Université Lyon 1 M1 EADM Automne 2010 S.P. Questions d’arithmétique. Voici quelques rappels et questions classiques d’arithmétique. Z/nZ est un anneau commutatif pour les lois a · b = ab, a + b = a + b, de neutres 0 (pour +) et 1 (pour ·). Le groupe additif (Z/nZ, +) est un groupe cyclique de générateur 1. De plus l’ordre de l’élément k = 1 + · · · + 1 (k fois) étant donné par ordre (k) = n pgcd (k, n) on a Z/nZ = hki+ ⇔ pgcd (k, n) = 1. Exemple: pour n = 8, on a Z/8Z = h1i+ = h3i+ = h5i+ = h7i+ . Par contre h0i+ = {0}, h2i+ = {0, 2, 4, 6}, h4i+ = {0, 4}, h6i+ = h2i+ . Prop: tout groupe cyclique G d’ordre n est isomorphe à (Z/nZ, +). La démo est très classique et très courte: si G = hxi, l’application f : Z → G : l 7→ xl est un morphisme surjectif de noyau nZ. Par le théorème d’isomorphisme, f induit un isomorphisme de groupes f : Z/nZ → G : l 7→ xl . Def: Soit (A, +A , ·A ) un anneau de neutres notés 0A (pour +A ) et 1A (pour ·A ). On note A? l’ensemble des éléments de A qui sont inversibles pour la multiplication ·A i.e. u ∈ A? ⇔ ∃w ∈ A, tel que u ·A w = w ·A u = 1A , auquel cas w ∈ A? , w est unique et on écrit w = u−1 . Prop: (A? , ·A ) est un groupe. Démo: pour commencer 1A ∈ A? . Ensuite, pour u, u0 ∈ A? on a (u ·A u0 ) ·A (u0 −1 ·A u−1 ) = 1A ce qui montre que u ·A u0 ∈ A? . Enfin si u ∈ A? alors (u−1 )−1 = u. 1 Produit d’anneaux: si A et B sont deux anneaux, le produit A × B est un anneau pour les lois (a, b) + (a0 , b0 ) = (a +A a0 , b +B b0 ), (a, b) · (a0 , b0 ) = (a ·A a0 , b ·B b0 ) de neutres respectifs (0A , 0B ) et (1A , 1B ). Pour ces lois, on a (A × B)? = A? × B ? . Soient A et B deux anneaux et f : A → B un morphisme préservant les unités i.e. f (a +A a0 ) = f (a) +B f (a0 ), f (a ·A a0 ) = f (a) ·B f (a0 ), f (1A ) = 1B . Prop: f se restreint en un morphisme de groupes multiplicatifs f : A? → B ? . En particulier, lorsque f est bijective cette restriction est un isomorphisme de groupes. Prop: k ∈ (Z/nZ)? ssi pgcd (k, n) = 1. Démo: c’est Bézout. En effet, k est inversible dans Z/nZ ssi il existe u ∈ Z tel que u · k = uk = 1 ssi il existe u ∈ Z tel que uk ≡ 1[n] ssi il existe u, v ∈ Z tels que uk + vn = 1, ce qui, par Bézout, équivaut à pgcd (k, n) = 1. En conclusion, on a les équivalences: Z/nZ = hki+ ⇔ pgcd (k, n) = 1 ⇔ k ∈ (Z/nZ)? . Def: On note φ(n) le nombre d’entiers k tels que 1 ≤ k ≤ n et pgcd (k, n) = 1. φ(n) est appelée la fonction indicatrice d’Euler. Par ce qui précède, φ(n) est l’ordre du groupe multiplicatif | (Z/nZ)? | et le nombre de générateurs du groupe cyclique (Z/nZ, +). Par le théorème d’isomorphisme des groupes cycliques, φ(n) est aussi le nombre de générateurs de tout groupe cyclique d’ordre n. Prop: φ(n) est une fonction arithmétique multiplicative. Ceci signifie: ∀a, b ∈ N \ {0}, pgcd (a, b) = 1 ⇒ φ(ab) = φ(a)φ(b). L’une des preuves classiques utilise les restes chinois que je rappelle ici: on note k n la classe de l’entier k dans Z/nZ. On commence par observer que l’application ψ : Z → Z/aZ × Z/bZ : k 7→ (k a , k b ) est un morphisme d’anneaux. En particulier, ψ est un morphisme de groupes additifs. On a Ker ψ = abZ: en effet, ψ(k) = (0a , 0b ) ssi a et b divisent k ssi ab divise k (car pgcd (a, b) = 1). Le théorème d’isomorphisme (pour les groupes) assure alors que l’application quotient ψ : Z/abZ → Z/aZ × Z/bZ : k ab 7→ (k a , k b ) est un morphisme injectif de groupes additifs. De plus, ψ préserve la multiplication i.e. ψ est un morphisme d’anneaux. On observe enfin que ψ est surjectif: en effet, | Z/abZ |= ab =| Z/aZ × Z/bZ | et toute application injective entre ensembles finis de même cardinal est une bijection. 