Educ Ther Patient/Ther Patient Educ 2014; 6(1): 10401 c EDP Sciences, SETE, 2014 DOI: 10.1051/tpe/2014002 ETP/TPE www.etp-journal.org Pour des critères de qualité des formations (niveau 1) à l’éducation thérapeutique du patient Quality criteria for training (level 1) to therapeutic patient education Rémi Gagnayre , Jean François d’Ivernois et les membres d’un groupe de travail 1 Problématique La reconnaissance et le développement de l’éducation thérapeutique (ETP) doivent beaucoup à la formation continue des professionnels de santé qui a tenu pleinement son rôle de levier du changement. Les programmes de formation continue ont permis de préparer les professionnels à de nouvelles compétences tout en étayant progressivement les bases méthodologiques de la mise en œuvre de l’ETP. Depuis la mise en œuvre de la loi Hôpital Patient Santé Territoire (2009), on observe une multiplicité d’organismes et de personnes impliqués dans la formation à l’ETP : universités, centres de formation continue des établissements de soins, structures privées et associatives de formation et enfin, formateurs indépendants. Cette profusion de l’offre de formation témoigne de l’intérêt croissant accordé au champ de l’ETP par les professionnels de santé et son importance désormais reconnue dans le système de soin. Cependant, cette offre de formation est critiquable à plusieurs titres : 1) Tout d’abord, elle se réfère à des niveaux variables de formation qui n’ont pas de correspondance avec des compétences et des fonctions professionnelles clairement identifiées. C’est ainsi que quatre niveaux de formation sont observés (sensibilisation, formation d’au moins 40 h, Diplôme Universitaire et Master), là où l’OMS n’en préconisait réellement que deux : formation de base pour animer l’ETP et formation spécialisée universitaire (à l’époque DESS, maintenant Master). 2) Il existe une hétérogénéité du niveau de compétence des formateurs et par conséquent du contenu enseigné. Trop Correspondance : [email protected] Groupe de travail : M.G. Albano, C. Alessis, L. Banoun, Ph. Barrier, D. Baud, F.X. Blanc, M. Boske, B. Cirette, R. Deguette S. Diancourt, C. Feutrier, B. de Gayffier, M. Gedda, F. Giauffret, M. Guiraud, J. Iguenane, P. Lafitte, D. Léonard, C. Le Tallec, M.-T. Malaval, C. Marchand, A. Martinand, J. M’Bemba, C. Morel, K. Pichon, N. Sohier, S. Vagnarelli, G. Vaillant, F. Zito fréquemment, les formateurs n’ont pas d’expérience réelle en ETP. Ces formations, selon un certain nombre de témoignages que nous avons recueillis, sont trop souvent théoriques, peu concrètes, assurées par des enseignants qui auraient tendance à remplir le programme de théories et de concepts généraux issus de la psychologie, de la sociologie, des sciences de l’éducation et de la communication. À l’opposé, certains formateurs, pour masquer leur manque personnel d’expérience en ETP, sollicitent exclusivement celle des participants sans pouvoir y apporter une véritable critique ni fournir de contre-exemples nécessaires à l’apprentissage Dans les deux cas, il est illusoire de prétendre que la formation permette aux soignants de mettre en œuvre concrètement un programme ou une action d’ETP Il est donc regrettable que le législateur ait fixé une durée de formation (d’au moins 40 h), sans préciser les compétences attendues des participants à la fin du programme (l’arrêté du 31 mai 2013 relatif aux compétences des soignants éducateurs proposé ne permet pas d’y répondre précisément), ni a fortiori celles des formateurs les légitimant à délivrer cette formation. 3) Malgré la durée légale minimale de 40 h pour une formation de niveau 1 à l’ETP, il existe dans les faits une grande variabilité dans la façon dont elle se traduit en nombre de jours de formation. L’examen des offres de formations révèle qu’elles peuvent durer de 5 à 7 jours pour un même niveau. Le compte des heures d’enseignement par journée de formation permet ainsi de faire varier le nombre de jours du programme. 4) L’affichage des formations n’est pas suffisamment explicite. Les programmes reprennent souvent les intitulés conformes aux recommandations de la HAS, aux critères d’autorisation des programmes par les ARS, sans pour autant préciser les contenus enseignés, ni les méthodes pédagogiques utilisées. Les documents et supports pédagogiques ne sont pas précisés. En particulier, la fourniture d’outils d’éducation aux participants reste une exception. Article publié par EDP Sciences Educ Ther Patient/Ther Patient Educ 2014; 6(1): 10401 5) Les formations universitaires offertes de type Diplôme Universitaire (DU) ou Diplôme Inter-Universitaire (DIU) ne sont pas reconnues comme des diplômes d’État. Cependant, leur validation est souvent estimée suffisante par les directions d’établissement de soins pour permettre la prise de responsabilités de programmes d’ETP et leur coordination à l’échelon local d’une structure. L’ETP constituerait donc la seule pratique spécialisée de santé dont la responsabilité ne serait pas garantie par l’obtention d’un diplôme habilité au plan national (comme le sont les licences, les masters, les capacités). Ceci