Détection optique de biomolécules uniques Maxime Dahan Laboratoire Kastler Brossel Département de physique Ecole normale supérieure Présentation générale • Microscopie de fluorescence • description simple d’un système fluorescent • sondes fluorescentes : colorants, GFP, nanocristaux •Détecter une molécule unique • Rapport signal sur bruit, bruit de photon,… • Approches expérimentales •Applications en biophysique • Résolution vs localisation : mouvement de la myosin V, microscopie ultrarésolution • « Motility assays »: myosine/actine, kinesine/microtubule, protéine/ADN • Mesure en polarisation: dynamique rotationelle de F1-ATPase • Relation Conformation/Dynamique : approche par transfert d’énergie de Forster et par transfert électronique – étude du répliement des protéines • Suivi de molécules uniques en cellules vivantes : diffusion membranaire, expression genique Motivations : « aller au-delà des valeurs moyennes » • fluctuations statistiques : En analysant molécule par molécule, on peut identifier et analyser les inhomogénéités dans l’échantillon Motivations (2) : pour analyser des processus stochastiques • fluctuations dynamiques : k k En mesurant l’état d’une molécule au cours du temps, on peut déterminer les constantes cinétiques qui gouvernent son évolution, même si on est à l’équilibre k k Nombre d'évenements t 120 120 100 100 80 80 1 60 40 1 60 k 40 20 k 20 0 0 0 5 10 15 20 0 5 durée Mesure d’ensemble : 10 durée k pV k k 15 20 (cf. JFA – cours n°2) Historique Canaux ioniques Neher et Sackmann (1976) [Prix Nobel 1991] Mesures optiques • détection optique d’une molécule unique – mesure à basse température (1989) – mesure à température ambiante (1992-1994) •premières expériences sur des biomolécules in vitro : – activité enzymatique d’une cholestérol oxydase (1998) – conformation de petites molécules d’ADN et ARN (1999) – activité d’une exonucléase (1999) • premières expériences in vivo: – suivi de l’entrée d’un adéno-virus (2001) – diffusion latérale de canaux calciques (2001) – organisation membranaire de récepteurs dans des amibes Dictyostelium discoideum (2001) Microscopie de fluorescence Fluorescence Lorsqu’ils sont dans un niveau excité, certains systèmes (atomes, molécules, cristaux,…) peuvent se désexciter en émettant des photons. excitation La longueur d’onde d’émission est (souvent) plus grande que plus celle d’absorption et il est possible de sélectionner spectralement la lumière émise → microscopie de fluorescence Microscopie de fluorescence Il s’agit donc d’une détection sur fond noir Voir des biomolécules en fluorescence • En général, les molécules biologiques (protéines, acides nucléiques,…) ne sont pas fluorescentes dans le visible (quelques exceptions: flavines, NADH, GFP,…). Certains acides aminés ont néanmoins des propriétés de fluorescence dans l’UV (tryptophane). • On attache spécifiquement des marqueurs fluorescents : couplage covalent (liaison chimique) marquage d’affinité: on utilise une molécule fluorescente qui vient s’attacher spécifiquement (anticorps, toxines,…) clonage d’une protéine fluorescente Modèle d’un système fluorescent à deux niveaux Description d’un système fluorescent à 2 niveaux |e> k exc k des La molécule peut se désexciter de deux manières différentes : en émettant un photon ou non radiativement. |g> kdes kr knr kr 1 est la section efficace d’absorption T fluo kexc hc Tfluo est la durée de vie radiative I est le coefficient d’extinction (cm 2 ) 2303 NA