La croissance mondiale et les perspectives des exportations

Ne pas publier avant le 1er octobre 2013
à 11 h 55, heure de lEst
Discours prononcé par Tiff Macklem
premier sous-gouverneur de la Banque du Canada
devant lEconomic Club of Canada
Toronto (Ontario)
1er octobre 2013
La croissance mondiale
et les perspectives
des exportations canadiennes
Introduction
Bonjour. Je vous remercie de mavoir invité à prendre la parole devant
lEconomic Club of Canada.
Si le Canada est prospère, cest quil est ouvert sur le monde et voit à ce que le
monde soit ouvert sur lui. Nos citoyens viennent des quatre coins de la planète,
et ils voyagent et travaillent partout sur le globe. Nous participons à la
gouvernance mondiale, offrons notre aide et notre savoir-faire lorsque
surviennent des catastrophes et des conflits, et, ce qui compte par-dessus tout
pour notre prospérité, nous sommes une nation commerçante.
Depuis toujours, les exportations constituent un important moteur de la
croissance économique du Canada. Aujourdhui, elles représentent environ le
tiers du revenu national.
Voilà le sujet dont jai choisi de vous entretenir : les exportations. Quelle
influence la demande mondiale est-elle appelée à exercer sur la tenue de nos
exportations, et que devrions-nous faire pour tirer pleinement avantage dun
marché mondial en expansion?
La tenue des exportations canadiennes
Pour pénétrer et servir les marchés internationaux, nos exportateurs ont dû faire
preuve dingéniosité, de créativité et de compétitivité. Ils nont pas le choix : ils
sont actifs sur un marché mondial où la concurrence est féroce, et doivent
composer avec une économie mondiale en constante évolution. Au cours des
douze dernières années, la géographie et la composition de la croissance se
sont radicalement transformées. Lexpansion au sein des économies de marché
émergentes et en développement dépasse désormais celle des économies
avancées, et crée ainsi à la fois de nouveaux marchés et de nouvelles sources
- 2 -
de concurrence. De plus, léconomie du savoir est en train de devenir un moteur
du commerce de services. À bien des égards, la crise financière na fait
quaccélérer ces changements.
Nos exportateurs sadaptent, mais le processus savère très douloureux.
Dans la foulée de la crise financière, nos exportations ont été plus durement
touchées que lors de toute autre récession de laprès-guerre, chutant denviron
17 % sur trois trimestres, ce qui équivaut à plus du triple de la baisse enregistrée
durant la récession de 1990-1991. De nombreux exportateurs canadiens ont
déclaré faillite ou se sont retournés vers le marché intérieur. Entre le sommet de
2008 et le creux de 2010, le nombre dexportateurs a diminué de presque 20 %,
reculant de près de 9 000 entreprises.
Après avoir bondi au second semestre de 2011, les exportations se sont à
nouveau essoufflées, se repliant de quelque 1,2 %. Elles restent de 6,5 %, soit
35 milliards de dollars, inférieures au sommet atteint avant la récession, et de
plus de 130 milliards de dollars en deçà du niveau où elles se situeraient lors
dune reprise moyenne des exportations (Graphique 1). Bref, il y a beaucoup de
terrain à regagner.
Graphique 1 : La reprise des exportations est la plus faible
de laprès-guerre
Cette faiblesse est largement attribuable à latonie de la demande étrangère - il
s’agit de la reprise la plus faible de laprès-guerre quaient connue les États-Unis.
Cependant, cette faiblesse se trouve accentuée par une tendance à long terme :
notre part du marché des exportations mondiales diminue depuis plus de dix ans.
Depuis 2000, celle-ci est passée denviron 4,5 % à quelque 2,5 %
1
. Cette baisse
est en partie la conséquence inévitable de larrivée de la Chine sur les marchés
mondiaux. Mais même si lon tient compte de ce facteur, le Canada fait piètre
figure. La diminution de sa part des échanges internationaux le classe au
deuxième rang des pays du G20 ayant obtenu les pires résultats à ce chapitre.
