plus souvent répertorié. Selon les résultats de l’étude, l’incidence de saignements asso- Interactions médicamenteuses ciés au prasugrel s’est avérée plus élevée que celle Bien que le prasugrel soit métabolisé par les du clopidogrel. La prévalence des saignements isoenzymes 3A4, 2B6, 2C9 et 2C19 du cytoassociés au prasugrel est encore plus marquée chrome P450, il ne semble pas être modifié par chez les patients de 75 ans ou plus, pesant moins l’administration d’autres médicaments passant de 60 kg, et chez ceux présentant un antécédent par ces voies. Par exemple, le kétoconazole, un d’AVC et d’ICT. Les sujets sous prasugrel présen- inhibiteur puissant et sélectif du CYP3A4, n’a tant des antécédents d’ICT ou d’AVC présentent pas modifié l’inhibition de l’agrégation plaquetdes taux plus élevés d’ICT et d’AVC hémorragi- taire entraînée par le prasugrel, ni l’ASC ou le ques après l’angioplastie que les patients dans le Tmax de son métabolite actif, mais il a été associé groupe témoin. Le diagnostic de nouvelles à une diminution de 34 % à 46 % de sa Cmax. Par tumeurs solides a été posé chez 1,4 % des patients conséquent, les inhibiteurs du CYP3A4, tels que sous prasugrel, contre 0,9 % des sujets sous clopi- le vérapamil, le diltiazem, l’indinavir, la ciprodogrel, lors de l’étude TRITON. Les cancers du floxacine, la clarithromycine et le jus de pample- Tableau III Incidence des principaux effets indésirables (%) liés au traitement par le prasugrel et le clopidogrel lors de l’étude TRITON-TIMI 38 Événements Saignement majeur et mineur selon la classification TIMI Saignement menaçant la vie Saignement fatal Saignement nécessitant une transfusion Saignement majeur selon la classification TIMI non relié à une chirurgie Hémorragie intracrânienne Tumeurs quence des AVC et de la mort d’origine cardiovasculaire était plus faible dans le groupe prasugrel, mais de façon statistiquement non significative. Toutefois, aucun résultat significatif n’a été observé sur la mortalité. Par ailleurs, une réduction significative de toutes les issues secondaires a été atteinte dans le groupe prasugrel. Ainsi, une réduction significative de 34 % des revascularisations urgentes a été notée. De plus, une diminution significative de 52 % des thromboses d’endoprothèse a été observée dans le groupe prasugrel, ce qui lui confère un net avantage face au clopidogrel. Lors de l’analyse de sous-groupe, il a également été observé que les patients présentant initialement un STEMI semblaient bénéficier davantage du prasugrel (réduction relative significative de 20,7 % de l’issue primaire combinée)14. Une sous-analyse de l’étude TRITON a aussi démontré que les bénéfices du prasugrel étaient plus marqués au sein de la population diabétique. Ainsi, l’utilisation du prasugrel chez les diabétiques a permis de diminuer significativement de 28 % l’issue primaire combinée (17,0 % vs 12,2 % [p < 0,001]), comparativement aux sujets non diabétiques15. Les bienfaits du prasugrel étaient cependant accompagnés d’une augmentation significative du taux de saignements. Lors de l’étude, une augmentation du risque relatif de 32 % des saignements majeurs a été observée chez les sujets sous prasugrel et le risque relatif de saignements fatals serait quatre fois plus élevé pour ce dernier. Une analyse détaillée de ces données a révélé que les taux accrus de saignements étaient principalement observés chez les personnes de 75 ans et plus, chez celles pesant moins de 60 kg et chez les patients ayant déjà subi un AVC ou une ischémie cérébrale transitoire (ICT). En excluant ces patients de cette analyse, la différence de taux de saignements entre les deux médicaments n’était alors plus significative. L’analyse de l’ensemble des données a révélé un bienfait net associé au prasugrel, car, compa- 34 Québec Pharmacie vol. 58 n° 7 Novembre 2011 Le prasugrel (EffientMD) Grâce à une meilleure efficacité du prasugrel sur le plan de l’inhibition plaquettaire, le traitement l’associant à l’AAS réduisait significativement l’incidence des infarctus du myocarde et la fréquence des AVC. Les bénéfices du prasugrel étaient plus marqués au sein de la population diabétique. mousse, ne devraient pas exercer d’effets significatifs sur la pharmacocinétique du métabolite actif. La rifampicine, un puissant inducteur du CYP3A et du CYP2B6 et un inducteur du CYP2C9, du CYP2C19 et du CYP2C8, n’a pas modifié de façon significative la pharmacocinétique du prasugrel, ni l’inhibition de l’agrégation plaquettaire qu’il induit. Par conséquent, les inducteurs connus du CYP3A4, comme la rifampicine, la carbamazépine et d’autres inducteurs du cytochrome P450, ne devraient pas exercer d’effets significatifs sur la pharmacocinétique du métabolite actif. Toutefois, l’administration concomitante de prasugrel avec un AINS, de l’aspirine, de la warfarine ou un fibrinolytique accroît le risque de saignements8,9. Posologies et coûts de traitement Le prasugrel administré oralement doit être instauré à une dose unique de 60 mg, puis poursuivi à une dose de 10 mg une fois par jour, pour une durée de traitement minimale de 12 mois3. Chez une population pesant moins de 60 kg ou chez celle âgée de plus de 75 ans, la FDA suggère de diminuer la dose quotidienne à 5 mg. Toutefois, cette dose n’a pas encore été étudiée lors d’études cliniques et son efficacité et sa sécurité n’ont pas encore été évaluées. Il est alors déconseillé de recourir à cette pratique pour l’instant en raison du manque de données probantes. De plus, le comprimé de 5 mg n’est pas disponible au Canada et le comprimé de 10 mg n’est pas sécable9. Enfin, cette thiénopyridine ne nécessite aucun ajustement posologique chez les patients atteints d’une insuffisance rénale, même terminale. Au moment d’écrire ces lignes, le prix coûtant unitaire pour le comprimé de 10 mg de prasugrel était de 2,60 $, comparativement à celui du clopidogrel, qui est de 2,58 $. Le prasugrel est inscrit dans la section « Médicaments d’exception » de la Liste des médicaments de la RAMQ depuis le 1er février 2011. Selon la RAMQ, le prasugrel est indiqué lors d’un syndrome coronarien aigu, pour la prévention des manifestations vasculaires ischémiques, en association avec l’acide acétylsalicylique, chez les personnes qui ont subi une www.professionsante.ca angioplastie percutanée coronarienne. Cependant, contrairement au clopidogrel, il n’y a pas de code de médicament d’exception et la durée maximale de l’autorisation est d’un an. Les principaux conseils à donner aux patients commençant à prendre le prasugrel sont résumés dans le tableau IV. Conclusion Pour l’instant, la place du prasugrel dans l’arsenal thérapeutique du SCA demeure limitée étant donné qu’il ne peut être prescrit qu’aux patients ayant subi une ICP avec implantation de tuteur et qu’il n’est pas encore remboursé par la RAMQ, au même titre que le clopidogrel. Cependant, l’étude TRILOGY ACS (phase III) est en cours afin d’évaluer l’association du prasugrel et de l’AAS, comparativement à celle du clopidogrel et de l’AAS chez des sujets présentant de l’angine instable ou un NSTEMI et qui seront traités médicalement. Par ailleurs, c’est lors de cette étude que le risque de carcinogénicité du prasugrel sera réévalué. L’efficacité du prasugrel est bien établie par rapport à celle du clopidogrel parce qu’il présente moins de variabilité génétique, un délai d’action accéléré et une inhibition plaquettaire plus constante. Ces caractéristiques font du prasugrel un agent de choix chez les patients présentant une thrombose de tuteur sous clopidogrel. Les bénéfices du prasugrel sont également plus marqués dans la population diabétique et chez les patients présentant un diagnostic de STEMI. Ainsi, cette thiénopyridine pourrait être privilégiée d’emblée chez ces derniers. Toutefois, il ne faut pas omettre que le prasugrel concerne une population limitée. Lorsque le prasugrel est débuté, il est de rigueur de vérifier l’âge, le poids et la présence d’un antécédent d’AVC ou d’ICT afin de minimiser le risque de complications. Pour l’instant, le coût du prasugrel par rapport à celui du clopidogrel ne constitue pas un frein à son utilisation, mais le prescripteur devra s’ajuster aux contraintes liées à la gestion des médicaments