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INTRODUCTION.
La Gravenne de Thueyts, encore appelée Volcan
du Prat, domine la route N. 102 en rive gauche de la
vallée de l’Ardèche (Figure 1). Elle se présente
comme un ancien ne, aujourd’hui éventré, de huit
cents mètres de diamètre et s’élevant d’une centaine
de mètres au-dessus du substratum métamorphique.
La coulée, qui a égueulé la Gravenne sur son
flanc ouest-sud-ouest, a été partiellement bloquée à
l’aval par les scories du cône qui encombraient le lit
de l’Ardèche. Elle s’est, de ce fait, étalée en amont
en raison de la faible pente locale de la vallée.
FIGURE 1 - LA GRAVENNE DE THUEYTS ET SA COULÉE BASALTIQUE.
REMARQUES : 1 - Les «alluvions centes» se matérialisent le plus souvent par une mince terrasse, voir des plaquages discontinus laissant
apparaître le socle. 2 - La «formation lacustre» s’est mise en place immédiatement après que la coulée basaltique ait barré la vallée du
Merdaric. L’existence de ce lac temporaire est responsable de la morphologie actuellement observable.
LA COULÉE BASALTIQUE :
La coulée émise par la Gravenne de Thueyts est
assurément la plus imposante du Pays des Jeunes
Volcans d’Ardèche (Photos 1 et 2).. Elle ne possède
certes pas la longueur de celle issue du maar du
Ray-Pic (21 km), ni la superbe vraie colonnade
qu’offre la coulée de Jaujac ; en revanche sa
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puissance (localement supérieure à 50 mètres), sa
largeur et le cachet particulier qu’elle donne à la
commune de Thueyts en font une formation tout à
fait exceptionnelle
Photo 1 - LA GRAVENNE ET LA COULÉE DE THUEYTS.
Cette vue, prise depuis la rive droite de l’Ardèche, montre
bien le site du village pour l’essentiel bâti sur la coulée. Au
premier plan et de gauche à droite on remarque la puissance de la
coulée et au delà de la Gueule d’Enfer, les restes du cône dont
elle est issue. Au second plan on distingue nettement le Gravenne
de Montpezat et le célèbre Rocher d’Hautureyre.
Les sentiers existants, tant en rive gauche qu’en
rive droite de l’Ardèche, permettent de multiplier les
observations les plus diverses. Le basalte diffère
quelque peu selon qu’il est observé dans la masse de
la coulée ou dans les passées scoriacées où il est gris
clair et riche en petites bulles millimétriques
allongées donnant à la roche un faciès plus ou moins
ponceux. Dans ces basaltes scoriacés, les cristaux
visibles à l’œil nu (phénocristaux) sont rares ; il
s’agit le plus souvent d’olivines relativement
altérées (rubéfaction à haute température). Des
enclaves de péridotites de taille centimétrique, le
fréquemment altérées, sont localement observables.
Le basalte massif de la coulée est gris clair en
patine mais plus sombre que le précédent en cassure.
Les bulles, moins nombreuses, y sont plus allongées.
De petites enclaves de ridotites, relativement
fraîches, y sont également présentes.
A l’œil nu de rares phénocristaux de pyroxène
(augites noires) et des olivines, automorphes et peu
ou pas altérées, se distinguent dans une fine matrice
que seul le microscope permettrait d’observer avec
efficacité.
Comme pour les autres volcans récents de
l’Ardèche, la composition chimique du basalte (voir
annexe) traduit bien son appartenance au groupe des
basaltes «alcalins» caractéristiques de la quasi-
totalité des basaltes d’âges Tertiaire et Quaternaire
du Massif Central. Sur la base de modèles plus ou
moins généralement admis, ces compositions
reflètent un faible taux de fusion partielle de
péridotites au sein du manteau terrestre.
Photo 2 - VRAIE COLONNADE ET ENTABLEMENT.
(CHEMIN DE LA GUEULE D’ENFER).
La coulée basaltique de Thueyts, d’une puissance tout à fait
exceptionnelle (cinquantaine de mètres d’épaisseur), ne se
caractérise cependant pas par la hauteur de la vraie colonnade.
Celle-ci, néanmoins bien individualisée, est bien observable le
long du chemin qui, depuis la Gueule d’Enfer, conduit au Pont du
Diable. On prendra la mesure de la puissance de la formation soit
depuis le belvédère de la N 102, soit depuis les sentiers
serpentant en rive droite de l’Ardèche, soit (par exemple) en
empruntant «l’Echelle de la Reine».
