THYROIDE

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THYROIDE
Revue Marocaine du Cancer 2012, vol. 4, n°2 : 33-41
Mise au Point
L’IODE 131 DANS LE TRAITEMENT DES CANCERS DIFFERENCIES DE LA THYROIDE
A. MATRANE1, H. JOUHADI2
1. Service de Médecine Nucléaire, CHU Mohammed VI, Marrakech ; 2. Service d’Oncologie, CHU Ibn Rochd, Casablanca, Maroc
RESUME
ABSTRACT
Les cancers thyroïdiens sont rares et représentent 1% des tumeurs
malignes. Ils sont plus fréquents chez les patients ayant eu un
antécédent d’irradiation thyroïdienne pendant l’enfance. Le diagnostic
est le plus souvent évoqué devant un nodule thyroïdien, seuls 5%
d’entre eux sont des cancers.
Les cancers bien différenciés (papillaire et folliculaire) ont un
excellent pronostic de survie. Les facteurs qui l’influencent sont :
l’âge, la taille de la tumeur, la présence ou non de métastases à
distance et l’envahissement ganglionnaire.
Le traitement initial consiste en une thyroïdectomie totale. Le
traitement par l’iode 131 radioactif est conseillé chez les patients
à haut risque, il doit être administré selon certaines conditions afin
de favoriser la captation par le tissu thyroïdien et moyennant des
mesures spécifiques de radioprotection. Ce traitement a peu d’effets
secondaires et permet d’optimiser la prise en charge des cancers
thyroïdiens différenciés.
Les métastases à distance sont observées dans 10 à 15% des cas,
les poumons et les os sont les localisations les plus fréquentes. Les
récidives locorégionales surviennent dans environ 5 à 25% des cas.
Une surveillance prolongée est conseillée. Elle est fondée sur
l’examen clinique, le dosage de thyroglobuline plasmatique sous
stimulation par la TSH (arrêt de la L-thyroxine ou utilisation de la
TSH recombinante humaine), l’échographie cervicale et la
scintigraphie du corps entier.
IODINE 131 IN THE TREATMENT OF DIFFERENTIATED
THYROID CANCERS
Thyroid carcinomas are rare and represent 1% of malignant tumors.
They are more common in patients with a history of thyroid irradiation
during childhood. The diagnosis is usually suspected in a thyroid
nodule, only 5% of them are cancer.
Well differentiated cancers (papillary and follicular) have an excellent
survival prognosis. Factors of prognosis are : age, size of the initial
tumor, presence (or not) of distant metastases and lymph node
involvement.
The primary therapy for thyroid cancer is total thyroidectomy.
Radioiodine treatment is advised for high risk patients. It must be
administered with some conditions to encourage uptake by the thyroid
tissue and with specific measures of radiation protection. This
treatment has few side effects and helps optimize the management
of differentiated thyroid cancers.
Distant metastases are observed in 10-15% of the patients, lung and
bones are the most common sites. Locoregional recurrences are
observed in about 5-25% of the cases. Prolonged follow-up is
recommended, based on physical examination, serum thyroglobulin
assessment with TSH stimulation (L-thyroxin off or use of human
recombinant TSH), ultrasonography and whole body scan.
Key words : thyroid, differentiated carcinoma, iodine 131, radiation
protection
Mots clés : thyroïde, carcinome différencié, iode 131, radioprotection
Correspondance : Dr. A. MATRANE. Service de Médecine Nucléaire,
C H U M o h a m m e d V I , M a r r a k e c h , M a ro c . E - m a i l :
[email protected]
INTRODUCTION
Le diagnostic est le plus souvent évoqué devant un nodule
thyroïdien mis en évidence par l’examen clinique ou, plus
fréquemment, de découverte fortuite lors d’examens d’imagerie
morphologique (échographie cervicale, scanner thoracique).
Ce nodule est généralement indolore et de consistance ferme,
il peut être isolé ou siéger au sein d’un goitre multinodulaire.
Plus rarement, le cancer thyroïdien est révélé par une
adénopathie cervicale, des signes de compression
(œsophagienne, trachéale, récurrentielle ou veineuse), ou des
symptômes en rapport avec une localisation métastatique
pulmonaire ou osseuse (fracture pathologique) [2].
Le cancer de la thyroïde est rare parmi les tumeurs malignes
humaines (< 1%) mais c’est le cancer endocrinien le plus
fréquent, représentant environ 5% des nodules thyroïdiens.
Les femmes sont plus fréquemment atteintes que les hommes
(sex-ratio 1/3). Il est exceptionnel chez l’enfant, fréquent chez
l’adulte jeune après 30 ans et significativement plus agressif
chez les sujets âgés.
Les principaux facteurs de risque sont l’irradiation cervicale
durant l’enfance, les antécédents familiaux de cancer de la
thyroïde, les antécédents personnels de pathologie thyroïdienne
bénigne (goitre ou nodules thyroïdiens) et la carence en iode
[1].
Pratiquement, tous les patients atteints de cancer de la thyroïde
sont euthyroïdiens et leur taux de TSH est normal [1]. Le
bilan diagnostique repose sur l’échographie cervicale et sur
33
L’iode 131 dans le traitement des cancers différenciés de la thyroïde
A. MATRANE et coll.
IODE 131 RADIOACTIF : PRINCIPE, BASES
PHYSIQUES ET RADIOBIOLOGIQUES
la cytoponction à l’aiguille fine. Le diagnostic de certitude
est anatomopathologique.
Il existe quatre types assez courants d’adénocarcinomes
thyroïdiens : papillaire, folliculaire, médullaire et anaplasique
(tableau I) [2].
