Défi diagnostic
le clinicien décembre 2010
ticide en cause, puisque les pesticides
ont des temps de vieillissement et de
réactivation différents ayant une influ-
ence majeure sur le traitement. En
général, les pesticides contenant du
fumarate de diméthyle vieillissent
rapidement, ce qui oblige une utilisa-
tion précoce des oximes. Les com-
posés contenant du phtalate de diéthyle
peuvent causer de la toxicité à retarde-
ment et le traitement avec un oxime
doit alors être prolongé.
On utilise la séquence connue
Airway, Breathing et Circulation,
parce qu’une intubation peut être
nécessaire en cas d’empoisonnement
grave. Dans un tel cas, on doit souvent
augmenter les doses d’agents non
dépolarisants, en raison de l’excès
d’acétylcholine (ACh) aux récepteurs.
On procède ensuite à la décontami-
nation, qui varie selon le mode de con-
tamination. En tout temps, le patient
doit être déshabillé et son corps lavé
avec de l’eau et du savon. Une solution
d’hypochlorite (eau de Dakin) peut
aussi être utilisée.
L’utilisation de charbon activé ora-
lement peut aider en cas d’ingestion
accidentelle. Il ne semble pas y avoir
d’avantages à faire vomir les patients.
Les médications spécifiques
L’atropine
L’atropine est un excellent choix : il
s’agit d’un antagoniste muscarinique
pur qui compétitionne avec l’ACh au
niveau des récepteurs muscariniques.
Les doses varient de 2 à 5 mg, pour les
adultes, et de 0,1 à 0,05 mg/kg pour les
enfants. Il est essentiel de prévenir la
bradycardie et, à cet effet, un rythme
de 90 battements cardiaques par mi-
nute suggère une atropinisation effi-
cace. On peut répéter les doses aux 5 à
10 minutes. L’atropine ne s’attache
toutefois pas aux récepteurs nico-
tiniques et est donc inefficace pour
traiter la toxicité neuromusculaire
(notamment la faiblesse des muscles
respiratoires).
La pralidoxime
On utilise aussi la pralidoxime,
puisque les organophosphorés et les
carbamates s’attachent à l’ACHE,
créant une phosphorylation des sites
actifs de l’acétylcholinestérase, et en
inhibent l’action. L’oxime agit comme
un bras de levier et « décolle » le pes-
ticide de l’AChE. Sa pénétration du
système nerveux central est faible et la
majorité de ses effets se fait en
périphérie. L’action majeure a lieu aux
récepteurs nicotiniques, mais on lui
connaît une action discrète sur les
récepteurs muscariniques, ce qui di-
minue les besoins en atropine. L’effet
des oximes varie selon les pesticides,
ce qui explique un effet variable du
traitement.
Les benzodiazépines
Les benzodiazépines doivent être uti-
lisées en prévention d’une intoxication
grave pour éviter un status epileticus
qui risquerait de laisser des séquelles
cérébrales significatives. Le midazo-
lam semble être la médication de
choix, en raison du fait qu’il a deux
fois plus d’affinités pour les récep-
teurs des benzodiazepines que le
diazépam.
Retour sur le cas
de Pierre et Jean
Vous croyez, avec raison, que les
deux patients souffrent d’une
intoxication relativement grave aux
pesticides organophosphorés.Vous
les traitez donc avec de l’atropine
et de la pralidoxime, après les avoir
décontaminés avec de l’eau et du
savon. Par précaution, vous installez
un moniteur cardiaque et vous
donnez à vos deux patients du
midazolam de façon prophylactique.
L’un et l’autre s’améliorent
progressivement. Ils reçoivent leur
congé après 48 heures.
C
Dr Melançon est
omnipraticien et compte
25 années d’expérience
dont 18 en salle
d’urgence. Il a pratiqué
en cabinet privé et en
CLSC. Il est récemment
revenu à ses premières amours, soit la
médecine d’urgence, la traumatologie et la
psychiatrie.
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L’utilisation de
charbon activé
oralement peut
aider en cas
d’ingestion
accidentelle.