Le Marketing au service des IMF
BIM n° 06 - 20 février 2002
Pierre DAUBERT
Nous parlions récemment des outils d’étude de marché et de la clientèle créés par
MicroSave-Africa, qui s’inscrit dans la tendance actuelle à développer des outils concrets,
simples et utiles aux IMF pour mieux comprendre leur clientèle et améliorer leurs produits.
Si les outils développés par AIMS étaient davantage tournés vers l’impact, ceux de MSA font
une plus grande place à l’analyse de l’environnement et au développement de produit.
Alors que les IMF sont confrontées à une concurrence accrue et voient leur part de marché
menacée, de plus en plus d’institutions prennent conscience d’une approche marketing solide
dans leur planification stratégique. Face à la nécessité de compétitivité et de recentrage sur la
demande, le marketing apparaît comme un outil analytique permettant d’étudier et de connaî-
tre le client. Il traite les questions suivantes : qui sont les clients des institutions, quel est leur
nombre, qui l’IMF doit-elle cibler, et combien de clients espère-t-elle conquérir.
Le marketing au service de la microfinance était l’un des thèmes de la conférence de Bamako
en 2000. Il a fait l’objet d’une note technique publiée par MBP, dont les principaux éléments
sont repris ci-dessous.
Depuis quelques années seulement, le concept de programme marketing apparaît comme une
question majeure pour les IMF, en raison des quatre facteurs suivants :
> renforcement de la concurrence sur certains marchés de la microfinance
> ralentissement du taux de croissance de certaines IMF
> augmentation des pertes de clients
> conscience accrue des IMF du besoin de se centrer davantage sur leurs clients
Jusqu’à présent, la plupart des IMF ont opéré dans un environnement relativement non compé-
titif, où chaque acteur avait sa propre clientèle cible spécifique, et où le niveau de demande
non satisfaite restait élevé. La priorité de ces institutions dans les premières années était
l’amélioration de la méthodologie de crédit, le développement de leur capacité institutionnelle,
de leur portée, et la croissance de leur portefeuille de crédits pour atteindre la pérennité.
Ces dernières années, le paysage de la microfinance s’est radicalement transformé. Certaines
IMF sont devenues des institutions financières formelles, des banques commerciales ont
commencé à servir la clientèle classique des IMF, et de nouvelles institutions de microfinance
ont continué d’investir le marché.
Parallèlement, la clientèle des IMF est devenue plus sophistiquée et plus exigeante en ce qui
concerne les produits et la qualité des services auxquels elle peut prétendre. Face à cela, les
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institutions ont dû améliorer leur efficacité, d’une part en fidélisant leur clientèle, et d’autre
part en identifiant de nouveaux clients susceptibles d’être intéressés par les services financiers
proposés.
Principaux éléments d’un programme de marketing
Un programme de marketing se compose de 7 éléments principaux :
Etude de marché. Cette première étape fournit à l’institution un « panorama » du marché
global des services financiers, existants ou potentiels. Elle permet à l’IMF (1) de définir le
profil de ses clients existants en fonction de la taille des crédits et de critères
démographiques, et (2) d’évaluer les caractéristiques du marché cible potentiel en terme de
répartition géographique et de besoins en services financiers. L’analyse permet également
à l’institution de segmenter davantage le marché cible pour déterminer les types de
services demandés par chaque segment, et les segments de clients les plus rentables.
Analyse concurrentielle. L’environnement concurrentiel est constitué de prestataires de
services directs, de prestataires informels, et de nombreuses variables exogènes plus larges
qui donnent au marché sa configuration (facteurs macroéconomiques). En analysant la
concurrence, l’IMF peut s’informer des types de services financiers offerts par ses
concurrents ; elle est également informée sur le profil de la clientèle ayant accès à ces
services. Le niveau, le type et la nature de la concurrence vont affecter la manière dont
l’IMF décide de se positionner stratégiquement sur le marché.
Analyse du comportement du consommateur. Les questions essentielles à traiter dans
cette analyse sont les suivantes : taux de fidélisation des clients, principales raisons du
départ des clients cibles de l’IMF, coût représenté par la perte et le gain d’un client, types
de produits financiers intéressant les clients, opinion des clients sur l’offre existante de
produits et la qualité du service de l’IMF, composantes ou caractéristiques des produits
financiers auxquelles les clients accordent de l’importance.