L’iode 131 est un radionucléide artificiel obtenu par fission
d’uranium 235 ou par bombardement neutronique de tellure
stable. La période physique de l’iode 131 est de 8,04 jours,
la période effective est de 7 jours (le temps au bout duquel la
radioactivité présente dans le foyer de fixation a diminué d’un
facteur 2). Il décroît en xénon 131 stable avec émission de
rayonnement gamma de 364 keV (81%), 637 keV (7,3%) et
284 keV (6,0 %) et de rayonnement bêta-moins d’énergie
maximale 606 keV (fig. 1). Le rayonnement ß- est actif dans
un rayon de 0,8 mm, ceci explique pourquoi les lésions de
petite taille captant intensément l’iode seront plus facilement
détruites que les lésions de grande taille [4, 6, 7].
Tableau I. Classification générale des tumeurs malignes de la thyroïde
Tumeurs malignes primitives épithéliales
Carcinome papillaire
- Variantes : vésiculaire, macrovésiculaire, cellules hautes, oncocytique, à cellules
claires, pseudowarthin, sclérosant diffus, à cellules cylindriques, forme solide,
forme cribriforme.
- Autres variantes : à contingent insulaire, à composante épidermoïde et
mucoépidermoïde, à cellules géantes et fusiformes, associé à un carcinome
médullaire.
Carcinome vésiculaire
- A invasion minime, invasif, à cellules oxyphiles, à cellules claires
Carcinome peu différencié
- Variantes : de novo, avec carcinome papillaire, avec carcinome vésiculaire
Carcinome indifférencié ou anaplasique
Carcinome médullaire (à cellules C)
Tumeurs malignes primitives non épithéliales
Lymphomes malins
Tumeurs diverses
Carcinome mucoépidermoïde, mucineux, mucoépidermoïde sclérosant, avec
éosinophilie, tumeurs thymiques ou des dérivés des poches branchiales, tumeur
de Settle, Castle, tératomes primitifs thyroïdiens, angiosarcome, tumeurs des nerfs
périphériques, histiocytose X, maladie de Dorfman-Rosaï, tumeurs fibreuses
solitaires
Métastases
Les cancers thyroïdiens différenciés (CTD) se développent à
partir des cellules thyroïdiennes vésiculaires et se caractérisent
par une sensibilité à la TSH, une captation de l’iode et une
sécrétion de la thyroglobuline. Ils se répartissent en deux
entités anatomopathologiques différentes [1, 3, 4, 5] :
Fig. 1. Désintégration de l’iode 131
- Le cancer papillaire représente 80 à 85% des cancers
thyroïdiens différenciés. Il s’agit d’une tumeur non
encapsulée, souvent multifocale, bilatérale dans 20 à 80%
des cas. Il est lymphophile (25 à 30%) et d’évolution
généralement favorable.
La dose délivrée par l’iode 131 aux reliquats thyroïdiens est
due essentiellement à l’émission bêta-moins. Elle dépend de
l’activité administrée, de la masse de tissu à irradier, et de la
période effective dans le tissu thyroïdien. Le rayonnement
gamma peut être détecté par une gamma caméra, mais il
contribue à l’irradiation de l’organisme et celle du personnel.
- Le cancer vésiculaire ou folliculaire représente 8 à 10% des
cancers thyroïdiens différenciés. Il est hématophile et de
pronostic généralement défavorable. Le cancer folliculaire
est souvent unifocal, les métastases ganglionnaires sont peu
fréquentes et les métastases à distance siègent souvent au
niveau des poumons et des os.
Les formes galéniques de l’iode 131 (iodure de sodium) sont
la solution buvable, la solution injectable stérile et apyrogène
et la capsule. Après administration par voie orale, le
radionucléide est absorbé rapidement au niveau de l’estomac
et de l’intestin (75% de la dose en 30 min chez le sujet à jeun).
Il est capté principalement par la glande thyroïde, mais de
faibles pourcentages de la dose administrée sont retrouvés au
niveau des glandes salivaires, de la muqueuse gastrique, du
plexus choroïde, du lait et du placenta. L’élimination de l’iode
s’effectue selon deux modes [8, 9, 10] :
Les facteurs de risque d’évolution péjorative sont
principalement l’âge (< 16 ans ou > 50 ans), le sexe masculin,
la taille de la tumeur (> 3-4 cm), le stade du cancer au diagnostic
et le type histologique [1, 3]. L’évolution du cancer différencié
de la glande thyroïde est lente, et son pronostic est généralement
favorable.
La totalisation isotopique correspond à la destruction des
reliquats thyroïdiens restant après une thyroïdectomie totale.
Elle est réalisée grâce à une dose d’iode 131, dite dose ablative,
administrée selon certaines conditions afin de favoriser la
captation par le tissu thyroïdien et moyennant des mesures
spécifiques de radioprotection. Ce traitement a peu d’effets
secondaires et permet d’optimiser la prise en charge des
cancers thyroïdiens différenciés.
- La fraction fixée dans la thyroïde est éliminée avec une
période effective d’environ 7 jours.
- La fraction répartie dans l’organisme en dehors de la thyroïde
est éliminée majoritairement par voie rénale. Une faible
proportion est éliminée dans les selles, par la salive, la sueur
et l’air exhalé.
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Revue Marocaine du Cancer 2012, vol. 4, n°2 : 33-41
INDICATIONS DE L’ADMINISTRATION POSTCHIRURGICALE DE L’IODE 131 RADIOACTIF
Tableau III. Indications de la totalisation isotopique à l’iode 131
Les indications de l’irathérapie à l’iode 131 ne sont pas
systématiques mais posées en fonction du rapport bénéficerisque. La totalisation isotopique est indiquée après
thyroïdectomie totale ou quasi-totale, chaque fois que l’âge
du patient, l’extension de la tumeur appréciée par la
classification TNM (tableau II) [3], le taux de la thyroglobuline,
le type histologique et/ou la multifocalité font craindre une
maladie résiduelle post opératoire, une extension à distance
ou un risque d’évolution ultérieure.
