© Centre d’Education à la Famille et à l’Amour (CEFA asbl) 2004
UN REGARD SOCIOLOGIQUE SUR LE CONCEPT DE VIOLENCE
Comme le dit Jean-Claude Chesnais dans son ouvrage « Histoire de la violence »,
« la violence n'est pas une, mais multiple. Mouvante, souvent insaisissable, toujours
changeante, elle désigne - suivant les lieux, les époques, les circonstances, voire les
milieux - des réalités très différentes ».
Et il ajoute : « vouloir l'enfermer dans une définition fixe, simple, c'est s'exposer à la
réduire et à mal comprendre l'évolution de sa spécificité historique ».
Lorsqu’on se penche sur les approches les plus courantes de la violence, on peut
mettre en évidence au moins trois types de violence très distinctement caractérisés
d'après leur champ d'application. Il s'agit de :
- la violence physique
- la violence économique
- la violence morale ou symbolique
La violence ne peut être considérée uniquement en tant qu'agression physique.
Deux aspects qui la composent sont en effet importants à retenir :
- un élément de force physique identifiable par ses effets;
- un élément plus immatériel représenté par la transgression d'un ordre
normatif.
Comme atteinte physique, la violence est aisément identifiable. Comme violation de
normes, tout acte de transgression pourrait être qualifde violence. C'est surtout à
ce second aspect que va s'intéresser l'approche sociologique.
L'idée de violence, parce qu'elle est étroitement liée à celle de transgression des
règles, est chargée des valeurs positives ou négatives attachées à cette
transgression. A certains moments, l'idée de violence apparaît comme libératrice.
Elle représente la rupture avec une société condamnée (révolution). A d'autres
moments, toute rupture de l'ordre est assimilée à une violence menaçant l'ordre
social dans son ensemble (contre-révolution, inquisition). La violence est définie et
appréhendée en fonction des valeurs qui constituent les fondements de l'ordre sacré
du groupe social de référence. Il s'agit pour une grande part de critères subjectifs.
Ceci conduit à admettre qu'il n'y a pas de discours ni de savoir universel sur la
violence et que chaque société la traite avec ses propres critères et résout avec plus
ou moins d'efficacité les problèmes qu'elle pose. Des études microsociologiques ont
été consacrées à l'analyse des comportements de certains groupes déterminés vis-
à-vis de la violence. Ces études mettent en évidence que la violence est beaucoup
plus répandue et considérée comme beaucoup plus normale qu'on aurait tendance
à le croire. Elles montrent, par ailleurs, que la réalité quotidienne de la violence
diffère sensiblement des représentations que nous nous en faisons et des discours
idéologiques et mythiques que nous tenons sur elle.
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Ainsi :
- les études sur les prisons montrent l'existence d'une violence quotidienne
dans le milieu carcéral;
- les recherches sur les enfants martyrs et les femmes battues ont mis en
évidence l'énorme violence qui circule à l'intérieur de la cellule familiale;
- la jeunesse des banlieues exprime ses frustrations par des actes violents
(agressions, vandalisme, délinquance);
- la musique devient souvent une expression de la violence et les sonorités
par lesquelles elle s'exprime traduisent un degré important d'agressivité;
- le sport devient un terrain de lutte et le hooliganisme transforme la
compétition « fair-play » en champ de bataille;
- les médias (télévision, cinéma, presse) diffusent un nombre croissant
d'événements violents.
L'ensemble des facettes qui composent la problématique est tel que la sociologie
elle-même, dans son approche, aborde le phénomène sous des angles différents.
Autant d'angles qui correspondent à des écoles et des traditions particulières. Avant
d'aborder celles-ci, il convient de se pencher sur quelques définitions sociologiques
de la violence, afin de se rendre compte de la diversité des points de vue.
Quelques définitions à caractère sociologique
- « La violence au sens strict, à savoir la seule violence mesurable et incontestable,
est la violence physique. C'est l'atteinte corporelle directe aux personnes ». J-C
Chesnais.
- « La violence est une action directe ou indirecte, destinée à limiter, blesser ou
détruire les personnes ou les biens ». H.L. Nieburg.
- « La violence est définie au sens étroit comme comportement visant à causer des
blessures aux personnes ou des dommages aux biens. Collectivement ou
individuellement, nous pouvons considérer tels actes de violences comme bons,
mauvais ou ni l'un ni l'autre selon qui commence contre qui ». H.D. Graham et
T.R. Gurr.