Taux de fluorescence G dPe k des Pe k exc Pg dt Pe Pg 1 Solution à l’état stationnaire: I Is G kr Pe T fluo 1 I I s 1 I s knr kr hc (intensité de saturation ) Fluorescence (a.u.) 0,8 0,6 0,4 0,2 0,0 0 1 2 Intensité 3 4 Cas limites A faible intensité, régime linéaire : Pour I I s , G Q Fluorescence (a.u.) 0,8 0,6 Q 0,4 0,2 kr k r k nr hc I Efficacité quantique radiative probabilité qu’un photon absorbé soit réémis 0,0 0 1 2 3 4 Intensité A forte intensité, régime saturée : Pour I I s , G kdes 1 T fluo Pour gagner en signal sur bruit, on essaie toujours d’avoir I << Is Etude résolue en temps Si on excite avec un laser pulsé (à la fréquence 1/Trep): signal (a.u.) 1 Si on connaît : 1 k r k nr 0,1 e ( k nr k r ) t 0,01 0 20 40 time (ns) 60 kr Q k r k nr 80 On peut déterminer kr et knr Marqueurs fluorescents: molécules, protéines, nanocristaux Fluorophores organiques Diagramme de Jablonski système à trois niveaux On prend en compte l’état triplet hc k fl k ISC Is 1 k ISC kT Green fluorescent protein Découverte en 1961 dans la méduse Aequorea Victoria, clonée en 1992 Absorption Fluorescence Autres mutants/ Autres couleurs : R. Tsien, FEBS Lett. 2005 Aussi, des mutants: • photoactivables, • dont l’émission change dans le temps • sensibles au calcium • indicateurs de la phosphorylation … Nanocristaux semiconducteurs ZnS 2-5 nm CdSe Nanoparticules composées de 100 à 100000 atomes of CdSe recouverts par une coquille de ZnS Des boites quantiques de quelques nanomètres Quels sont les niveaux d’énergie des électrons ? Une particule dans une boite à 1 D : Fonctions propres: n(x) 2 sin( nx) L L V(x) Energies propres: 0 L En 2²m² Ln²² (en fait la boite est tridimensionnelle…) Emission et absorption ajustable avec la taille des nanoparticules L (AU) L 2 1,8 1,6 1,4 1,2 1 0,8 0,6 0,4 0,2 0 absorption 5.0 nm CdSe 2.2 nm CdSe 350 450 550 650 Wavelength (nm) Plus les particules sont petites, plus l’emission est décalée vers les courtes longueurs d’onde (grandes énergies) Semiconductor Quantum Dots Spécificités spectrales et photophysique des nanocristaux par rapport à des émetteurs organiques Nanocristal Colorant taille Longueur d’onde Excitation • emission etroite (quasi-atomique) • absorption large (solide) • photostabilité Détection de molécules fluorescentes uniques Problème de détection: quel est le rapport signal sur bruit ? • Signal S de fluorescence (d’une seule molécule) • Bruit B de variance de moyenne mB et de variance B: S B 1 Sources de bruit •Fluctuations intrinsèques (bruit de photon / shot noise) •Signal optique parasite (autofluorescence, lumière diffusée,…) proportionnel à l’intensité lumineuse I •Bruit électronique (courant d’obscurité, bruit de lecture,…) indépendant de l’intensité lumineuse Btotal B photon B par Belec les processus sont indépendan ts : 2 total 2 photon 2 par 2 elec Bruit de Photon et Processus de Poisson On considère un flux où des particules (des photons) arrivent avec un taux k sur un détecteur (une photodiode). On fait l’hypothèse que ce qui se passe entre t et (t+dt) est indépendant de ce qui se passe entre 0 et t (processus de Markov). Prob( N (t , t dt ) 0) 1 kdt o(dt ) Prob( N (t , t dt ) 1) kdt o(dt ) Prob( N (t , t dt ) 1) o(dt ) Quel est la distribution du temps d’attente du premier evènement ? Quelle est la probabilité P qu’on ne détecte rien entre 0 et t ? (t ) e kt Quelle est la probabilité de détecter n photons durant le temps t ? P ( N n) e kt kt n n! (distribution de