Les grands phénomènes géologiques Auteur : Frédéric Puech Formateur SVT ESPE de Bretagne Objectifs Ce cours en ligne vous apportera une information de base, richement illustrée, concernant « la géodynamique terrestre ». La dynamique terrestre est abordée à partir de ses manifestations les plus spectaculaires car pouvant être appréhendées à l'échelle humaine : séismes et volcanismes Ce thème permet d'introduire la notion d'aléas géologiques et de prévention des risques Ce cours sur « les grands phénomènes géologiques » est divisé en 3 chapitres : Chapitre 1 : volcans et volcanisme Chapitre 2 : localisation et origine de l'activité volcanique Chapitre 3 : séisme : origine, détection et prévention Un ensemble d’exercices accompagne chaque chapitre. Chapitre 3 – Les séismes La surface de notre planète est régulièrement frappée par des tremblements de terre aux conséquences humaines parfois dramatiques. Nous avons tous en mémoire les images du 11 mars 2011 au Japon ou plus récemment en Italie. Un séisme ou tremblement de terre se traduit en surface par des vibrations du sol. Mais qu'est ce qu'un séisme ? Quelle en est l'origine ? Comment expliquer que seules certaines régions du monde soient concernées ? Peut-on prévoir les séismes et s'en protéger ? 1 - une localisation très précise des foyers sismiques La France est secouée régulièrement de séismes, souvent de faibles amplitudes. La région Bretagne n'échappe pas à la règle : tel est le cas du séisme du 07 février 2000 de magnitude 4,5 ayant pour épicentre (point de la surface situé à la verticale du foyer sismique) BREST. Le document joint permet de localiser les séismes enregistrés depuis 2005 en France. Ces séismes sont surtout concentrés dans certaines régions de notre territoire, et plus précisément aux endroits où se trouvent de nombreuses failles (Pyrénées, Alpes, Massif Central, Massif Armoricain …) Ils semblerait qu'il existe un lien fort entre tremblement de terre et fracture de l'écorce terrestre. Pour obtenir une fracture de l'écorce terrestre, il faut exercer sur la roche des contraintes. Ces contraintes peuvent correspondre à des mouvements de compression ou d'extension. La modélisation suivante permet de visualiser les résultats obtenus sur un bloc de sable tassé : des failles apparaissent nettement sous l'action de ces contraintes. La rupture de la roche est-elle à l'origine des séismes ? Les séismes se manifestent par la propagation d'ondes sismiques dans toutes les directions de l'espace. Ces ondes sismiques peuvent être enregistrées au moyen de capteurs (sismomètre). Nous allons chercher par la modélisation à établir le lien entre la formation de failles et la présence d'un tremblement de terre. Les contraintes exercées sur le bloc de polystyrène entrainent sa rupture brutale et génèrent des vibrations qui se propagent. Donc la rupture de la roche peut être à l'origine des séismes. Dans la nature, ces contraintes d'extension et de compression sont exercées sur les roches en limite de plaques lithosphériques (mouvement de divergence ou de convergence). Il s'ensuit la formation de failles à l'origine de la formation et de la propagation d'ondes sismiques. Le lieu où se produit la rupture constitue le foyer sismique ou hypocentre. La modélisation permet ainsi d'établir le lien entre contraintes, failles et propagation d'ondes vibratoires. En accord avec les informations apportées par l'exploitation des modèles, on s'attend à trouver les principaux foyers sismiques au niveau des marges actives. Le document ci-dessous confirme cette affirmation. Mais alors... qu'est ce qu'un séisme ? 2 – une définition en quelques mots Un séisme ou tremblement de terre est provoqué par un mouvement brutal de l'écorce terrestre libérant de l'énergie au niveau du foyer. Les vibrations produites se propagent dans toutes les directions de l'espace et sont enregistrables au moyen de sismographes ou de sismomètres. L'enregistrement obtenu est un sismogramme. Sismogramme enregistré à Canberra (Australie) lors du séisme du 4 octobre 2000 Sous l'action des contraintes, la roche accumule de l'énergie jusqu'à son point de rupture. Lorsque le point de rupture est dépassé, la roche se rompt (formation d'une faille) et l'énergie accumulée est brutalement libérée sous la forme de vibrations (ondes sismiques) qui se propagent dans toutes les directions de l'espace, provoquant en surface un tremblement de terre. Le point d'origine d'un séisme est appelé hypocentre ou foyer sismique. On parle de l'épicentre du séisme pour désigner le point de la surface de la Terre qui se trouve directement à la verticale de l'hypocentre. Accumulation d'énergie Point de rupture Les séismes ne sont pas toujours le résultat de la formation de nouvelles failles mais correspondent le plus souvent au « rejeu » de failles anciennes. → exemple proposé : mouvement de cisaillement sous l'action de contraintes 1. Les deux compartiments situés de part et d'autre de la faille tendent à se déplacer l'un par rapport à l'autre 2. Des forces de frottements contrarient le mouvement. Les deux compartiments se déforment dans les limites de l'élasticité des roches qui les composent. 