2 Conclusion: l’application ψ est un isomorphisme d’anneaux. Elle se restreint donc en un isomorphisme de (Z/abZ)? sur (Z/aZ × Z/bZ)? = (Z/aZ)? × (Z/bZ)? . Ces deux groupes multiplicatifs sont dès lors de même cardinal i.e. φ(ab) = φ(a) φ(b). Calcul pratique: si n = pr11 · · · prl l est la décomposition en facteurs premiers de n on a φ(n) = φ(pr11 ) · · · φ(prl l ). Reste à calculer φ(pr ) pour p premier. Pour cela on observe que pgcd (k, pr ) 6= 1 ⇔ p divise k. Il s’agit donc de compter les entiers k entre 1 et pr qui sont multiples de p. Voici la liste p, 2p, 3p, . . . , pr−1 p. Il y en a pr−1 et on obtient | (Z/pr Z)? |= φ(pr ) = pr − pr−1 . Ce calcul de cardinal montre en particulier que l’anneau Z/pr Z est un corps ssi r = 1 (pour r > 1, pr − pr−1 < pr − 1). Voici une question développée dans l’écrit 2 de 2003: Les groupes multiplicatifs (Z/pr Z)? sont-ils cycliques? 1. Le cas r = 1. Il faut veiller ici à bien distinguer les propriétés additives des propriétés multiplicatives des classes de restes: pour r = 1, on sait déjà que le groupe additif (Z/pZ, +) est cyclique. En fait, le début de cette fiche montre que pour tout k tel que 1 ≤ k ≤ p − 1 on a Z/pZ = hki+ . La question que l’on se pose est de savoir si le groupe multiplicatif ((Z/pZ)? , ·) est cyclique i.e. s’il existe k ∈ N tel que l Z/pZ \ {0} = hki = {k , l ∈ Z}. Exemple: Dans (Z/7Z)? on a h1i = {1}, h6i = {1, 6}, h2i = h4i = {1, 2, 4}, (Z/7Z)? = h3i = h5i ce qui montre que ((Z/7Z)? , ·) est cyclique. Il contient deux générateurs 3 et 5. Dans la suite, j’utiliserai le fait suivant démontré en cours: - si G est un groupe cyclique d’ordre n alors P pour tout diviseur d ∈ Div(n), G contient exactement φ(d) éléments d’ordre d. En particulier d∈Div(n) φ(d) = n. Voici l’énoncé général Prop: quel que soit p ∈ N premier, le groupe multiplicatif (Z/pZ)? est cyclique (d’ordre p − 1). En particulier, il contient φ(p − 1) générateurs (i.e. φ(p − 1) éléments d’ordre p − 1). Démo: on commence par montrer la propriété générale suivante: Soit G un groupe fini d’ordre n ∈ N. On suppose que pour tout diviseur d ∈ Div(n) l’équation xd = 1G (?) admet au plus d solutions distinctes x ∈ G. Alors G est cyclique i.e. il existe un élément z ∈ G d’ordre n. 3 Pour prouver cette propriété on va comparer le nombre N (d) d’éléments d’ordre d dans G à la valeur de l’indicatrice d’Euler φ(d). Soit d ∈ Div(n). - Si N (d) = 0 on a N (d) ≤ φ(d) (car 1 ≤ φ(d)). - Supposons N (d) 6= 0 et soit x ∈ G d’ordre d. Le sous-groupe hxi < G est alors (par définition) de cardinal d et, par Lagrange, on a (x0 )d = 1 pour tout x0 ∈ hxi. Il y a donc au moins d solutions de l’équation (?) dans G. Comme, par hypothèse, il y en a au plus d, il y en a exactement d et ce sont les éléments de hxi. En particulier tous les éléments d’ordre d de G sont éléments du sous-groupe