Université de Lille I, 2013-2014 Macroéconomie en économie globalisée Dossier d’exercices 2 Production, taux d’intérêt et taux de change 1 Le multiplicateur budgétaire en économie ouverte Considérons l’économie caractérisée par les comportements suivants : C = c(Y − T ) + C0 0<c<1 I = I T = T G = G Y, C, I, T, G représentent respectivement le revenu, la consommation, l’investissement, les impôts (supposés forfaitaires) et les dépenses publiques ; ces trois derniers agrégats sont considérés comme exogènes. c représente la propension marginale à consommer. Les prix et les salaires sont rigides, et l’économie est en situation de chômage keynésien. 1. Dans cette économie fermée, (a) Déterminez le revenu d’équilibre. (b) Déterminez le multiplicateur de dépenses publiques. Rappelez le mécanisme économique sous-jacent. 2. L’économie voit son marché des biens s’ouvrir à l’extérieur. On considère que la fonction d’importation Z, directement exprimée en termes de biens domestiques, s’écrit : Z = zY + Z0 0<z<1 où Z0 est une constante positive. On suppose également la fonction d’exportation X = X comme exogène. (a) Que représente le paramètre z ? (b) En justifiant la démarche, déterminez le revenu d’équilibre de cette économie. (c) Déterminez le multiplicateur de dépenses publiques, ainsi que l’effet sur le solde commercial d’une augmentation des dépenses publiques ∆G > 0. 2 (d) Expliquez les différences constatées en a) et b) par rapport à la situation d’économie fermée. (e) En vous basant sur les éléments vus au premier chapitre, que pouvez-vous dire de la valeur de z en Belgique ? Aux Etats-Unis ? Commentez alors les différences entre les effets d’une relance budgétaire mise en oeuvre aux Etats-Unis et en Belgique. A.N : on suppose zB = 0.6 pour la Belgique, zEU = 0.1 et c = 0.6. 2 Politique économique dans une petite économie ouverte en changes flexibles Soit une petite économie ouverte sur le reste du monde (la France). La production agrégée de l’économie domestique est notée Y. On se place dans un cadre à prix et salaires fixes, où les entreprises sont contraintes par la demande effective. Cette économie est caractérisée par les comportements suivants : C Md P I Ms P = cY = m1 Y − m2 r = −br M R = + P P 0<c<1 m1 > 0, (1) m2 > 0 b>0 (2) (3) (4) d C représente la consommation des ménages domstiques, M est la demande d’encaisses P réelles, r est le taux d’intérêt. La dépense publique est notée G, on suppose qu’elle est financée par émission de titres ou par émission de monnaie, il n’y a pas d’impôts. L’offre s de monnaie en termes réels se note M (avec P le niveau général des prix domestiques) ; P l’offre de monnaie discrétionnaire est notée (en termes nominaux) M et R est le stock de monnaie nationale émis en contrepartie des variations de réserve de la banque centrale. La balance courante N X s’écrit : N X = z1 Y ∗ + z2 Q − z3 Y z1 > 0, z2 > 0, z3 > 0 (5) avec Q le taux de change réel défini comme le prix du panier de bien étranger en terme de bien domestique : EP ∗ Q= P ∗ où E est le taux de change nominal, et P le niveau général des prix étranger. Y ∗ est le produit étranger. L’évolution du solde de la balance des capitaux K est fonction du différentiel de rendement entre placements domestique et étranger et degré de mobilité des capitaux k ≥ 0, selon la relation (avec les notations usuelles) : K = k(r − r∗ − Ė a ) (6) 3 2.1 Pour un degré de mobilité des capitaux quelconque On se place ici dans le cas d’un degré de mobilité des capitaux fini (k prend une valeur finie). L’équilibre extérieur (ou équilibre de la balance globale) est alors donné par l’équation : NX + K = 0 (7) 1. Ecrire les conditions d’équilibre sur les différents marchés (IS), (LM) et (EE). Précisez quelles sont les variables endogènes à déterminer. 