V ie adventiste Mark A. Kellner C haque sabbat, un nombre croissant de congrégations adventistes se distinguent des autres. On y voit des hommes qui portent des kippas et des châles de prière. Avec les femmes, ils récitent des prières dans la langue hébraïque de leurs ancêtres. En maints lieux de culte, c’est la Torah qu’on lit depuis l’estrade – un rouleau de parchemin des cinq premiers livres de la Bible, dont l’auteur est Moïse. Une saveur nettement juive se dégage du service – et même des dîners en commun ! Bien que ces congrégations soient profondément adventistes – elles utilisent le même questionnaire trimestriel de l’École du sabbat (édité par Clifford Goldstein, un Juif adventiste) et professent les mêmes doctrines que les autres congrégations adventistes du monde entier – il y a quelque chose de différent ici. En adorant Dieu et son Fils, le Messie, des douzaines de congrégations de Juifs adventistes témoignent de la relation entre les observateurs du sabbat de l’ancien Israël et de nombreux disciples de Dieu d’aujourd’hui. Une culture très distincte Depuis la métropole animée de Buenos Aires, en Argentine, jusqu’aux quartiers juifs de Los Angeles, de Miami, et de New York, en passant par les rues grouillantes d’Israël et d’ailleurs, les adventistes atteignent et reçoivent les Juifs qui croient en Jésus et au message des trois anges. Richard Elofer – un ouvrier de longue date dans l’évangélisation des Juifs – dirige le Centre mondial d’amitié judéo-adventiste, domicilié en France. Il dit que l’Église compte aujourd’hui de 4 000 à 5 000 Juifs adventistes. Selon Richard Elofer, ce nombre, lequel peut sembler modeste de prime abord, est le plus élevé qu’on ait connu. Il est imputable à 23 années d’efforts pour atteindre les Juifs. Au cours de ces années, on a développé une approche qui respecte la mentalité juive. De plus, on a adapté le message adventiste pour que les Juifs qui ne sont pas familiers avec les croyances 22 Adventist World | Novembre 2012 Juifs... mais aussi adventıstes Quand foi ancienne et foi moderne se fusionnent chrétiennes puissent le comprendre. Richard Elofer, dans une interview avec Adventist World : « Les changements dont je suis témoin sont absolument extraordinaires. Dans les années 1990, l’Église adventiste mondiale ne comptait aucune congrégation judéo-adventiste. Aujourd’hui, elle en compte environ 40, dont 25 aux États-Unis. Chacune d’elles témoigne de façon formidable auprès des Juifs que Jésus est bel et bien le Messie. Avant le lancement de ce ministère contextualisé, des Juifs, certes, devenaient adventistes. Malheureusement, à peine trois à cinq ans plus tard, ils quittaient l’Église. Aujourd’hui, notre ministère connaît un succès tel que les Juifs se sont enfin taillé une place au sein de l’Église et demeurent adventistes. » En Floride, Jeff Zaremsky, Juif et pasteur adventiste, se consacre à l’évangélisation des Juifs en utilisant une approche qui les rejoint facilement. En collaboration avec la Division nordaméricaine, il mène aussi des efforts d’évangélisation, lesquels incluront en 2013 Shalom Adventure, un site Web qui présentera au public les croyances que Juifs et adventistes partagent. « Nous avons des imprimés uniques en leur genre », a dit Jeff Zaremsky aux participants du Congrès d’ASI (Association des entrepreneurs adventistes) de 2012. « Certaines de nos églises judéoadventistes ressemblent aux synagogues. Leurs services religieux se déroulent dans une atmosphère à forte saveur juive. « La culture juive est encore très distincte, a-t-il ajouté, surtout dans le contexte religieux. Sa terminologie est différente. À vrai dire, elle comporte tant de différences qu’elle en devient presque une autre langue. » Enracinés dans l’histoire Il y a de nombreuses raisons pour cela. Après 2 000 ans de ce que nombre de Juifs appellent l’ère commune – c’est-à-dire