cyclique hxi qui on le sait en contient φ(d), i.e. N (d) = φ(d). Conclusion: pour tout d ∈ Div(n), N (d) ≤ φ(d). La relation n= X N (d) ≤ d∈Div(n) X φ(d) = n d∈Div(n) implique alors N (d) = φ(d) pour tout d. En particulier G admet φ(n) éléments d’ordre n. Il est donc cyclique. Reste à vérifier que (Z/pZ)? satisfait l’hypothèse faite sur G i.e. que pour tout d ∈ Div(p − 1) il y a au plus d solutions distinctes de l’équation xd = 1 dans (Z/pZ)? . Pour cela on considère l’anneau Z/pZ[X] des polynômes à coefficients dans le corps Z/pZ. Comme tout polynôme de degré d à coefficients dans un corps, le polynôme P (X) = X d − 1 admet au plus d racines distinctes dans Z/pZ i.e. l’équation xd = 1 admet au plus d solutions distinctes dans (Z/pZ)? . Exemples: (1) retour sur (Z/7Z)? : ce groupe est d’ordre 6. φ(1) = 1 (l’unique élément d’ordre 1 est le neutre 1). Il y a φ(2) = 1 élément d’ordre 2; il s’agit de 6. Il y a φ(3) = 2 éléments d’ordre 3 qui sont 2 et 4 et enfin φ(6) = φ(2)φ(3) = 2 éléments d’ordre 6 qui sont 3 et 5. (2) voici un contre-exemple: (Z/8Z)? est d’ordre φ(8) = φ(23 ) = 23 − 22 = 4 et on a (Z/8Z)? = {1, 3, 5, 7}. Tous les éléments sont d’ordre 2. Ce groupe multiplicatif n’est donc pas cyclique. Il est intéressant d’observer que dans l’anneau Z/8Z[X], le polynôme X 2 − 1 admet les quatre racines 1, 3, 5, 7. 2. Le cas p ≥ 3. Exemple: le groupe (Z/32 Z)? est d’ordre φ(32 ) = 32 − 3 = 6 et (Z/32 Z)? = {1, 2, 4, 5, 7, 8}. On a h1i = {1}, (Z/32 Z)? = h2i = h5i, h4i = h7i = {1, 4, 7}, h8i = {1, 8}. Dès lors, le groupe multiplicatif (Z/32 Z)? est cyclique et 2 et 5 sont tous deux générateurs. Voici l’énoncé général Prop: pour p ≥ 3 premier et n ∈ N \ {0} le groupe (Z/pn Z)? est cyclique. 4 La preuve utilise la propriété suivante (cf l’exercice 4 de la fiche de corrigés): Soit G un groupe commutatif et x, y ∈ G deux éléments d’ordres étrangers. Alors ordre (xy) = ordre (x) · ordre (y). On commence par observer que | (Z/pn Z)? |= pn − pn−1 = pn−1 (p − 1). La preuve consiste alors à expliciter deux classes a et a0 d’ordres respectifs pn−1 et (p − 1). Par la propriété que l’on vient de rappeler, a · a0 = aa0 sera d’ordre pn − pn−1 i.e. aa0 sera un générateur de (Z/pn Z)? . Voici les détails sous la forme de 2 exercices. On suppose p ∈ N premier impair. Exercice 1. (recherche d’une classe d’ordre pn−1 ) (1) Montrer que pour tout entier k tel que 1 ≤ k ≤ p − 1, p divise le coefficient du binôme p k . (2) Déduire du (1) que (1 + p)p = 1 + p2 u où p ne divise pas l’entier u. En procédant par récurrence finie, montrer que quel que soit l’entier m tel que 1 ≤ m ≤ n − 1, on m a (1 + p)p = 1 + pm+1 um+1 où p ne divise pas l’entier um+1 . (3) En déduire que la classe 1 + p est d’ordre pn−1 dans le groupe multiplicatif (Z/pn Z)? . Exercice 2. (recherche d’une classe d’ordre (p − 1)) (1) Montrer que le morphisme Z → Z/pZ : l 7→ l induit un morphisme surjectif d’anneaux ϕ : Z/pn Z → Z/pZ. (2) Soit c un entier tel que c soit un générateur du groupe multiplicatif (Z/pZ)? et désignons par cn la classe de c dans Z/pn Z. Dire pourquoi cn est élément de (Z/pn Z)? . Montrer que γ = cn p n−1 [Indication: pour un entier l ≥ 1 tel que γ l = 1n , on a 1 = ϕ(γ l ).] 5 est d’ordre p−1 dans (Z/pn Z)? .