Patients à très faible
risque évolutif
T1 unifocale (≤ 1 cm) N0
M0
Consensus :
pas de totalisation
isotopique car pas de
bénéfice démontré
Patients à faible
risque ou à “risque
intermédiaire”
T1 (> 1 cm) N0 M0 ou
T1m N0 M0 ou T2 N0 M0
Consensus :
la totalisation isotopique
est discutée au cas par cas,
en fonction du contexte,
des données histologiques
et de l’âge du sujet
Patients à haut risque
évolutif
Tout T3 et T4 ou tout T N1
ou tout M1
Consensus :
totalisation isotopique par
au moins 3700 MBq (100
mCi) d’iode 131 après
sevrage en hormones
thyroïdiennes
Tableau II. Classification pTNM 2010
Tumeur primitive “T”
TX
T1
T1a
T1b
T1m
T2
T3
T4
T4a
T4b
INFORMATION ET PREPARATION DU PATIENT
Non évaluée
Tumeur de diamètre ≤ 2 cm ne dépassant pas la
capsule thyroïdienne
Tumeur < 1 cm
Tumeur > 1 cm ≤ 2 cm
Tumeur multifocale
Tumeur de diamètre de 2 à 4 cm ne dépassant pas
la capsule thyroïdienne
Tumeur de diamètre > 4 cm ou avec extension
extra-thyroïdienne minime
(muscle sterno-cleido-mastoïdien, tissus périthyroïdiens)
Tumeur dépassant largement la capsule
thyroïdienne
Tumeur vers tissu sous-cutané, larynx, trachée,
oesophage, récurrent
Tumeur vers aponévrose pré-vertébrale ou des
vaisseaux médiastinaux ou englobant l’artère
carotide
• Information du patient
Les patients devant bénéficier d’un traitement par l’iode
radioactif, reçoivent sous forme écrite et orale, par le médecin
nucléaire responsable du traitement, des informations relatives
aux consignes et précautions générales de l’irathérapie. Ces
informations comprennent les buts, les modalités du traitement,
les bénéfices attendus, les effets secondaires possibles ainsi
que les moyens de radioprotection [6, 12, 15].
• Préparation au traitement
La fixation de l’iode 131 dépend de la saturation de la thyroïde
en iode stable qui elle-même dépend des habitudes alimentaires
et/ou médicamenteuses riches en iode.
Adénopathies régionales “N”
NX
Non évaluée
N0
Absence de métastase ganglionnaire
N1a
Adénopathies métastatiques régionales dans le
compartiment central du cou
N1b
Adénopathies métastatiques régionales, cervicales
uni, bi ou controlatérales ou médiastinales
supérieures
Métastases “M”
M0
M1
Absence de métastase
Présence de métastase (s)
Résidu tumoral “R”
RX
R0
R1
R2
Résidu tumoral inconnu
Pas de résidu tumoral
Résidu tumoral microscopique
Résidu tumoral macroscopique
Avant l’irathérapie, le patient doit éviter tout apport iodé car
l’absorption d’iode stable risque d’entrer en compétition avec
celle du traitement administré. Un régime pauvre en iode est
alors conseillé aux patients, afin d’accroître l’avidité des tissus
à cet isotope. Le tableau IV présente les principales sources
d’iode et la durée d’interruption recommandée. Si une surcharge
iodée est suspectée, une mesure de l’iodurie des 24 heures est
mesurée, un résultat anormal fera reporter l’irathérapie à l’iode
131 jusqu’à élimination de l'anomalie [13, 15, 16, 17].
Tableau IV. Principales sources d’iode
et durée d’interruption recommandée
Médicaments
Délai de sevrage recommandé
Hormones thyroïdiennes
2 semaines pour l-t3 (tri-iodothyronine)
3 à 6 semaines pour l-t4 (tétra-iodo-thyronine)
1 à 2 semaines selon l’abondance en iode
Sirop, vitamines, préparations
nutritives contenant de l’iodure
de sodium, fruits de mer
Médicaments contenant de
l’iode (amiodarone)
Topiques iodés (bétadine,
collyres…)
Le traitement postopératoire par l’iode 31 doit être effectué
de manière sélective, en fonction du niveau de risque du
patient. Ainsi, trois groupes pronostiques sont définis (tableau
III) [1, 3, 11, 12, 13, 14] : chez les patients à très faible risque
évolutif, l’irathérapie n’a pas de bénéfice démontré, et n’est
donc pas indiquée. Chez les patients à haut risque évolutif, le
traitement par l’iode 131 diminue le taux de rechute et facilite
la détection précoce des foyers tumoraux résiduels. Dans les
autres cas, les bénéfices de l’iode radioactif ne sont pas
démontrés et l’indication de la totalisation isotopique n’est
pas consensuelle.
Plusieurs mois voire quelques années
1 à 2 semaines
Produits de contraste
radiologiques
Hydrosolubles
Liposolubles per os
(cholécystographie)
Produits huileux
(ex. Bronchographie)
Myélographie
35
3-4 semaines
3 mois
6-12 mois
2-10 ans
L’iode 131 dans le traitement des cancers différenciés de la thyroïde
A. MATRANE et coll.
- Détruire le tissu thyroïdien normal restant (ou reliquats
thyroïdiens).