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LES PÉRIDOTITES EN ENCLAVES DANS LE BASALTE.
Les basaltes alcalins, groupe auquel appartient le
basalte émis par la Gravenne de Thueyts,
contiennent souvent des enclaves arrachées aux
terrains traversés lors de leur ascension vers la
surface du globe terrestre. Les unes sont prélevées
dans la croûte, à des profondeurs variables (roches
métamorphiques dans le secteur concerné), les
autres au sein-même du manteau terrestre. Ces
dernières sont pour l’essentiel des péridotites, de
couleur verte lorsqu’elles sont fraîches à rouge
brique lorsqu’elles sont «rubéfiées». Elles
contiennent en proportions variables trois minéraux
principaux (les pétrographes disent «minéraux
cardinaux» : voir glossaire) : olivine, orthopyroxène,
clinopyroxène et un minéral présent en très faible
quantité (les pétrographes disent «minéral
accessoire») : le spinelle. Prélever des échantillons
de roches mantelliques en place est naturellement
impossible, le manteau se localisant entre la base de
l’écorce terrestre (moins de 10 à plus de trente
kilomètres de profondeur selon que l’on se situe en
milieu océanique ou continental) et le noyau situé à
une profondeur de 2.900 km. Nous disposons
néanmoins d’informations relativement précises au
travers des données qu’apporte l’étude
minéralogique et pétrologique des enclaves
«échantillonnées» par les basaltes (voir glossaire et
annexe).
LE CÔNE,
LES POUZZOLANES (PROPRIÉTÉS, USAGES).
Brousse et Berger (1967) ont écrit : «La
morphologie primitive n’est plus identifiable en
raison de l’intense exploitation dont il est depuis
longtemps l’objet». Si trente ans plus tard ce point
de vue reste plus que jamais d’actualité, le stade
actuel d’exploitation des deux carrières en activité
n’en permet pas moins d’intéressantes observations.
Photo 3 - LA CARRIÈRE EST.
En pleine activité, la carrière Est montre de nombreux
affleurements d’une fraîcheur exceptionnelle. On y trouvera
divers types projections et, avec un peu de chance, de la covellite.
La Gravenne de Thueyts est le point du Pays des
Jeunes Volcans où il est le plus facile d’appréhender
ce qu’est la pouzzolane (voir infra et annexe). Les
niveaux les plus récents, bien visibles en bordure de
la route nationale 102, s’enrichissent en blocs
scoriacés décimétriques et même en passées
basaltiques franches annonçant l’ultime phase
d’activité que matérialise la puissante coulée mise
en place dans la vallée de l’Ardèche. Des enclaves
sporadiques de socle, de couleur claire et atteignant
tout au plus quelques centimètres, se détachent sur
le fond rouge ou noir des fronts de taille.
La carrière Est (Photo 3), située en bordure de la
route forestière conduisant à la Gravenne de
Montpezat, est la plus spectaculaire ; elle offre de
beaux panoramas sur la vallée de l’Ardèche et de
très bonnes opportunités d’observations tant des
produits en place (pouzzolanes, bombes, etc.) que
des modalités de leur extraction par l’exploitant.
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Depuis le terre-plein, siten bordure de route,
on bénéficie d’une très bonne vue vers l’aval à la
fois sur la vallée de l’Ardèche et sur le volcan du
Souilhol qui la domine en rive gauche (au delà de
Neyrac les Bains). De plus, depuis le sommet de la
carrière (côté gauche), on dispose d’un remarquable
panorama en direction du centre de Thueyts et de sa
coulée basaltique.
La carrière offre une grande diversité
d’observations possibles. Elle montre aussi bien des
pouzzolanes de couleur sombre (plus ou moins
noires) lorsqu’on est situé relativement loin du point
d’émission (ancienne cheminée) que des projections
franchement rouges lorsqu’on s’approche de celle-
ci. Dans sa partie la plus à l’ouest, des projections
rappelant celles décrites au sommet du Souilhol,
s’offrent au regard (Photo 4). Il s’agit alors de
l’expression d’une phase d’activité ayant émis des
paquets de lave très chaude, le plus souvent
retombée près du point d’émission.
Photo 4 - SCORIES SOUDÉES (CARRIÈRE EST).