d’exception. Toutefois, l’arrivée récente du ticagrelor sur le marché canadien nous forcera probablement à réévaluer le rôle du prasugrel au sein de l’arsenal thérapeutique antiplaquettaire. Un face-à-face direct, au moyen d’une étude clinique randomisée comparant l’efficacité et l’innocuité de ces deux molécules serait intéressant afin d’établir leur Tableau IV Conseils au patient ■L’EffientMD vous a été prescrit en association avec l’aspirine afin de prévenir une thrombose de tuteur (stent) à la suite d’une angioplastie. ■Ce médicament se prend par la bouche, avec ou sans aliments. Il est essentiel de le prendre tous les jours. Des oublis pourraient mener à une thrombose de votre tuteur, ce qui pourrait être catastrophique pour votre santé. Prenez-le une fois par jour, toujours au même moment. Si vous avez oublié une dose, ne doublez pas celle qui suit. De même, si vous n’êtes pas certain d’avoir pris votre dose de la journée, attendez le lendemain avant d’en prendre une nouvelle. ■Ce médicament est généralement bien toléré par les patients. Le principal effet indésirable que l’EffientMD peut occasionner est un risque accru de saignements, tels que des hématomes, des contusions, des saignements de nez ou des gencives. ■Il est important de ne pas prendre d’autres médicaments qui pourraient augmenter le risque de saignements sans l’accord de votre médecin ou de votre pharmacien, tels que les AINS (ibuprofène, MotrinMD, AdvilMD, NaproxenMD), les anticoagulants oraux et l’aspirine. ■Ce produit est contre-indiqué si vous avez déjà fait un AVC ou une ICT par le passé. Il n’est pas recommandé si vous êtes âgé de 75 ans et plus et/ou si vous pesez moins de 60 kg. Novembre 2011 vol. 58 n° 7 Québec Pharmacie 35 Avez-vous entendu parler de... place respective dans le traitement du SCA. Selon la littérature médicale actuelle, le ticagrelor présenterait des avantages par rapport au prasugrel : un risque de saignements moindre, une inhibition réversible et une molécule ne nécessitant aucune transformation pour être activée. Cependant, lors de l’étude PLATO, les patients recrutés en Améri- que du Nord ont semblé moins bénéficier du ticagrelor que ceux qui avaient été enrôlés ailleurs dans le monde19. Ces données nécessiteront davantage de recherches. À ce jour, les Lignes directrices canadiennes mentionnent que le clopidogrel et le ticagrelor pourraient être utilisés en première ligne de traitement chez les patients se présentant avec un SCA ou subissant une angioplastie, tandis que le prasugrel devrait être réservé en seconde intention chez les patients présentant un haut risque de thrombose à la suite de la pose d’un tuteur3. Quant aux instances américaines (ACC/AHA), elles n’incluent pas encore le ticagrelor dans leurs plus récentes recommandations20. ■ Références 1. Taylor MJ, Scuffham PA, McCollam PL, et coll. Acute coronary syndromes in Europe : 1 year costs and outcomes (provisional record). Curr Med Res Opin 2007; 23: 495-503 2. Hall RE, Tu JV. The Canadian Cardiovascular Outcomes Research Team : Hospitalization rates and length of stay for cardiovascular conditions in Canada, 1994 to 1999. Can J Cardiol 2003; 19: 1123-31. 3. Bell AD, Cartier R, Chan WS, et coll. (2010, December). Canadian cardiovascular Society Anti platelet Guideline 2010 [En ligne.] www.theheart.org/documents/ sitestructure/en/resources/PDF/antiplatelettherapyrecommendations.pdf 4. Patrono C, Baigent C, Hirsh J. Antiplatelet drugs; American college of Chest Physicians Evidence-Based Clinical Practice guidelines (8e edition). Chest 2008; 133(Suppl.1); 199S-233S. 5. Jennings LK. Mechanisms of platelet activation : Need for new strategies to protect against platelet mediated atherothrombosis. Thromb Haemost 2009; 102(2): 248-57. 6. Parise LV, Smyth SS, Shet AS, et coll. 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James S, Akerblom A, Cannon CP, et coll. Comparison of ticagrelor, the first reversible oral P2Y12 receptor antagonist, with clopidogrel in patients with acute coronary syndromes : Rationale, design, and baseline characteristics of the PLATelet inhibition and patient Outcomes (PLATO) trial. Am Heart J 2009; 157(4): 599-605. 17. Floyd JS, Serebruany VL. Prasugrel as a potential cancer promoter review of the unpublished data. Arch Intern Med. 2010; 170(12): 1078-80. 18. Unger EF. Weighing benefits and risks – the FDA’s review of prasugrel. N Engl J Med. 2009; 361(10): 942-5. 19. Wallentin L, Becker RC, Budaj A, et coll. Ticagrelor versus clopidogrel in patients with acute coronary syndromes. New Engl J Med 2009; 361(11): 1045-57. 20. Wright RS, Anderson JL, Adams CD, et coll. 2011 ACCF/AHA Focused Update of the Guidelines for the Management of Patients With Unstable Angina/Non–ST-Elevation Myocardial Infarction (Updating the 2007 Guideline). JACC 2011; 123 (18): 2022-60. Formation continue UFC Novembre 2011 No de dossier CCEPP : 1065-2011-304-I-P • Valide jusqu’au 19 septembre 2014. Traitement anti-inflammatoire de la sécheresse oculaire Par Blair Jarvis, B. Sc. (avec mention), M. Sc., BSP Après avoir suivi cette leçon, les pharmaciens seront en mesure de : 1. décrire l’étiologie et la physiopathologie de la sécheresse oculaire chronique; 2. décrire le rôle des traitements pharmacologiques topiques et systémiques utilisés dans le traitement de la sécheresse oculaire; 3. comprendre le rôle que peut jouer le pharmacien pour aider ses clients à diagnostiquer et traiter les symptômes de la sécheresse oculaire chronique. Leçon offerte grâce à une subvention à visée éducative de : Questions de formation continue 11) Parmi les énoncés suivants, lequel est faux ? A. Le prasugrel inhibe l’agrégation plaquettaire via le récepteur P2Y12. B. Le prasugrel doit subir deux transformations au niveau des cytochromes. C. Le temps pour le pic de l’inhibition plaquettaire est plus rapide pour le prasugrel que pour le clopidogrel. D. La dose de charge de prasugrel est de 60 mg et la dose de maintien journalière est de 10 mg. E. Lors de l’étude TIMI-TRITON 38, le prasugrel n’a pas réussi à diminuer la mortalité de façon statistiquement significative. 12) Lequel de ces énoncés n’est pas une contreindication ? A. Âge de plus de 75 ans. B. Chirurgie prévue dans 3 jours. C. Poids de moins de 65 kg. D. Antécédent d’AVC ou d’ICT . E. Femme enceinte. Répondez maintenant en ligne. Voir page 62 36 Québec Pharmacie vol. 58 n° 7 novembre 2011 Pharmacovigilance Hallucinations associées à une formulation à libération retardée de méthylphénidate (ConcertaMD) Le méthylphénidate (MPH) est un stimulant du système nerveux central (SNC) indiqué dans le traitement du trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité (TDAH) chez l’enfant à partir de six ans et chez l’adulte1. Texte rédigé par Elise Rochais, interne en pharmacie, Université Paris Descartes, et assistante de recherche à l’unité de recherche en pratique pharmaceutique, CHU Sainte-Justine, Aurélie Closon, B. Pharm., assistante de recherche à l’unité de recherche en pratique pharmaceutique, CHU Sainte-Justine, Marianna Zarrelli, MD, pédopsychiatre, CHU Sainte-Justine, Jean-François Bussières, B. Pharm., M.Sc., M.B.A., F.C.S.H.P., chef du département de pharmacie et de l’unité de recherche en pratique pharmaceutique, CHU Sainte-Justine. Texte original soumis le 13 avril 2011. Texte final remis le 3 mai 2011. Révision : Christine Hamel, B. Pharm., M.Sc, Hôpital BMP, Cowansville. Remerciements à la Dre Marie-Claude Bélisle, MD, pédopsychiatre, CHU Sainte Justine. Selon la classification du Diagnostic and Statistical Manual of Mental Health Disorders, Fourth Edition (DSM IV), le TDAH est un trouble neurologique se caractérisant par des symptômes associés à une inattention, une hyperactivité et une impulsivité persistant pendant au moins six mois, à un degré inadapté et ne correspondant pas au niveau de développement de l’enfant2. Ces symptômes sont présents pour la plupart avant l’âge de sept ans et entraînent une gêne fonctionnelle significative pour le patient sur le plan social, scolaire ou professionnel. La prise en charge du TDAH est multidisciplinaire : en complément du traitement médicamenteux symptomatique, les thérapies comportementales amélioreraient les symptômes associés au TDAH et le fonctionnement