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Indice
Plage de valeurs des cycles précédents (depuis 1951)
Moyenne des cycles précédents (depuis 1951)
Cycle actuel
Évolution comparative des exportations, en termes réels, sur différents cycles
Base 100 de lindice : trimestre précédant la contraction du PIB réel,
données trimestrielles
Sources : Statistique Canada et calculs de la Banque du Canada
Sommet trimestriel précédant
la contraction du PIB réel
Années
après la
contraction
Années
avant la
contraction
134 milliards $
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Au lendemain de la crise financière, la stratégie de la Banque en matière de
politique monétaire a consisté à soutenir la demande intérieure le temps que la
reprise des exportations senracine. La première composante de cette stratégie a
fonctionné : la demande intérieure finale sest rapidement redressée au pays.
Ce redressement a toutefois eu pour effet indirect lapparition de déséquilibres
dans le secteur des ménages, qui se sont traduits par une hausse du levier
dendettement de ces derniers, des prix élevés dans certains marchés du
logement et un nombre accru de ménages lourdement endettés. Aujourd’hui,
lévolution de ces déséquilibres est plus constructive.
Cest là une bonne nouvelle. Le risque que survienne une correction brusque et
douloureuse sen trouve réduit.
Mais cette prudence toute récente des ménages, si encourageante soit-elle,
limite la croissance. Pour remplacer cette croissance, il faut que la demande se
déplace vers les exportations et les investissements des entreprises.
Malheureusement, ce déplacement tarde à se manifester.
Cette situation nest pas sans conséquence : la croissance au Canada a ralenti.
Au cours de la période de un an terminée en juin dernier, elle sest chiffrée à
seulement 1,4 % en moyenne, contre 2,6 % pour lannée précédente. Compte
tenu que la production potentielle progresse à un taux estimatif denviron 2 %,
lexpansion de la demande na pas suivi celle de la capacité de production, et la
marge de ressources inutilisées sest creusée.
Pour résorber la marge notable de capacités excédentaires présente
actuellement au sein de léconomie, la demande doit augmenter sensiblement
plus vite que loffre, cest-à-dire à une cadence dau moins 2 1/2 %.
La Banque est en train de réviser sa prévision, et elle publiera ses plus récentes
perspectives économiques dans la livraison doctobre du Rapport sur la politique
monétaire. Mais dans lensemble, elle sattend à ce que les dépenses des
ménages et des administrations publiques ajoutent environ 1 1/2 point de
pourcentage à la croissance. Du coup, pour que l’expansion du PIB atteigne au
moins 2 1/2 %, il faut que les exportations nettes et les investissements
fournissent au minimum 1 point de pourcentage. C’est donc dire qu’ensemble,
les exportations et les investissements doivent croître d’au moins 4 % environ,
une fois prise en compte leur teneur en importations.
Or, au cours de la dernière année, les exportations nettes et les investissements
nont apporté aucune contribution à la croissance.
Les conditions sont propices pour une accélération des investissements des
entreprises. Celles-ci affichent des bilans exceptionnellement solides, et les taux
auxquels elles peuvent emprunter demeurent très bas, même sils ont remonté
par rapport à leurs creux. Les investissements ont toutefois peu de chances de
saccélérer tant que les entreprises nauront pas la conviction que la demande se
redresse.
Les exportations jouent donc un rôle déterminant.
À mesure que les entreprises verront leurs carnets de commandes se remplir,
elles mettront leurs plans dinvestissement à exécution. Le délai qui sécoule
- 4 -
habituellement entre une reprise des exportations et une accélération des
investissements est dà peu près six mois.
La question fondamentale qui se pose est donc la suivante : quelles sont les
perspectives de nos exportations?
Pour y répondre, je passerai dabord en revue les perspectives de croissance de
léconomie mondiale et la demande visant nos exportations de biens et services.