2. Utilisez l’équation (EE) pour éliminer Q de l’équation (IS). A partir de l’équation ainsi obtenue et de l’équation (LM), déterminez la valeur du produit et du taux d’intérêt YE et rE à l’équilibre global. 3. Supposons que le gouvernement mette en place une politique budgétaire expansionnsite (soit dG > 0). Déterminez les effets sur le produit et le taux d’intérêt en termes analytiques (soit dYE /dG et drE /dG. 4. Comment le degré de mobilité des capitaux influence-t-il l’efficacité de la relance budgétaire (sur le PIB) ? En particulier, quelle valeur prend le multiplicateur de dépenses publiques dYE /dG en cas de mobilité des capitaux parfaite (soit, k → ∞ ?). Appuyez votre réponse sur une démonstration analytique. Expliquez précisément les effets économiques à l’œuvre. 2.2 En cas de mobilité des capitaux parfaite On suppose maintenant que la mobilité des capitaux financiers est parfaite. L’équilibre extérieur (EE) est alors donné l’équation de parité des taux d’intérêt non couverte qui s’écrit : r = r∗ + Ė a (8) 1. Ecrire les conditions d’équilibre sur les différents marchés en changes flexibles. Précisez quelles sont les variables endogènes à déterminer. 2. Déterminez le revenu et le taux d’intérêt d’équilibre de cette économie. 3. Quel est l’effet sur le cours de la monnaie et sur le produit domestiques d’une politique budgétaire expansionniste ? Vous déterminerez l’effet en termes analytiques et vous expliquerez les mécanismes économiques à l’oeuvre à l’aide d’une représentation graphique dans le plan (Y, r). Retrouvez-vous les résultats précédents ? 4. Même question pour une politique monétaire expansionniste. 3 Politique économique dans une petite économie ouverte en changes fixes Cet exercice s’appuie sur le même cadre de modélisation que le précédent (les équations (1), (3), 2), 6, 5 et 4) s’appliquent. On suppose maintenant que l’économie est en 4 situation de changes fixes avec le reste du monde. De plus on se place dans le cas de la mobilité parfaite des capitaux. L’équilibre extérieur est donc donné par la parité des taux d’intérêt non couverte (équation (8)). L’objectif de l’exercice est de comprendre les déterminants de l’échec de la relance du plan Mauroy (Document 1) à travers la grille de lecture que constitue le modèle de Mundell-Fleming. 1. Ecrire les conditions d’équilibre sur les différents marchés (IS), (LM) et (EE) en changes fixes. Précisez quelles sont les variables endogènes à déterminer. 2. Déterminez le revenu et le taux d’intérêt à léquilibre global. 3. Quel est l’effet sur le cours de la monnaie et sur le produit domestique d’une politique budgétaire expansionniste ? Vous déterminerez l’effet en termes analytiques et vous expliquerez les mécanismes économiques à l’oeuvre à l’aide d’une représentation graphique dans le plan (Y, r). 4. Comment traduiriez-vous la politique de relance mise en place par le gouvernement Mauroy, telle que la décrit l’auteur de l’article (paragraphe 4) dans le cadre de modélisation retenu ici ? 5. Les conséquences de cette relance vous semblent-elles cohérentes avec les prédictions du modèle ? On attend une réponse détaillée et argumentée. Selon vous, quel est “l’ingrédient” manquant du cadre de modélisation retenu dans cette section ? 6. Expliquez les effets d’une politique budgétaire expansionniste si l’on retient l’hypothèse d’une mobilité des capitaux imparfaite. On ne demande pas de calculs mais une explication littéraire (tout en étant précise !). 7. L’auteur explique (paragraphe 5) que “le franc est attaqué de toute part”. (a) Proposez une façon de modéliser cela dans notre cadre d’analyse, en justifiant votre réponse. Cela peut-il expliquer que “les capitaux fuient en Suisse” ? (b) Quelles sont alors les conséquences que l’on peut attendre sur le PIB, le taux d’intérêt et la masse monétaire de la relance budgétaire compte tenu de ces attaques spéculatives ? Vous répondrez à cette question sans faire de calculs, en raisonnant pour un degré de mobilité des capitaux quelconque. Cela vous semble-t-il cohérent avec les effets observés ? 