On remarque aisément que ces trois finitions sont loin d'être exhaustives. Elles
tracent cependant une évolution : la première restreint la violence à l'agression
physique; la seconde introduit la notion de « biens » qui va au-delà de l'intégrité
physique; la troisième avance le jugement moral attenant à l'acte de violence.
On retrouve bien les trois premières différenciations de la violence dont nous
avons fait état précédemment à savoir physique, matérielle et morale.
Il faut donc élargir la définition de la violence et prendre en considération divers
éléments énumérés ci-après :
- un caractère complexe faisant souvent intervenir de multiples facteurs
(ex : une personne violente a souvent elle-même été autrefois victime de
faits de violence);
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- les modalités, les formes de violence et leurs effets selon les instruments
utilisés (ex : ce n'est pas la même chose que de tuer, blesser, exécuter,
signer un ordre d'exécution, injurier);
- les modes de distribution temporelle de la violence (ex : elle peut être
exprimée d'un coup, progressivement, graduellement, insensiblement par
petites doses);
- les différentes sortes d'atteintes qui peuvent être infligées (ex : physiques,
psychologiques, morales, matérielles).
Quelles sont les approches sociologiques utilisées pour étudier la violence ?
L’approche de type empirique
Par approche empirique on va entendre en sociologie celle qui part d’observations
de terrain, souvent quantifiables qui permettent d’apprécier le poids (l’influence) et
les interrelations entre divers facteurs qui peuvent être associés à la survenance des
phénomènes étudiés. Dans le domaine de la violence ces études, principalement
statistiques, se sont surtout déroulées dans les années 60-70. Sur base de
corrélations établies entre plusieurs variables, elles ont démontré que le volume de
violence varie proportionnellement avec l'intensité de la privation relative. La
privation relative étant l'écart entre les aspirations des individus et leurs réussites et
gains effectifs. On est proche ici de la notion psychologique de frustration. Lorsque
l’écart entre ce qu’on espère et ce qu’on obtient traduit un degré élevé de privation
relative la violence apparaîtrait comme une réponse possible de l’acteur social.
L’approche de type fonctionnaliste
La violence est étudiée sous l'angle des fonctions qu'elle remplit dans le système
social. Ces fonctions sont multiples :
- le renouvellement de l'identité d’un groupe;
- l’intégration à l’intérieur du groupe;
- l’élaboration de valeurs nouvelles;
- la résolution de tensions;
- la création de nouveaux équilibres;
- la création et l’amélioration du fonctionnement de soupapes de sécurité.
Selon cette approche, la société assigne des objectifs à ses membres (individuels
ou collectifs) et désigne les moyens légitimes de les atteindre. La violence peut alors
être utilisée par certains membres de la société comme un moyen (révolte pour
changer le système social), soit être considérée comme une fin en soi (criminel qui
cherche à faire fortune par l’exercice de la violence).
L’approche de type systémique
Le groupe social, la société dans son ensemble, sont étudiés comme un système
les éléments qui le composent et ceux qui lui sont extérieurs se trouvent tous en
relation. De ces relations peuvent survenir des changements, lorsque les éléments
internes ou externes ont une influence directe sur la stabilité du système social
étudié. C'est le degré de puissance de cette influence qui entraîne un changement
d'état du système social considéré. La violence est alors l'expression de ces fortes
influences qui visent à modifier la stabilité du système social initial.
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L’approche de type microsociologique
Celle-ci se situe aux limites de la psychologie sociale. Elle s'intéresse à l'étude de la
violence considérée dans un champ de relation déterminé. Ainsi par exemple, le
milieu carcéral, la cellule familiale, l'école, ... Elle met l'accent sur les processus de
socialisation et les phénomènes psychologiques qui opèrent dans les champs
étudiés. Cette approche porte une attention particulière à la diversité des normes
culturelles qui peuvent exister à l'intérieur d'un même champ de relation, afin de
mieux comprendre le rôle des divers éléments qui interviennent et qu’on appellera
référants.
Bibliographie :
CHESNAIS J.-C., « Histoire de la violence en Occident de 1800 à nos jours », Collection Pluriel Robert
LAFFONT Les hommes et l’Histoire, 1981.
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