général de l’enfant3. Le TDAH est fréquemment associé en comorbidité à d’autres troubles psychiatriques (trouble oppositionnel avec provocation, trouble des conduites, abus de substances, trouble anxieux et trouble de l’humeur)4. Les psychostimulants, tels que le méthylphénidate (RitalinMD), les sels mixtes d’amphétamine (Adderall XR MD) ou la dexamphétamine (DexedrineMD), sont utilisés en première intention dans le traitement du TDAH, grâce à leur efficacité et sécurité reconnues5. Depuis, d’autres classes thérapeutiques ont été mises au point, telles que l’atomoxétine (StratteraMD), solution de rechange pour certains patients. Il existe des formes galéniques de MPH à libération immédiate, telles que le Ritalin, généralement administré en deux ou trois prises par jour, selon les périodes les plus critiques de la journée pour le patient, sur les plans scolaire, comportemental et social. Des formes à libération retardée (Ritalin SR, Concerta, Biphen- Tableau I Chronologie des doses de méthylphénidate reçues par J. Dose journalière 15 mg 20 mg 25 mg 35 mg 38 Matin (mg) 5 7,5 10 15 Midi (mg) 5 7,5 10 15 Québec Pharmacie vol. 58 n° 7 novembre 2011 15 h 30 (mg) 5 5 5 5 Durée 3 jours (J58 à J60) 2 semaines (J61 à J75) 2 mois (M4 à M6) 1 mois (M6) tinMD) permettent une seule prise par jour, ce qui facilite une bonne observance du traitement et permet de couvrir des périodes plus longues, notamment pour les patients chez qui la durée d’action des formes à libération immédiate est trop brève6. Le MPH est relativement bien toléré, mais certains effets indésirables rares doivent être connus des prescripteurs et des pharmaciens. Les hallucinations visuelles sont un effet indésirable rare (fréquence inférieure à 1 % dans les essais cliniques d’innocuité à long terme) qui nécessite toutefois d’être connu afin que le patient soit rapidement pris en charge et que son imputabilité quant au traitement, à une pathologie sous-jacente ou à l’abus de substances illicites soit rapidement déterminée1. Présentation du cas J. est un garçon de cinq ans et neuf mois (21 kg) suivi pour un TDAH depuis le début de 2010 et traité par MPH depuis juillet 2010. En août 2010 (J0), il est hospitalisé pour la première fois au Centre hospitalier Sainte-Justine pour des hallucinations visuelles. Cet enfant est issu d’une famille originaire d’Afrique. Tous ses frères et sœurs ont été retirés de leur milieu familial en avril 2009, après suspicion de négligence et d’abus physiques, et placés dans des structures d’accueil différentes. Ses frères et sœurs sont également suivis en pédopsychiatrie pour un TDAH associé à d’autres troubles (trouble oppositionnel avec provocation secondaire, trouble réactionnel de l’attachement, troubles de l’apprentissage et du langage). Il a été évalué au CHU Sainte Justine au début de 2010 pour son attitude d’opposition et son agitation avec comportement envahissant. On retrouve de multiples cicatrices anciennes et brunâtres sur tout le corps. Son état de vaccination est inconnu et il souffrirait d’une allergie d’origine inconnue traitée par diphenhydramine (BenadrylMD). On le décrit comme un enfant vif et actif mais qui a du mal à se concentrer sur une tâche et abandonne facilement. Il souffre d’énurésie nocturne. J. supporte très mal l’autorité de qui que ce soit, fait des crises, ne se contrôle pas, a peu de tolérance à l’effort. Il ne présente pas de Hallucinations associées à une formulation à libération retardée de méthylphénidate (ConcertaMD) D’après Santé Canada, 12 cas d’hallucinations visuelles pouvant renvoyer à l’utilisation du méthylphénidate ont été rapportés de 1990 à 2010, pour des patients de 5 à 13 ans. problème de sommeil ou d’appétit et son contact avec la réalité est bon (pas de signe de dissociation). En résumé, J. souffre d’un état de stress post-traumatique avec traumas complexes associés à de la négligence et à des abus physiques suspectés, d’un TDAH sévère, d’un trouble réactionnel de l’attachement secondaire et d’un trouble oppositionnel avec provocation secondaire. Un traitement par MPH, à libération immédiate (Ritalin), a été instauré à J-34 avec augmentation graduelle de la dose jusqu’à 20 mg (soit 1 mg/kg/j) en trois prises par jour (matin, midi et à 15 h 30). À J-9, il a été remplacé par une forme à libération prolongée, soit du Concerta 18 mg, en une prise le matin, pour cause de mauvaise maîtrise des symptômes (effet rebond au cours de la journée). J. prend également de la mélatonine au coucher. J. est hospitalisé au J0 au CHU Sainte-Justine pour hallucinations visuelles : elles ont commencé dans la nuit de J-2 à J-1, mais l’enfant s’est rendormi. La nuit suivante, vers trois heures, il se réveille paniqué, disant qu’il voit des araignées qui lui grimpent dessus et le piquent. À l’arrivée à l’hôpital, il est très anxieux et cherche du réconfort, ce qui est inhabituel chez lui d’après son pédopsychiatre. À l’examen, on ne trouve aucun symptôme somatique ni trouble du système nerveux central, aucun signe d’intoxication. Une analyse des urines pour recherche de substances toxiques est demandée et une consultation avec le pédopsychiatre est prévue pour le lendemain. En attendant, le traitement par le Concerta est suspendu, car on le soupçonne d’être à l’origine des hallucinations (la dernière prise remonte au matin même). Le lendemain matin, il ne présente plus d’hallucinations visuelles franches, mais il a peur de remettre ses vêtements à cause des araignées. Les résultats relatifs aux substances toxiques urinaires sont négatifs. Il est décidé de le garder en hospitalisation une journée supplémentaire pour s’assurer de l’élimination des symptômes en l’absence de Concerta. À J+2, soit 48 heures après la dernière prise de Concerta, J. va bien, ses craintes se sont estompées : il n’a pas présenté de signes d’hallucination pendant la nuit, il a bien dormi et est éveillé, son discours est cohérent. On retient l’hypothèse d’une réaction secondaire à la prise de Concerta. L’enfant obtient son congé le jour même, sans traitement, avec consultation prévue avec son www.professionsante.ca pédopsychiatre à J+16 : un traitement par rispéridone (RisperdalMD) est alors entamé à la dose de 0,25 mg deux fois par jour pour la prise en charge des difficultés comportementales et affectives associées au TDAH et, enfin, le MPH est réintroduit progressivement à J+58 avec la forme à libération immédiate (Ritalin) selon la chronologie présentée au tableau I. Au mois M+6, l’enfant est hospitalisé en hôpital de jour à la demande du pédopsychiatre pour réajustement de la médication. Il est alors traité par 35 mg de MPH à libération immédiate (Ritalin) et par de la rispéridone (Risperdal) 0,75 mg deux fois par jour. Dans un premier temps, la diminution de la dose de rispéridone à raison de 0,5 mg deux fois par jour n’entraîne aucune modification de l’état de l’enfant. Au 21e jour de la seconde hospitalisation, une journée d’observation sans MPH est prévue. Mais devant l’état de l’enfant au cours de la matinée, le traitement est repris lors de la prise du midi et de l’après-midi. Six jours plus tard, une tentative de diminution de la dose quotidienne de MPH à 25 mg est engagée. Au 34 e jour d’hospitalisation, la dose de 25 mg en trois prises est remplacée par une dose unique de MPH à libération contrôlée (Biphentin) de 10 mg, augmentée à 15 mg le lendemain. Le jour suivant, l’état de J. n’est pas jugé satisfaisant. Il présente notamment une agitation motrice et une réactivité augmentée l’après-midi. Il est donc décidé de reprendre le traitement par MPH à libération immédiate 25 mg par jour en trois prises (10 mg/10 mg/5 mg) associé à la rispéridone 0,5 mg deux fois par jour. À ce jour, l’enfant n’a pas refait d’épisodes d’hallucination sous MPH (Ritalin, Biphentin), mais devant les difficultés à optimiser ce traitement, le MPH a été remplacé par l’Adderall XR à libération prolongée, à la dose de 10 mg par jour, en une prise le matin. hallucinations visuelles simples incluent des images informes (de la lumière, des formes ou des dessins géométriques). Les hallucinations visuelles complexes sont formées de personnes, d’animaux, d’objets ou encore de scènes réalistes7. Diagnostic différentiel Pour le cas de J., les