I. Les obstacles à la jurisprudence comme pouvoir législateur
Dans l’optique de préserver la souveraineté du peuple, exprimée par le monopole législatif du
Parlement et du gouvernement, il existe de nombreux freins à l’influence de la jurisprudence sur le
droit : en premier lieu, le principe constitutionnel de séparation des pouvoirs (A) ; ensuite, le manque
de maintien des arrêts et jugement dans la durée (B).
A. La séparation des pouvoirs
Le premier obstacle auquel se heurte le juge qui désire imposer une nouvelle norme
législative est majeur : établi depuis la Révolution de 1789, le principe de séparation des pouvoirs
(exécutif, législatif, judiciaire) est un des fondements de la République. À ce titre, il est inscrit dans la
Constitution de 1958 : seul « le Parlement vote la loi » (article 4), et il n’y a nulle mention d’un
quelconque pouvoir du juge qui n’est en fait qu’une « autorité » (titre VIII). Ce principe est expliqué
par Montesquieu dans De l’esprit des lois : « il n'y a point encore de liberté, si la puissance de juger
n'est pas séparée de la puissance législative », avec pour racines les excès de l’Ancien Régime où les
Parlements n’étaient pas que la « bouche de la loi » mais bien organe créateur aux mains d’une
noblesse plus qu’arbitraire dans ses jugements. Dès lors, il était indispensable d’immuniser la
puissance judiciaire des ingérences particulières : « Il est défendu aux juges de prononcer par voie de
disposition générale et réglementaire sur les causes qui leur sont soumises » (article 5 du Code civil).
En effet, puisque le juge ne dispose pas de la légitimité élective obligatoire au pouvoir législatif, il ne
doit pas imposer aux justiciables ses idées concernant les vides législatifs, or « les matières autres
que celles qui sont du domaine de la loi ont un caractère réglementaire » (article 37 de la
Constitution).
La Constitution est donc le premier facteur de limitation au pouvoir normatif du juge, pour
autant il est parfois moins considéré que l’inconstance supposé de la jurisprudence.
B. La relative continuité des décisions de justice
De fait, la jurisprudence est la nécessaire mais ambivalente connexion entre, d’une part la loi
générale et impersonnelle, et d’autre part le cas particulier auquel est confronté le juge. À ce titre, il
paraît éclairant de constater le véritable tollé suscité par l’introduction de « peines planchers » par la
loi du 10/08/2007 relative à la lutte contre la récidive: il s’agit d’une règle empêchant le juge de
prononcer une peine dont le quantum serait inférieur à un seuil minimal, les juges étant accusés de
laxisme par une partie de l’opinion publique. Cependant, ce sont les conditions qu’il faut plus
particulièrement souligner : le quantum peut toujours être motivé par le juge en cas de demande, il
n’y a donc pas d’automatisation des peines. Et c’est précisément cette possibilité pour le juge de ne
tenir compte que de sa propre interprétation de la loi qui restreint le pouvoir normatif du juge : deux
juridictions équivalentes peuvent formuler deux interprétations différentes, voire opposées ; en
l’absence d’un recours aux plus hautes autorités, la confusion ne peut donc que régner. Il est vrai que
le juge dispose seulement de l’autorité de la chose jugée, strictement encadrée par le Code civil : elle
« n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même
; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et
formée par elles et contre elles en la même qualité » (article 1351). En conséquence, le justiciable
peut requérir un pourvoi devant une juridiction supérieure « lorsque la demande est fondée sur une