8. Quel est le phénomène économique également observé dont le modèle ne rend pas compte ? Pourquoi ? Quelles en sont les conséquences sur le taux de chnage réel ? En quoi cela peut-il expliquer que, selon l’auteur, une partie de la relance “sert à acheter des biens venus d’Allemagne ou du Japon” ? 9. Cela peut-il expliquer pour le franc a tout d’abord été dévalué trois fois (paragraphe 8) avant que le gouvernement ne renonce et mette en place une politique de rigueur ? 5 Document 1 : Le plan Mauroy, ou la relance ratée de 1981 Le Monde Economie, 18 février 2009 Depuis les travaux de Keynes, l’Etat apparaît comme un acteur à part entière dans le système économique. L’un de ses rôles consiste à relancer la machine en cas de crise. La politique du New Deal, mise en place par Franklin Roosevelt aux Etats-Unis en 1933, en est l’illustration la plus connue. Mais en France, le plan de relance initié par le gouvernement Mauroy en 1981, après la victoire de François Mitterrand aux élections présidentielles, était aussi d’inspiration keynésienne. A la fin du septennat de Valéry Giscard d’Estaing, la crise économique touche le pays de plein fouet. Après avoir vainement tenté de lutter contre l’inflation en 1974, le premier ministre, Jacques Chirac, décide de relancer l’économie en septembre 1975. Mais le gouvernement de Raymond Barre renverse la vapeur l’année d’après avec une politique de rigueur, dont le but est de lutter contre l’inflation et les déficits. C’est un échec. La valse des étiquettes ne ralentit pas. De 1974 à 1981 les prix ont doublé. La France connaît alors la stagflation : la production stagne, tandis que les prix augmentent. Le plan de relance de Pierre Mauroy repose sur un corpus à la fois idéologique et économique. Il répond tout d’abord aux attentes de l’électorat de Mitterrand, constitué majoritairement des classes populaires. Les trois quarts des ouvriers ont voté pour lui et attendent une augmentation du pouvoir d’achat ainsi qu’une réduction du chômage. Ce plan est aussi marqué par la théorie keynésienne, plaçant l’Etat au centre de la politique économique. Le gouvernement Mauroy met alors le paquet. L’Etat embauche 55 000 fonctionnaires dès le mois de juin. En juillet, le smic est relevé de 10 Mais les déficits budgétaires et commerciaux se creusent. Les prix grimpent de plus belle. Le franc est attaqué de toute part, les capitaux fuient en Suisse. Le 26 novembre 1981, le ministre des finances, Jacques Delors, demande une pause dans les réformes, Michel Rocard propose que les nationalisations prévues l’année suivante soient partielles. Ils ne sont pas entendus. Mais devant les chiffres alarmants de l’inflation - 13,4 L’erreur a été d’ignorer la contrainte extérieure. Au même moment, le libéralisme a en effet le vent en poupe. Margaret Thatcher dirige le Royaume-Uni et Ronald Reagan les Etats-Unis. Leur but est de réduire la voilure de l’Etat. Même l’Allemagne, marquée par l’épisode de l’hyperinflation de 1923, lutte contre la hausse des prix. La France ne peut se permettre de mener une politique de relance quand ses partenaires économiques se serrent la ceinture. Une partie de chaque franc donné aux Français se transforme en inflation tandis que l’autre sert à acheter des biens importés d’Allemagne ou du Japon. La politique keynésienne menée en 1981 a finalement fait le bonheur... des partenaires économiques de la France ! Après trois dévaluations successives, le gouvernement met en place une politique de rigueur en mars 1983, pour ne pas sortir du système monétaire européen. C’en est fini de la relance keynésienne. Avec le retour à la rigueur, le temps des illusions est révolu. On aura toutefois retenu de cette expérience malheureuse que la relance, pour être efficace, ne peut être que communautaire.