Pour les femmes en âge de procréer, le médecin doit vérifier
l’absence d’une grossesse et d’allaitement et conseiller une
contraception efficace pendant les 6 mois qui suivent
l’irathérapie. En cas de doute, un test de grossesse (dosage
des ß-HCG) est effectué avant le traitement [18].
- Traiter d’éventuels foyers tumoraux postopératoires macro
ou microscopiques.
- Faciliter la surveillance par le dosage de la thyroglobuline
sérique.
La captation de l’iode par les cellules tumorales est stimulée
par la TSH. L’utilisation thérapeutique de l’iode 131 implique
un taux de TSH supérieur à 30 µUI/ml. Il est obtenu après un
sevrage en hormones thyroïdiennes (LT4) pendant au moins
4 semaines avec possibilité de relais par la LT3 pendant les
2 premières semaines et avec arrêt total de toute
hormonothérapie thyroïdienne 2 semaines avant l’irathérapie
à l’iode 131 [17].
- Compléter le bilan d’extension par une scintigraphie postthérapeutique, très sensible pour la détection de foyers
résiduels et d’éventuelles métastases à distance.
La dose ablative d’iode 131 préconisée est fonction de l’âge,
du poids et de l’extension de la maladie. L’activité administrée
est comprise entre 1,1 GBq (30 mCi) (activité faible) et 3,7
GBq (100 mCi) voire plus (5,5 GBq ou 150 mCi), notamment
en cas de localisations secondaires associées. Ce traitement
ne doit être administré que dans les centres convenablement
équipés pour cela, disposant de chambres radio-protégées et
de matériel de détection et de radioprotection appropriés.
L’iode 131 radioactif est administré per os sous forme liquide
ou sous forme de gélule (fig. 2) chez un patient à jeun depuis
3 à 4 heures pour permettre une absorption optimale du
radioiode, mais obligatoirement associé à l’ingestion d’une
quantité importante d’eau dans l’heure qui suit le traitement
pour assurer une dissolution et une dilution rapide dans
l’estomac. La forme injectable est administrée
exceptionnellement en cas de troubles sévères de la déglutition
[9, 17].
Chez les patients incapables d’augmenter la TSH endogène
ou chez qui le sevrage prolongé est contre-indiqué ou mal
toléré, la préparation peut être effectuée par la TSH
recombinante humaine ou rh TSH (injection IM de 0,9 mg
de Thyrogen© 48 et 24 h avant l’administration d’iode 131).
Cette méthode permet d’améliorer la qualité de vie des patients
et de limiter la durée d’hospitalisation car elle évite le sevrage
en hormones thyroïdiennes et les conséquences pour le patient
d’une hypothyroïdie profonde. L’iode 131 étant administré le
lendemain de la deuxième injection [1, 3, 19, 20].
La thyroglobuline doit être mesurée avant l’administration de
l’iode 131 en cas de sevrage, ou trois jours après la deuxième
injection en cas de préparation par la rh TSH. Un taux
indétectable a une excellente valeur prédictive sur l’absence
de maladie résiduelle [21].
Les reliquats thyroïdiens volumineux et certaines localisations
tumorales (cérébrales, spinales, para-trachéales) peuvent
entraîner des signes de compression aggravés par
l’inflammation post-radique. Un traitement anti-inflammatoire
préventif (corticoïdes) sera prescrit 2 à 3 jours avant le
traitement et poursuivi pour quelques jours, tandis qu’une
surveillance médicale adaptée sera organisée [22].
PROCEDURE D’ADMINISTRATION DE L’IODE
131 RADIOACTIF
La chirurgie est le principal traitement du cancer différencié
de la thyroïde. Ce geste diminue le risque de rechute locale
et facilite l’ablation postopératoire par l’iode 131 et un suivi
approprié. La radiothérapie métabolique à l’iode 131 est
utilisée comme traitement complémentaire au geste chirurgical
(thyroïdectomie totale), en cas d’exérèse incomplète, de
métastases à distance ou de facteurs de mauvais pronostic.
Elle ne doit pas être proposée en alternative à la chirurgie
pour totaliser une thyroïdectomie partielle [1, 23].
Fig. 2. Gélule d’iode 131 dans son pot de plomb
Après prise du traitement, le patient constitue une source
importante de radiations pour les autres personnes. Un séjour
de 3 à 5 jours dans une chambre isolée et répondant aux
exigences de radioprotection, est nécessaire, avec recueil des
effluents urinaires dans des cuves de décontamination.
L’hospitalisation permet également une meilleure surveillance
clinique, car quelques rares complications peuvent survenir
durant les premiers jours qui suivent l’administration de l’iode
131 (douleurs et gonflement de la région cervicale, nausées,
vomissements ...).
L’irathérapie à l’iode 131 se fait généralement un mois après
la chirurgie, en situation de sevrage car la stimulation par la
TSH augmente la captation de l’iode par les cellules
thyroïdiennes. Cette condition oblige à l’arrêt de la L-thyroxine
pendant 4 semaines avec éviction de toute surcharge iodée.
Une scintigraphie corporelle totale post-thérapeutique est
systématiquement réalisée 3 à 7 jours après traitement. Cet
examen est beaucoup plus sensible que la scintigraphie du
corps entier, il renseigne sur les reliquats thyroïdiens laissés
L’irathérapie ou la radiothérapie métabolique à l’iode 131,
permet de [4, 6, 12, 16, 22] :
36
Revue Marocaine du Cancer 2012, vol. 4, n°2 : 33-41
en place lors de la thyroïdectomie chirurgicale et surtout sur
la présence éventuelle de métastases fixant l’iode au niveau
des ganglions régionaux ou de sites extra-cervicaux [15, 16].