ne peut constituer une solution durable. Dès à présent, il serait souhaitable que les programmes des diplômes universitaires soient organisés en unités d’enseignement pour faciliter les démarches d’inscription dans les formations habilitées en particulier les masters, seules à même de préparer les participants aux compétences de responsables de dispositifs et de programmes d’ETP. Ces inconvénients ne facilitent pas le repérage, dans l’offre actuelle, de formations fondées sur des critères de qualité et garantes d’une valeur pédagogique. Il s’avère donc nécessaire de préciser les critères de qualité que ces formations devraient réunir. Si le futur dispositif de DPC peut y contribuer en diffusant un cahier des charges transversal à toutes formations, cela n’exclut pas un travail spécifique sur la définition de ces critères propres à la formation à l’ETP. À terme, leur large diffusion au sein de la communauté faciliterait le choix des professionnels souhaitant se former et les rendrait plus confiants vis-à-vis des organismes de formation à l’ETP. 2 Proposition de critères de qualité des formations (d’au moins 40 h) à l’ETP On peut envisager plusieurs catégories de critères de qualité. 2.1 L’organisme de formation et les formateurs – L’organisme de formation devrait pouvoir démontrer que ses formateurs possèdent une expertise dans le secteur de l’ETP légitimant la prestation de formation. – Cette expertise résultera d’une pratique éprouvée des formateurs et/ou d’une activité de recherche dans le champ de l’ETP, se signalant pour cette dernière par une production scientifique identifiable. Les organismes de formations (y compris les formateurs indépendants) devraient donc clairement afficher leurs compétences en regard de l’ETP. – L’expertise des formateurs devrait se traduire par la présentation au cours de leur intervention d’exemples concrets mettant en évidence les liens entre l’ETP et la prise en charge médicale des patients pour des affections chroniques ou temporaires. – Une formation continue des formateurs devrait être organisée par l’organisme évitant ainsi un emploi de type « mercenaire » des intervenants reposant uniquement sur la compétence déclarée des personnes. Elle permettrait 10401-p2 R. Gagnayre et al. l’ajustement des compétences des formateurs aux caractéristiques pédagogiques de la formation et aux contenus cliniques et psycho-pédagogiques abordés. De plus, elle assurerait le partage par les formateurs de l’organisme des mêmes valeurs sur l’ETP – L’organisme de formation devrait pouvoir témoigner des liens qu’il tisse avec des organismes de recherche. 2.2 Les programmes de formation sur l’ETP La conception des programmes devrait : – se fonder sur les données les plus récentes de la recherche dans le champ de l’ETP, énoncer les références aux modèles théoriques sous-jacents aux pratiques d’ETP, – prendre appui sur les recommandations officielles et les critères d’autorisation des programmes des ARS, – renforcer la place de l’ETP dans l’organisation des soins et le parcours de soin du patient. La formation devrait : – prendre appui sur l’expérience des participants, favoriser leur créativité, – assurer la remise aux participants d’une bibliographie actualisée et d’une documentation pertinente à l’appui de la formation ainsi que la mise à disposition d’outils/supports d’éducation thérapeutique utilisables avec les patients, – soumettre aux participants des problèmes concrets de développement de programmes ou d’actions d’ETP de façon à préparer les participants à y répondre, – favoriser le transfert des acquis de formation par des activités dédiées, – préparer les participants à l’auto-évaluation annuelle des programmes d’ETP dans lesquelles ils seront impliqués. 2.3 Les modalités d’évaluation et de suivi de la formation Les formations à l’ETP devraient être évaluées et comporter un suivi des participants. – Sur le plan de l’évaluation : ◦ la satisfaction des participants devrait être systématiquement mesurée, ◦ l’organisme de formation devrait s’assurer, autrement que par la présence, des compétences acquises par les participants. – Sur le plan du suivi, l’organisme de formation devrait : ◦ avant la formation, s’engager à assurer de façon systématique un suivi de la formation, sous forme de conseils, de guidance, ◦ favoriser l’accès des participants à des formations supérieures en ETP en rendant lisible le programme, le contenu et les compétences de la formation. Educ Ther Patient/Ther Patient Educ 2014; 6(1): 10401 3 Conclusion L’éducation thérapeutique est une pratique officielle de santé, inscrite dans le Code de Santé Publique ; son exercice est réglementé. Il est de l’intérêt de tous que la formation conduisant à cet exercice sorte de l’état de flou actuel dans R. Gagnayre et al. lequel elle se trouve. La réflexion sur les critères de qualité, son enrichissement par les différents acteurs de l’ETP favoriseraient des débats sur ce que pourrait être une formation à l’ETP, tant du point de vue des contenus que des modalités pédagogiques. C’est à cet objectif que contribue cette proposition. 10401-p3