Poisson) Distribution de Poisson n kt P (n N ) e kt n! n nP (n) Valeur moyenne : Variance : n n 2 2 n kt ne kt n kt n! kt Bruit d’origine lumineuse • Bruit de photons des molécules (non saturées): S It S2 It • Bruit dû à la lumière parasite : N par It 2par It Sources de bruit électronique Lumière incidente lecture Crée des photolélectrons Nombre de coups • Courant d’obscurité : du à l’apparition de Nobs photoélectrons à cause du bruit thermique (proportionnel au temps) N obs a 2 t 2 obs N obs a 2 t • Bruit noir de lecture : dû au convertisseur analogue-digital 2 lec b2 Rapport signal sur bruit S B kIt kIt It a 2 t b 2 Fluorescence des molécules Signal parasite (diffusé) Bruit électronique 0,8 0,7 Cas limite du « shot noise »: Signal (u.a.) 0,6 0,5 0,4 S 0,3 B 0,2 0,1 0,0 0 10 20 30 Intensité I 40 50 60 kIt Identifier un fluorophore unique Fluorescence (u.a.) Pour un fluorophore : photodestruction instantanée (molécule de Cy3) 35 30 25 20 15 10 5 0 0 2 4 6 8 10 temps (s) Possibilité de réduire le photobleaching avec des « oxygen scavengers » Scintillement d’un nanocristal unique Tableau comparatif Taille Photostabilité Absorption Stoechiometry Cy3 1 nm ~5s = 105 ++ GFP 2-4 nm ~ 10-100 ms = 104 +++ QD 10-30 nm > 20 mn = 106 +/++ Bille latex 100 nm 1 µm ∞ Diffusion Contraste de phase - Approches expérimentales Champ proche Betzig (1992,1994) Microscopie de champ lointain : microscopie confocale Mesure en diffusion Chaque molécule qui traverse par diffusion le volume de focalisation émet des photons Veff = 1x1x1 µm3 = 1 fl Détection de molécules uniques si : C < 1 nM Temps de diffusion: 40 35 t ~ L²/4D ~ 0.1-1 ms 30 Nbe de couts en 0.2 ms (FCS: C = 5-10 nM) 25 20 Analyse des corrélations temporelles: FCS 15 10 5 0 0 500 1000 1500 temps (ms) 2000 2500 3000 Nie and Zare, Science (1994) Microscopie en balayage Laser On déplace le point de focalisation sur l’échantillon. Objectif Trou de filtrage Photodiode, PM Inconvénient : le temps passé sur la molécule est bref Np Nm Taille de l’image : Np*Np pixels - Taille de la molécule : Nm*Nm pixels Fraction du temps passée à exciter la molécule : F = (Nm/Np)² Exemple : taille d’un pixel : 200 nm, Np = 100, Nm = 4, soit F = 0,16 % Si durée totale de l’image : 100 ms (10 µs/pixel), cela correspond à 160 µs. Microscopie en épifluorescence On éclaire l’échantillon avec une lumière collimatée. Pour cela, on focalise la lumière dans le plan focal arrière de l’objectif. Lampe UV ou Laser CCD Camera Problème Dans un échantillon épais, on collecte la lumière de tous les plans de l’échantillon Excitation Détection profondeur champ Objet dans le plan focal Objet au dessus du plan focal Objet en dessous du plan focal Comment se débarasser de la lumière provenant des plans hors focus ? Microscopie en onde évanescente I ( z ) I 0e z 1 4 d d Angle critique : n1 1.5 et n2 1.0 c 41.8 41.8 50 60 65 n1 1.5 c arcsin( n2 / n1 ) et n2 1.33 c 62.5 62.5 65 70 75 d 84,4 nm 57,6 nm 51,8 nm ( 600 nm) n12 sin 2 1 n22 d 170 nm 100 nm 83 nm Il faut que l’objectif ait une ouverture numérique supérieure à n2 max arcsin( NA / n1 ) pour NA 1.4 et n1 1.5 max 69 Vérification expérimentale Sarkar, Atom et al. (2004) Proc. Natl. Acad. Sci. USA 101, 12882-12886 Détection de molécules uniques dans structures nanofabriquées Science 299, 682 (2002) Veff = 20x50x50 nm3 = 5.10-20 litres Détection de molécules uniques si : C < 30 µM Permet de suivre l’activité enzymatique (ex. séquencage de l’ADN en molécules uniques)