hallucinations sont bien décrites par le garçon (« des araignées méchantes qui me piquent et me font mal »), il les montre sur ses genoux et son ventre, et il a le regard qui dévie en leur direction. L’enfant a peur, il est très angoissé et cherche du réconfort. Malgré tout, il garde un bon contact avec la réalité. En questionnant sa mère, on établit qu’il n’y a pas d’antécédent d’épilepsie dans la famille. On ne décèle aucun trouble somatique, notamment au niveau du SNC, ni aucune intoxication par une drogue de rue (amphétamines et métamphétamines, cannabinoïdes, cocaïne, opiacés, phencyclidine). Avec l’arrêt du traitement, les troubles sont résolus en 36 heures et l’enfant va bien. L’intolérance au Concerta est l’hypothèse retenue. Mécanisme d’action Une moindre concentration de dopamine dans l’espace synaptique au niveau du système nigrostriatal et de la voie mésocorticolimbique serait responsable d’un TDAH8. Le MPH entraînerait une réduction du nombre de transporteurs de la dopamine, ainsi qu’une diminution du nombre de récepteurs dans la région du striatum, ce qui augmenterait la concentration de dopamine dans la fente synaptique 8. Selon Rashid et coll., chez certains patients vulnérables, cette plus grande exposition à la dopamine entraînerait des hallucinations9. Selon Young, les effets indésirables tels que les hallucinations seraient dus à une transmission facilitée de l’information visuelle par le système noradrénergique et à des interactions avec les systèmes monoaminergiques du SNC10. Discussion Pharmacocinétique du méthylphénidate : comparaison L’hallucination est une perception sans objet Ritalin et Concerta Définition réel à percevoir. Les hallucinations dites « psychosensorielles » peuvent toucher n’importe laquelle des cinq modalités sensorielles (ouïe, vue, odorat, goût, toucher)7. On peut classer les hallucinations visuelles en deux catégories : simples ou complexes. Les D’après la monographie du Concerta, sa forme galénique permet de limiter les fluctuations et d’obtenir une libération plus uniforme tout en ayant une biodisponibilité relative sur la journée comparable : les données pharmacocinétiques ont été obtenues chez 36 adultes à jeun, novembre 2011 vol. 58 n° 7 Québec Pharmacie 39 Pharmacovigilance après une dose de Concerta 18 mg, en comparaison avec trois doses de méthylphénidate à libération immédiate administrées à quatre heures d’intervalle6. La forme galénique du Concerta combine deux modes de libération du principe actif : l’enveloppe extérieure libère immédiatement 22 % de la dose de MPH, puis le noyau en trois couches permet une libération prolongée au moyen d’une membrane et d’excipients à activité osmotique6. Cette forme galénique, différente de celle des autres formulations de MPH à libération retardée (Ritalin SR et Biphentin), entraîne des variations de la pharmacocinétique. C’est pourquoi les trois produits commercialisés au Canada ne sont pas interchangeables6. Une étude montre en effet des différences dans les profils de libération de Ritalin SR et Concerta qui peuvent se traduire par des différences d’effets cliniques11,12. Cependant, aucune différence en matière de tolérance entre les différentes formes galéniques n’a été démontrée12. Imputabilité Les hallucinations visuelles sont des effets indésirables peu fréquents : une étude menée sur 407 enfants traités par MPH n’a recensé qu’un seul cas13. Mais on retrouve quelques cas d’hallucinations visuelles décrits dans la littérature médicale dès 197114,15. Plus récemment, Gross-Tsur et coll. décrivent trois cas différents de garçons entre 7 et 12 ans, traités par des doses faibles de MPH (inférieures à 10 mg/jour), ayant vécu des épisodes d’hallucinations, spontanément résolutifs à l’arrêt du traitement15. Le premier patient décrit des serpents qui rampent sur son corps, le second voit des cafards qui l’encerclent et le troisième, des moustiques et d’autres animaux rampant également sur lui15. Dans un cas, un traitement par placebo et dans un autre, la réintroduction du MPH ont confirmé l’imputabilité du médicament15. Les hallucinations décrites se rapportent toutes à la présence d’animaux rampants, d’insectes qui grimpent sur le patient et le menacent. D’après Santé Canada, 12 cas d’hallucinations visuelles pouvant renvoyer à l’utilisation du MPH ont été rapportés de 1990 à 2010, pour des patients de 5 à 13 ans16. Tout en tenant compte du contexte familial de J., on peut se demander si un problème psychique associé ou un déficit d’attention ne pourrait pas être responsable de tels troubles. Cependant, les hallucinations décrites par J. sont très proches de ce qui a été décrit dans la littérature médicale et l’enfant ne présente pas de délires ni de pensées désorganisées pouvant renvoyer à une maladie psychiatrique. En utilisant l’algorithme de Naranjo, nous obtenons en effet un score d’imputabilité de trois, ce qui signifie une implication possible du Concerta dans l’observation des hallucinations chez notre patient17. 40 Il faut préciser que J. est alors âgé de moins de six ans, or l’utilisation de MPH chez l’enfant de moins de six ans n’a pas été validée. Cela implique qu’il n’y a pas eu d’études de tolérance et que la dose journalière n’est pas définie précisément pour cette tranche d’âge6,18. Dans la pratique, quel que soit l’âge de l’enfant, le traitement est commencé à la plus petite dose (0,25 à 1 mg/kg/jour), puis augmenté progressivement. Au regard du cas de J., il convient de se poser plusieurs questions concernant l’association entre le MPH et les hallucinations visuelles. L’apparition des hallucinations est-elle reliée à la dose ? Dans la littérature scientifique, les cas rapportés d’hallucinations visuelles surviennent à des doses thérapeutiques faibles : on retrouve des doses journalières de 0,15 mg/kg/j à 1 mg/kg/j environ (soit 3 à 20 mg/j pour un enfant de 21 kg comme J.)9,15,19. Il semble donc qu’une dose thérapeutique puisse engendrer de tels effets, et ce, après des durées variables d’exposition (de quelques jours à plusieurs années). Le traitement de J. a comporté jusqu’à 35 mg par jour de MPH, sans aucune hallucination. La dose ne semble donc pas être en cause. Malgré tout, la monographie du MPH précise que la variabilité interindividuelle est importante et qu’il faut trouver la dose efficace la plus faible, qui varie grandement selon les patients. Une étude réalisée chez des enfants de moins de six ans montre un taux d’effets secondaires plus important que celui indiqué dans d’autres études et la nécessité de titrer très précisément la dose journalière nécessaire, très variable selon les patients, avec une dose moyenne inférieure à 20 mg/j20. Il subsiste néanmoins une possibilité concernant l’administration de la dose : il faut envisager que le Concerta ait été administré trois fois par jour selon le même plan de prise que le Ritalin, au lieu d’une fois par jour, ce qui aurait entraîné une accumulation et une intoxication aiguë. Cette hypothèse est appuyée par les données obtenues dans un rapport de cas21. De fait, une intoxication avec une formulation de MPH à libération retardée a induit des hallucinations visuelles chez une jeune fille de 14 ans suicidaire, sans toutefois laisser de séquelles à long terme21. Pour confirmer cette hypothèse, il aurait été intéressant de mesurer les concentrations sanguines de MPH chez J. Peut-on imputer ces effets à la molécule (le MPH) ? De toute évidence, on ne peut considérer que J. est intolérant au MPH puisqu’il a déjà été traité par du Ritalin, sans que des hallucinations n’aient été notées. Par ailleurs, J. n’était traité par aucun autre médicament au moment de l’épisode, sauf de la mélatonine donnée au moment du coucher. A priori, aucune interaction médicamenteuse n’a été rapportée entre le MPH et la mélatonine, bien que cela ne semble pas avoir été particulièrement étu- Québec Pharmacie vol. 58 n° 7 novembre 2011 dié. S’il existait une telle interaction, elle aurait été présente sous traitement par Ritalin également. Peut-on imputer ces effets à une forme galénique, celle du Concerta ? Bien que l’ajustement de la dose optimale soit difficile chez J., celui-ci supporte sans problème particulier son traitement par MPH à libération immédiate, mais