3. Quand les forces du déplacement sont plus importantes que les forces de frottement, il se produit une rupture. Les deux compartiments retrouvent alors brutalement leur forme initiale, ce qui se traduit par un déplacement des deux compartiments le long de la faille. Ce déplacement brutal provoque la formation d'une onde de choc qui se propage. 3. les facteurs qui modifient l'amplitude d'un séisme Selon l'endroit de la planète où l'on se trouve, on constate que le même séisme n'a pas le même impact sur l'environnement. La distance à la source modifie-t-elle l'amplitude du séisme ? En est-il de même de la nature des terrains traversés ? Les modélisations suivantes permettent de répondre aux questions posées. On constate très nettement que l'amplitude du signal diminue avec la distance : l'amplitude étant la plus importante à proximité de la source (donc à l'épicentre = projection en surface du foyer) La propagation des ondes sismiques peut-elle être modifiée par la nature du terrain ? Vérification par l'expérience L'amplitude du signal est augmentée lorsque le 2ème capteur situé à équidistance du 1er capteur est placé sur du sable humide. Donc les sols mous amplifient les effets : on parle d'effet de site. BILAN 4. les renseignements sismiques. apportés par l'étude des ondes Il existe de nombreuses stations sismiques réparties sur notre planète. Les différents enregistrements obtenus par chaque station pour un même séisme nous apporte de nombreuses informations : 4.1– Localisation de l'épicentre Les enregistrements ou sismogrammes permettent de repérer différents types d'onde en fonction de leur temps d'arrivée et de leur amplitude. On distingue : Les ondes P (= ondes primaires) → Ondes les plus rapides, capables de se propager dans un milieu solide et liquide Les ondes S (= ondes secondaires) → Ondes moins rapides ne se propageant que dans un milieu solide Les ondes L (= ondes de Love) → Moins rapides mais de plus grandes amplitudes, elles correspondent à des Sismogramme enregistré à Canberra (Australie) mouvements complexes du sol lors du séisme du 4 octobre 2000 → Ne se déplacent que dans les couches superficielles du sol L'étude de plusieurs sismogrammes obtenus sur différentes stations pour un même séisme permet de connaître la position exacte de l'épicentre → mesure du temps écoulé entre l'arrivée des ondes P et des ondes S → utilisation d'un hodographe pour reporter ce temps écoulé et déterminer la distance station-épicentre hodographe Remarque : A partir des temps d'arrivée des ondes dans différentes stations, il est possible de tracer des courbes de propagation des ondes P, S et L (= courbes hodochrones). L'ensemble de ces courbes forme un hodographe Les ondes P et S sont des ondes de volume (elles peuvent se propager à l'intérieur du globe terrestre) : On constate que leur vitesse augmente avec la profondeur (tracé courbe) ce qui révèle l'hétérogénéité des couches traversées. Les ondes L sont des ondes de surface : compte tenu qu'elles ne se propagent que dans les couches superficielles du globe (milieu homogène), leur vitesse reste constante (d'où la droite relevée) 4.2– cartographie de la structure interne du globe Les ondes P et S sont des ondes de volume donc se propagent dans toutes les directions, vers la surface et vers la profondeur. On s'attend donc à pouvoir enregistrer ces ondes dans les stations sismiques situées en tout point du globe. Or il s'avère que les ondes P ne sont pas enregistrées pour les stations situées entre 103° et 142° de part et d'autre de l'épicentre (distance épicentrale comprise entre 11665 km et 15775 km). Cette zone est appelée zone d'ombre. 