humaniste et de celui des Lumières, ce qui a contri-
bué au développement d’un fonctionnement où
le principe moral de bienfaisance est prioritaire.
Il faut attendre le
XX
esiècle pour que la loi défi-
nisse précisément cette relation: elle est fondée
sur le plan juridique, depuis un arrêt de la Cour
de cassation du 20 mai 1936, sur la notion de
contrat entre le médecin et son malade. Ainsi,
l’article 1-101 du Code civil définit le contrat
comme une «convention par laquelle une ou
plusieurs personnes s’obligent vers une ou plusieurs
autres à donner, à faire ou à ne pas faire quelque
chose». Ainsi, le contrat apparaît comme une
convention qui engendre des obligations : la rela-
tion médecin-malade est un contrat civil, infor-
mel, verbal, tacite, résiliable, contrat de moyens
et non de résultats. En fait, bien que bilatéral et
créant des obligations réciproques, la non-exécu-
tion par le patient de ses obligations (par exemple,
ne pas suivre les prescriptions) n’autorise pas le
médecin à refuser de remplir les siennes. Comme
dans tout contrat, le libre consentement des deux
parties est nécessaire.
La relation médecin-malade a notablement
évolué au cours de ces dernières années. Elle est
actuellement au centre des préoccupations poli-
tiques et sociales. La révolution des techniques de
communication facilite l’accès à l’information
médicale. C’est sans doute ce passage du «patient
passif» au «consommateur de soins» qui boule-
verse le plus la relation médecin-malade, dont il
existe plusieurs modèles: la relation paternaliste,
le modèle consumériste nord-américain, et le
nouveau modèle dit intermédiaire. Nous exami-
nerons ici ces différentes relations et les évolu-
tions auxquelles on peut s’attendre.
Le modèle paternaliste français
Le modèle français est généralement qualifié
de paternaliste. Il est caractérisé par une commu-
nication essentiellement unilatérale et asymé-
trique, allant du médecin vers le patient. L’infor-
mation est «descendante», autoritaire, transmise
par une personne supposée savoir à une personne
demandeuse. Le médecin doit fournir au malade
l’information légalement requise sur les options
de traitement pour obtenir un consentement
éclairé. Ce modèle suppose que le médecin prenne
la meilleure décision pour le patient. Il n’y a pas
de délibération entre les deux intervenants, et le
praticien est le seul décideur.
La médecine française fonctionne sur ce mode,
particulièrement en psychiatrie où les patients
peuvent présenter des facultés altérées par leurs
troubles psychiques. Les médecins respectent les
principes de morale et de bienfaisance, qui protè-
gent le patient affaibli et s’inscrivent dans une
tradition de solidarité.
Toutefois, cette médecine est parfois perçue
comme quelque peu infantilisante: la phrase
«Faites-moi confiance, je sais ce qui est bon pour
vous» a été adressée à des générations de malades…
Mais ce mode de relation évolue du fait de la pres-
sion du patient-consommateur de soins, des asso-
ciations de familles et des usagers qui demandent
de plus en plus à participer au suivi et au dérou-
lement du traitement.
Le patient ne veut plus être traité en objet. C’est
le principe du libre arbitre qui devient prédominant
et sur lequel repose aujourd’hui la relation méde-
cin-malade. La légitimité de la protection du sujet
affaibli fait place au principe du respect de l’auto-
nomie des personnes et de la liberté individuelle.
L’évolution extrême d’une telle dynamique conduit
au modèle qui prévaut en Amérique du Nord.
Le modèle consumériste
de l’Amérique du Nord
Dans ce modèle, médecin et malade interagis-
sent sur un pied d’égalité, la recherche du consen-
tement et le respect absolu des libertés indivi-
duelles constituant le fondement de leur relation.
Le malade n’est plus un patient, mais un client.
C’est ainsi, par exemple, que l’hospitalisation sans
consentement ne peut être imposée que si le patient
est dangereux pour lui et pour autrui. La législa-
tion de certains États impose le recueil écrit du
consentement du sujet dans le cadre de l’adminis-
tration éventuelle d’un traitement antipsychotique.
Dans un pays où les plaintes judiciaires et les
poursuites à l’encontre des médecins sont banali-
sées et fréquentes, la relation thérapeutique est
avant tout une relation de consommation. Le méde-
cin est un prestataire de services, qui adopte plutôt
une position défensive face à un patient qui peut
se transformer en accusateur. Les médecins infor-
ment, mais en se protégeant au maximum et toujours
avec la crainte d’un éventuel procès. Quand un
médecin prescrit un traitement, il doit énoncer tous
les effets secondaires possibles, à court et moyen
termes. Pour les psychiatres américains, les dyski-
nésies tardives (des mouvements incontrôlables et
gênants) dues aux neuroleptiques classiques ont
causé de multiples actions en justice, alors même
qu’ils sont beaucoup moins prescrits qu’en Europe.
Ainsi, souvent, le médecin limite l’information
à l’énoncé du risque thérapeutique, tout ce qu’il
pourrait dire d’autre pourrait être retenu contre lui.
De plus, les psychiatres américains sont tenus d’in-
former leurs patients des diverses solutions alter-
natives possibles, et il est vivement conseillé d’énon-
cer le diagnostic en s’appuyant sur les critères du
Manuel diagnostique et statistique des troubles
mentaux, le
DSM IV
. Par ailleurs, les patients améri-
cains conservent un droit de propriété sur l’infor-
mation contenue dans leur dossier; ils peuvent y
avoir accès et en obtenir une photocopie.
En France, l'article L1111-7 du Code de la santé
publique pose le principe de l'accès au dossier médi-
cal, qui doit comprendre les informations «forma-
lisées qui ont contribué à l'élaboration et au suivi
du diagnostic, du traitement ou d'une action de
prévention, ou ont fait l'objet d’échanges écrits
entre professionnels de santé». Par ailleurs, l’in-
formation doit être standardisée, rendue la plus
objective possible, éviter toute connotation subjec-
tive du médecin (par exemple, éviter les commen-
taires sur l’état d’humeur du patient, par exemple
ne pas indiquer une suspicion d’état dépressif). Une
telle exigence tend à limiter le dossier aux seuls
éléments « professionnels». Ainsi, seules les infor-
mations objectives et nécessaires à la prise en charge
du malade figurent dans le dossier médical.
72 © Cerveau & Psycho - N° 18