Si l’amygdale est le lieu de stockage permanent de l'apprentissage, on doit pouvoir mettre en
évidence une "trace" de cette association au niveau neuronal. L'un des mécanismes cellulaires les
plus en vogue à l'heure actuelle pour le stockage de la mémoire est le phénomène de potentialisation
à long terme (PLT) qui consiste en un renforcement durable de la transmission synaptique au sein
du réseau neuronal impliqué (pour revue voir Martin, Grimwood et Morris, 2000). Ce phénomène a
été décrit pour la première fois par Bliss et Lomo (1973) sur des tranches d'hippocampe de lapin
suite à l'application d'une stimulation électrique à haute fréquence des axones afférents de la voie
perforante. De nombreuses études électrophysiologiques ont permis d'aboutir à la conclusion que
les neurones de l'amygdale possédaient toute la machinerie cellulaire et synaptique pour mettre en
œuvre une plasticité synaptique durable comparable à la PLT hippocampique (Maren, 1999).
L'étape ultérieure a consisté à rechercher si ce type de plasticité était aussi observé en situation
naturelle (par opposition à son induction artificielle par une stimulation électrique tétanisante) suite
à un apprentissage. C'est ainsi que Rogan, Staubli et LeDoux (1997) ont montré que l'apprentissage
de peur conditionnée au son induisait une augmentation de la réponse évoquée par le SC sonore
dans l'amygdale latérale. Cette augmentation présente de nombreuses similitudes avec la facilitation
observée suite à l'induction d'une PLT dans la voie thalamique auditive. Ainsi, le son appris va
désormais induire dans les voies auditives et au niveau du LA une réponse potentialisée. La forte
activation neuronale qui en résulte va ensuite se propager au noyau central de l'amygdale et induire
la réponse de peur. En somme, suite à la formation du lien SC-SI au niveau du LA, le son seul
devient capable d’activer les structures cibles du LA, responsables de l’état de peur.
Si l'ensemble de ces données met en avant le rôle clé de l'amygdale dans l'apprentissage de peur
conditionnée au son, il ne signifie pas pour autant que l'amygdale est la seule structure impliquée ni
qu'elle code tous les aspects de l'apprentissage aversif. Ainsi plusieurs expériences ont par exemple
montré que l'activité des neurones du thalamus auditif ainsi que ceux du cortex auditif primaire était
modifiée des suites de l'apprentissage (Quirk, Armony et LeDoux, 1997 ; Edeline, 1999; pour revue
voir Weinberger 2004). Concernant le rôle respectif de la voie directe thalamus-amygdale et de la
voie indirecte thalamus-cortex-amygdale, LeDoux (2000) propose que la première est rapide et
grossière, alors que la deuxième est lente et précise (Figure 2). Pour illustrer la fonction de ces deux
voies, LeDoux (1994) prend un exemple dans la modalité visuelle, celui du promeneur qui marche
dans les bois et qui, au détour d’un arbre, voit, à demi enfoui dans les feuilles, ce qui ressemble à un
serpent. La voie thalamique, qui se projette directement sur l’amygdale, fait une analyse grossière
de cet objet et permet au cerveau de détecter un danger potentiel et d'enclencher une réponse quasi-
immédiate de défense (sursaut puis immobilisation, sécrétion d’hormones de peur qui préparent
l’organisme à la fuite…). En parallèle, l'information visuelle accède plus tardivement au cortex où
elle est analysée finement. S’il s’avère qu’il s’agit véritablement d’un serpent, le cortex visuel