il ne tolère pas la forme galénique du Concerta. La demi-vie est de deux heures environ pour les formes à libération immédiate et de trois heures et demie pour le Concerta. Il est envisageable qu’une variabilité interindividuelle (métabolisme, âge) soit responsable d’un retard dans la libération ou l’élimination du MPH délivré par le système osmotique présent dans un comprimé de Concerta. Un retard dans la libération du principe actif pourrait par exemple entraîner une plus grande couverture de la période nocturne, peut-être plus propice à la survenue d’hallucinations. Il s’avère que, depuis l’incident, on a opté pour une forme à libération retardée (Biphentin), sans succès thérapeutique toutefois : il semble en effet qu’une forme à libération retardée ne couvre pas correctement les pics d’hyperactivité de J. C’est pourquoi son traitement à libération immédiate en trois prises par jour a ensuite été rétabli. Quelles autres hypothèses sont possibles ? La survenue d’hallucinations visuelles sous MPH ne semble pas corrélée à une dose, à une durée d’exposition au traitement, ni même à une forme galénique, d’après les cas suggérés9,15,19. Cela pourrait indiquer que la survenue d’hallucinations chez J. est l’effet du hasard et qu’il est possible qu’elles se reproduisent dans des conditions différentes. Prévention et traitement Chez les enfants traités par MPH, il semble préférable de commencer un traitement par MPH à libération immédiate et n’envisager un changement qu’une fois le patient équilibré, si on cherche à simplifier son plan de prise et si l’on souhaite mieux couvrir la fin de journée/début de nuit22,23. Le titrage graduel des doses devrait également permettre une diminution du risque de survenue d’effets indésirables, dont les hallucinations visuelles. Dans le cas d’une survenue d’hallucinations visuelles, il est nécessaire d’interrompre le traitement susceptible d’être en cause. La prise en charge symptomatique implique également une surveillance en milieu hospitalier permettant de procurer un environnement calme et sécurisant à l’enfant, en l’isolant de préférence des autres patients. Il est envisageable d’instaurer un traitement par un médicament antipsychotique si l’état d’agitation de l’enfant le nécessite. Par la suite, une réexposition au médicament en cause, sous surveillance, permettrait de valider son imputabilité dans cet épisode Hallucinations associées à une formulation à libération retardée de méthylphénidate (ConcertaMD) d’hallucinations visuelles. Mais devant la gravité du TDAH et le traumatisme subi lors de cet épisode, cela est difficilement envisageable pour J. De plus, il ne serait pas justifié de remettre en question sa prise en charge par l’Adderall, qui est actuellement mieux toléré et plus efficace que le MPH, quelle que soit sa forme galénique. Conclusion afin de prévenir la survenue d’effets indésirables. Il doit en particulier rester vigilant face à l’éventuelle survenue d’épisodes d’hallucinations visuelles, car celles-ci peuvent se produire à tout moment, notamment lors de changements de doses ou de formes galéniques de MPH, même si le médicament était précédemment bien toléré. ■ 34(2): 77-80. 9. Rashid J, Mitelman S. Methylphenidate and somatic hallucinations. J Am Acad Child Adolesc Psychiatry 2007; 46(8): 945-6. 10.Young JG. Methylphenidate-induced hallucinosis : Case histories and possible mechanisms of action. J Dev Behav Pediatr 1981; 2(2): 35-8. 11.Lopez F, Silva R, Pestreich L, et coll. Comparative efficacy of two once daily methylphenidate formulations (Ritalin LA and Concerta) and placebo in children with attention deficit hyperactivity disorder across the school day. Paediatr Drugs 2003; 5(8): 545-55. 12.Husson MC. Trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité : prise en charge thérapeutique. Dossier du CNHIM, revue d’évaluation sur le médicament 2006; XXVII. [En ligne. Page consultée le 4 mars 2011.] www.cnhim.org/Dossier%20du%20CNHIM% 20-%20PDF/dossiers_2006/DOSSIER_2006_1.pdf 13.Wilens T, Pelham W, Stein M, et coll. ADHD treatment with once-daily OROS methylphenidate : Interim 12-month results from a long-term open-label study. J Am Acad Child Adolesc Psychiatry 2003; 42(4): 424-33. 14.Lucas AR, Weiss M. Methylphenidate hallucinosis. JAMA 1971; 217(8): 1079-81. 15.Gross-Tsur V, Joseph A, Shalev RS. Hallucinations during methylphenidate therapy. Neurology 2004; 63(4): 753-4. 16.Santé Canada. MedEffet Canada 2011. [En ligne. Page consultée le 7 mars 2011.] www.hc-sc.gc.ca/ dhp-mps/medeff/index-eng.php. 17.Naranjo CA, Busto U, Sellers EM, et coll. A method for estimating the probability of adverse drug reactions. Clin Pharmacol Ther 1981; 30(2): 239-45. 18.Association des pharmaciens du Canada. Compendium des produits et spécialités pharmaceutiques. Monographie du RitalinMD et RitalinMD SR. [En ligne. Page consultée le 17 février 2011.] www.e-therapeu tics.ca/cps.showMonograph.action?simpleMonograp hId=m137950. 19.Halevy A, Shuper A. Methylphenidate induction of complex visual hallucinations. J Child Neurol 2009; 24(8): 1005-7. 20.Maayan L, Paykina N, Fried J, et coll. The openlabel treatment of attention-deficit/hyperactivity disorder in 4- and 5-year-old children with beaded methylphenidate. J Child Adolesc Psychopharmacol 2009; 19(2): 147-53. 21.Klampfl K, Quattländer A, Burger R, et coll. Case report : Intoxication with high dose of long-acting methylphenidate (Concerta®) in a suicidal 14-yearold girl. Atten Defic Hyperact Disord 2010; 2(4): 2214. 22.Miller, KJ, Wender, EH. Attention deficit/hyperactivity disorder. In : Primary Pediatric Care, 4th ed, Hoekelman, RA (Ed), Mosby, St. Louis 2001. p. 756. 23.Dulcan M. Practice parameters for the assessment and treatment of children, adolescents and adults with attention-deficit/hyperactivity disorder. American Academy of Child and Adolescent Psychiatry. J Am Acad Child Adolesc Psychiatry 1997; 36: 85S. Nous avons présenté un cas d’hallucinations visuelles associées à la forme galénique particulière de MPH (Concerta), à la dose de 18 mg par jour en forme retard chez un patient de cinq ans et neuf mois. Pour le pharmacien, il est important de s’assurer que la dose de MPH est titrée graduellement Références 1. Micromedex Healthcare series. Monographie du méthylphénidate. Thomson micromedex, 19742011. [En ligne. Page consultée le 16 février 2011.] www.thomsonhc.com 2. Association américaine de psychiatrie. Manuel diagnostique et clinique des troubles mentaux (4e édition). Paris : Masson; 1995. 3.MTA Cooperative Group. National Institute of Mental Health Multimodal Treatment Study of ADHD follow-up : 24-month outcomes of treatment strategies for attention-deficit/hyperactivity disorder. Pediatrics 2004; 113(4): 754-61. 4. Pliszka S. AACAP Work Group on Quality Issues. Practice parameter for the assessment and treatment of children and adolescents with attention-deficit/ hyperactivity disorder. J Am Acad Child Adolesc Psychiatry 2007; 46(7): 894-921. 5. Elia J. Drug treatment for hyperactive children. Therapeutic guidelines. Drugs 1993; 46(5): 863-71. 6. Association des pharmaciens du Canada. Compendium des produits et spécialités pharmaceutiques. Monographie du ConcertaMD. [En ligne. Page consultée le 16 février 2011.] www.etherapeutics.ca/cps. showMonograph.action?simpleMonographId=m137 950. 7. Wilkinson F. Auras and other hallucinations : Windows on the visual brain. Prog Brain Res 2004;144: 305-20. 