Positionnement et planification stratégiques. La planification stratégique consiste à
réunir les informations précitées en une approche globale qui détermine les types de
produits à offrir, le site de distribution et la manière dont ils vont se différencier des autres
produits. Le plan stratégique identifie les zones dans lesquelles l’institution détient un
avantage concurrentiel comparatif.
Analyse et différenciation des produits. A ce stade, l’institution doit utiliser les résultats
de l’analyse du comportement du consommateur pour déterminer quels produits et services
peuvent être distribués aux clients de manière efficace et rentable, sans augmenter son
exposition globale au risque. Sur un marché concurrentiel, l’IMF doit définir ses produits
et ses services de façon à les différencier de ceux des concurrents aux yeux du public.
Promotion et portée. La promotion est un outil de marketing que l’IMF peut utiliser de
plusieurs manières :
> pour distinguer ses produits de ceux offerts par les concurrents,
> pour proposer un nouveau produit à ses clients, et
> pour faire davantage connaître l’institution et son offre globale de produits auprès des
clients. Les étapes clefs sont l’identification du message à transmettre, la sélection des
bons outils promotionnels et l’évaluation de leur efficacité.
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Stratégie de marketing. Une stratégie de marketing constitue un guide permettant à
l’IMF de connaître sa position actuelle, d’identifier une nouvelle position à occuper et
comment y parvenir. Pour être efficace, la stratégie de marketing doit comporter des
objectifs clairs concernant la manière dont la fonction marketing va être intégrée dans les
activités de l’institution ; elle doit également déterminer les responsabilités de chacun et
établir un budget marketing clair pour chaque étape.
La manière dont l’IMF intègre ces éléments (échelle et niveau de détail) dépend de
l’environnement dans lequel elle opère, de son stade de développement institutionnel et de ses
objectifs stratégiques. Les institutions qui sont sur le marché depuis un certain temps, mais
dont la croissance du portefeuille est ralentie depuis quelques années en raison de nouveaux
entrants, vont avoir une approche du marketing différente de celle des institutions opérant sur
des marchés non saturés, où le potentiel d’expansion est élevé.
Différents niveaux de marketing
Deux facteurs essentiels déterminent le niveau général de développement du programme de
marketing d’une IMF : la nature du marché et le niveau de sophistication de l’institution.
Marchés. La nature du marché détermine en premier lieu le type de programme marketing
dont l’institution a besoin pour réussir. Le facteur clef est la comparaison entre le niveau de
demande potentielle et la demande effective de services financiers. Les trois principales caté-
gories ou types de marchés sont les suivants :
> Nouveaux marchés : sur ce type de marché, les services financiers disponibles sont peu
nombreux ou limités, et la demande effective de produits financiers est faible. L’institution
est ici centrée sur le développement de produits adaptés et la création d’un marché pour les
produits de microfinance en général.
> Marchés en développement ou en croissance : sur ces marchés, la demande effective de
services financiers est en augmentation, mais les IMF sont incapables de satisfaire cette
demande, et l’accent est mis sur le développement de l’institution et de systèmes pour ré-
pondre à la demande.
> Marchés développés ou matures : ces marchés se caractérisent par des services finan-
ciers facilement accessibles par la population. La concurrence se développe entre les pres-
tataires de services, et les IMF doivent avant tout améliorer leur réactivité aux besoins des
clients et la diversification de leurs produits. Sur les marchés développés, la demande ef-
fective approche le niveau de la demande potentielle.
Nature de l’institution. Les IMF ne forment pas un groupe homogène. Elles sont dotées de
statuts légaux très variés ; elles peuvent poursuivre des objectifs variés, cibler des publics spé-
cifiques, se trouver à différents stades de maturité et de développement, et disposer de niveaux
de ressources financières inégaux.
L’expérience actuelle sur le terrain semble montrer que les programmes de marketing des IMF
peuvent être répartis en trois catégories principales :
> Programme élémentaire. Pour une IMF, les principales questions liées au marketing sont
les suivantes : qui sont ses clients, où sont-ils localisés, comment adapter les produits de
base, et comment communiquer avec les clients. A ce niveau, le programme de marketing
consiste à définir un marché cible, à promouvoir un produit unique et assorti éventuelle-
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ment de légères variations, et à collecter des informations sur les clients de façon infor-
melle.
