Prolapsus valvulaire mitral

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Prolapsus valvulaire mitral
DOSSIER
CAS CLINIQUE
R. Roudaut, M. Dijos, S. Lafitte, L. Labrousse
Hôpital Cardiologique, Centre hospitalier universitaire, Bordeaux
[email protected]
M
adame P. Christiane est suivie en
cardiologie depuis 1986 (à l’âge
de 47 ans) pour palpitations.
A l’époque, l’auscultation rapporte un click
mésosystolique isolé.
La patiente est examinée pour la première
fois à l’Hôpital cardiologique du HautLévêque en 1997 à l’âge de 58 ans (1,61 m,
61 kg) (figures 1, 2 et 3).
Figure 1. Electrocardiogramme de repos en 1997.
Figure 2. Echocardiographie transthoracique illustrant l’aspect de
prolapsus bi-valvulaire avec dilatation modérée de l’anneau mitral en 1997.
AMC pratique „ n°233 „ décembre 2014
Il s’agit d’une patiente en excellent état
général, très active, qui se plaint de douleurs précordiales atypiques, rares et de palpitations qui ont conduit son cardiologue à
prescrire du Sotalol 80® (1 comprimé matin et
soir). La patiente ne présente pas de facteur
de risque.
L’examen clinique met en évidence un souffle
télésystolique de pointe 2/6.
L’électrocardiogramme est normal, de même
que la silhouette cardiaque radiologique.
L’échocardiographie transthoracique effectuée à l’époque confirme le prolapsus à prédominance télésystolique prédominant sur
A2 et P2 SOR = 11 cm².
Au test d’effort, la performance est bonne,
130 watts, sans dilatation du diamètre de
l’oreillette gauche. A noter d’assez nombreuses extrasystoles ventriculaires au milieu
du test qui ont tendance à disparaître en fin
de test.
Par la suite, la patiente sera suivie très régulièrement sur le plan clinique et échocardiographique. Sur le plan clinique, la patiente
Figure 3. Echocardiographie transthoracique en incidence apicale
de 4 cavités illustrant la fuite mitrale centrale en 1997.
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DOSSIER
CAS CLINIQUE
Prolapsus valvulaire mitral
va progressivement développer une dyspnée
modérée à l’effort.
A l’auscultation, le souffle devient holosystolique. Un bilan complet de réévaluation est
effectué en 2012, à l’âge de 73 ans du fait de
l’aggravation des symptômes.
L’échocardiographie transthoracique réalisée en 2013 montre une insuffisance mitrale
grade 3 holosystolique sur valves myxoïdes.
Le prolapsus prédomine sur A2 et P2. Les diamètres ventriculaires sont discrètement augmentés ; l’oreillette gauche a tendance à se
dilater. L’anneau mitral est mesuré à 43 mm ;
la SOR est de 36 cm² ; le VR est de 64 ml
(figures 4 à 7).
A
Nous proposons une échocardiographie
d’effort qui permet à la patiente d’atteindre un palier de 100 watts. On note
une dyspnée modérée, un bigéminisme
ventriculaire, une bonne adaptation tensionnelle à l’effort.
L’insuffisance mitrale est sévère grade 3-4
avec hypertension artérielle pulmonaire d’effort à 74 mm Hg dès le palier de 25 watts.
Après
concertation
médico-chirurgicale
(Heart team/valvulopathies), la patiente est
opérée par le Pr Louis Labrousse le 4 juin
2013 sous échocardiographie transœsophagienne avec reconstruction 3D, plastie
mitrale par mini-thoracotomie droite.
B
Figure 4. Echocardiographie transthoracique en incidence parasternale grand axe en 2012 :
a. imagerie en diastole illustrant un épaississement des feuillets valvulaires et la dilatation de l’anneau mitral à 43 mm
b. en systole avec prolapsus bivalvulaire.
Figure 5. Echocardiographie transthoracique en incidence parasternale
grand axe en 2012 : imagerie en systole en Doppler couleur illustrant une
fuite mitrale.
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Figure 6. Echo TM en incidence parasternale grand axe en 2012.
AMC pratique „ n°233 „ décembre 2014
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R. Roudaut, M. Dijos, S. Lafitte, L. Labrousse
Les suites opératoires sont bonnes, l’échocardiographie postopératoire montre une
valve mitrale continente, une fonction ventriculaire gauche conservée avec une fraction
d’éjection à 72 %. L’oreillette gauche est discrètement dilatée. Les pressions droites sont
normales.
La patiente est revue en consultation en
février 2014 avec un excellent résultat.
La prise en charge thérapeutique de notre
patiente correspond aux recommandations
européennes (tableaux 1 et 2) chez une
patiente symptomatique avec fuite mitrale
importante et plastie réalisable avec haute
probabilité.
Conflits d’intérêt : les auteurs déclarent ne pas
avoir de conflits d’intérêt en relation avec cet
article.
Figure 7. Echocardiographie transthoracique en incidence apicale des 4 cavités en 2012,
zoom au niveau du flux de convergence.
Tableau 1. Prise en charge d’une IM primitive chronique sévère.
D’après Eur Heart J 2012;33:2451-96.
Tableau 2. Indications de la chirurgie dans l’IM symptomatique sévère organique.
Classe
Niveau de preuve
La plastie doit être préférée lorsque les conditions sont requises pour qu’elle soit efficace et durable.
I
C
La chirurgie est indiquée chez les patients symptomatiques avec fraction d’éjection supérieure à 30 % et diamètre
télédiastolique inférieur à 55 mm.
I
B
La chirurgie doit être envisagée :
– en cas de dysfonction ventriculaire gauche sévère (fraction d’éjection inférieure à 30 % et/ou diamètre télédiastolique
supérieur à 55 mm)
– lorsque le patient est réfractaire au traitement médical et que la plastie est envisageable dans de bonnes conditions avec
faible comorbidité
IIa
C
La chirurgie doit être considérée :
– chez les patients avec dysfonction ventriculaire gauche (fraction d’éjection inférieure à 30 % et/ou diamètre
télédiastolique supérieur à 55 mm réfractaire au traitement médical
– si la plastie est envisageable dans de bonnes conditions avec faible comorbidité
IIb
C
D’après Eur Heart J 2012;33:2451-96.
AMC pratique „ n°233 „ décembre 2014
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