Évaluer l’organisation territoriale en Algérie et identifier ses impacts sur l’optimisation de l’action collective Djamal SI-MOHAMMED, Maître de Conférences A - HDR, Maître de Conférences HDR en sciences économiques, Responsable du Groupe de Recherches sur la Ville Algérienne Faculté des sciences économiques et des sciences de gestion Université Mouloud MAMMERI, Tizi-Ouzou, Algérie E_mail :[email protected] Résumé de la communication / conférence : La question de l’organisation territoriale et des problèmes que cette dernière soulève – ou résout -, va de pair avec la recherche d’un quasi-mythique « optimum territorial », lequel façonnerait de manière parfaite les règles régissant la hiérarchie, la coopération/partenariat ainsi que la distribution spatiale des sous espaces concernés. Plus prosaïquement, il s’agit d’assurer, sur un espace de type macro-économique représenté par l’Etat, une sorte de bonne intelligence entre tous les espaces de niveau inférieur qui y gravitent, l’objectif étant qu’ils s’inscrivent dans un partenariat gagnant-gagnant profitable à tous. En Algérie, se pose la problématique des verrous institutionnels qui enchaînent les initiatives territoriales, verrous qui ont pour noms wilayas, daïras, ou même communes dans la mesure où ce cadre se révèle souvent trop étroit pour se prévaloir de la moindre pertinence économique. La question est donc de savoir si, dans cet espace référentiel qu’est l’Algérie, ces entités de type wilaya – daïra et commune, nonobstant les différences institutionnelles et structurelles qui les caractérisent, peuvent, sous réserve que l’organisation territoriale dans laquelle elles s’insèrent soit « pertinente », ne pas s’opposer entre elles mais au contraire, vont tendre à maximiser leurs complémentarités et à dépasser leurs différences… Mots-clés : Territoires – action publique – gouvernance – organisation – économie Bibliographie Bailly (A) : « Territoires et territorialités », in Encyclopédie d’économie spatiale, Ed. Economica, Paris, 1994. Becattini : « Le district marshallien : une notion socio- économique », in Benko et Lipietz : « Les régions qui gagnent, district et réseaux », Ed. PUF, Paris, 1992. Benko (G) et Lipietz (A) : « Les régions qui gagnent, district et réseaux », Ed. PUF, Paris, 1992. Guigou (J.L.) : « Coopération intercommunale et nouveau modèle de croissance », in RERU n°4, 1978. Lacour (C) : « La tectonique des territoires » in B. Pecqueur, « Dynamiques territoriales et mutations économiques », Ed. L’Harmattan, Paris, 1996. Leberre (M) : « Territoires », in Encyclopédie d’économie spatiale, Ed. Economica, Paris, 1992. Lipietz (A) : « Le capital et son espace », Ed. Maspero, Paris, 1977. Pecqueur (B) : « Dynamiques territoriales et mutations économiques », Ed. L’Harmattan, Paris, 1996. Les territoires semblent être devenus des acteurs du changement c’est-à-dire qu’ils interviennent en tant qu’opérateurs, vecteurs ou encore opportunités de changement. Ils ne sont plus pensés comme seulement des résultats politiques, des objets issus des processus historiques, des réalités sociales et culturelles ou des héritages plus ou moins administrés. Les territoires deviennent de plus en plus dépendants des processus qui les ont vu naitre (la territorialisation) et semblent tendre vers le souhait de permettre l’avènement de nouvelles territorialités. En cela, les territoires mobilisent de plus en plus de ressources, d’énergies, de potentialités de toute sorte. Et ils représentent, alors, des formes nouvelles et des configurations de plus en plus diversifiées… Les questions territoriales sont au cœur d’un grand nombre des questions de l’actualité sociale, politique, culturelle et économique, comme elles sont de plus en plus au centre de travaux scientifiques multidisciplinaires Il convient par conséquent de se pencher sur les problèmes divers ainsi soulevés par cette montée en puissance de la dimension territoriale… Le processus qui sous-tendrait la construction de territorialités de plus en plus différenciées étant appelé « territorialisation », il s’agira alors de cerner cette nouvelle approche, d’en définir les référents théoriques et conceptuels et de voir de quelle manière et dans quelle mesure, ce champ théorique actuellement si défriché s’arrime aux notions et pratiques plus classiques et usuelles que sont l’analyse économique et le développement régional et local… Ainsi, l’un des principaux questionnements portés par cette recherche consiste à s’interroger – et à tenter de répondre - sur ces concepts qui prennent les « territoires » comme objet d’étude, afin de permettre de mieux comprendre les dynamiques qui les traversent. Les questions sont alors de savoir si les territoires peuvent être eux-mêmes et en eux-mêmes source de changements, s’ils peuvent contribuer effectivement et efficacement au changement et non pas seulement être des forces d’adaptation aux changements qui seraient imposés par ailleurs, comme il s ’agit aussi de déterminer les mécanismes par lesquels les territoires entrent en compétition, les uns par rapport aux autres, les uns contre les autres, à travers des formes, des configurations et des processus sans cesse changeants, mais toujours mus par les mêmes leitmotivs, ceux de l’indispensable compétitivité et de son corollaire impératif, une organisation territoriale optimale consacrant une efficience et une efficacité économique qui ne seraient plus, dès lors, l’apanage des seules entreprises … La question de l’organisation territoriale et des problèmes que cette dernière soulève – ou résout -, va de pair avec la recherche d’un quasi-mythique « optimum territorial », lequel façonnerait de manière parfaite les règles régissant la hiérarchie, la coopération/partenariat ainsi que la distribution spatiale des sous espaces concernés. Plus prosaïquement, il s’agit d’assurer, sur un espace de type macro-économique représenté par l’Etat, une sorte de bonne intelligence entre tous les