Professeur des Universités, linguiste et philosophe, membre du

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Professeur des Universités, linguiste et philosophe, membre du Comité de rédaction de la
revue juive française " Controverses ", Georges-Élia Sarfati signataire de « Raison Garder »
- Hamodia : Quel est le danger d'une pétition comme celle de J-Call ?
- Georges-Élia Sarfati : Le danger est réel, puisque « J-Call » participe d’une dynamique générale
d’illégitimité et de mise en minorité systématiques d’Israël. Par le biais d'un discours en " langue de
bois ", ses signataires s’adressent à une opinion publique déjà intoxiquée par un demi-siècle
d’antisionisme et de désinformation. Leur discours suggère qu’il y aurait d’un côté les " vrais
représentants " du peuple juif, installés en diaspora, et de l’autre une entité illégitime et incapable de
porter un jugement historique.
Déjà immergé dans ce bain culturel qui le prédispose à recevoir un tel discours, le tout venant
pourrait ainsi se persuader aisément qu’en signant cette sorte de pétition, il fera en effet preuve de «
raison », selon les normes de rationalité supposées de ce nouveau lobby qui a été en fait constitué
pour contourner l’État d’Israël et sa majorité juive souveraine.
- Mais alors de quoi ces « intellectuels » juifs sont-ils " représentatifs " ? De l'intelligentsia ou
du peuple juif ?
- Les deux ne s’excluent pas ! Pour moi ils sont les représentants d’une Europe défunte, les ombres
de ces " Lumières " depuis longtemps éteintes, et des branches mortes du judaïsme. Ils se
comportent comme les porte-parole d’un gouvernement en exil, ce qui est à la fois hors de propos,
pathétique et moralement inacceptable !
Hors de propos : car l’État d’Israël n’est pas une province d’empire, ni une colonie et encore moins
une République bananière ; nul ne saurait donc décider de son sort à son insu dans la retraite des
bibliothèques ou à l’abri des salons feutrés du Parlement européen, une instance désormais
aménagée en théâtre de leur propre confusion.
Pathétique : parce que ces « philosophes » signataires, qui ne sont pourtant pas du tout citoyens de
l’État d’Israël, prétendent dire " la vérité " de son devoir être. Ce qui n’est ni rationnel, ni raisonnable !
Or cette non appartenance les discrédite doublement : en tant que « Juifs » vis-à-vis d’Israël, et en
tant que « philosophes » parce qu’en l’occurrence, ils véhiculent une non philosophie ! En effet, il ne
s’agit ici que de flatter l’opinion, ce qui constitue une subversion totale de la philosophie. On sait que
la véritable philosophie doit étonner, que l’opinion endort et que ses « évidences » justifient le pire…
Moralement inacceptable : car la « faute morale » n’est pas ici du côté de l'État et du peuple d’Israël
naturellement opposés à l’idée même du partage de Jérusalem, mais du côté de certains de ses «
représentants » à l'étranger dont l’exhibitionnisme relève au mieux de l’ambivalence du transfuge, au
pire de la haute trahison…
- Quel est l'objectif de votre contre-appel ?
- Nous voulons mettre en garde contre le programme de J-Call et infuser un peu d’esprit critique
dans l’irréflexion du temps, notamment en en dissipant les illusions. Il faut aussi sensibiliser les
Israéliens sur ce qui se trame contre eux et sans eux, comme s’ils n’étaient pas sujets de leur propre
histoire.
La « restitution » des « territoires » a déjà eu lieu, par étapes - au rythme de la stratégie du même
nom - avec un résultat rigoureusement contraire à l’effet escompté : un dangereux regain de la
violence antijuive et anti-israélienne, ainsi que l’affaiblissement symbolique d’Israël dans le monde.
Ces alter Juifs feignent d’ignorer que les ennemis d’Israël ne veulent pas du tout de la souveraineté
juive en terre d'Israël, quel que soit son format. Si les Israéliens devaient sous la pression « rendre »
un jour Jérusalem, alors les Européens devront s’apprêter à remettre un jour les clefs de centaines de
leurs capitales au Califat dont les Frères Musulmans expriment violemment et clairement la forte
nostalgie… Est-ce là la meilleure façon d’ « avoir la paix » ?
- N'est-il pas désolant de voir des Juifs se déchirer sur la place publique, alors que l'objectif
affiché par les ennemis d'Israël est justement l'éclatement et la disparition de l'État hébreu ?
- Je trouve plutôt kitsch qu’en 5770, des Français de confession mosaïque ou des Israéliens à la
judaïté déniée s’expriment au nom des Juifs nationaux et des Juifs de la Torah enracinés en Eretz
Israël ! Les voisins d’Israël ne sont en effet pas prêts d’offrir un tel spectacle à leurs appuis dans le «
monde libre », tant que les autocrates qui les dirigent considéreront - avec « J-Call » - que l’intégrité
d'Israël, et en fait son existence même, sont le " principal obstacle à la paix " ou à leur propre
développement…
Même déliée jusqu’à l’outrance, cette liberté de parole est plutôt le signe de la bonne santé du peuple
juif, toujours avide de controverses, même à l’heure de la pensée unique…
- Alors comment résister à un tel " rouleau compresseur " médiatique trouvant des appuis
partout en Europe ?
- En tenant ferme sur nos convictions, sans se laisser fléchir par ce que pense le reste du monde !
Nous ne devons rien aux nations qui ont laissé faire la Shoah, ni à celles qui s’opposent à la
renaissance d’Israël. La dette, y compris spirituelle, n’est pas de notre côté que nous dussions ainsi
renoncer en quoi que ce soit à nous-mêmes.
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