8. Vles JS, Feron FJ, Hendriksen JG, et coll. Methylphenidate down-regulates the dopamine receptor and transporter system in children with attention deficit hyperkinetic disorder (ADHD). Neuropediatrics 2003; Questions de formation continue 13) Parmi les énoncés suivants concernant le traitement du trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité (TDAH) chez l’enfant, lequel est faux ? A. Les formes galéniques de méthylphénidate (MPH) à libération retardée permettent une seule prise par jour, ce qui facilite l’observance du traitement. B. Le MPH entraînerait une réduction du nombre de transporteurs de la dopamine ainsi qu’une diminution du nombre de récepteurs au niveau du striatum, ce qui augmenterait la concentration de dopamine dans la fente synaptique. C. Toutes les formes de MPH à libération retardée commercialisées au Canada (Concerta, Ritalin SR et Biphentin) sont interchangeables. D. La prise en charge du TDAH est multidisciplinaire et comprend des thérapies comportementales en complément d’un traitement médicamenteux symptomatique. E. Les psychostimulants, tels que le méthylphénidate (Ritalin), les sels mixtes d’amphétamine (Adderall XR) et la dexamphétamine (Dexedrine), sont utilisés en première intention dans le traitement du TDAH. 14) Concernant les hallucinations liées à la prise de méthylphénidate (MPH), lequel de ces énoncés est faux ? A. La survenue d’hallucinations visuelles chez des patients traités par du MPH est reliée à la dose. B. Selon certains auteurs, une plus grande exposition à la dopamine liée à la prise de MPH entraînerait des hallucinations chez certains patients vulnérables. C. Les hallucinations décrites chez les patients traités par du MPH se rapportent toutes à la présence d’animaux rampants, d’insectes qui grimpent sur le patient et le menacent. D. Les hallucinations visuelles liées à la prise de MPH sont un effet indésirable rare avec une fréquence inférieure à 1 %. E. D’après les cas rapportés, la survenue d’hallucinations sous MPH ne semble pas liée à une forme galénique particulière. Répondez maintenant en ligne. Voir page 62. www.professionsante.ca novembre 2011 vol. 58 n° 7 Québec Pharmacie 41 D’une page à l’autre Impact des cabinets automatisés décentralisés sur la diminution des erreurs de médication en soins intensifs Texte rédigé par Géraldine Ottino, étudiante en 5e année de pharmacie, Université de Lyon, et assistante de recherche à l’unité de recherche en pratique pharmaceutique, CHU Sainte-Justine, Élise Rochais, interne en pharmacie, Université Paris-Sud, et assistante de recherche à l’unité de recherche en pratique pharmaceutique, CHU Sainte-Justine, et Jean-François Bussières, B. Pharm., M.Sc., M.B.A., F.C.S.H.P., chef du département de pharmacie et de l’unité de recherche en pratique pharmaceutique, CHU Sainte-Justine. Texte original soumis le 11 mai 2011. Texte final remis le 23 mai 2011. Révision : Nicolas Paquette-Lamontagne, B. Pharm., M.Sc., M.B.A., P.M.P. Objectifs L’objectif principal est d’évaluer l’impact de cabinets automatisés décentralisés (CAD) sur l’incidence des erreurs médicamenteuses. L’objectif secondaire est d’évaluer l’impact clinique des erreurs détectées et la satisfaction du personnel soignant quant à l’utilisation de la nouvelle technologie. Plan de l’étude Étude prospective, contrôlée, à répartition aléatoire, réalisée au sein de deux unités de soins intensifs médicaux. L’étude a été réalisée durant une période de cinq mois, comprenant une phase de rodage de deux semaines (observation et formation sans collecte de données), d’une phase d’observation pré-intervention de huit semaines avec collecte de données, d’une seconde phase de rodage de deux semaines et d’une phase d’observation postintervention de huit semaines. Lieu Deux unités de soins intensifs médicaux de 8 et 10 lits, respectivement, au sein d’un hôpital universitaire de 2000 lits situé à Grenoble, en France. Participants Ont été inclus dans l’étude tous les patients admis au sein des deux unités de soins et toutes les infirmières de tous les quarts de travail ayant travaillé durant la période d’étude. Toutefois, seules les doses sélectionnées, préparées et administrées durant les périodes d’observation ont été incluses dans les analyses. Interventions L’intervention repose sur l’implantation d’un CAD au sein d’une unité de soins. L’unité de soins de type « intervention » a été choisie au hasard. Le CAD est utilisé en mode hors-profil, c’est-à-dire sans interface avec le dossier pharmacologique informatisé et sans validation des ordonnances par un pharmacien. Le CAD est rempli quotidiennement du lundi au vendredi par un assistant technique en pharmacie. En cas de doses manquantes durant la fin de la semaine, les doses sont dispensées par un pharmacien sur appel. Il semble que toute dose dispensée par le CAD est enregistrée au nom de l’infirmière et du patient visé par la dispensation. Dans le cas de l’unité de soins de type « contrôle », tous les médicaments sont dispensés quotidiennement en réserve d’étage, de façon nominale ou non, par le personnel technique sans validation pharmaceutique et en libre accès (au commun). 44 Québec Pharmacie vol. 58 n° 7 novembre 2011 Paramètres évalués La mesure principale retenue pour l’évaluation de l’impact du CAD est l’incidence d’erreurs médicamenteuses. Une erreur médicamenteuse est définie comme un écart entre la sélection, la préparation ou l’administration d’une dose de médicament et l’ordonnance active. On a calculé globalement le rapport du nombre de doses de médicaments comportant au moins une erreur à l’une des étapes du circuit du médicament sur le nombre total de doses de médicaments utilisées (TOE – total opportunity for error). De plus, on a calculé le rapport du nombre d’erreurs médicamenteuses par dose (p. ex., on a recensé jusqu’à 12 modes de défaillance [DOE – detailed opportunity for errors] selon les types de doses, telle la sélection du mauvais médicament et de la mauvaise teneur) sur le nombre total de modes de défaillance potentiels. De plus, on a calculé un taux d’erreurs médicamenteuses liées à l’entreposage (température, protection de la lumière et de l’humidité) en divisant le nombre d’erreurs documentées liées à l’entreposage par le nombre total de doses de médicaments sélectionnées. On a évalué la gravité des erreurs décelées par un comité multidisciplinaire indépendant composé d’un intensiviste, d’un méthodologiste, d’un pharmacologue et d’un pharmacien clinicien à partir de la classification du National Coordinating Council for Medication Error Reporting and Prevention (NCCMERP). On a aussi évalué la satisfaction du personnel soignant à partir d’un questionnaire en phase préintervention, six semaines post-intervention et huit mois post-intervention. Afin de détecter la survenue d’une erreur médicamenteuse ou d’un mode de défaillance, un pharmacien a observé chacune des doses administrées durant l’étude. Résultats L’étude porte sur l’observation directe de la sélection, la préparation et l’administration de 1476 doses de médicaments comportant un potentiel de 8753 modes de défaillance, administrées par 68 infirmières à 115 patients durant la période d’étude. En ce qui concerne la mesure principale, on a décelé 295 erreurs médicamenteuses relatives à la sélection, à la préparation ou à l’administration de doses de médicaments. Toutefois, les auteurs ne fournissent pas les nombres absolus d’erreurs décelées en phase pré et post pour chacune des unités de soins. Ainsi, l’étude démontre un taux comparable d’erreurs entre le groupe témoin et intervention en phase pré (19,3 % c. 20,4 %), mais un taux d’erreurs plus Impact des cabinets automatisés décentralisés sur la diminution des erreurs de médication en soins intensifs élevé dans le groupe témoin que dans le groupe intervention en phase post (18,6 % c. 13,5 %; p < 0,05). Bien que les auteurs indiquent une différence absolue de 6,2 % de réduction du nombre d’erreurs médicamenteuses en faveur du groupe intervention, la différence n’est pas significative (IC 95 % : -1,8 % à 14,2 %; p = 0,13). De plus, l’étude démontre une réduction de la survenue des modes de défaillance pour un seul des 12 modes identifiés, soit celui relié à la préparation d’une dose de médicaments (de 3,8 % en phase pré à 0,5 % en phase post dans le groupe intervention; p = 0,17). On a décelé 145 erreurs d’entreposage, soit 27,7 % dans le groupe intervention, contre 34,9 % dans le groupe témoin en phase pré, et 0,7 % dans le groupe intervention et 14,4 % dans le groupe témoin en phase post (p < 0,01). En ce qui concerne les mesures secondaires, l’étude évalue la gravité des erreurs observées. Ainsi, 84 % de toutes les erreurs décelées sont de catégorie C ou D, à savoir sans conséquence pour le patient. Aucune erreur décelée n’a causé de décès. On ne note aucune différence significative quant aux modes de défaillance ayant causé un tort aux patients dans les unités de soins sans cabinets. De plus, l’étude a permis d’évaluer la satisfaction du personnel soignant en phase