103° 142° Comment sommes-nous parvenus à expliquer l'existence de cette zone d'ombre ? Et quel enseignement en tire-t-on ? A l'image des rais optiques, les ondes ou rais sismiques se réfléchissent et se réfractent lorsqu'ils rencontrent des milieux de densité et de propriétés différentes. On peut donc appliquer aux rais sismiques les lois de Décartes : La loi de DESCARTES est double. 1) Le rayon réfléchi reste dans le plan d'incidence 2) L'angle d'incidence est égal à l'angle de réflexion î= î' Considérons un rayon lumineux qui vient frapper le miroir plan (M) au point I. En I élevons la perpendiculaire IN Au miroir. Le rayon incident et la perpendiculaire définissent un plan appelé plan d'incidence. Excepté le cas où la lumière tombe perpendiculairement sur la surface, le rayon lumineux change brusquement de direction au passage du dioptre. La loi de DESCARTES est encore double : 1) Le rayon réfracté reste dans le plan d'incidence 2) les angles d'incidence et de réfraction sont liés par la relation : n1sin î1 = n2 sin î2 (n1 et n2 = indice du milieu traversé) Remarque : On appelle dioptre la surface de séparation de deux milieux transparents Les géophysiciens interprètent les zones d'ombre comme étant la conséquence de la réfraction des ondes sismiques lorsqu'elles traversent différentes couches de la Terre. La zone d'ombre est donc le résultat de la double réfraction des rais sismiques vers 2900 km : ceci a permis de mettre en évidence la discontinuité de Gutenberg séparant le manteau du noyau. L'analyse fine de la manière dont les ondes sismiques sont propagées permet de connaître la structure profonde de la Terre et d'être renseigné sur la nature des couches traversées. Ainsi l'absence de propagation des ondes S dans le noyau externe (voir document ci dessous) accompagnée d'un ralentissement de la célérité (vitesse de propagation) des ondes P montre que la discontinuité de Gutenberg marque la limite entre un milieu solide (le manteau) et un milieu liquide (le noyau externe). ondes P Une analyse précise de la propagation des ondes sismiques dans les couches les plus superficielles de notre planète a amené les géophysiciens à identifier la présence d'une partie rigide (lithosphère) reposant sur une partie plus ductile (l'asthénosphère). 5. estimation et prévention des risques sismiques On constate qu'un tremblement de terre affecte des régions de manière différente Comment peut-on estimer la puissance d'un séisme ? 5.1– mesure de l'intensité d'un séisme Afin de mesurer l'importance des séismes, les sismologues ont commencé par établir des échelles dites d'intensité macrosismique, fondées sur les observations des effets des séismes en un lieu donné en termes de destructions des installations humaines et de modifications de l'aspect du terrain, mais également en termes d'effets psychologiques sur la population (sentiment de peur, de panique, panique généralisée). La 1ère échelle d'intensité utilisée en France et dans la plupart des pays européens est celle mise au point en 1964 par Medvedev, Sponheuer et Karnik, dite échelle MSK. Les degrés d'intensité qui caractérisent le niveau de la secousse tellurique et les effets associés sont numérotés de I à XII. Cette évaluation qualitative très utile ne représente en aucun cas une mesure d’un quelconque paramètre physique des vibrations du sol. Actuellement cette échelle MSK a été remplacée en 1998 par l'échelle macrosismique européenne, sous sa forme abrégée EMS98, qui reste une échelle de mesure de l'intensité d'un tremblement de terre à partir de ses effets sur l'homme, sur les objets, sur l'environnement et sur les bâtiments. Elle comporte toujours 12 degrés et fut appliquée dès 2000. A partir de cette échelle EMS98, il a été possible de produire des cartes d'intensité sismique. Exemple : Séisme du Vendée 14 février 2003 en 5.2– mesure de la magnitude d'un séisme La magnitude d'un tremblement de terre mesure l'énergie libérée au foyer d'un séisme. Plus le séisme a libéré d'énergie, plus la magnitude est élevée. Il s'agit d'une échelle logarithmique, c'est-à-dire qu'un accroissement de magnitude de 1 correspond à une multiplication par 30 de l'énergie et par 10 de l'amplitude du mouvement. La magnitude dite de Richter se base sur la mesure de l'amplitude maximale des ondes sismiques sur un sismogramme. La magnitude est définie comme le logarithme décimal de cette valeur. En simplifiant, la magnitude définie par Richter (1935) établit le rapport entre la distance épicentre / station et l'amplitude des ondes sismiques Les médias grand public indiquent souvent la magnitude d'un séisme sur l'échelle de Richter ou sur l'échelle ouverte