Comment est-il possible qu'ils ont pu nous faire croire le contraire depuis 25 ans, se demande
Shedler. Il met en cause le terme de « statistiquement significatif » qui est souvent, scientifiquement
parlant, dénué de sens. En anglais le mot « significatif » est synonyme de « important ». En
statistique, par contre, il s’agit d’un terme technique : si, dans l'étude du NIMH, il y a une différence
de 1,2 point entre le groupe TCC et le groupe témoin, cela est dépourvu de signification clinique.
Une différence « statistiquement significative » signifie qu’elle n’est pas due au hasard. Il y a peu
de domaines où les gens parlent de « statistiquement significatif » au lieu de parler des bénéfices
réels. Quand un chercheur met l'accent sur ce qui est « statistiquement significatif », on peut en
déduire que quelque chose nous a été dissimulé, relève Shedler. Au cas où le patient peut attendre
un avantage important du traitement, on parle de bénéfices réels, et non pas de « statistiquement
significatif ».
Une deuxième ECR plus récente comparant la TCC suivant le manuel à la thérapie
psychodynamique pour la dépression est examinée. Driessen et al.
concluent que « seulement
22,7% des patients ont obtenu une rémission ». Autrement dit, environ 75% des patients ne se
sont pas rétablis. C'est essentiellement la même constatation que celle rapportée par la première
étude. « Ces résultats indiquent qu'une proportion importante de patients demandent plus qu’une
thérapie limitée dans le temps afin d’atteindre une rémission ». La conclusion appropriée à tirer de
ces deux études majeures est que les thérapies brèves, conduites d’après le manuel, sont, la
plupart du temps, inefficaces pour la plupart des patients déprimés.
Shedler examine ensuite des ECRs comparant la TCC pour la dépression et pour les troubles
anxieux, qui ont été réalisées dans la période entre ces deux études majeures et dont les résultats
ont été résumés dans une méta-analyse par Westen et al.
. Les auteurs constatent que le patient
moyen ayant reçu de la TCC suivant le manuel pour la dépression demeure cliniquement déprimé
après le traitement. Ainsi de suite, le nombre moyen de patients qui ont reçu un traitement
«evidence-based» pour un trouble panique continuent à avoir des attaques de panique
hebdomadaires et à manifester 4 des 7 symptômes répertoriés dans le DSM-IV. Une autre
observation est que, lorsque les patients sont suivis à long terme, les bénéfices des thérapies
«évidence-based» menées selon un manuel s‘évaporent : plus de 50% des patients recherchent
à nouveau un traitement endéans les 6 à 12 mois pour la même affection. Donc, finalement ces
patients traités par la TCC n'allaient pas mieux.
Driessen, E., Van, H. L., Don, F. J., Peen, J., Kool, S., Westra, D., Hendriksen, M., Schoevers, R. A., Cuijpers,
P., Twisk, J. W. R., & Dekker, J. J. M. (2013). The efficacy of cognitive-behavioral therapy and psychodynamic
therapy in the outpatient treatment of major depression: a randomized clinical trial. American Journal of Psychiatry,
170: 1041–1050.
Westen, D., Novotny, C. M., & Thompson-Brenner, H. (2004). The empirical status of empirically supported
psychotherapies: assumptions, findings, and reporting in controlled clinical trials. Psychological Bulletin, 130: 631–
663. doi:10.1037/0033-2909.130.4.631.