Partie I
Israël et l’Eglise
1 Prémisses théologiques et historiques
1.1 Plusieurs raisons justifient qu’on détermine la relation de l’Eglise à Israël : l’Eglise s’enracine
dans Israël. Sous le nom d’Ancien Testament, les Ecritures saintes d’Israël sont une partie de la
Bible chrétienne. L’Eglise est comprise par la foi comme la communauté des hommes croyant au
salut de Dieu en Jésus-Christ, comme le « corps du Christ » ; mais l’Eglise est aussi comprise
comme le peuple de Dieu élu en Christ. Ainsi la foi chrétienne sur l’Eglise pose une affirmation
qui se trouve en tension avec la conception qu’Israël a de lui-même comme peuple de Dieu. Cette
tension a eu des conséquences diverses au cours de l’histoire des relations entre l’Eglise et Israël :
à des périodes d’entente ont succédé des périodes de désintérêt, souvent même d’hostilité et de
haine.
Lorsque les Eglises se penchent sur leur passé, elles discernent des périodes de persécution des
Juifs, et particulièrement la Shoah qui dépasse toutes les persécutions précédentes par le caractère
programmé de sa brutalité et de son intensité. Les Eglises sont conscientes d’avoir failli dans
cette situation. C’est pourquoi certaines Eglises de la Communion ecclésiale de Leuenberg ont
reconnu de diverses manières leur faute à l’égard d’Israël et leur responsabilité dans la Shoah, et
ont exprimé leur sentiment d’avoir failli. Les Eglises ont failli par indifférence et par crainte, par
orgueil et par faiblesse. Elles ont aussi et surtout failli en raison d’interprétations fausses des
textes de la Bible et des erreurs théologiques terribles qui en ont résulté. Par moments on a
considéré dans le christianisme que le refus et le dénigrement du judaïsme, jusqu’à l’hostilité
déclarée envers les Juifs, constituait un aspect de l’auto-compréhension chrétienne.
Si on parvenait à redéfinir, par rapport à ce passé, la relation entre l’Eglise et Israël sur une base
théologiquement responsable, cela représenterait pour l’Eglise un gain de liberté, mais aussi un
enrichissement théologique et un approfondissement dans la perception de son être propre.
1.2 Dans les recommandations formulées en 1987 à Strasbourg par l’assemblée générale de la
Communion ecclésiale de Leuenberg en vue de l’élaboration de l’étude « L’Eglise de Jésus-
Christ », il était dit, entre autres, qu’il faut considérer « la relation de la chrétienté au peuple
d’Israël dans le contexte d’une ecclésiologie issue de la Réforme et dans la perspective de notre
identité comme Eglise ». L’étude présentée en 1994 satisfait à cette exigence en s’exprimant à
divers endroits sur le rapport de l’Eglise à Israël.
1.2.1 L’être de l’Eglise, sa mission et sa tâche sont décrits de la manière suivante (II 86) : elle est
« le peuple de Dieu élu en Christ », rassemblé et fortifié par l’Esprit Saint à travers l’histoire, en
chemin vers la plénitude dans le Royaume de Dieu. « La mise en œuvre de cette action globale de
Dieu est la source et le fondement intangibles de l’Eglise. » L’Eglise que la foi conçoit ainsi
comme « le peuple de Dieu élu en Christ » a historiquement parlant son origine en Israël. Mais
Israël se considère toujours, indépendamment de l’événement Christ, comme le peuple élu par
l’intervention de Dieu : Dieu et son peuple Israël sont indissolublement liés l’un à l’autre.
L’expression de cet agir électif est l’Alliance de Dieu qui se manifeste tout particulièrement dans
le récit biblique de l’événement du Sinaï (Ex 19-24). Le lien indissoluble entre l’élection de
l’Eglise et l’élection d’Israël en tant que peuple de Dieu est décrit dans l’étude sur l’Eglise, d’un
point de vue chrétien, de la manière suivante (p. II 98) : « Dieu a appelé Israël à la foi (Es 7,9) et
lui a montré par sa promesse le chemin de la vie (Ex 20,1-17 ; Dt 30,15-20) et l’a ainsi destiné à