l’époque après la vie et le ministère de Jésus (que dans les cercles chrétiens on appelle souvent l’ère chrétienne) – de nombreux Juifs se sont mis à se méfier du message évangélique, à y être indifférents, voire hostiles. Et cela se comprend aisément : les siècles d’antisémitisme aboutissant à la Shoah, ou D av i d B a r z o l a ORATEUR : Clifford Goldstein, Juif adventiste et éditeur du questionnaire trimestriel de l’École du sabbat, s’adresse à une congrégation judéo-adventiste à Buenos Aires, en Argentine. C e n t r e d u pa t r i m o i n e j u i f SEDER : Le seder (dîner) de la Pâque à une église judéo-adventiste en Floride. « catastrophe » – l’Holocauste mené par les nazis qui a exterminé plus de 6 millions d’hommes, de femmes et d’enfants juifs – ont durci de nombreux cœurs. Pour beaucoup de Juifs, surtout pour ceux à l’esprit critique, au mot « chrétien » est accrochée l’étiquette antisémite. Ainsi, à cause de l’antisémitisme et de la persécution, de nombreuses collectivités juives se sont coupées du monde extérieur, en quelque sorte, pour se protéger : faire des affaires avec les chrétiens, passe encore, mais s’aventurer dans des questions d’ordre religieux, ça, jamais. Et il y a plus : de nombreux Juifs croient dur comme fer que celui qui naît juif doit vivre et mourir en tant que membre de la foi juive. Cependant, après la guerre, l’œcuménisme et les efforts en vue d’une meilleure compréhension entre dirigeants juifs et chrétiens ont fait beaucoup pour réduire cette tension. En même temps, les pressions existentielles de la vie moderne ont conduit de nombreux Juifs dans une quête spirituelle : beaucoup de Juifs qui se disent « sécularisés » s’ouvrent aux discussions et aux concepts spirituels et, de ce fait, sont potentiellement ouverts au message adventiste. Richard Elofer, autrefois un Juif orthodoxe du Maroc, en est un bon exemple. Pendant son adolescence, il a habité en France. Il y a fait la connaissance d’une famille adventiste qui s’est liée d’amitié avec lui. Ils ont partagé leur croyance mutuelle du sabbat, et ont mangé ensemble les aliments permis par la Bible. Ils ont lu des passages bibliques que Richard n’aurait jamais imaginé retrouver dans la Bible « juive » qu’il avait reçue lors de la cérémonie de confirmation de sa majorité religieuse juive – un rite de passage appelé bar mitzvah, ce qui signifie « fils du commandement ». « À mon retour à la maison, racontet-il, j’ai ouvert ma Bible juive pour vérifier si ces passages étaient les mêmes. Et à ma grande surprise, ils l’étaient ! J’ai accepté progressivement ces enseignements, et quatre à cinq années plus tard, j’ai décidé de me faire baptiser. » Sa conversion a changé sa vie, mais à quel prix ! « Devenir chrétien, pour un Juif orthodoxe, revient à mourir. C’est pourquoi, en apprenant cette nouvelle, mon père s’est lamenté. Et pendant environ huit ans, il a refusé de me voir. Aujourd’hui, mes parents habitent en Israël. Papa est un Juif toujours aussi convaincu qu’il y a 30 ans : il va à la synagogue chaque jour pour y prier. Nous discutons ensemble, mais pas de religion », a-t-il souligné. Richard Elofer a été président de l’Église adventiste en Israël pendant 15 ans. Il dit que la situation de l’Église dans ce pays est très différente des premières années. « Après environ 100 ans de présence en Palestine/Israël, nous n’avions que 50 membres. Aujourd’hui, on compte plus de 1 000 membres répartis en 25 congrégations. Et la majorité de nos membres sont des Israélites. » Le lien avec l’adventisme Beaucoup de ces membres se sont retrouvés à Jérusalem le sabbat 16 juin 2012 pour entendre Ted N. C. Wilson, président de la Conférence générale. Le culte du sabbat matin s’est conformé au modèle de nombreux services adventistes du monde entier. Ce qui a conféré à ce culte une saveur toute particulière, ce sont les chants Novembre 2012 | Adventist World 23 V ie adventiste Richard Elofer CROYANTS : L’Église adventiste en Israël compte de nombreux croyants juifs. hébraïques, de même que la traduction en russe des annonces et de la prédication – une langue parlée par un grand nombre dans la congrégation. C’est Oleg Elkine qui s’est chargé de la traduction en russe pour Ted Wilson et pour Julio Mendez Jr., secrétaire-trésorier du champ israélien. Ted Wilson, qui a été président de la Division euro-asiatique pendant deux ans, a prononcé quelques phrases en russe. Dans son message, Ted Wilson a commenté ce qui est arrivé en ce pays il y a quelque 2 000 ans, et sa pertinence pour aujourd’hui. « Dans cet endroit très spécial du monde, Jésus a dit à Nicodème qu’à moins qu’une personne ne naisse de nouveau, elle ne peut voir le royaume de Dieu. C’est ce dont nous avons besoin, ce dont toute personne en Israël a besoin. » Aux États-Unis, on trouve des congrégations judéo-adventistes en beaucoup d’endroits. Il n’y a rien d’étonnant à cela puisque ce pays compte près de 6 millions de Juifs américains. Lors d’une interview, Jeff Zaremsky a dit que ses congrégations en Floride, bien que petites, sont en pleine croissance grâce aux efforts consentis pour donner une saveur juive au message adventiste. « Je 24 Adventist World | Novembre 2012 crois que ça a été la façon la plus efficace de partager l’amour de Dieu avec les Juifs », a-t-il expliqué. « Des Juifs assistent à nos services, entament un parcours spirituel et le poursuivent. Certains acceptent le Messie ; d’autres décident de se faire baptiser et de devenir membres de l’Église adventiste », a-t-il ajouté. À maints égards, la congrégation judéoadventiste de l’Argentine est l’une des plus prospères. Elle entretient des relations cordiales avec de nombreux dirigeants de la communauté juive. Elle a produit son propre recueil de prières judéo-adventiste et établi un ordre du culte qui reflète la liturgie juive traditionnelle. L’idée, encore une fois, c’est de rendre la foi adventiste accessible à ceux dont la culture même exclut totalement ou en partie l’exposition aux croyances chrétiennes. « Depuis plus de 10 ans, des Juifs traditionnels qui ne croient pas en Jésus, des Juifs athées, et des Juifs adventistes fréquentent notre congrégation », a dit David Barzola, le pasteur adventiste juif qui dirige la congrégation de Buenos Aires depuis 10 ans. « Certains ont choisi de devenir adventistes, d’autres pas. Cependant, beaucoup pensent qu’il n’est pas contradictoire P h o t o s d’être à la fois juif et adventiste. » Il faut absolument atteindre la collectivité juive en Argentine, a-t-il ajouté. « Notre congrégation cherche à établir de bonnes relations avec les collectivités juives établies en Argentine, et à jeter des ponts. Grâce à une telle approche, les autorités [juives] et les rabbins de la collectivité, de même que les dirigeants adventistes nous rendent visite et participent à nos activités. » Un horizon prometteur Qu’en est-il de l’avenir ? L’évangélisation en continu est assurée, surtout envers les 1,6 million de Juifs de New York et de ses banlieues, où la Conférence générale mènera une importante campagne d’évangélisation en 2013. Jeff Zaremsky a dit à l’auditoire du Congrès d’ASI qu’entre autres efforts, il participera à cette campagne d’évangélisation pour les Juifs en établissant des centres de santé. Richard Elofer croit qu’il est indispensable que l’Église adventiste accueille les Juifs adventistes. « Ne nous méfions pas des Juifs qui deviennent adventistes – faisons-leur confiance, a-t-il souligné. Ce sont des adventistes fidèles, loyaux envers l’Église adventiste, son histoire, son patrimoine. Cependant, ils ont leur propre façon d’être adventistes et de rendre un culte à Dieu, selon leur culture. » n Mark A. Kellner, Juif et disciple de Jésus, est rédacteur aux informations pour les