Les perspectives mondiales
Les économies avancées contribuent davantage à la croissance
Léconomie américaine récolte aujourdhui les fruits des mesures énergiques
prises pour réparer le système financier du pays et de la politique monétaire
exceptionnellement expansionniste qui a été mise en œuvre. La demande privée
sest raffermie, en dépit du freinage budgétaire considérable auquel les hausses
dimpôt et les réductions automatiques des dépenses ont donné lieu, et de
latonie du marché du travail.
Des progrès très importants ont été réalisés dans la réduction du levier
dendettement des ménages aux États-Unis. Sous leffet conjugué des défauts
de paiement, de la hausse de lépargne ainsi que des plus-values sur les
maisons et les actions, la valeur nette du patrimoine des ménages est revenue
aux niveaux de 2007 (Graphique 2).
Graphique 2 : La valeur nette du patrimoine des ménages américains sest
nettement redressée
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1,1
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30 000
40 000
50 000
60 000
70 000
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Ratio
Milliards de
dollars É.-U.
Valeur nette (échelle de gauche) Ratio dette / revenu disponible (échelle de droite)
Données trimestrielles
Dernière observation : 2013T2
Nota : Le secteur des entreprises individuelles est pris en compte dans les calculs de la dette des ménages aux États-Unis.
Sources : Réserve fédérale américaine et Bureau d'analyse économique des États-Unis
- 5 -
Les mises en chantier et les reventes de logements se redressent, et les prix des
maisons ont maintenant gagné près de 18 % par rapport à leur creux. Le jadis
puissant consommateur américain fait son retour - quoiqu’il se montre plus
prudent - et apporte ainsi un soutien à la croissance (hors politique budgétaire),
laquelle s’établit entre 3 1/2 et 4 %.
L’expansion du PIB global est cependant beaucoup plus faible, en raison de
l’important freinage budgétaire, qui, selon nos estimations, va retrancher
1 3/4 point de pourcentage à la croissance cette année (Graphique 3).
Graphique 3 : Lassainissement budgétaire réduit la croissance
de léconomie américaine
Alors que ce facteur limite la croissance du PIB, nos exportations sont davantage
axées sur la demande privée aux États-Unis, qui se révèle plus vigoureuse. La
reprise dans le secteur du logement, en particulier, crée une nouvelle demande
dexportations canadiennes de bois d’œuvre et de matériaux de construction.
Au Japon, les trois volets de la révolutionnaire politique « abénomique » ont
jusquici produit des résultats impressionnants
2
. Ils ont eu pour conséquence
immédiate de propulser le cours des actions à la hausse, de déprécier le yen
denviron 20 %, dengendrer des anticipations dinflation positive et de faire
passer les taux dintérêt réels à long terme en territoire négatif. Résultat : une
croissance plus rapide, à près de 4 % en moyenne (en chiffres annuels), au
premier semestre de lannée. Pour maintenir cet élan, les mesures de politique
monétaire énergiques devront faire place à des réformes structurelles plus
difficiles, lesquelles font lobjet du troisième volet.
En Europe, on observe les premiers signes dune reprise. Les spirales baissières
de laustérité budgétaire, de la réduction du levier dendettement des banques,
du recul de lactivité économique, de lalourdissement des dettes publiques et de
la hausse des prêts non productifs, dont les effets se conjuguent, sont en train de
satténuer. La croissance dans la zone euro est maintenant positive et, fait
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Points de
pourcentage
Croissance du PIB hors politique budgétaire (échelle de gauche)
Contribution estimative de la politique budgétaire (échelle de droite)
Croissance du PIB (échelle de gauche)
Contribution à la croissance du PIB réel, données annuelles
Dernière observation : 2015
Nota : La contribution de la politique budgétaire à la croissance traduit à la fois l’effet direct des mesures prises sur les dépenses publiques
et leurs retombées indirectes sur les autres composantes de la demande globale.
Sources : Bureau d’analyse économique des États-Unis et calculs et projections de la Banque du Canada
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