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Détection exaltée de molécules fluorescentes avec des structures
photoniques : application aux mesures dynamiques en solution
Jérôme Wenger
Institut Fresnel, CNRS, Université Aix-Marseille, Ecole Centrale Marseille, Domaine
Universitaire de S
t
Jérôme, 13397 Marseille Cedex 20
Résumé
La spectroscopie de fluorescence est largement utilisée dans différents domaines de
l’analyse biochimique. Cependant, l’état de l’art actuel est limité à l’emploi de microscopes
de laboratoire, qui sont à la fois chers, complexes et encombrants. Améliorer la détection
optique de molécules permet d’étendre fortement le champ d’application de la fluorescence,
en dépassant les limites imposées par la diffraction. Cet article détaille différentes avancées
récentes en nanophotonique qui permettent un contrôle de l’interaction entre une molécule et
le champ lumineux. L’accent est mis sur deux questions essentielles pour la spectroscopie
de fluorescence : comment améliorer le signal détecté par émetteur et comment étudier une
seule molécule dans un milieu de forte concentration ?
I – Combiner la spectroscopie de fluorescence avec des structures photoniques
La spectroscopie de fluorescence est devenue une technique incontournable pour l’analyse
biochimique grâce à sa forte efficacité optique et à la vaste librairie de sondes moléculaires
disponibles. L’essence même de la fluorescence repose sur les phénomènes d’absorption et
d’émission de photons par des molécules. Améliorer le rendement d’émission (ou brillance)
de chaque émetteur augmente de fait l’efficacité et la sensibilité des différentes méthodes de
spectroscopie reposant sur le contraste de fluorescence. Un telle amélioration de brillance
peut se faire essentiellement au travers de deux voies : (i) par voie chimique, en améliorant
la section efficace d’absorption et le rendement quantique des molécules, et (ii) par voie
physique, en contrôlant l’environnement électromagnétique des émetteurs, pour renforcer
localement l’intensité optique d’excitation, augmenter le taux d’émission et collecter plus
efficacement le signal de fluorescence. C’est cette voie physique qui fait l’objet principal de
cet article. Pour fixer un ordre de grandeur typique, rappelons qu’une molécule fluorescente
émet un nombre de photons relativement faible, au mieux de l’ordre de 10
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photons par
seconde, ce qui équivaut à une puissance moyenne d’environ 4 picowatts répartie dans
toutes les directions de l’espace. Avec un signal aussi faible, il est essentiel de maîtriser
l’interaction entre la molécule et le champ lumineux, et de mettre en œuvre des techniques
innovantes pour la détection exaltée de l’émission.
Un second défi majeur pour l’analyse de fluorescence porte sur la capacité à suivre des
réactions de molécules individuelles dans des solutions fortement concentrées. Un grand
nombre de réactions biochimiques (les réactions enzymatiques en particulier) ne se
déclenchent que si la distance inter-molécules est suffisamment faible, ou autrement dit, que
si la concentration est suffisamment élevée. Typiquement, il faut considérer des
concentrations de l’ordre de quelques dizaines de micromoles par litre. Or, la microscopie
classique est limitée par les lois de la diffraction pour des volumes d’analyse de l’ordre de la
fraction de micromètre cube, ce qui se traduit par des concentrations de l’ordre de la dizaine
de nanomoles par litre pour isoler une molécule dans le volume d’analyse. Il est ainsi
nécessaire de gagner près de trois ordres de grandeurs sur le volume d’analyse pour
atteindre des régimes pertinents au sens des concentrations biochimiques. Cela impose de
dépasser les limites de la diffraction, et donc de repenser complètement l’usage et le design
des microscopes optiques.
L’état des techniques de spectroscopies actuelles est similaire à celui des premiers
ordinateurs au début des années 1950 (voir la figure 1): des appareils encombrants avec des