Parvenues au sol à une température encore ts élevée,
certaines scories se sont soudées immédiatement après leur mise
en place. Leur couleur rouge est due à un niveau d’oxydation un
peu plus élevé que les scories noires. Le fer, présent en quantité
relativement importante (pouvant être proche de 10%), permet de
comprendre la relation entre couleur et degré d’oxydation. De
telles projections sont assez fréquentes au Pays des Jeunes
Volcans. Les plus spectaculaires sont celles du Souilhol
(commune de Meyras) et, à un moindre degré, celles localement
visibles sur les pentes du maar du Chambon (commune de
Montpezat sous Bauzon).
De superbes bombes fuselées, pouvant atteindre
un à plusieurs décimètres, se rencontrent également
(Photo 5). Nous signalerons la présence de Covellite
(sulfure de cuivre : CuS), le plus souvent bleue-
indigo, en quantité localement significative.
Photo 5 - BOMBE FUSELÉE.
La carrière Est, bien connue des amateurs, autorise la
découverte de très belles bombes fuselées, de tailles très diverses,
pouvant, pour certaines d’entre elles, atteindre le mètre.
Moins spectaculaire, car proche de l’épuisement
de ses réserves, la carrière Ouest n’en offre pas
moins des conditions d’observation intéressantes
(Photo 6). Elle est d’un accès aisé et se prête bien à
l’observation en deuxième partie de la journée
(orientation du soleil). Les pouzzolanes y sont
immédiatement accessibles et la relation
substratum/volcan facile à appréhender.
Photo 6 - LA CARRIÈRE OUEST.
En voie d’épuisement, la carrière Ouest n’en autorise pas
moins quelques belles observations.
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POUZZOLANES ET POUZZOLANICITÉ
L’étude de La Gravenne de Thueyts offre
l’occasion de se pencher sur la pouzzolane en tant
que matériau (Photos 7 et 8). En France le terme
pouzzolane concerne soit des scories volcaniques de
composition basaltique ou proche, soit des
matériaux ayant des propriétés dites
«pouzzolaniques» et pouvant avoir des origines très
diverses. Nous proposons de lever brièvement
l’ambiguïté que peut susciter ce double, voir triple
sens du terme pouzzolane.
Photo 7 POUZZOLANES ROUGES CALIBRÉES
(CARRIÈRE EST).
Le terme pouzzolane trouve son origine à
Pouzzoles, petit port du Golfe de Naples. De très
beaux vestiges en béton de pouzzolane sont connus
de longue date, notamment : le temple de Seraphis,
la villa de Cicéron, la Chapelle Agia Irini construite
au XIVème siècle sur l’île de Ios, près de Santorini
(Cyclades).
L’évocation de ces prestigieux édifices nous
offre l’occasion de préciser que, même pour le
pétrographe, le terme pouzzolane peut concerner
deux types de matériaux de nature chimique bien
différente. Ainsi, Jung (1957) donne la définition
suivante : «Les pouzzolanes de Pozzuoli (Italie
Centrale), sont des cendres trachytiques claires et
friables, qui sont susceptibles d’être utilisées comme
ciment naturel». Il reste qu’en France le terme
pouzzolane est utilisé au sens restreint des
pétrographes/volcanologues qui lui donnent le
contenu suivant : «La pouzzolane est une roche
naturelle constituée par des scories volcaniques
basaltiques ou de composition proche. Elle possède
une structure scoriacée et alvéolaire». Du point de
vue chimique et d’après la norme officielle P18-310
(juillet 1957), la pouzzolane est essentiellement
constituée de :
SiO2 43 à 55% ; Al2O3 12 à 24% Fe2O3 8 à
15% ; moins de 0,5% de soufre sous forme de
sulfure, moins de 1% de SO sous forme de sulfate.
La pouzzolane est généralement rouge ou noire,
avec toutes les teintes intermédiaires,
exceptionnellement grise. Une analyse ancienne de
pouzzolane, prélevée à la Gravenne de Thueyts
(carrière Ouest) a donné la composition suivante
(exprimée en poids d’oxydes pour cent) :
SiO2 44,06 ; Al2O3 17,96 TIO2 0,84 ; Fe2O3 12,94 ;
CaO 10,12 ; MgO 10,19 ; MnO 0,17 ; (Na2O + K2O)
1,22 ; Cr2O3 0,12 ; (Eau + Perte au Feu) 1,76 ;
TOTAL 99,38
Photo 8 POUZZOLANE NOIRE
(CARRIÈRE EST).
L’ensemble des éléments de la définition sus-
jacente, qui s’applique tout particulièrement aux
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