Lucien GOLDMANN « …pendant la période du capitalisme libéral du 19ème siècle, le développement de la production pour le marché avait éliminé, à l’intérieur du secteur économique, dans la conscience des individus, les valeurs supra-individuelles [qu’il avait remplacé] par la valeur universelle de l’individu à partir de laquelle a pu se développer la grande philosophie classique dans ses deux courants principaux : le rationalisme et l’empirisme [mais] la création littéraire a continué l’ancienne tradition culturelle qui cherchait le fondement ultime de la personne dans le supra-individuel. […] Le passage de l’économie libérale à l’économie des trusts et des monopoles avec la suppression des fondements de l’individualisme qu’il entraînait, créait une situation où aussi bien la philosophie que la littérature ne pouvaient plus être fondées ni sur les valeurs trans-individuelles […] ni sur l’autonomie et le développement de l’individu. […] aux romans de Kafka, Sartre, Camus, correspond un important courant philosophique, le courant existentialiste […]. La fin de la guerre de 1939-1945 marque un nouveau tournant dans l’histoire du capitalisme[…] la philosophie dominante de l’époque contemporaine semble se rattacher à un rationalisme[…]. Le succès de la linguistique structurale est hautement symptomatique […]. De même sur le plan littéraire, le Nouveau Roman. »1 1 Lucien Goldmann La création culturelle dans la société moderne,éd. Denoël/Gonthier, 1971, pages 107 à 111. 1