> Programme intermédiaire. Dans ce cas, les principales préoccupations de l’IMF se rap-
portent à la satisfaction de la clientèle, la rentabilité institutionnelle et la connaissance de
l’environnement global. Ce programme comprend les activités suivantes : étude périodique
du marché, association d’un système d’information de gestion à l’effort de marketing,
formalisation d’un système de communication interne entre les directeurs et les agents de
crédit, extension de la ligne de produit au-delà des produits centraux.
> Programme avancé. A ce stade, il s’agit pour l’IMF de trouver les « bons » clients, de
définir la nature appropriée des produits, et d’identifier sa position stratégique à l’intérieur
du marché à travers la différenciation et la diversification des produits. Les caractéristiques
de ce programme de marketing impliquent le développement d’un service marketing avec
allocation d’un budget spécifique, la segmentation du marché pour situer les nouveaux
produits, et l’offre d’une large gamme de produits et services adaptés aux spécificités du
segment de marché visé.
Organiser l’action de marketing
Les principales questions à soulever pour organiser l’action de marketing au sein d’une IMF
sont les suivantes :
> comment la stratégie marketing est-elle établie (partie intégrante d’un programme stratégi-
que de l’institution, programme marketing plus formel nécessitant un consultant ?...)
> qui sont les membres de l’équipe de marketing (experts du marché et planificateurs straté-
giques d’une part, et agents de terrain et autres personnes en contact avec la clientèle
d’autre part)
> comment circulent les informations à l’intérieur de l’institution (les agents de crédit sou-
mettent leurs observations à la direction, qui les étudie avant de les retransmettre au niveau
des agences, sous forme de décisions liées aux produits ou à la politique de l’IMF)
> quels sont les systèmes utilisés (système d’information de gestion, encadrement des agents
de crédit ; système d’intéressement,...), et
> comment l’IMF définit le budget de marketing
Leçons clés du marketing
Le marketing consiste à connaître le client, la concurrence et l’environnement commercial.
L’IMF doit suivre de près les besoins des clients et les conditions du marché pour s’adapter
aux changements de la demande et pour garder un avantage compétitif sur les concurrents.
Les IMF doivent s’appliquer à collecter et analyser les informations relatives au marché, mais
doivent accorder leurs efforts aux objectifs stratégiques, à la capacité institutionnelle et aux
ressources financières disponibles.
Parce qu’ils sont en contact direct avec la clientèle, les agents de crédit constituent générale-
ment a source principale d’information d’une IMF. L’aptitude des agents à jouer ce rôle
l’information conditionne la performance globale de l’institution.
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Les études de marché sont essentielles dans le cadre de marchés entièrement nouveaux ou
relativement saturés. Sur les marchés en expansion, la demande est suffisamment importante
pour générer des bénéfices qui masquent d’autres problèmes habituellement solutionnés par
les programmes de marketing.
Le marketing doit être une fonction intégrée au sein de l’IMF, dans laquelle chacun, depuis les
directeurs jusqu’aux agents de crédit, joue un rôle important. Cela est particulièrement vrai
pour les institutions dont les ressources sont limitées, qui ne possèdent ni service, ni équipe
spécifique de marketing.
Bibliographie
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Preparation”, Microenterprise Best Practices Project, Technical Note # 1, DAI,
Washington, 1998.
> Brand, Monica, “Product Development Cycle”, Microenterprise Best Practices Project,
Technical Note # 2, DAI, Washington, D.C., 1998.
> Grant, Bill, “Marketing in Microfinance Institutions: The State of the Practice”
Microenterprise Best Practices Project, DAI, Washington D.C., 1999
> Haim, Alexander and Charles D. Schewe, “The Portable MBA in Marketing”, John Wiley
& Sons, New York, 1992.
> Kotler, Philip, “Marketing Management”, 9th Edition, Prentice Hall, New Jersey, 1997.
> MBP “Commercial approaches to New Product Development : Banco Solidario de
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> MBP, «Marketing in Microfinance Institutions», Technical Note 2, 2000 / Institutions de
microfinance et marketing
> MBP, «New Product Development For Microfinance», Technical Note 1, 2000 / Dévelop-
pement de nouveaux produits en microfinance
> MicroSave-Africa, «Market Research for Microfinance », http://www.uncdf.org/sum/msa
> SEEP Network, « Connaître la clientèle des IMF : outils d’analyse pour les praticiens de la
microfinance », AIMS Working Paper, AIMS Project. Management Systems International:
Washington, D.C., 2000.
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