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Comment réduire le paradoxe lié à la prescription des antidépresseurs ? Ces produits se
prescrivent trop largement. Les doses administrées paraissent dans l'ensemble
insuffisantes. L'excès de prescription naît d'une utilisation extensive du terme de
dépression utilisé abusivement pour des états anxieux, psychotiques, ou des crises
existentielles. Il existe en France près de 30 molécules vendues comme
"antidépresseurs". Ces produits ne sont pas interchangeables. Un malade "résistant" à un
antidépresseur peut être "sensible" à un autre. Les critères essentiels du choix d'un
produit naissent de l'étude sémiologique du patient et des caractéristiques biochimiques
des molécules.
I - LES REPERES SEMIOLOGIQUES DE LA PRESCRIPTION
1) Un diagnostic de dépression s'affirme sur les signes cardinaux suivants :
1) Une tristesse durable, associant pessimisme, ruminations intellectuelles,
désintérêt. Le terme de douleur morale traduit la "sévérité" du trouble de l'humeur et
l'oppose à des moments de tristesse passagère et liée aux circonstances.
2) Le ralentissement psychologique se traduit par la diminution des pôles
d'intérêt, de l'ouverture vers les autres et le monde extérieur, des projets. Au niveau
moteur le ralentissement frappe la mimique, le geste, la spontanéité et la réciprocité
dans le dialogue, verbal et gestuel. Ce ralentissement peut être masqué dans des formes
anxieuses de dépression. Le sujet se tord les mains, tient mal en place, croise ou
décroise les jambes.
3) Les signes instinctuels touchent le sommeil, l'appétit et les désirs sexuels. Ces
grands instincts sont réduits expliquant la fatigue, la perte de poids et l'espacement des
relations sexuelles liées à la dépression.
4) La dévalorisation de soi et les idées de suicide doivent être systématiquement
recherchées. Le suicide apparaît comme la 4ème ou 5ème cause de mortalité en France ;
la dévalorisation, la perte de l'estime de soi peuvent conduire un sujet à l'idée de
disparaître.
Le nombre des suicides s’est stabilisé pour avoisiner les 11000 décès par an.
2) La gravité d'une dépression peut provenir de trois éléments : le caractère
mélancolique ; l'importance des symptômes anxieux ; la conjonction des facteurs
aggravants.
a) Le caractère mélancolique tient à l'intensité de la dépression, à sa durée, à l'existence
d'idées d'auto-dévalorisation, de culpabilité, d'incurabilité, de châtiment, de négation
d'organes, de ruine financière, de projets et désir de suicide. Les dépressions de gravité
mélancolique se caractérisent souvent par des signes instinctuels sévères : anorexie,
insomnies rebelles, cauchemars.
b) Si l'anxiété isolée est un diagnostic différentiel de la dépression, les formes anxieuses
de dépression associent une angoisse flottante, un faible degré de ralentissement moteur
et l'éventualité d'un "raptus suicidaire" ,impulsion vers la mort avec sentiment de
délivrance.
c) Les facteurs aggravants les plus habituels sont : les antécédents familiaux ou
personnel de dépression ; l'isolement ; l'existence d'évènements traumatiques ; les
antécédents de tentatives de suicide ; les difficultés de contact, réticence, pauvreté
d'expression ; une pathologie associée contre-indiquant un antidépresseur ; une
mauvaise acceptation du traitement ; un traitement antérieur inefficace, un alcoolisme
ou une toxicomanie.
3) La définition de symptômes cibles : toutes les études contrôlées indiquent que le
pourcentage d'efficacité d'un antidépresseur avoisine 70 %. S'il n'existe aucune
supériorité antidépressive d'une molécule à l'autre, certains produits agissent sur certains
symptômes avec prédilection. Les dépressions inhibées, ralenties avec désintérêt
relèvent de produits stimulants. A l'évidence les formes anxieuses, agitées, avec idées
suicidaires imposent des produits sédatifs. Les troubles du sommeil, éveils multiples,