revues Adventist World et Adventist Review. : Ma r k A . K e l l n e r / A d v e n t i s t W o r l d E sprit au Juif de prophétie Ellen G. White premièrement Mais aussi au Grec Q uand Jérusalem fut détruite, et que le temple tomba en ruine, des milliers de Juifs furent vendus comme esclaves en terres païennes. Comme des naufragés échoués sur un rivage désert, ils furent dispersés parmi les nations étrangères. […] Dédaignés, haïs, persécutés de siècle en siècle, leur héritage n’a été que celui de la souffrance. Bien qu’un terrible jugement ait été prononcé contre la nation israélite à l’époque où elle avait rejeté Jésus de Nazareth, des Juifs au cœur noble et craignant Dieu continuèrent, à travers les âges, à souffrir en silence. Dieu a réconforté leurs âmes affligées, et il s’est penché avec pitié sur leur condition tragique. Il a entendu les prières déchirantes de ceux qui le recherchaient de tout leur cœur pour acquérir une juste compréhension de sa Parole. Parmi ces infortunés, certains ont appris à voir dans l’humble Nazaréen […] le véritable Messie d’Israël. Et tandis qu’ils sondaient les prophéties qui leur étaient familières, et que la tradition ou une fausse interprétation leur avaient rendues si longtemps obscures, leur cœur débordait de reconnaissance envers Dieu pour le don ineffable qu’il accorde à tous ceux qui acceptent le Christ comme Sauveur personnel. Depuis l’époque de Paul jusqu’à nos jours, Dieu a appelé à la fois, par son Saint-Esprit, les Juifs et les païens. « Car devant Dieu il n’y a point d’acception de personnes » (Rm 2.11), déclare Paul. […] « L’Évangile, dit-il encore, est une puissance de Dieu pour le salut de quiconque croit, du Juif premièrement, puis du Grec, parce qu’en lui est révélée la justice de Dieu par la foi et pour la foi, selon qu’il est écrit : Le juste vivra par la foi. » (Rm 1.16,17) C’est de cet Évangile, aussi efficace pour les Juifs que pour les Gentils, que Paul déclarait, dans son épître aux Romains, « qu’il n’avait point honte ». Peu nombreux sont les pasteurs qui se sentent appelés à travailler pour le peuple juif ; mais le message de miséricorde et d’espoir en Christ doit être annoncé à tous ceux qu’on a trop longtemps négligés. Dans la proclamation finale de l’Évangile, Dieu suscitera des serviteurs qui prendront un soin spécial des Juifs, répandus dans toutes les parties du monde. Comme l’Ancien Testament s’harmonise avec le Nouveau pour l’explication des desseins éternels de Dieu, de nombreux Juifs y verront comme l’aurore d’une nouvelle création, la résurrection de l’âme. Lorsqu’ils discerneront le Christ de la dispensation évangélique à travers les pages de l’Ancien Testament, lorsqu’ils comprendront combien clairement le Nouveau Testament explique l’Ancien, alors ils se réveilleront de leur assoupissement, et reconnaîtront le Christ comme Sauveur du monde. […] Parmi les Juifs, il y en a beaucoup qui, comme Saul de Tarse, sont puissants dans les Écritures. Ils proclameront avec une force merveilleuse l’immutabilité de la loi divine. Le Dieu d’Israël permettra que tout cela s’accomplisse de nos jours, car son bras ne s’est pas raccourci ; il est toujours puissant pour sauver. « C’est pourquoi ainsi parle l’Éternel à la maison de Jacob, lui qui a racheté Abraham : Maintenant Jacob ne rougira plus […]. Car, lorsque ses enfants verront au milieu d’eux l’œuvre de mes mains, ils sanctifieront mon nom ; ils sanctifieront le Saint de Jacob, et ils craindront le Dieu d’Israël ; ceux dont l’esprit s’égarait acquerront de l’intelligence, et ceux qui murmuraient recevront instruction. » (Es 29.22-24) n Cet article est tiré de Conquérants pacifiques (p. 336-338), d’Ellen G. White. Les adventistes du 7e jour croient qu’Ellen G. White (1827-1915) a exercé le don de prophétie biblique pendant plus de 70 ans de ministère public. Novembre 2012 | Adventist World 25