espaces de niveau inférieur qui y gravitent, l’objectif étant qu’ils s’inscrivent dans un partenariat gagnant-gagnant profitable à tous. Cela revient à considérer, sur l’espace référentiel qu’est l’Algérie, que des entités de type wilaya – daïra et commune, nonobstant les différences institutionnelles et structurelles qui les caractérisent, peuvent, sous réserve que l’organisation territoriale dans laquelle elles s’insèrent soit « pertinente », ne pas s’opposer entre elles mais au contraire, vont tendre à maximiser leurs complémentarités et à dépasser leurs différences… Tout le problème vient cependant du fait que, une fois acquis l’idéal démocratique qui libère les énergies et les initiatives citoyennes, bonifie l’entrepreneuriat et propulse l’esprit de compétition au rang de moyen d’atteindre des objectifs sans cesse plus ambitieux, les territoires vont dès lors, non plus rechercher le confort d’une fausse entente dans laquelle, forcément, les plus dotés n’auront d’autre ambition – fort naturelle par ailleurs - que de soumettre les espaces les moins bien lotis à leur propre logique territoriale, et à arrimer leur propre dynamique à l’inertie qu’elles imposeront aux seconds…, mais au contraire, vont s’inscrire de manière assumée dans une logique de compétition et de concurrence économique. Cette dimension de « compétiteurs », les territoires la devront, quelque soit le niveau socio-économique qui sera le leur, aux différents potentiels dont chacun, à son niveau, est porteur, et dont ils sont conscients que l’opportunité historique leur commandera de l’exploiter de manière productive, parfois seuls, le plus souvent dans l’association, conjoncturelle, avec d’autres territoires, et sur des créneaux particuliers, changeants, durables ou éphémères… L’histoire économique et territoriale récente nous offre, sous différentes latitudes, des exemples de ce type de « collaboration » territoriale matérialisée par ces concepts – devenus cultes -, que sont les SPL ou systèmes productifs locaux, les districts ou encore les clusters…tous ayant en commun le fait qu’ils se réalisent peu ou prou sous le régime de l’intercommunalité. Dans ce sens et se rapportant à notre pays, les expériences menées sur la base de regroupements territoriaux ont eu pour nom pépinières ou encore incubateurs d’entreprise et les résultats de ces initiatives s’apprécient différemment même si elles ont le grand mérite d’exister. Regroupements territoriaux sur la base de projets communs et précis, et mise des territoires en compétition économique peut sembler antinomique de prime abord. Il n’en est rien bien évidemment d’abord parce que deux ou plusieurs territoires – comme deux ou plusieurs entreprises – peuvent ressentir la nécessité impérieuse de s’unir lorsque leur intérêt le leur commande – intérêt « positif » / profit ou intérêt « négatif » / instinct de survie -, puis, lorsque il n’ya plus ni « danger », ni « affinités », décider, non de se déclarer la guerre, mais de s’affronter en compétition loyale, pour attirer les investisseurs et les entrepreneurs, pour bénéficier de projets structurants financés sur concours de l’Etat, pour faire venir la main d’œuvre ou l’encadrement le plus qualifié qui soit…etc. Parlant de l’Etat, il est utile de dire que ce dernier, en tout cas dans un pays comme l’Algérie ou plus généralement dans ces économies de seconde zone non encore développées ni même émergentes, mais plus « sous développées » au sens où l’entend l’histoire économique, détient les clés de l’organisation territoriale et qu’il peut l’orienter aussi bien dans le sens de la liberté économique et d’entreprendre que dans celui du dirigisme le plus rétrograde et de l’inertie la plus poussée. Il est un lieu commun de dire que l’Etat est enclin, en période de vaches maigres, à libérer l’initiative y compris territoriale, afin que les sous espaces qu’il contrôle puissent générer les ressources qu’il n’est plus capable – ou qu’il ne veut plus – fournir, tandis qu’il reprend ses travers autoritaires et centralisateurs à partir du moment où les revenus dont ils disposent lui permettent de redevenir l’Etat-Providence qu’il affectionne. Il s’agit alors de retourner durablement cette problématique en faisant en sorte que les pouvoirs publics s’insèrent dans cette dynamique dite du gagnant-gagnant en laissant aux territoires locaux le soin de s’affronter sur le terrain de la compétition socio-économique, leur rôle en tant que puissance publique se limitant à assurer l’équité et l’arbitrage loyal qui sied à une telle concurrence. C’est à cette condition, et à celle là seulement, que pourra s’installer un esprit d’émulation pouvant faire boule de neige et entraîner les territoires laissés en reste sur le mêmes dynamiques de croissance et de développement socio-économique. Bien entendu, l’Etat devra faire preuve d’imagination et d’audace lorsque les cadres administratifs au sein desquels se déroule cette compétition, et qu’il aura lui-même contribué activement à mettre en place, constituent autant de carcans qui entravent la liberté d’agir et de faire et qui menacent de faire perdre au territoire tout le potentiel de compétitivité, d’efficience ou d’efficacité dont il pourrait être éventuellement porteur. Ce dont il s’agit ici, dit de manière plus explicite, est la possibilité pour l’Etat de faire exploser ses verrous lorsque ces derniers enchaînent les initiatives territoriales, verrous qui pourraient avoir pour noms wilayas, daïras, ou même communes lorsque ce cadre se révèle trop étroit pour se prévaloir de la moindre pertinence économique. A l’inverse, promouvoir la région et/ou l’intercommunalité doit faire partie, si la situation le commande, des priorités de l’Etat en matière territoriale, étant entendu que l’histoire économique récente de l’Algérie ne manque pas de fournir moult arguments pour une approche nouvelle, novatrice et, autant le dire révolutionnaire de la question de l’organisation territoriale...