CHAPITRE I. LA SOCIOCRITIQUE COMME OUTIL
D'ANALYSE LITTERAIRE : APPROCHE
METHODOLOGIQUE
1.1. Introduction
Il existe beaucoup de méthodes d'analyse littéraire, mais il
arrive que la pertinence de telle ou telle méthode soit
beaucoup plus en vue sur un corpus donné et sur un sujet
déterminé.
1.2. Définition de la sociocritique
La sociocritique est une approche qui s'attarde sur l'univers
social présent dans le texte. Pour ce faire, elle s'inspire tant
et si bien de disciplines semblables comme la sociologie de
la littérature (on a tendance à les confondre). "La
sociocritique", mot créé par Claude Duchet en 1971,
propose une lecture socio-historique du texte.
En fait la sociocritique ne s'intéresse pas à ce que le texte
signifie, mais à ce qu'il transcrit, c'est-à-dire à ses modalités
d'incorporation de l'histoire, non pas seulement au niveau
des contenus, mais aussi au niveau des formes.
Beaucoup d'auteurs ont étudié la méthode sociocritique
comme outil d'analyse littéraire. Nous nous bornerons sur
les auteurs que nous jugeons les plus connus.
Joëlle Gardes-Tamine et Marie-Claude Hubert voient la
sociocritique comme une « Méthode de critique littéraire née
au cours des années soixante, issue de la sociologie. Elle
apparaît comme une tentative pour expliquer la production,
la structure et le fonctionnement du texte littéraire par le
contexte politico-social » (2002 : 198).
S'étant enraciné dans la société, Taine dans sa Philosophie
de l'art (1865) a centré ses travaux sur l'émetteur dans une
oeuvre, et a montré comment le milieu social de l'auteur
conditionne l'oeuvre, et Lanson le critique du début du XXème
siècle a centré ses travaux sur le récepteur et a insisté sur le
rôle du lecteur dans l'évolution de la littérature.
Le concept de sociocritique, difficile à définir, recourt à des
approches théoriques disparates, selon que les critiques se
situent dans la mouvance des philosophes marxistes,
comme Marx, Engels ou Durkheim, de Hegel ou de
sociologues comme Marx Weber. Selon Daniel Bergez et al
(1999 : 123) :
« Sociocritique sera employé par commodité, bien que le
terme désigne depuis de nombreuses années une [...]
démarche [...], la simple interprétation « historique » et
« sociale » des textes comme ensembles aussi bien que
comme productions particulières ».
Ceci pour impliquer que la sociologie du littéraire concerne
l'amont (conditions de production de l'écrit) et que la
sociologie de la réception et de la consommation concerne
l'aval (lectures, diffusion, interprétations, destin culturel et
scolaire ou autre).
Selon Claude Duchet, la sociocritique vise « le texte lui-
même comme lieu où se joue et s'effectue une certaine
socialité » (cité par Bergez et al, 1999 : 123).
Dans la lignée marxiste, se situent des théoriciens comme
TH.W. Adorno et Pierre Macherery. Leur originalité est de
souligner la dimension critique de la littérature qui n'est pas
nécessairement en adéquation avec les discours
idéologiques.
Robert Escarpit, quant à lui, dit que les structures culturelles
ne sont pas seulement autonomes mais peuvent agir sur les
structures sociales et économiques. Il s'apparente ainsi à
Max Weber qui affirme qu' « Il faut séparer les jugements de
valeurs des jugements du fait. » (Cité par Joëlle Gardes-
Tamine et Marie-Claude Hubert, (2002 : 198).
Lukács et Goldmann, excellents théoriciens sur la
sociocritique, se réclament de Hegel à qui ils empruntent la
théorie de la totalité. Dans un phénomène particulier se
concrétise la problématique d'une époque. Goldmann
cherche à dégager une structure qui rende compte de la
totalité de l'oeuvre, et qui soit elle-même explicable par
rapport à une structure englobante : la vision du monde d'un
groupe social.
