Précis d’Anesthésie cardiaque 2012 – 13 Cardiomyopathies 5
Cardiomyopathie dilatative
Présentation clinique
A part sa forme idiopathique primaire d'évolution chronique irréversible, la cardiomyopathie dilatative
peut être secondaire à des affections inflammatoires, toxiques ou métaboliques [11] :
Maladies cardiaques : coronaropathie, infarctus multiples, valvulopathie décompensée ;
Myocardite rhumatismale (RAA) ;
Infections: coxsackie, poliomyélite, SIDA, candida, toxoplasmose, schistostomiase, maladie
de Chagas, toxoplasmose, diphtérie, pneumocoque, syphillis, leptospirose ;
Médicaments : hydralazine, méthysergide, phénothiazines, tricycliques, phénytoïne, stéroïdes,
digitale, quinidine, adriamycine, bléomycine, anti-rétrovirus, cocaïne, mercure, plomb ;
Métaboliques: myxoedème, thyréotoxicose, thalassémie, cachexie, alcool, cobalt (bière),
avitaminose (thiamine), déficience en carnitine, en sélénium ;
Maladies de système: lupus, sclérodermie, arthrite rhumatoïde, polyartérite noueuse,
sarcoïdose, dystrophie musculaire, maladie immunitaire (rejet).
Lorsqu'un traitement étiologique est possible, la cardiomyopathie peut être réversible ; la guérison est
fréquente dans les affections inflammatoires. Dans les autres cas, l'évolution vers une insuffisance
cardiaque congestive est progressive et irréversible. Dans les cas idiopathiques, la survie est
inférieure à 40% à 5 ans dès que les malades deviennent symptomatiques [7].
La cardiomyopathie dilatative se présente comme une insuffisance ventriculaire évolutive présentant
toutes les caractéristiques de la dysfonction systolo-diastolique (voir Chapitre 12, page 4). Elle touche
le plus souvent le VG, mais peut atteindre les deux ventricules. Les malades présentent une
insuffisance propulsive (pression différentielle < 25% de la pression systolique, index cardiaque < 2.2
L/min/m2) et une stase en amont (pré-oedème pulmonaire, stase hépatique, distension jugulaire). La
cardiomyopathie alcoolique est caractérisée par un taux élevé d'arythmies (ESV, FA) et par une
tachycardie permanente ; elle est probablement due à l'effet toxique de l'alcool (acétaldéhyde) ou de
certains additifs (cobalt dans la bière), et aux carences nutritionnelles (thiamines, protéines). Les
crises d'alcoolisme aiguës provoquent une exacerbation de la cardiomyopathie avec une
diminution considérable de la contractilité. La tachycardie est souvent le seul moyen de maintenir le
débit cardiaque lorsque le volume systolique est bas.
Le ventricule gauche est très dilaté (diamètre télédiastolique du VG > 4.5 cm/m2) et d’allure arrondie ;
sa paroi est mince et très hypokinétique ; des thrombus muraux sont fréquents. La fraction d'éjection
(FE) est < 0.3 (voir Figure 25.73A). L'oreillette gauche est dilatée à cause des hautes pressions de
remplissage. Une insuffisance mitrale sur dilatation est courante. Une dilatation du VD et une
insuffisance tricuspidienne traduisent la présence d'une hypertension pulmonaire qui est de mauvais
pronostic [1]. Lorsque la dysfonction diastolique devient restrictive, elle signe également un mauvais
pronostic (voir Cardiomyopathie restrictive) [39]. Le traitement symptomatique est celui de
l'insuffisance congestive (voir Chapitre 12 Traitement de l'insuffisance cardiaque chronique, page 23).
Principes pour l'anesthésie
L'anesthésie pour un malade en insuffisance cardiaque, abordée en détail au Chapitre 12 (page 80),
vise en premier lieu la stabilité hémodynamique. L'anesthésie loco-régionale rachidienne n'est pas
moins perturbatrice que l'anesthésie générale ; beaucoup de ces patients sont anticoagulés à cause
d’une FA ou du risque de thrombose intracavitaire. Les blocs périphériques sont conseillés lorsqu'ils
sont possibles. Les recommandations sont les mêmes que pour toute insuffisance cardiaque majeure.