L’utilisation d’une Gamma Caméra hybride TEMP-TDM ou
SPECT-CT (fig. 3) facilite la localisation des foyers fixants
en cas de localisation extra-thyroïdienne [24].
EFFETS SECONDAIRES
Le traitement par l’iode 131 peut être répété si nécessaire à
des intervalles de 6 mois à 1 an jusqu’à disparition complète
du tissu thyroïdien [17].
Les douleurs avec gonflement de la région cervicale sont liées
à un phénomène inflammatoire local. Elles sont plus fréquentes
chez les patients avec des reliquats thyroïdiens volumineux
(thyroïdite d’irradiation) et peuvent être calmées par un
traitement anti-inflammatoire ou des corticoïdes [17].
Les troubles digestifs à type de nausées et de vomissements
sont liés à l’irradiation gastrique. Ils sont inconstants et
transitoires, et peuvent être minimisés par des médicaments
anti-émétiques [6].
L’irradiation des glandes salivaires peut être responsable d’une
xérostomie ou sécheresse buccale et une perte de goût
transitoires, d’où l’intérêt d’activer un flux salivaire abondant
par des boissons citronnées ou des bombons acidulés pendant
l’hospitalisation, afin de favoriser l’élimination du radioiode
qui peut rester capté au niveau des glandes salivaires [6, 25].
Les autres effets secondaires immédiats possibles sont
l’aggravation d’une maladie ulcéreuse ou d’une gastrite, qui
constituent une contre-indication relative à l’irathérapie à
l’iode 131.
Les effets secondaires tardifs sont observés après de multiples
doses itératives d’iode 131.
Une diminution de la sécrétion des larmes, par obstruction
du système de drainage naso-lacrymal, est secondaire à
l’irradiation des glandes lacrymales. En cas de très fortes
activités d’iode 131, il y a le risque de larmoiement persistant
par sténose radio-induite du canal lacrymal [5, 6].
Fig. 3. Une Gamma Caméra hybride TEMP-TDM ou SPECT-CT
CONTRE-INDICATIONS
Une baisse de la fertilité ou une infertilité a été décrite chez
les hommes qui ont reçu des traitements à haute dose cumulée
d’iode 131 [26]. L’irradiation des gonades peut être réduite
par des mesures préventives (hydratation abondante, mictions
fréquentes), ce qui diminue le temps de rétention de l’iode
131 dans l’organisme, et réduit l’irradiation gonadique à partir
de la vessie. La prise de laxatifs permet de réduire l’exposition
du patient au rayonnement résultant de fixations digestives,
non spécifiques [6, 17].
Les contre-indications absolues de la radiothérapie métabolique
à l’iode 131 sont la grossesse et l’allaitement. Si le carcinome
thyroïdien est diagnostiqué au cours de la grossesse, le
traitement par l’iode radioactif 131 se fait après l’accouchement
et la période d’allaitement. Si la décision du traitement par
l’iode 131 est prise en cours d’allaitement, celui-ci sera stoppé
avant l’administration de l’iode 131 et ne sera repris qu’après
l’irathérapie [15, 17]. L’iodure traversant le placenta et passant
dans le lait maternel, sera concentré par la thyroïde fœtale,
particulièrement sensible à l’action des radiations ionisantes
avec le risque d’hypothyroïdie et de cancer radio-induit. Pour
les femmes en âge de procréer, il est recommandé d’attendre
1 an après un traitement par l’iode 131 avant d’envisager une
grossesse. Dans ces conditions, il ne semble pas exister de
risque, notamment génétique, pour le fœtus [18].
Chez la femme, le risque de fausse couche est accru pour les
grossesses survenant dans les six mois qui suivent
l’administration thérapeutique de l’iode 131. Ce risque étant
prévenu en demandant aux femmes en âge de procréer d’éviter
toute grossesse la première année suivant la dernière prise
d'irathérapie [1, 15].
Chez les patients présentant des métastases pulmonaires
diffuses, un risque de fibrose postradique est observé chez les
patients ayant reçu des doses importantes d’iode 131
(> 15 GBq) à brefs intervalles de temps [1, 6, 26].
Les complications à long terme telles que l’apparition de
leucémies, d’insuffisance médullaire ou de tumeurs malignes
secondaires, n’ont été décrites que chez des patients ayant
reçu des doses cumulées et élevées de 600 mCi à 1 Ci [1, 6,
12, 26]. Pour cette raison, l’iode 131 ne doit être administré
que quand des bénéfices sont attendus et chez ces patients
l’activité minimale doit être administrée.
Les contre-indications relatives relèvent de conditions
pathologiques rendant l’efficacité du traitement aléatoire
(dysphagie, gastrite, ulcère gastroduodénal, sténose
œsophagienne) ou présentant une dangérosité et nécessitant
des précautions particulières (insuffisance rénale, incontinence
urinaire, métastase cérébrale et compression médullaire non
traitée et symptomatique). Le traitement est également contreindiqué en cas d’espérance de vie de moins de 6 mois et en
cas de perte d’autonomie [15, 22].
37
L’iode 131 dans le traitement des cancers différenciés de la thyroïde
A. MATRANE et coll.
MESURES DE RADIOPROTECTION
La radioprotection désigne l’ensemble des mesures prises
pour assurer la protection du patient et de son environnement
contre les effets néfastes des rayonnements ionisants. Ainsi,
le traitement par l’iode 131 ne doit se faire que dans un service
habilité par un personnel soignant formé en matière de
radioprotection et disposant de chambres radio-protégées
équipées pour le recueil des effluents, et dont l’air est
constamment renouvelé et filtré.