pré-intervention (taux de réponse de 36 %), six semaines post-intervention (31 %) et huit mois post-intervention (57 %). Seulement 10 infirmières ont répondu aux trois sollicitations. La majorité des répondants ont indiqué souhaiter la poursuite du projet (97 %). plus, le personnel infirmier accueille favorable- notées entre cet exemple français (absence de ment cette nouvelle technologie. validation pharmaceutique des ordonnances et dispensation globale plutôt que nominale des Discussion produits par des assistants techniques) et la pratiAlors que les CAD sont utilisés sur le marché que québécoise (dossier pharmacologique comaméricain depuis bientôt deux décennies, leur plet, interfacé avec le cabinet, dispensation liée à utilisation est en croissance au Canada et au l’ordonnance valide, etc.), cet article est intéresQuébec, notamment dans le cadre du projet sur sant parce qu’il présente une réflexion structurée les Systèmes automatisés et robotisés de distri- sur l’évaluation du CAD. Dans le rapport bution des médicaments (SARDM). En effet, SARDM auquel nous avons collaboré, nous dans le Rapport canadien sur la pharmacie hos- avions suggéré la réalisation de recherches évapitalière 2009-2010, 53 % des répondants décla- luatives de ces technologies. Par exemple, nous rent avoir recours à au moins un CAD. avons procédé une évaluation de la conformité Cette étude contrôlée et à répartition aléatoire des CAD implantés au Québec par rapport aux mais sans insu évalue l’impact d’un seul CAD lignes directrices d’ISMP. Ainsi, le pharmacien dans une petite unité de soins intensifs. Bien que peut contribuer à l’utilisation optimale, non seules auteurs concluent à la capacité du CAD de lement des médicaments mais aussi des technoréduire les erreurs médicamenteuses, nous pen- logies. Toutefois, nous pensons que la technolosons que la réduction observée est limitée, spé- gie ne remplace pas le pharmacien. Elle doit plutôt cifique à un seul des 12 modes de défaillance soutenir son activité clinique. ■ identifiés ainsi qu’aux erreurs de type entreposage, et non applicable aux erreurs entraînant Référence des torts aux patients. On peut se demander si la 1. Chapuis C, Roustit M, Bal G, Schwebel C, Pansu P, David-Tchouda S, Foroni L, Calop J, Timsit JF, Alleréduction observée est réellement attribuable à net B, Bosson JL, Bedouch P. Automated drug disla technologie étudiée ou plutôt à d’autres facpensing system reduces medication errors in an teurs pouvant influer sur la survenue des erreurs intensive care setting. Crit Care Med 2010; 38(12): 2275-81. médicamenteuses (p. ex., biais d’observation – à preuve, on note une réduction des erreurs d’entreposage de 34,9 % à 14,4 % entre les phases pré Lectures suggérées et post dans le groupe témoin, sans recours à la • Hall K, Harding J, Babich M, Bussières JF, Lefebvre P, Wilgosh C, et coll. Rapport canadien sur la pharmatechnologie). Compte tenu du caractère plutôt cie hospitalière 2009-2010. [En ligne. Site consulté « pilote » de l’évaluation n’incluant qu’un seul le 11 mai 2011.] www.lillyhospitalsurveyca cabinet, on ne peut généraliser ces résultats. • Oren E, Shaffer ER, Guglielmo BJ. Impact of emerging technologies on medication errors and adverse Dans le contexte nord-américain, l’utilisation drug events. Am J Health-Syst Pharm 2003; 60: de CAD repose sur une intégration de l’interface 1447-58. patient (admission-départ-transfert) et du dos- • Brisseau L, Bussières JF, Lebel D, Atkinson S, Robinette L, Fortin S, Lemay M. Utilisation de lignes Conclusion sier pharmacologique informatisé préalablement directrices dans le cadre de l’implantation de cabinets Cette étude décrit l’impact favorable d’un cabi- validé par des pharmaciens et alimenté par des automatisés décentralisés en établissement de santé. net automatisé décentralisé sur la diminution ordonnances manuscrites, numérisées ou élecCan J Hosp Pharm 2011 (sous presse). des erreurs de médication en soins intensifs. De troniques. En dépit des différences de pratique Question de formation continue 15) Parmi les énoncés suivants entourant l’utilisation et l’évaluation de cabinets automatisés décentralisés, lequel est vrai ? A. L’étude démontre un taux d’erreurs plus faible dans le groupe témoin que dans le groupe intervention en phase post (13,5 % c. 18,6 %). B. Cinquante-deux pour cent de toutes les erreurs décelées sont de catégorie C ou D, à savoir sans conséquence pour le patient. C. On note une réduction des erreurs d’entreposage de 34,9 % à 14,4 % entre les phases pré et post dans le groupe témoin. D. Dans le Rapport canadien sur la pharmacie hospitalière 2009-2010, 63 % des répondants déclarent avoir recours à au moins un CAD. E. Environ un tiers des infirmières a répondu aux trois questionnaires portant sur la satisfaction à l’égard du CAD. Répondez maintenant en ligne. Voir page 62. www.professionsante.ca novembre 2011 vol. 58 n° 7 Québec Pharmacie 45 D’une page à l’autre Perspective sur la pratique pharmaceutique hospitalière au Canada 2009-2010 Texte rédigé par Jean-François Bussières, B. Pharm., M.Sc., MBA, FCSHP, chef du département de pharmacie et de l’unité de recherche en pratique pharmaceutique, CHU Sainte-Justine. Texte original soumis le 14 mai 2011. Texte final remis le 6 juillet 2011. Révision : Nicolas Paquette-Lamontagne, B. Pharm., M.Sc., MBA, PMP. Référence 1.Hall K, Harding J, Babich M, Bussières JF, Lefebvre P, Wilgosh C, et coll. 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[En ligne. Site visité le 14 mai 2011.] www.opq.org/fr/media/private/doc_ interaction/l_interaction_avril_final_w.pdf 46 Objectif principal ensacheuses (au moins 131 répondants), armoires Décrire la pratique pharmaceutique hospita- automatisées décentralisées (au moins 84 réponlière à l’échelle du Canada. dants), pompes de remplissage (au moins 50 répondants), pompes intelligentes (au moins Plan de l’étude 108 répondants), lecteurs de codes-barres (au Enquête réalisée par envoi électronique et site moins 78 répondants), système d’aide à la décision Web interactif, de mai à juillet 2010, pour clinique (au moins 125 répondants), accès aux recueillir des données relatives à l’exercice finan- tests de laboratoire (tous les répondants), prescripcier du 1er avril 2009 au 31 mars 2010. teurs électroniques (au moins 13 répondants), en soutien à la distribution unitaire quotidienne (au Participants moins 111 répondants), avec centralisation à la L’enquête est réalisée auprès de tous les chefs de pharmacie d’un nombre croissant de préparations département de pharmacie d’établissements de stériles et non stériles ou de médicaments dangesanté canadiens comportant au moins 50 lits de reux (au moins 147 répondants). Il y a pénurie de pharmaciens hospitaliers courte durée (n = 222). (moyenne de 8,2 % au Canada), mais elle se Interventions concentre au Québec (16,4 % de postes vacants). Le questionnaire de l’enquête est élaboré par un Les répondants rapportent 45 équivalentscomité éditorial de pharmaciens hospitaliers temps plein par établissement en moyenne : canadiens répartis dans la plupart des pro­vinces. 