de Richter. Ces terminologies sont impropres : l'échelle de Richter, stricto sensu, est une échelle dépassée et cette mesure n'est fiable qu'à très courte distance (uniquement adaptée aux tremblements de terre californiens). Les magnitudes habituellement citées de nos jours sont en fait des magnitudes de moment (notées Mw). BILAN : La magnitude et l'intensité sont deux mesures différentes. L'intensité est une mesure des dommages causés par un tremblement de terre. Il existe des relations reliant l'intensité maximale ressentie et la magnitude mais elles sont très dépendantes du contexte géologique local. Ces relations servent en général à donner une magnitude aux tremblements de terre historiques. Les séismes sont des évènements imprévisibles et parfois destructeurs. L'Homme a-t-il les moyens de s'en protéger ? 5.3– Estimation de l'aléa sismique et évaluation des risques L’aléa sismique indique la probabilité d’une action sismique lors d’une période de temps donnée. Pour calculer l’aléa sismique d’une zone, il faut connaître la sismicité de la zone (distribution des séismes dans le temps et l’espace) → L'objectif est de mettre en place des mesures préventives. Cela nécessite : d'appliquer et d'adapter des normes parasismiques d'étudier l’influence des effets locaux de la zone (effet de site dû à la nature du sous-sol) Il est nécessaire de faire la distinction entre l'aléa sismique et le risque sismique. En effet le risque sismique est l'impact de l'aléa sismique sur l'activité humaine en général. Ainsi on parle d'un aléa sismique élevé pour une région ayant une activité sismique importante. Mais à un aléa sismique élevé ne correspond pas forcement un risque sismique élevé si la région est déserte et ne comporte pas de construction. En revanche même une zone ayant une sismicité modérée peut être considérée à haut risque du fait de densité de la population, de l'importance du construit ou bien de la présence d'édifices sensibles (centrales nucléaires, usines chimiques, dépôts de carburants, ...). 5.4– Protection des populations Elle passe par : l'application de normes parasismiques la préparation de la population aux gestes qui sauvent Conclusion Les tremblements de terre sont les résultats en surface de manifestations plus ou moins profondes affectant l'écorce terrestre. La rupture brutale des roches ou le déplacement rapide de 2 compartiments de la lithosphère le long de failles libère de grande quantité d'énergie à l'origine de vibrations ou d'ondes sismiques se propageant dans toutes les directions de l'espace. L'amplitude de ces ondes diminue avec la distance à la source mais peut augmenter selon la nature des roches traversées (effet de site). Les séismes étant directement associés aux mouvements des plaques lithosphériques, nous avons cartographiés avec précision les régions à risque mais nous sommes toujours dans l'incapacité de prévoir un séisme... seule une action sur les bâtis et sur la préparation des populations permet de limiter les effets dévastateurs des séismes de grande magnitude. Nous nous sommes limités à présenter les séismes tectoniques mais il existe d'autre catégories de tremblements de terre Séismes d'origine volcanique Les séismes d'origine volcanique résultent de l'accumulation de magma dans la chambre magmatique d'un volcan. Les sismographes enregistrent alors une multitude de microséismes (trémors) dus à des ruptures dans les roches comprimées ou au dégazage du magma. La remontée progressive des hypocentres (liée à la remontée du magma) est un indice prouvant que le volcan est en phase de réveil et qu'une éruption est imminente. Séismes d'origine polaire Les glaciers et la couche de glace présentent une certaine élasticité, mais les avancées différentiées et périodiques (rythme saisonnier marqué) de coulées de glace provoquent des cassures dont les ondes génèrent des tremblements de terre, enregistrés par des sismographes loin du pôle à travers le monde. Séismes d'origine artificielle Les séismes d'origine artificielle ou « séismes induits » de faible à moyenne magnitude sont dus à certaines activités humaines telles que barrages, pompages profonds, extraction minière, explosions souterraines ou nucléaires. Ils sont fréquents et bien documentés depuis les années 1960-1970. Par exemple, rien que pour la France et uniquement pour les années 1971-1976, plusieurs séismes ont été clairement attribués à des remplissages de lacs-réservoirs, à l'exploitation de gisements pétrolifères ou aux mines