Après administration du radioiode, le patient devient une
source potentielle d’exposition aux radiations ionisantes pour
les autres personnes, liée, d’une part, aux radiations émises
par l’organisme et, d’autre part, au radioiode éliminé dans les
urines, la salive et la transpiration.
Fig. 4. Toilettes à double compartiment
d’une chambre de radiothérapie métabolique,
reliées aux cuves de décroissance
La radioprotection du patient est assurée par une hydratation
suffisante encadrant la prise de l’iode pour assurer une
dissolution et une dilution rapide, afin de limiter l’exposition
gastrique. Elle doit être poursuivie à raison de 1,5 à 2 litres
d’eau par jour pour favoriser l’élimination urinaire du radioiode
non capté par le tissu thyroïdien résiduel, et diminuer
l’irradiation externe émise [15]. Une vidange vésicale fréquente
est recommandée au patient (y compris la nuit) afin de limiter
l’irradiation vésicale et des organes génitaux.
Les effluents liquides (urines) dans lesquels s’élimine la plus
grande partie de la radioactivité administrée sont recueillis
pendant l’hospitalisation dans des cuves de décroissance
(fig. 5) et stockées jusqu’à ce que leur activité soit négligeable,
avant leur élimination définitive [15]. Ces cuves sont
indispensables à la protection de l’environnement, en particulier
de l’eau. La filtration de l’air ventilé prévient la contamination
de l’atmosphère.
La prise de laxatifs permet de limiter l’irradiation intestinale
et les artéfacts au niveau de l’abdomen et du bassin lors de
la scintigraphie du corps entier réalisée le 4ème jour.
Au cours de l’hospitalisation, des douches quotidiennes avec
lavage minutieux des cheveux permettent de diminuer les
risques de souillure et d’exposition cutanée [20].
Pour s’assurer que les critères réglementaires de radioprotection
soient respectés, la sortie du patient n’est autorisée que si le
débit de dose à un mètre ne dépasse pas 20 µSv/h [9].
A la sortie de l’hôpital, des instructions d’arrêt de travail et/ou
de limitations de contacts seront remises au patient expliquant
les mesures à prendre pour minimiser l’exposition des
personnes de son entourage (le conjoint, les jeunes enfants,
les femmes enceintes, les transports en commun). Leur durée
d’application dépend de l’activité résiduelle d’iode 131 ou de
la valeur du débit de dose à 1 m [8, 15, 27].
Fig. 5. Cuves de stockage et de décroissance
des effluents liquides radioactifs
La radioprotection de la famille et de l’environnement est
assurée par l’isolement du patient en chambre radioprotégée
contre les rayonnements ionisants, équipée d’installations
sanitaires particulières pour recueillir les urines radioactives
(fig. 4). Cet isolement est obligatoire au delà de 740 MBq (20
mCi). La durée de l’isolement est souvent fixe (3 à 5 jours),
mais peut être modulée selon le débit de dose [15, 17].
Les déchets solides (sondes urinaires, mouchoirs à jeter,
couches, pansements, linge souillé par les urines,…) sont
collectés et conservés dans un local de stockage adapté pour
la décroissance radioactive et remis dans le circuit après un
délai d'attente.
LE SUIVI APRES TOTALISATION ISOTOPIQUE
A L’IODE 131
• Traitement suppressif de la thyréostimuline
Lorsque la dose ablative d’iode 131 a été administrée et après
sevrage, le traitement hormonal peut être repris à partir du
38
Revue Marocaine du Cancer 2012, vol. 4, n°2 : 33-41
d’une adénopathie sont bien définis [2, 3] : le caractère
hypoéchogène globuleux (rapport axe court sur axe long
≥ 0,5), la perte du hile, la présence de microcalcifications, le
caractère kystisé de l’adénopathie et une vascularisation
périphérique et/ou mixte anarchique. En cas de doute sur la
nature d’une adénopathie, la cytoponction éventuellement
échoguidée avec dosage de la thyroglobuline dans le produit
de ponction est la méthode diagnostique la plus performante
[11].
4ème jour suivant la prise du radioiode. Le rôle du traitement
suppressif de la TSH est double : il permet de corriger
l’hypothyroïdie en assurant la substitution hormonale après
thyroïdectomie, mais aussi de supprimer toute stimulation
éventuelle de cellules tumorales résiduelles en abaissant le
taux de TSH sérique (≤ 0,1 mU/l) [1].
La L-thyroxine (LT4) ou lévothyroxine constitue le traitement
de choix compte tenu de sa longue demi-vie (6 à 8 jours) qui
assure une grande stabilité des concentrations de T4 et de
TSH, autorisant la prise unique quotidienne. Les doses utilisées
sont de 2 à 2,5 µg/kg/j en traitement frénateur et de 1,6 à
2 µg/kg/j en traitement substitutif. La mesure de T4 n’a
d’intérêt qu’en cas de doute sur l’observance thérapeutique.
L’utilité de la T3 est limitée à la correction à court terme de
l’hypothyroïdie et à la préparation à la scintigraphie du corps
entier [14].