1.2.1. La sociologie de la litérature
La différence entre la sociocritique et la sociologie de la
littérature n'est pas claire, mais les deux vocables sont
différents. La sociocritique étudie le texte particulier et son
contenu tandis que la sociologie de la littérature étudie des
textes en général.
La sociologie de la littérature est donc « une socio-
sémiotique car elle utilise des concepts issus à la fois de la
sociologie et de la sémiotique. Cette méthode utilisée
notamment par Julia Kristeva cherche à transposer les
problèmes sociaux au niveau linguistique, s'attachant à la
situation sociolinguistique dans laquelle un texte est produit,
car cette situation porte l'empreinte des contradictions
historiques et des conflits sociaux.
1.3. Les soubassements de la théorie sociocritique
Pour que notre méthode fût solidifié et pût être appliquée sur
notre corpus, il y eut le concours de beaucoup de théoriciens
dont nous allons voir dans la ligne de l'analyse littéraire.
Nous citons quelques oeuvres à ce propos : Le Dieu caché
(1965) et Pour une sociologie du roman (1964), de Lucien
Goldmann et Théorie du roman (1963) de Georges Lukács
qui nous semblent pertinents dans le liminaire de ce
parcours.
1.3.1 Georges Lukács
Dans l'analyse du roman, nous avons beaucoup de théories
de Georges Lukács. Selon Lucien Goldmann, « La forme du
roman qu'étudie Lukács est celle que caractérise l'existence
d'un héros romanesque qu'il a très heureusement défini
sous le terme de héros problématique » (1964 : 23).
Pour cela, les analyses de Lukács permettent d'entreprendre
une étude sociologique sérieuse de la forme romanesque.
En tous cas pour Georges Lukács, le roman reste une
histoire d'une recherche « dégradée » et Lukács appelle ça
une « histoire démoniaque » car il y a en cela, la recherche
de valeurs authentiques dans un monde dégradé lui aussi
mais à un niveau autrement avancé et sur un monde
différent.
Ainsi, tout lecteur devrait être capable de repérer la
présence de ce héros (démoniaque) dans un roman. Mais la
sociologie du littéraire comme celle de la réception au sens
strict du terme se révèlent partiellement étrangères à
l'essentiel de ce qui a lieu dans le texte. Ainsi, la
sociocritique chez Lukács semble pouvoir les intégrer. Entre
les déterminations et les conséquences, le texte est
important pour les attirer dans sa lecture.
Dans les romans réalistes, Lukács insiste sur les concepts
de totalité et de type où il construit un contraste manichéen
entre le roman réaliste et le roman naturaliste.
Bergez et al, nous expliquent que dans cette entité typique
et totale du roman,
« On n'oubliera pas que le projet sociocritique fut un projet
précis et daté, mais aussi, par définition, un projet ouvert et
qu'il le demeure, alors que la sociologie de « l'amont »
comme celle de « l'aval » sont constamment guettées par le
réductionnisme.» (1999 : 123).
Pour Georges Lukács, la situation problématique dans
laquelle se trouve le héros est exhumée sous forme de ce
qu'il appelle « ironie » dans une oeuvre romanesque. Lukács
lui-même se montre le plus cohérent en ses propos :
« Une fois apparue la société de classes, la grande poésie
épique ne peut plus tirer sa grandeur épique que de la
profondeur typique des oppositions de classes dans leur
totalité mouvante. Pour la nouvelle figuration épique, ces
oppositions s'incarnent en tant que lutte entre des individus
dans la société soulignée dans le texte ». (Le roman, in Ecrit
de Moscou, cité par Bergez et al 1999 : 136).
Les personnages problématiques font donc irruption dans la
société écrasée par l'intense production pour le marché,
faisant naître des classes bien dessinées : les prolétaires et
les producteurs. C'est pourquoi il fustige aussi un réalisme
régressif dans son Roman historique (1964).
Il n'est donc pas étonnant que Georges Lukács a été le
grand théoricien de la théorie sociocritique. Ses théories
sont bien importantes parce qu'il fait (Lukács) ressortir du
roman, ce qui nuit à la société moderne en provoquant
l'essoufflement des valeurs traditionnelles.
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