2,4 pharmaciens et assistants techniques gestionnaires, 18 pharmaciens, 23,2 assistants techniques, Paramètres évalués 1,5 agent de soutien et 0,7 résident en pharmacie. L’enquête comporte 11 sections permettant de Le pharmacien hospitalier consacre en documenter la pratique pharmaceutique : don- moyenne 47 % de son temps à des activités clininées démographiques, services cliniques, sys­ ques décentralisées (non reliées à la dispensatèmes de distribution, ressources humaines, utili- tion de soins), 40 % à la délivrance de médicasation sécuritaire des médicaments, technologies, ments, 6 % à l’enseignement, 6 % à des activités analyses comparatives, initiative 2015 de la Société clinico-administratives et 1 % à la recherche. canadienne des pharmaciens d’hôpitaux, quesOn a de plus en plus recours au personnel techtions d’actualité, techniciens en pharmacie, éva- nique pour une variété de tâches et on s’intéresse luation des services. Les données recueillies sont aux nouveaux mécanismes de certification quantitatives (p. ex., nombre d’équivalents-temps et de reconnaissance par certains ordres profesplein, dépenses de médicaments) et qualitatives sionnels, notamment en Ontario. (p. ex., absence ou présence de politiques et procéDiscussion dures, services offerts ou non). On retrouve quelques enquêtes sur la pratique de la Résultats pharmacie hospitalière dans le monde. Pedersen et L’enquête présente les données de 160 répondants coll. publient annuellement les résultats de l’en(taux de réponse de 72 %), dont 35 au Québec quête américaine, mais l’ensemble des thèmes (taux de réponse de 56 %). qu’ils étudient est réparti sur trois années consécuLes pharmaciens hospitaliers canadiens tives de publication. En 2010, l’European Associaoffrent une présence décentralisée et des soins tion of Hospital Pharmacists a mené une enquête à pharmaceutiques directs aux patients en l’échelle de la Communauté européenne; les résulmoyenne dans trois programmes de soins tats devraient être publiés sous peu. Au Canada, c’est le 18e rapport sur la pratique ambulatoires par établissement et sept propharmaceutique hospitalière au pays qui a été grammes de soins hospitalisés. Une majorité d'entre eux participent active- publié par le comité éditorial depuis 1985-1986. ment à 10 activités de soins directs aux patients, Peu de professions de la santé jouissent d’une telle à trois activités de participation en comité, à quantité de données historiques et publiques sur quatre activités de gestion de l’information l’évolution de leur pratique. Même si cette enquête pharmaceutique et de l’utilisation de médica- Web est volontaire, le taux de réponses demeure ments, à trois activités liées à la recherche clini- élevé au fil des ans et les données recueillies perque et à deux activités d’amélioration de la qua- mettent de confirmer les principales tendances. Le comité éditorial valide ces données et remet en lité et de la sécurité des patients. Les pharmaciens hospitaliers ont accru leur uti- question celles qui sont extrêmes, lorsqu’applicalisation de différentes technologies pour le circuit Suite à la page 48 du médicament : robots (au moins 14 répondants), Québec Pharmacie vol. 58 n° 7 novembre 2011 D’une page à l’autre que hospitalière. L’Ordre des pharmaciens du et a mis en place, en avril 2011, un troisième Québec, qui a demandé à l’Office des professions comité sur le sujet afin d’accélérer la délivrance de ble, pour assurer une analyse de qualité. Bien que de reconnaître la formation de pharmaciens spé- certificats de spécialiste en pharmacothérapie la pratique hospitalière soit différente de celle en cialistes québécois, croit en cette reconnaissance avancée. n milieu communautaire, il est important de diffuser ces données qui peuvent avoir un impact sur les modèles de pratique, l’organisation du travail, la Question de formation continue prestation sécuritaire des soins et leur continuité. Si l’enquête met en évidence plusieurs tendances 16) Lequel des énoncés suivants est vrai ? qui montrent une hausse progressive de la conforA. Les pharmaciens hospitaliers utilisent de façon accrue différentes technologies pour mité des pratiques pharmaceutiques, il est étonle circuit du médicament : robots (au moins 14 répondants), ensacheuses (au moins nant de constater certains retards ou difficultés, 89 répondants), armoires automatisées décentralisées (au moins 84 répondants). notamment l’implantation limitée de prescripB. Les pharmaciens hospitaliers utilisent de façon accrue différentes technologies pour teurs électroniques, les difficultés inhérentes à la le circuit du médicament : pompes intelligentes (au moins 108 répondants), lecteurs certification du personnel technique, la disparité de codes-barres (au moins 78 répondants), système d’aide à la décision clinique relative entre les provinces quant aux droits de (au moins 12 répondants), accès aux tests de laboratoire (tous les répondants), prescrire pour le pharmacien hospitalier, la pénuprescripteurs électroniques (au moins 13 répondants). rie pharmaceutique soutenue au Québec, la diffiC. Il y a pénurie de pharmaciens hospitaliers (moyenne de 8,2 % au Canada), mais elle culté d’assurer la démarche de bilan comparatif se concentre au Québec (16,4 % de postes vacants). des médicaments et de profiter pleinement des D. Les répondants rapportent en moyenne 45 équivalents-temps plein par établissetechnologies acquises, l’incapacité d’augmenter la ment, notamment 2,4 pharmaciens et assistants techniques gestionnaires, proportion de temps dédiée aux activités cliniques 18 pharmaciens et 13,2 assistants techniques. pour le pharmacien en dépit des ajouts de ressourE. Le pharmacien hospitalier consacre en moyenne 57 % de son temps à des activités ces et de technologies, les délais inhérents aux cliniques décentralisées. changements de pratiques, particulièrement en prestation sécuritaire de soins. Cette enquête rappelle à grands coups de donRépondez maintenant en ligne. Voir page 62. nées la spécialisation de la pratique pharmaceuti Suite de la page 46 COMPOSITION : Chaque gramme de crème ZUACTAMC renferme 0,75 mg de zucapsaïcine dans une base d’alcool benzylique, d’alcool cétylique, de stéarate de glycéryle, de myristate d’isopropyle, de stéarate PEG-100, d’eau purifiée, de solution de sorbitol et de gelée de pétrole blanche. Étude de référence ce numéro de Gratuit! Dans Québec Pharmacie Répondez en ligne à www.Professionsante.ca L E Ç O N D E Approuvé pour 2,0 Formation continue UFC Références : 1. Monographie de ZUACTA . sanofi-aventis Canada inc. 30 novembre 2010. Essai multicentrique comparatif avec randomisation, d’une durée de 84 jours (12 semaines), mené en mode parallèle et à double insu visant à comparer l’innocuité et l’efficacité de ZUACTAMC (crème de zucapsaïcine à 0,075 %) (n = 344) à celles d’un produit témoin inactif (crème de zucapsaïcine à 0,01 %) (n = 351) chez 695 patients recevant des doses stables d’un AINS (58 %) ou d’un inhibiteur de la COX-2 (42 %) administré par voie orale. 2. Données internes. Winston Laboratories, Inc. Study WL-1001-05-01. Avril/mai 2011 No de dossier CCEPP : 1065-2011-308-I-P • Valide jusqu’au 7 septembre 2014. La monographie de produit est disponible sur demande. Par Anita Brown Fabriqué par sanofi-aventis Canada inc., Laval (Québec) H7L 4A8. Distribué par Valeant Canada S.E.C. sous licence de Valeant International (Barbados) SRL. ZUACTAMC est une marque de commerce de sanofi-aventis, employée sous licence de sanofi-aventis Canada inc. Ce dépliant a été rédigé par sanofi-aventis Canada inc. Après avoir réussi cette leçon, le pharmacien sera en mesure de : MC Diabète de type 2 et néphropathie chronique 1. discuter de la fréquence et de la signification de la néphropathie chez les diabétiques de type 2; 2. faire le dépistage de la néphropathie chronique et la prendre en charge conformément aux lignes directrices canadiennes actuelles sur le diabète; 3. conseiller les personnes diabétiques atteintes de néphropathie chronique sur l’importance d’appliquer les modifications qui s’imposent afin de réduire le risque cardiovasculaire; 4. discuter du traitement du diabète de type 2 à l’aide d’agents oraux en présence d’une néphropathie chronique. Leçon offerte grâce à subvention à visée éducative de : 48 Québec Pharmacie vol. 58 n° 7 novembre 2011 Répondez en ligne sur Questions de Formation continue 4 UFC de l’OPQ Répondre aux 16 questions de ce numéro Date limite : le 19 novembre 2012 Veuillez noter que les unités de formation continue sont dorénavant valides pendant un an après leur publication ou mise en ligne. Adieu télécopieur ! Maintenant, c’est en ligne ! x Veuillez noter qu’il n’est désormais plus possible de nous faire parvenir vos formulaires de formation continue par télécopieur. Vous devez maintenant répondre aux questions de formation continue en ligne, dans le portail Profession Santé. Vous n’êtes pas encore inscrit ? Vous devez d’abord le faire en vous rendant au www.professionsante.ca Une fois votre inscription confirmée et activée, vous pourrez faire votre formation continue en cliquant sur l’onglet «Formation continue», puis sur «FC en ligne». Pour toute question, veuillez communiquer avec : Francine Beauchamp, coordonnatrice de formation continue, par téléphone : 514 843-2595, ou par courriel : [email protected] 62 Québec Pharmacie vol. 58 n° 7 novembre 2011