Le dosage de thyroglobuline (Tg) est un paramètre essentiel
dans le suivi des patients présentant un cancer différencié de
la thyroïde papillaire et/ou vésiculaire. Il s’agit d’un marqueur
sensible et spécifique dont le taux mesuré reflète principalement
la différenciation du tissu tumoral, la masse de tissu thyroïdien
et le degré de stimulation des récepteurs de la TSH. La mesure
sérique de la Tg est sensibilisée classiquement lorsque la
TSHus est supérieure à 30 UI/ml [9]. Pour que le dosage de
Tg soit interprétable, il faut s’assurer de l’absence d’anticorps
anti-Tg, qui peuvent interférer avec le dosage et être à l’origine
de faux négatifs. Les anticorps anti-Tg vont diminuer au bout
de 2 à 3 ans et disparaître chez les patients en rémission
complète. Ainsi, la persistance ou la réapparition des anticorps
anti-Tg circulants en regard d’une Tg indétectable peut être
considérée comme un “indicateur” de persistance de la maladie
[1, 3, 11]. Après traitement initial, la Tg et la recherche
d’anticorps anti-Tg qui lui est associée doivent être dosées
tous les 6-12 mois. Le taux de la Tg doit être indétectable
après l’ablation totale de la thyroïde. Chez ces patients, un
taux de Tg détectable signale l’existence de foyers tumoraux,
et l’identification du site de production de la Tg peut indiquer
des mesures thérapeutiques appropriées.
La concentration de TSH est mesurée six semaines à deux
mois pour l’adaptation de la posologie qui s’effectue par
paliers [3, 5, 11, 28] :
- Chez les patients en rémission et à faible risque de récidive,
la TSH peut être maintenue dans les normes : TSH = 0,3 à
2 mU/l.
- Chez les patients en rémission mais ayant un cancer de
moins bon pronostic, la TSH est à maintenir à une valeur
proche de la limite inférieure des normes (0,1 à 0,5 mU/l)
durant 5 à 10 ans.
- Chez les patients non guéris, la TSH est à maintenir en
permanence à une valeur < 0,1 mU/l.
• Moyens de surveillance
La scintigraphie sur dose traceuse d’iode 131 (75-185 MBq
ou 2-5 mCi) est peu sensible et susceptible de diminuer
l’efficacité de l’irathérapie par effet de sidération des cellules
thyroïdiennes (“stunning”). Sa sensibilité est de l’ordre de
20-25% pour le diagnostic des récidives, très inférieure à
celles de la Tg sous stimulation et de l’échographie cervicale.
Ses indications actuelles sont limitées aux patients à haut
risque : en cas d’élévation de la Tg à des dosages successifs,
ou présentant des anticorps anti-Tg [3, 11].
La prise en charge thérapeutique des cancers de la thyroïde
conduit à une rémission complète dans la très grande majorité
des cas. Cependant, une surveillance reste nécessaire au regard
du risque de récidive dont la survenue peut-être tardive. Le
suivi doit être maintenu à vie avec un double objectif : le
dépistage des récidives et la tolérance du traitement (hormonal
et irathérapie).
La surveillance repose sur un bilan clinique, biologique,
échographique et éventuellement scintigraphique. La fréquence
de ce bilan dépend de l’agressivité du cancer.
La tomographie par émissions de positons (TEP au 18F-FDG)
est un examen prometteur dans le suivi des cancers thyroïdiens
pas ou peu différenciés ne fixant pas ou peu le radioiode. Elle
présente un intérêt diagnostique et pronostique, une fixation
élevée du FDG (le fluoro-déoxy-D-glucose) est observée au
niveau de lésions rapidement progressives. La TEP au 18FFDG est recommandée dans la surveillance des cancers
thyroïdiens en cas d’élévation du taux de la Tg associée à une
scintigraphie négative [3, 11, 31]. Elle peut mettre en évidence
des lésions cervicales ou extra-cervicales, parfois opérables.
L’examen clinique cervical est une étape essentielle de la
surveillance systématique d’un cancer différencié de la thyroïde,
il explore le lit thyroïdien et les aires ganglionnaires. Cependant,
ce geste revêt une faible sensibilité, il doit être complété par
une échographie cervicale car les métastases ganglionnaires
étant souvent inaccessibles à la palpation. Les métastases
osseuses sont richement vascularisées et parfois visibles à
l’inspection sous forme de tuméfactions molles et chaudes
[29, 30].
• Modalités de surveillance
L’échographie cervicale est un examen simple et non invasif,
elle est recommandée en cas d’élévation de la thyroglobuline
sérique ou lorsqu'il existe des signes cliniques d'appel. Elle
permet de rechercher une masse tumorale dans les loges de
thyroïdectomie (reliquat ou récidive tumorale) et des métastases
ganglionnaires. Les critères échographiques de malignité
Etant donnée la survenue de rechutes tardives chez certains
patients, la surveillance doit être poursuivie à vie. Cette
surveillance comprend 4 étapes (fig. 6) [1, 4, 32] :
39
L’iode 131 dans le traitement des cancers différenciés de la thyroïde
131
A. MATRANE et coll.
Si la scintigraphie ne montre pas d’anomalie de fixation,
d’autres modalités d’imagerie peuvent être utilisées,
notamment la tomographie par émission de positons [4].
Le contrôle ultérieur doit être annuel par un dosage de la
Tg après sevrage en LT4 en fonction du bilan antérieur et
du contexte clinique.
131
I (1 à 3,7 GBq)
I-TBS > 0
131
I-TBS < 0
L-T4 (2,5 µg/kg)
2-3 mois : FT3-TSH-TG sous L-T4
131
6-12 mois : I-TBS (2-5 mCi)
après sevrage en L-T4 TSH-Tg
COMPLICATIONS
131
I-TBS > 0
Les rechutes cervicales surviennent chez 20 à 25% des patients
atteints de cancer papillaire ou vésiculaire. Elles sont souvent
mises en évidence par la palpation ou par l’échographie. Ces
récidives sont localisées le plus souvent dans les ganglions
cervicaux au niveau des chaînes récurrentielles et/ou
jugulocarotidiennes (60-75%), dans le lit thyroïdien (20% )
et au niveau de la trachée ou des muscles environnants (5%)
[2]. Elles sont souvent tardives, mais peuvent être précoces
et témoignent soit d’un cancer particulièrement agressif, soit
d’un traitement initialement incomplet.
131
I-TBS < 0
Tg après sevrage en L-T4
< 1 ng/ml
Surveillance
annuelle
1-10 ng/ml
> 10 ng/ml
131
I-TBS
100 mCi
131
I-TBS
L-T4
: L-thyroxine ; TBS : total body scan, scintigraphie du corps entier ;
131
I-TBS > 0 indique l’existence de fixations en dehors de l’aire thyroïdienne ;
Tg : thyroglobuline. Les valeurs sont indiquées à titre d’exemple et doivent être déterminées
pour chaque trousse de dosage
Le traitement est avant tout chirurgical pour les lésions de
plus grande taille, comprenant un abord de la loge avec exérèse
de la masse, ou un curage ganglionnaire en cas de récidive
ganglionnaire. L’utilisation d’une sonde de détection per
opératoire peut améliorer le taux de succès de la chirurgie.
L’iode 131 est généralement administré après la chirurgie
quand ces récidives le fixent [6, 11]. L’indication de la
radiothérapie externe cervico-médiastinale est discutée au cas
par cas devant des récidives tumorales inextirpables avec
envahissement de l’axe aérodigestif, et ne fixant pas l’iode
131 [1, 5].
Fig. 6. Protocole de surveillance en l’absence
d’interférence dans le dosage de Tg
- Evaluation lors de l’ablation isotopique des reliquats
thyroïdiens : le bilan en hypothyroïdie comprend la
détermination du taux sérique de la Tg, la réalisation d’une
scintigraphie post-thérapeutique 3-7 jours après traitement
et un examen clinique. Un taux de Tg bas ou indétectable
indique un pronostic généralement favorable [33].
- Evaluation à 3 mois de suivi : le patient étant traité pat LT4,
le bilan comprend un dosage de la TSH, de la triiodothyronine
libre (T3l) et de la thyroxine libre (T4l). La dose de LT4
est adaptée pour amener un taux de TSH ≤ 0,1 µU/ml.
Les métastases à distance surviennent chez 10 à 15% des
patients porteurs d’un cancer thyroïdien différencié et siègent
principalement au niveau des poumons et du squelette. D’autres
localisations métastatiques sont possibles : hépatiques, cutanées,
cérébrales [2, 34]. Les métastases pulmonaires sont
cliniquement latentes et sont plus fréquentes en cas de cancer
papillaire (40-80%). Les métastases osseuses sont
symptomatiques dans 80% des cas avec douleurs, tuméfaction
ou fracture. Elles sont ostéolytiques et mieux visualisées par
la scanographie et l’imagerie par résonance magnétique, qui
de plus en montrent l’extension.
- Evaluation à 6-12 mois de suivi : la réussite de l’ablation
isotopique est vérifiée 6 à 12 mois par une scintigraphie du
corps entier sur dose traceuse d’iode 131 (75-185 MBq ou
2-5 mCi), dont l’intérêt est de vérifier la destruction des
reliquats thyroïdiens et l’absence de fixations anormales en
dehors du lit thyroïdien. Une totalisation isotopique réussie
est définie par un taux sérique de Tg indétectable (< 1 ng/ml)
après stimulation par la TSH, une échographie cervicale
normale et une scintigraphie "blanche" avec une fixation
cervicale < 0,1% [16].
Le traitement par l’iode 131 radioactif n’est efficace que
lorsque les métastases sont fixantes et de petite taille, mais
il est moins efficace lorsque la taille des foyers métastatiques
est importante. Dans ces cas et en fonction de la localisation,
des traitements locaux adaptés sont utilisés (embolisation,
cimentoplastie, chirurgie d’exérèse ou de décompression,
radiothérapie externe locale) [3, 11, 35]. La chimiothérapie
est indiquée dans les formes localement avancées et
métastatiques [1, 5, 36].
- La surveillance ultérieure : chez les patients dont le taux de
Tg reste indétectable sous stimulation et dont l’échographie
cervicale est normale, le risque ultérieur de rechute est faible
(< 0,5%). Ces patients doivent être suivis une fois par an
avec un dosage de la TSH, de la Tg et éventuellement une
échographie cervicale. Chez les patients dont le taux de Tg
est supérieur au seuil institutionnel et qui présente une pente
évolutive entre deux dosages consécutifs, une maladie
persistante ou une rechute doit être soigneusement recherchée
par un examen scintigraphique à l’iode 131. La sensibilité
de cet examen est plus élevée lorsque l’activité administrée
est importante, l’administration de 3,7 GBq (100 mCi) est
préconisée lorsque le taux de Tg est supérieur à 10 ng/ml.
Les doses ablatives d’iode 131 peuvent être répétées tous les
6-12 mois pendant les 2 premières années puis à intervalles
de temps plus longs. Or, cette répétition peut être limitée par
la dédifférenciation des métastases qui ne fixent plus l’iode
au fur et à mesure qu’elles évoluent, une tentative de réinduction
de la captation de l'iode pourra être tentée par l’acide rétinoïque
[37, 38].
40
Revue Marocaine du Cancer 2012, vol. 4, n°2 : 33-41
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Dans la prise en charge du carcinome différencié de la thyroïde,
l’exérèse chirurgicale de la tumeur primitive constitue le temps
essentiel du traitement. L’iode 131 radioactif le complète en
cas d’exérèse incomplète, de métastases à distance ou de
facteurs de mauvais pronostic. Il permet de détruire les reliquats
thyroïdiens, de réduire le taux de rechute et d’améliorer la
survie.
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